l'absence est-ce un dhamma pour vous ??

antodume

Je voudrais compléter ce que j'ai affirmé plus haut à propos de la réalisation de la vacuité. En effet, le fait de dire qu'on est capable de toucher expérimentalement un objet à 1 km peut heurter le bon sens et l'exemple peut s'avérer, de fait, contre productif. Je voulais dire ceci : supposez que vous êtes assis tranquillement sur votre coussin de méditation, le regard tourné vers votre propre esprit. A ce moment-là, vous êtes bien là, sur ce coussin, et le monde qui vous entoure ne perturbe pas votre introspection. Quand vous réalisez la vacuité, que se passe-t-il ? Votre propre esprit, celui que vous observiez, s'effondre tout à coup. Il disparaît. Mais vous ne sombrez pas dans le néant, dans le blackout. Vous réalisez qu'il n'existe plus de frontière, plus de limite entre vous et le monde qui vous entoure. La vacuité, c'est la disparition des limites, des frontières. Et alors, bien que vous soyez assis sur votre coussin, il est impossible pour quiconque de dire où vous êtes. Personne ne peut savoir où vous êtes et pourtant, il n'existe aucun endroit dans l'univers de tous les temps où vous ne soyez pas. Comme votre conscience n'a pas disparu (vous n'êtes pas dans le coma, ni mort), vous voyez toute chose et touchez toute chose comme si elle était à portée de main. Ce n'est pas un prodige ni un super pouvoir. C'est l'esprit de Bouddha omniscient. Et quand votre propre esprit disparait, c'est le monde tel qu'il est qui se déploie devant vous, à porté de main. Ce monde est certes phénoménal, mais il est n'est pas réifié. N'étant pas réifié, il est vide de chose. En fait, réaliser la vacuité, ce n'est pas voir qu'un phénomène a disparu dans la vacuité. C'est voir qu'un phénomène est vide de sa chose, de sa représentation dans la conscience ou dans le mental. De fait, peut-on appeler phénomène une chose vidée de sa choséité ? Dans mon lexique, un phénomène est une chose qui se manifeste à la conscience. Mais sa manifestation produit la chose du phénomène. Ce n'est pas le phénomène tel qu'il est en lui-même. Alors, moi, si c'est juste une question de lexique et que vous préfériez appeler "phénomène" une chose privée de sa choséité, ça ne me dérange pas. L'essentiel est bien d'en faire l'expérience. Un char n'existe qu'en dépendance des différents composants qui le constituent. Il n'existe pas hors cela. Quand on réalise la vacuité, le char n'a pas disparu, mais ce n'est plus un char. Et ce n'est pas non plus autre chose qu'un char, vu sous l'angle strict de son usage.
Aldous

Subarys a écrit :
Aldous a écrit :
Subarys a écrit :Comment en donner une cause ou un début à la vacuité ?
Bonjour,
question: donc la vacuité si elle n'a ni début ni fin existe en soi ?cordialement
Non
Bonjour,

ce qui n'existe pas en soi veut dire qui existe en dépendance, or si la vacuité n'existe pas en soi selon vous, en dépendance de quoi existe-t-elle?

Cordialement,
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michel_paix
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ce qui n'existe pas en soi veut dire qui existe en dépendance, or si la vacuité n'existe pas en soi selon vous, en dépendance de quoi existe-t-elle?
C'est une très bonne question... La vacuité est la réalité ultime des phénomènes, donc la vacuité dépend des phénomènes pour exister et les phénomènes dépendent de la vacuité pour exister. Ce qui a pour résultat que les phénomènes ne peuvent pas exister par eux-même, ni la vacuité, ce qui reviens a dire qu'il n'ont pas d'existe en soi... L'un dépend de l'autre pour exister, mais aucun d'eux n'a de réalité en soi... Ce qui signifie que la réalité ultime dépend du conventionnelle et le conventionnelle dépend de l'ultime réalité pour que tout les deux existent en une même réalité cohérente. A ce que j'ai compris quand le monde phénoménale commence à cesser, l'on commence a entrer dans des jhanas d'absorption très profonde....

