au sujet du karma...

silence

Bonsoir,

Je vous soumet une petite réflexion sur la difficulté d'approche de la notion de Karma, non pas pour que nous discutions ici du karma lui même, mais bien de cette difficulté d'approche, liée à l'absence d'un bon gradient dans cette approche, un désir malheureux de vouloir trop tôt aborder les questions les plus complexes de ce sujet, au lieu de se contenter de bien assimiler le fondamental. Je suis curieux (c'est pas bien ça !) de connaître votre avis.

Le karma

Le sujet du karma est souvent perçu comme une zone de confusion. On y met beaucoup de données glanées de ci de là, en s’éloignant bien souvent de la donnée primordiale du sujet : l’enchaînement des causes et des effets. Derrière ces confusions se cachent en fait une erreur méthodologique dans l’approche du thème : on aborde le karma par les questions compliquées au lieu de se contenter de suivre les gradients ci-dessous :

1- se contenter de bien comprendre la réalité de l’enchaînement des causes et des effets dans la vie de tous les jours. Ne pas chercher à se stade à discourir des théories sur le karma comme récompense ou punition, ou du karma en tant que conséquences dans une vie future. Rester pour ce premier gradient au stade de la simplicité de la vie quotidienne et comprendre comment fonctionne cet enchaînement. Pour cela l’on peut se contenter d’exemples simples.

Exemple 1 : vous installez des plants de tomates dans votre jardin. L’enchaînement prévisible de ce karma est que dans quelques semaines vous allez voir vos tomates rougir de plaisir à votre approche, que vous les cueillerez, et que sans aucun remords vous les consommerez ; ça c’est la route tracée, une cause va entraîner ces différentes conséquences. Maintenant imaginez que 3 semaines après les avoir planté vous décidez de déménager et mettez à exécution votre décision. Que se passe t’il ? Le jardin existe toujours, les tomates sont toujours là, seule votre présence fait défaut. Vous êtes ailleurs. Votre successeur va profiter de vos plantations. Il « hérite » de la ligne tracée : plantation - pousse – récolte - consommation. Il prend en marche une ligne de karma que vous avez amorcée, pendant que vous vous allez peut-être profiter des plantations de pommes faites par une autre personne dans votre nouvelle maison. Vous avez pris une décision, et fait bouger les lignes.

Il faut ici s’habituer à voir que la décision de déménager à créer des conséquences qui font bifurquer la ligne initiale, pour vous, et pour votre successeur.

Exemple 2 : Vous allez passer le bac de philo. Vous révisez un sujet, par exemple « de l’importance du confit dans la confection du cassoulet ». Le jour de l’examen arrive et vous vous apprêtez à décacheter l’enveloppe et découvrir le sujet de l’épreuve, et le sujet est…Peu importe ce qu’il est, chacun perçoit aisément que l’enchaînement des conséquences à cet instant sera différent selon que votre révision a été ceci ou cela, selon que les professeurs plusieurs mois auparavant ont rédigé tel ou tel sujet, selon que ce sujet a été tiré au sort ou pas. Toutes ces collisions de décisions formeront votre journée d’examen, et peut-être votre futur en dépendra.

Et rapporter à la journée ce sont des centaines, des milliers de petits exemples de la sorte qui constituent des carrefours de décisions ou de non décisions qui engendreront aussitôt des futurs différents, des lignes de demains différents. Il n’y a pas à ce stade de notions de récompense ou de punition. Il faut juste se laisser bercer par la compréhension du mécanisme : une cause va engendrer des milliers d’effets aujourd’hui, demain et dans le futur.

Il n’y a pas là de fatalité, de destin, contrairement à des idées souvent rencontrées. Vous prenez des décisions et faites bouger les lignes de futurs. Et vous observez ! Surtout vous observez.

Une partie du « travail » bouddhiste va être de faire mûrir cette compréhension du mécanisme de l’enchaînement des causes et des effets au quotidien jusqu’à ce qu’il soit parfaitement intégré. C’est une observation prodigieuse du foisonnement quotidien de causes qui se créent sous vos yeux, de conséquences que vous devinez déjà ou qui seront bientôt modifiées par de nouvelles décisions. C’est une méditation.

