La marche à la lumière

kay

SHÂNTIDEVA

Puissé-je être pour tous les êtres celui qui calme la douleur !
Puissé-je être pour les malades le remède, le médecin, l'infirmier, jusqu'à la disparition de la maladie !
Puissé-je calmer par des pluies de nourriture et de breuvages le supplice de la faim et de la soif, et pendant les famines... devenir moi-même breuvage et nourriture !
Puissé-je être pour les pauvres un trésor inépuisable, être prêt à leur rendre tous les services qu'ils désirent !
Toutes mes incarnations à venir, tous mes biens, tout mon mérite passé, présent, futur, je l'abandonne sans problème pour que le but de tous les êtres soit atteint.
Le nirvâna, c'est l'abandon de tout ; et mon âme aspire au nirvâna. Puisque je dois tout abandonner, le mieux est de le donner...

Que je ne sois pour personne l'occasion d'aucun dommage ! Si leur cœur est irrité et malveillant à mon sujet, que cela même serve à réaliser les fins de tous ! Que ceux qui me calomnient, me nuisent, me raillent, ainsi que tous les autres, obtiennent l'éveil.
Puissé-je être le protecteur des abandonnés, le guide de ceux qui cheminent, et, pour ceux qui désirent l'autre rive, être la barque, la chaussée, le pont ; être la lampe de ceux qui ont besoin de lampe, le lit de ceux qui ont besoin de lit, le serviteur de ceux qui ont besoin de serviteur ; être la Pierre de miracle, l'Urne d'abondance, la Formule magique, la Plante qui guérit, l'Arbre qui réalise les souhaits, la Génisse qui exauce les désirs !
De même que la terre et les autres éléments servent aux multiples usages des être innombrables répandus dans l'espace infini, ainsi puissé-je être de toutes façons utile aux êtres qui occupent l'espace, aussi longtemps que tous ne seront pas délivrés !

... Comme un aveugle qui trouve une perle dans un tas d'ordures, ainsi s'est levée en moi, je ne sais comment, cette clarté de l'éveil.
C'est un élixir né pour abolir la mort du monde, un trésor inépuisable pour éliminer la misère du monde un remède incomparable pour guérir les maladies du monde, un arbre pour délasser le monde fatigué d'errer dans les chemins de la vie, un pont ouvert à tout-venant pour le conduire hors des voies douloureuses, une lune spirituelle levée pour apaiser la brûlure des passions, un grand soleil pour dissiper les ténèbres de l'ignorance, un beurre nouveau, venant du lait baratté de la bonne Loi.
Pour la caravane humaine qui suit la route de la vie, affamée de bonheur, voici préparé le banquet de la joie, où tous les arrivants pourront se rassasier.
Aujourd'hui, en présence de tous les saints, je convie le monde à l'état de Bouddha, et, en attendant, au bonheur..."

La Marche à la lumière, III, 6, 21, trad. Louis Finot. (Les Deux Océans - 1987).



L'HOMME ET L'ŒUVRE

Shântideva vécut en Inde au début du VIIIème siècle. Disciple lointain de Nâgârjuna, il a laissé deux œuvres importantes : "la Descente dans la carrière de l'éveil" (Bodhicaryâvatâra), un traité en vers décrivant la voie des bodhisattva, et "l'Accumulation des préceptes" (Siksâsamuccaya) qui donne des règles morales à l'usage des bodhisattva. Nous possédons de ces textes des versions en sanscrit, chinois et tibétain.
Shântideva est le chantre de la compassion bouddhique et le dernier grand mystique du Mahâyâna indien qui disparut de l'Inde au VIIIème siècle et céda la place à des penseurs brahmanes influencés par lui, entre autres Shankara.

- Vivre en héros pour l'éveil (Seuil - 1993) coll. Points Sagesse.
- La marche vers l'éveil (Padmakava - 1997)


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