Donc la vacuité peux exister sans le monde phénoménale du manifester, alors si la vacuité ne dépend plus du monde phénoménale du manifester pour exister, la vacuité est en dépendance avec quoi ??

Mon discour est incohérent... Ce qui veux dire qu'il y a quelque chose qui m'échappe... :)

<<metta>>
:)
Aldous

michel_paix a écrit :
ce qui n'existe pas en soi veut dire qui existe en dépendance, or si la vacuité n'existe pas en soi selon vous, en dépendance de quoi existe-t-elle?
C'est une très bonne question... La vacuité est la réalité ultime des phénomènes, donc la vacuité dépend des phénomènes pour exister et les phénomènes dépendent de la vacuité pour exister.
Non la vacuité ne dépend pas des phénomènes pour exister, elle est les phénomènes.
Non les phénomènes ne dépendent pas de la vacuité pour exister, ils sont vacuité.

Ce sont les phénomènes composés qui dépendent l'un de l'autre, c'est l'interdépendance qui est une autre désignation de la vacuité.
michel_paix a écrit : Ce qui a pour résultat que les phénomènes ne peuvent pas exister par eux-même, ni la vacuité, ce qui reviens a dire qu'il n'ont pas d'existe en soi... L'un dépend de l'autre pour exister, mais aucun d'eux n'a de réalité en soi...
Les phénomènes nexistent pas par eux-mêmes, ils existent en dépendance l'un lautre effectivement. Mais la vacuité c'est cette existence des phénomènes en dépendance et non elle qui est en dépendance des phénomènes.
michel_paix a écrit :Ce qui signifie que la réalité ultime dépend du conventionnelle et le conventionnelle dépend de l'ultime réalité pour que tout les deux existent en une même réalité cohérente.
Mais cette même réalité cohérente dépend de quoi?
Dernière modification par Aldous le 13 avril 2012, 14:48, modifié 2 fois.
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Dharmadhatu
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Michel a écrit :La vacuité est la réalité ultime des phénomènes, donc la vacuité dépend des phénomènes pour exister et les phénomènes dépendent de la vacuité pour exister. Ce qui a pour résultat que les phénomènes ne peuvent pas exister par eux-même, ni la vacuité, ce qui reviens a dire qu'il n'ont pas d'existe en soi... L'un dépend de l'autre pour exister, mais aucun d'eux n'a de réalité en soi... Ce qui signifie que la réalité ultime dépend du conventionnelle et le conventionnelle dépend de l'ultime réalité pour que tout les deux existent en une même réalité cohérente.
jap_8 Oui, pour la Voie médiane, c'est exactement ça.

La vacuité est la nature des phénomènes, comme l'humidité est la nature de l'eau: sans eau, pas d'humidité. Sans phénomènes, pas de vacuité. Sans formes, pas de vacuité; sans vacuité pas de formes.

Et en même temps le Hridaya Sutra dit: Dans la vacuité il n'y a pas de formes.
śūnyatāyāṃ na rūpaṃ
Ce qui montre que la vacuité est bien la nature des phénomènes mais qu'elle n'est pas eux, sinon le Sutra aurait: Dans la vacuité, il y a les formes.

