Bonjour Ted,
quelques éléments de réponses qui se basent sur ma compréhension du sujet au fil de mes lectures :
A ce sujet, je n'ai toujours pas compris pourquoi certains textes disent que la renaissance dans le monde humain est hautement improbable : "autant qu'une tortue marine qui remonterait tous les 1000 ans (?) à la surface et qui passerait son cou, par hasard, à travers une bouée qui flotte sur l'océan". Alors, que d'autres textes indiquent que le carburant du désir va nous précipiter inéluctablement vers le samsara.
Sommes-nous condamnés à des renaissances non humaines ?
Tout d'abord, reprenons le passage de la tortue dans son contexte :
Bhikkhus, il y a des animaux qui se déplacent sur leurs quatre pattes et qui se nourrissent d'herbe. Ils mangent en broutant l'herbe fraiche on séchée avec leurs dents. Et quels sont-ils? Les chevaux, le bétail, les ânes, les chèvres, les cerfs et d'autres animaux similaires. Un sot qui auparavant se complaisait ici dans les saveurs et qui a réalisé ici des actions mauvaises, lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît en compagnie des animaux qui se nourrissent d'herbe.
Il y a des animaux qui se nourrissent d'excréments. Ils sentent les excréments de loin et ils y accourent, en pensant: 'On peut manger, on peut manger!' Tout comme les brahmanes accourent lorsqu'ils sentent l'odeur d'un sacrifice, en pensant: 'Nous pouvons manger ici, nous pouvons manger ici!' De même, ces animaux qui se nourrissent d'excréments sentent les excréments de loin et y accourent, en pensant: 'Nous pouvons manger ici, nous pouvons manger ici!' Et quels sont les animaux qui se nourrissent d'excréments? Ce sont les volailles, les cochons, les chiens, les chacals et d'autres animaux similaires. Un sot qui auparavant se complaisait ici dans les saveurs et qui a réalisé ici des actions mauvaises, lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît en compagnie des animaux qui se nourrissent d'excréments.
Il y a des animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'obscurité. Et quels sont les animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'obscurité? Ce sont les mites, les asticots, les vers de terre et d'autres animaux similaires. Un sot qui auparavant se complaisait ici dans les saveurs et qui a réalisé ici des actions mauvaises, lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît en compagnie des animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'obscurité.
Il y a des animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'eau. Et quels sont les animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'eau? Ce sont les poissons, les tortues, les crocodiles, et d'autres animaux similaires. Un sot qui auparavant se complaisait ici dans les saveurs et qui a réalisé ici des actions mauvaises, lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît en compagnie des animaux qui naissent, vivent et meurent dans l'eau.
Il y a des animaux qui naissent, vivent et meurent dans les immondices. Et quels sont les animaux qui naissent, vivent et meurent dans les immondices? Ce sont les animaux qui naissent, vivent et meurent dans les poissons pourris, dans les cadavres en putréfaction, dans les porridges moisis, dans les fosses d'aisance ou dans les égouts. Un sot qui auparavant se complaisait ici dans les saveurs et qui a réalisé ici des actions mauvaises, lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît en compagnie des animaux qui naissent, vivent et meurent dans les immondices.
Bhikkhus, je pourrais vous décrire le monde animal de beaucoup de manières différentes, à tel point qu'il serait difficile de finir de décrire les souffrances du monde animal.
Imaginez qu'un homme jette dans l'océan un joug comportant un seul trou, et que le vent d'est l'emmène vers l'ouest, que le vent d'ouest l'emmène vers l'est, que le vent du nord l'emmène vers le sud et que le vent du sud l'emmène vers le nord. Imaginez qu'une tortue de mer aveugle vienne à la surface une fois à chaque fin de siècle. Qu'en pensez-vous, bhikkhus? Cette tortue parviendrait-elle à passer son cou dans ce joug comportant un seul trou?
– Elle le pourrait, Bhante, à un moment ou à un autre, à la fin d'une longue période.
– Bhikkhus, je déclare que la tortue parviendrait à passer son cou dans ce joug comportant un seul trou en moins de temps qu'il n'en faudrait à un sot, une fois tombé en perdition, pour regagner l'état humain. Pourquoi cela? Parce qu'il n'y a pas de pratique du Dhamma en ces endroits, pas de pratique de ce qui est droit, pas de réalisation d'actes sains, ni d'actes méritoires. Là règnent le dévorement mutuel et le massacre des faibles.
Si, à un moment ou à un autre, à la fin d'une longue période, ce sot revient à l'état humain, il renaît dans une famille de basse extraction: dans une famille d'intouchables ou de chasseurs, de travailleurs de bambou, de réparateurs de charrettes ou d'éboueurs. Il est pauvre, il a peu à manger et à boire, il survit difficilement, il ne trouve à manger et à s'habiller qu'à grand peine. Il est laid, disgracieux et difforme, maladif, aveugle, handicapé, boiteux ou paralysé. Il n'obtient pas de nourriture, de boisson, d'habits, de véhicules, de guirlandes, de parfums ni d'onguents, de lit, de logement ni de lumière. Il se comporte mal en corps, en parole et en esprit et, ayant fait cela, lors de la dissolution du corps, après la mort, il réapparaît dans un état de privation, une destination malheureuse voire en enfer.