2- Le sujet se complique ensuite avec l’approche dualiste bien / mal, récompense / punition. Ce qui nous arrive est-il la récompense des bonnes actions semées auparavant ou la punition des mauvaises actions. Et l’une des difficultés réside dans la source de la récompense / punition : qui décide ? Comment fonctionne le mécanisme ?

3- Le sujet se complique encore en franchissant la distance du temps et en faisant se prolonger les lignées de causes et des conséquences après la mort dans une nouvelle vie. Quelle est « l’entité » qui « récupère » le fardeau après la mort, et pourquoi ?

Ces points 2 et 3 s’ils sont abordés trop tôt, (et c’est souvent le cas) c'est-à-dire avant que la première approche basique sur les enchaînements de causes et d’effets au quotidien soit parfaitement assimilée et digérée, créent la confusion. C’est vraiment une question de gradient dans l’apprentissage, dans la découverte, dans la compréhension. Au demeurant ces questions sous jacentes aux points 2 et 3 étaient pour Gautama rangées dans le catalogue des sujets qui n’étaient pas forcément nécessaires à la progression spirituelle.

Dès lors la question se pose dans l’approche éducative des courants religieux, bouddhisme, JK, etc…de la réponse à faire à des interrogations de nouveaux venus, sur le sens du terme Karma, (et d’ailleurs sans doute pas seulement aux seules questions de nouveaux). Il y a une nécessité de recentrer l’attention de la personne sur le fondamental que constitue l’enchaînement des causes et des effets au quotidien, jusqu’à ce que la personne elle-même par son travail trouve ses réponses. Il y a une nécessité à revenir au simple, l’étude et le travail sur « le simple » pouvant durer des années avant qu’il ne soit possible d’aborder les questions 2 et 3, qui je le répète ne sont pas indispensables.
ted

La loi du Karma est un sous-ensemble de la loi de causalité. Mais toute causalité n'est pas Karma. Encore faut-il qu'il y ait apparition, au final, d'une sensation agréable/désagréable/ou neutre chez un individu.

1) L'exemple 1 n'est pas, à mon avis, lié au Karma, mais simplement un enchainement de causes à effets. Dans l'exemple 2 non plus, on n'évoque pas ce que ressent l'individu. :oops:

2) Dans l'approche dualiste bien/mal, tel que présentée ici, on sous-entend, je suppose, que ce qui sera perçu comme "mauvais" sera lié à des sensations désagréables et que ce qui sera perçu comme "bon" sera lié a des sensations agréables ?

Une piste pour étudier le truc : je crois que sans une mise en relation avec les "sensations" ressenties (agréables/désagréables/neutres), on ne peut pas trop cerner le Karma.
Sourire

L'exemple 1 me fait penser à une chanson... Situation un peu idiote : on plante des pensées, il pousse des tomates.
Oui, je sais, c'est stupide... En admettant que ça arrive, il y a sûrement une explication (comme un paquet de graines mal étiqueté)

L'exemple 2 me perd un peu en route... Faut dire que je viens de m'user les neurones (presque) toute la journée à chasser des pixels parasites avec photofiltre...
Mon exemple à moi, en général, c'est le "karma des chaussettes" = si je ne les range pas ensemble par paires, tôt ou tard je ne trouverai pas de chaussettes pour mes deux pieds. Evidemment, si il y en a une de trouée, ça vient compliquer le rangement.
Kaïkan
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Le Karma est beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine ou croit le comprendre quand on le réduit au résultat de la relation cause et effet de ses propres actions au cours d'une journée.
Certaines actions vont avoir des conséquences des dizaines d'années après avoir été accomplies, certaines conséquences karmiques peuvent continuer longtemps après notre mort.

Il y a aussi des karmas collectifs, culturels, familiaux. Des karmas météorologiques, planétaires ou même cosmiques...

Il faut prendre en considération tous les karmas, et donc résoudre tous leurs effets, particulièrement leurs conséquences négatives.