Pour corroborer ce que tu dis, je vais citer un ouvrage qui décrit les incohérences des points de vue selon lesquels les deux vérités seraient 1) identiques et 2) séparées.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Michel a écrit :Mon discour est incohérent... Ce qui veux dire qu'il y a quelque chose qui m'échappe... :)
:D A mon sens, cette phrase : "la réalité ultime dépend du conventionnelle et le conventionnelle dépend de l'ultime réalité" est une hérésie et vient en contradiction avec celle-là "Donc la vacuité peux exister sans le monde phénoménale du manifester" qui est correcte.
Aldous

Dharmadhatu a écrit : Et en même temps le Hridaya Sutra dit: Dans la vacuité il n'y a pas de formes.
śūnyatāyāṃ na rūpaṃ
Ce qui montre que la vacuité est bien la nature des phénomènes mais qu'elle n'est pas eux, sinon le Sutra aurait: Dans la vacuité, il y a les formes.
les formes ne sont pas différentes du vide, le vide n’est pas différent des formes, les formes sont le vide, le vide est les formes

http://www.zen-occidental.net/sutras/shingyo.html
Subarys

michel_paix a écrit :
ce qui n'existe pas en soi veut dire qui existe en dépendance, or si la vacuité n'existe pas en soi selon vous, en dépendance de quoi existe-t-elle?
C'est une très bonne question... La vacuité est la réalité ultime des phénomènes, donc la vacuité dépend des phénomènes pour exister et les phénomènes dépendent de la vacuité pour exister. Ce qui a pour résultat que les phénomènes ne peuvent pas exister par eux-même, ni la vacuité, ce qui reviens a dire qu'il n'ont pas d'existe en soi... L'un dépend de l'autre pour exister, mais aucun d'eux n'a de réalité en soi... Ce qui signifie que la réalité ultime dépend du conventionnelle et le conventionnelle dépend de l'ultime réalité pour que tout les deux existent en une même réalité cohérente. A ce que j'ai compris quand le monde phénoménale commence à cesser, l'on commence a entrer dans des jhanas d'absorption très profonde....

Donc la vacuité peux exister sans le monde phénoménale du manifester, alors si la vacuité ne dépend plus du monde phénoménale du manifester pour exister, la vacuité est en dépendance avec quoi ??

Mon discour est incohérent... Ce qui veux dire qu'il y a quelque chose qui m'échappe... :)

<<metta>>
Bonjour anjalimetta


Je pense que le tour de la question (pour moi) a été fait donc inutile de revenir sur les messages d'Antodume. A partir du moment ou la "nature" de la Vacuité change de page (page 3 non phénoménal) en page (page 5 phénoménal réifié) difficile de dire quoi que ce soit. Mettons cela sur un problème lexical. Heureusement le Bouddha nous a laissé une magnifique carte de la route qu'on appelle "Dhamma" et qui est magnifquement représenté dans les sutta entre autre. Mais comme l'a très justement rappelé Antodume la lampe (expérience méditative) est aussi primordiale.

Michel ce que tu dit est très juste jusqu'au jhana. En quoi expérimenter un jhana se ferait en dehors des phénomènes. Lorsque le nimita survient le conscience affinée se prend pour objet c'est la plongé dans le nimitta love2 et le début du premier jhana. A ce niveau là seul les 5 sens sont "fermé" mais le sixième e mental est plus rayonnant que jamais. Lors d'un jhana sati (une qualté du mental d'attention) prend pour objet piti sukha (plaisir) et c'est un phénomène bien entendu ! subtil pure mais un phénomène quand même. Le seul niveau méditatif où les phéomènes cessent c'est à partir de la sphére (arupa) immatérielle nothingness (difficle à traduire). A ce niveau la perception ne trouvant plus d'objet connaissable commence a cessé. "Cela cessant, cela cesse...". La fin de la perception totale et la cessation de la conscience est atteinte dans le nirodha samapati la plus haute réalisation. Tout ceci est un peu compliqué à expliquer tout de même. Mais le voyage en vaut la peine.

En jhana seul les 5 sens phénoménal ont cessés, le plus pur le sixième sens mental (citta) est toujours actif.

Ce qui montre que la vacuité est bien la nature des phénomènes mais qu'elle n'est pas eux, sinon le Sutra aurait: Dans la vacuité, il y a les formes.