Bhikkhus, imaginez qu'un joueur, à son tout premier jeu infortuné, perde son fils, sa femme et tous ses biens et qu'en plus il soit lui-même emprisonné. Un tel jeu infortuné serait pourtant négligeable en comparaison au jeu infortuné d'un sot qui se comporte mal en corps, en parole et en esprit, et qui lors de la dissolution du corps, après la mort, réapparaît dans un état de privation, une destination malheureuse, voire en enfer.
Voici l'explication complète du monde dans lequel vit le sot.
http://www.buddha-vacana.org/fr/sutta/m ... mn129.html
On voit ici que la renaissance humaine n'est pas improbable pour chacun d'entre nous, mais simplement pour les sots, qui n'utilisent pas leurs actions et leurs efforts à bon escient. La renaissance humaine est globalement rare, car il y a beaucoup plus d'êtres dans les états inférieurs que dans les états supérieurs (en tous cas, c'est le cas dans notre monde visible où les animaux et les insectes sont des milliards de fois plus nombreux que nous). Mais la loi du conditionnement fait que tout dépend du contexte : il sera beaucoup plus improbable pour un animal pris au hasard de renaître humain que pour un humain quelconque. Il sera beaucoup plus improbable pour un malfrat cruel de renaître humain que pour un homme paresseux, qui passe son temps à regarder des émissions stupides. Il sera beaucoup plus improbable pour ce dernier de renaître humain que pour un homme qui passe son temps à pratiquer le dhamma... Bref, nous ne sommes pas condamnés à renaître animaux : il nous suffit de planter les bonnes graines pour récolter les meilleurs fruits (en tous cas pour optimiser nos chances).
De la même façon, on peut dire qu'il est rare de pouvoir piloter une ferrari. Mais si je te dis ça alors que tu es toi-même le fils d'un homme riche qui en possède une, tu sais bien que ce que je viens de dire s'applique à l'ensemble des hommes. Pour un homme quelconque, il y a peu de chances qu'il conduise une ferrari (il faudrait pour cela qu'il en possède une où qu'il connaisse quelqu'un qui la lui prête : ce qui est rare). Mais pour toi, bien que tu sois un homme quelconque, on a une information supplémentaire : ton père possède une ferrari. Sachant cela, on peut dire qu'il y a de bonnes chances que tu conduises une ferrari un jour.
Il y a peu de chance pour un être vivant de renaître humain. Mais il y a de bonnes chances pour que le Dalaï-Lama (qui pourtant est un être vivant), renaisse en tant qu'être humain.
D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi il y avait urgence, vu qu'on erre dans le samsara depuis des millions d'années. Mais bon...

Sur les infinités de vies que l'on a déjà passé dans le samsara, si on devait faire un camembert de nos vies en fonction des plans d'existences, on verrait qu'on a passé infiniment plus de temps dans les états inférieurs que dans les états supérieurs. C'est vrai pour tout le monde, même pour le Bouddha (et même en prenant en compte toute la partie où il a été bodhisatta, qui reste insignifiante devant le nombre de vies qu'il a passé avant cela). Quand dans ce parcours on réussit à renaître humain, et qu'on pratique la vertu, on obtient un léger repos dans les plans supérieurs, tant que cette vertu continue à être pratiquée. Mais si la sagesse n'est pas développée durant ce repos jusqu'au premier stade de l'éveil, on finit par retomber en état de perdition, et il suffit qu'en plus on ait épuisé tous nos bons kamma dans un "paradis" pour rendre la réobtention d'une naissance humaine aussi difficile que n'importe quel être vivant dans les plans inférieurs.
En conséquent, on vit des hauts et des bas, avec des hauts qui sont rares. Encore plus rares sont les renaissances humaines où en plus on a la chance d'avoir l'enseignement d'un Bouddha à disposition. L'image globale de ce parcours, c'est beaucoup de souffrance avec de rares pics de bonheur : rien d'enviable. Si on ne profite pas des rares opportunités qu'on a de sortir du samsara, tout cela sera prolongé pour une longue période, car la prochaine opportunité se présentera dans un très long moment.
Une brève analogie : imaginons que tu te sois fait capturé par des terroristes qui te font vivre un calvaire, jour et nuit 364 nuits par an. En particulier, ils te privent de sommeil, au point que ça en est un calvaire. Une fois par an, l'occasion pour toi se présente de t'enfuir parce que tes bourreaux célèbrent une fête très importante pour eux, seul moment de l'année où leur attention est relâchée. Deux choix s'offrent à toi :
1) tu profites de cette journée où ils te laissent tranquille pour enfin prendre un repos bien mérité, dormir une nuit complète
2) malgré le confort dont tu dispose dans cette journée, tu fais l'effort de ne pas t'endormir et de t'apprêter à courir de toutes tes forces pour t'échapper.
Dans cette situation, ta question reviendrait à : "pourquoi y a-t-il urgence de s'échapper aujourd'hui, alors que ça fait déjà 10 ans que je vis en captivité ?"