On peut distinguer deux sortes principales de karmas:

a) Les karmas acquis.

Tous les être, à leur naissance, peuvent être considérés comme une page blanche qui se rempli progressivement au fur et à mesure de ce qui est appris par l'éducation, les expériences, les rencontres etc... (Behaviourisme et ses dérives).

b) Les karmas transmis, (héréditaires).

Tous les êtres, à leur naissance, ne surgissent pas les mains vides, mais portent les lourdes valises de l'hérédité dans leurs gènes... (Eugénisme et ses dérives).

Agir sur les karmas:

Tous les karmas s'entrecroisent et s'enchevêtrent dans un tel imbroglio que, si nous désirons résoudre ce problème, (se libérer de l'emprise de tous les karmas) nous serons tentés, comme pour le nœud Gordien, d'employer la méthode du glaive.

C'est justement ce que propose le Soto-zen: le Satori immédiat par l'assise juste en abandonnant tout attachement par la concentration sur la posture, la respiration lente et l'esprit au-delà des pensées.


«Il n'y a ni identité ni différence, ni asservissement ni libération. Maintenant vous savez que tous les êtres sensibles sont originellement de parfaits Éveillés; que samsara et nirvana sont comme le rêve de la nuit dernière. Nobles fils, puisqu'ils sont comme les rêves de la nuit dernière, vous devriez savoir que samsara et nirvana n'ont ni avènement ni cessation. ni allée ni venue. Dans cette réalisation il n'y a ni gain ni perte, ni adoption ni rejet. Dans celui qui réalise il n'y a pas "s'efforcer", "laisser-aller", "arrêter les pensées" ou "éliminer les passions". Dans cette réalisation il n'y a ni sujet ni objet, et ultimement ni Réalisation ni Réalisé. La nature [ultime] de tous les phénomènes est égale et indestructible.»
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michel_paix
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Vous compliquez tellement l'idée simple que j'en est compris.

Le karma est ce qui fabrique l'idée de nous-même. Donc dès qu'il y a une intention de protèger, de remonter, de rabaisser, de confirmer, de perpétuer, etc. ... l'idée de nous-mêmes est karmique.

Voici une nuance que j'en est compris: S'il fait froid, couvrir le corps n'est pas karmique. Trouver que le froid nous est désagréable et que nous désirons nous couvrir du froid est karmique. Il y a karma car il y a une intention d'agir par rapport a un "soi". Ou bien encore il y a une intention d'agir et l'identification a l'acte.

Dans ce sens, si nous méditons en observant notre respiration, si nous sommes convaincu "même inconsciament" que c'est un "moi" qui respire, cette méditation est en lui-même un générateur "karmique". C'est ce qui cause justement la conséquance d'une idée de réussite ou une idée d'echec face a la méditation, car il y a l'intention d'agir "méditer" et l'identification "je" respire, "je" suis calme, "je" suis bien, "j'ai" telle ou telle réalisation, au final "j'ai" bien médité.

Le karma est ce qui génère l'idée de nous-mêmes. Un acte non-karmique, est dans la respiration, il n'y a que la respiration, dans le calme, il n'y a que le calme, etc. ... sans sur-ajouté a l'expérience, la trace d'un "moi".

<<metta>>
:)
Kaïkan
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Bonjour michel_paix,

Si tu veux une formulation simple du karma : toute action (du corps ou de l'esprit) engendre une conséquence.
Donc nous produisons du karma continuellement. (Pas de quoi s'inquiéter outre mesure, ou de perdre l'appétit... :lol: )
-- Kaïkan --
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Cathrine

Je ne sais plus qui a posé la question: " quelle est l'entité qui reçoit le fardeau après la mort de l'individu?". ................
ça me pose vraiment problème.
ted

Cathrine a écrit :Je ne sais plus qui a posé la question: " quelle est l'entité qui reçoit le fardeau après la mort de l'individu?". ................
ça me pose vraiment problème.
D'après le bouddhisme, c'est un continuum de conscience, non-né, qui se propage indéfiniment.
Ce continuum de conscience est "vide-de-soi". Il n'a pas d'existence propre (anatta). Il n'est pas lié à une personnalité. De même que la flamme d'une bougie qui s'éteint et qui allume une nouvelle bougie, n'est pas liée à l'ancienne bougie, tout en en provenant.