Merci de cette précision Dharmadathu vraiment importante. Lorsque j'ai dit plus haut que la vacuité est les phénomènes : c'était principalement pour ne pas imaginer une vacuité qui créerait des phénomènes qui n'ont rien avoir avec elle et dont elle pourrait alors (en) être séparées. Ton intervention met un peu plus de clarté. :D

FleurDeLotus jap_8 FleurDeLotus

Dernière modification par Subarys le 13 avril 2012, 14:56, modifié 1 fois.
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Dharmadhatu
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Subarys a écrit :Merci de cette précision Dharmadathu vraiment importante. Lorsque j'ai dit plus haut que la vacuité est les phénomènes : c'était principalement pour ne pas imaginer une vacuité qui créerait des phénomènes qui n'ont rien avoir avec elle et dont elle pourrait alors (en) être séparées. Ton intervention met un peu plus de clarté.
Oui, je pense aussi qu'Avalokiteshvara, avec l'assentiment du Bouddha dit que la forme est vide pour ne pas induire l'auditoire dans l'erreur de croire que la vacuité serait un absolu. Elle est vérité ultime mais n'a aucune existence ultime, sauf pour certains pratiquants adhérant au Chittamatra ou au Shèntong noir.

jap_8 Voici qui résout admirablement l'énigme de la relation qu'entretiennent les deux vérités:

"About the relationship of the two truths Jam-yang-shay-pa's Great Exposition of Tenets (Hopkins, Maps of the Profound, 901-902) says:

Therefore, the two truths are one entity and different isolates, like product and impermanent phenomenon. If the two truths are different without even a sameness of entity there are four fallacies:

- It [absurdly] follows that the absence of true existence of form must not be the final mode of subsistence of form.
- It [absurdly] follows that realization of the absence of true existence of form must not suppress with its power the apprehension of [truly existent] signs of form.
- It [absurdly] follows that yogis' meditation of high paths is senseless.
- It [absurdly] follows that even a Buddha has not abandoned all the bonds of apprehending [truly existent] signs and defilements of assumption of bad states.

and so forth... If the two truths are one such that not even their isolates are individually differentialble:

- It [absurdly] follows that just as mistaken abscurational truths, [polluted] actions, and afflictive emotions are abandoned, so even the ultimate, the noumenon of those phenomena, is abandoned.
- It [absurdly] follows that like obscurational truths, the ultimate has dissimilar, different aspects.
- It [absurdly] follows that just as obscurational truths are defiled, so even the ultimate would be suitable to be tainted with defilements.
- It [absurdly] follows that even common beings are able to apprehend ultimates manifestly.

and so forth... Therefore, although the two truths are undifferentiable in entity as empty of true existence, they are established as different from the viewpoints of their respective isolates that are their bases of dependance."


Tsongkhapa's Final Exposition of Wisdom (Jeffrey Hopkins, Snow Lion).

Cette expression tibétaine: ngowo tchik la dogpa thadé (une entité avec des isolés différents) est remarquable car elle évite bien des inconsistances concernant la nature de dépendance entre certains phénomènes comme ici les deux vérités.

Un isolé est l'identité d'un phénomène. Par exemple, l'isolé de "produit" est l'opposé de ce qui n'est pas produit. On voit que ce n'est pas la même chose qu'impermanent dont l'isolé est l'opposé de ce qui n'est pas impermanent.

Produit et impermanent ne sont pas tout a fait la même chose car ils ont des définitions différentes, mais ils participent d'une même entité. Ce qui est produit est forcément impermanent et vice versa.

De la même façon, les deux vérités, l'interdépendance et la vacuité ne sont pas identiques (car l'une est une affirmation et l'autre une négation), mais sont synonymes (comme le dit Nagarjuna dans Mmk, XXIV).

Vraiment excellent ! Tellement important qu'il mérite d'être traduit en français et mis en exergue.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Aldous

Il y a les deux faces (réalité absolue et réalité relative) de la même médaille mais la médaille existe en dépendance de quoi?
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