Si ce continuum est vide de soi, avant la mort, il est aussi vide de soi après la mort.
Ce continuum de conscience change d'instant en instant. On peut dire qu'il meurt et renait plusieurs milliers de fois par seconde.
La mort grossière ne le freine pas dans son élan. Simplement les 5 agrégats dont il est constitué vont être remplacés par d'autres.
Il traverse des Etats Intermédiaires, appelés bardos (aucun rapport avec la chanteuse).
Le sommeil est l'un de ces bardos, la méditation en est un autre, la mort en comprend 2 ou 3.

Il y a quelque chose d'étrange : bien que ce continuum de conscience puisse prendre conscience des 5 agrégats qui le constitue (forme, sensations, perceptions, consciences, formations mentales) AUCUN de ces 5 agrégats n'EST ce continuum de conscience. Y compris les consciences qui, en tant qu'agrégat, le composent. Les consciences peuvent s'en aller et disparaitre. Puis revenir... En effet, on peut perdre conscience, sombrer dans le coma, revenir à soi, etc...

On ne peut pas définir ce qu'est exactement ce continuum de conscience. Il est non-né. Il n'est pas produit. Ni créé. On dit qu'il a la nature de Bouddha. Ce n'est pas une âme. Qu'est ce que c'est ? C'est toi. C'est moi. C'est nous. C'est ta vraie nature. Nous devons essayer d'en prendre conscience, comme un bébé découvre son corps. Mais comme on ne peut le trouver nulle part, puisque tout ce que nous pouvons observer fait partie des 5 agrégats, on ne trouve cette vraie nature qu'en étant nous-mêmes. Concrètement, c'est parait-il, faisable.

Quand ce continuum de conscience comprend ce qu'il est vraiment et se voit tel qu'il est, il cesse de produire du karma. Mais là, je ne m'avancerai pas trop parce qu'il y a des spécialistes qui rodent dans le coin... :)
Kaïkan
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Cathrine a écrit :Je ne sais plus qui a posé la question: " quelle est l'entité qui reçoit le fardeau après la mort de l'individu?". ................
ça me pose vraiment problème.
Bonsoir Cathrine,
Pour être concret, lorsqu'une personne décède son karma continue quand même et c'est facile à comprendre. Les décisions que le défunt a pris au sujet de ses biens et de la façon dont ils doivent être répartis entre les héritiers, c'est déjà générateur de karma.
Mais il y a aussi la façon dont les enfants auront été éduqués qui génère une continuation du karma.
Une personne ayant des responsabilités politiques prend des décisions qui peuvent engendrer des karmas bons ou mauvais parfois sur des siècles.
Les répercussions du karma de certains grands hommes sont supportés par la société...
Les créateurs de religion (en tout cas certains) ont créés des karmas pour des millénaires .
Il est donc difficile de répondre exactement de façon concrète à ta question si ce n'est en soulignant que le karma d'un individu perdure après sa mort et que parfois toute la société en reçoit le fardeau... :)
-- Kaïkan --
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ted

Kaïkan a écrit :Il est donc difficile de répondre exactement de façon concrète à ta question si ce n'est en soulignant que le karma d'un individu perdure après sa mort et que parfois toute la société en reçoit le fardeau... :)
Le Karma est quelque chose de personnel...
C'est quoi ce Karma revisité à la sauce de la responsabilité sociétale ? Connaissais pas... C'est quoi tes sources Kaïkan ? :roll:

Voilà ce qu'en dit le Bouddha :
"Les êtres vivants sont propriétaires de leurs kammas (actions), héritiers de leurs kammas, nés de leurs kammas, ont leur kamma pour parents, et ont leurs kammas pour recours."

(Cula-kammavibhanga Sutta - 135 - Majjhima Nikaya)
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