1) quand il est question de pacifier l'esprit, s'agit-il de le pacifier par rapport aux pensées ou bien par rapport aux kilesa ?
Il n'est pas question de pacifier quoi que ce soit. Vipassana, c'est observer tout ce qui se manifeste dans le corps et l'esprit, sans réagir par le désir ou l'aversion. On va réaliser, peu à peu, de manière de plus en plus profonde, que ces choses sont impermanentes, incontrôlables (ou dépourvues d'un "soi"), et, par voie de conséquence, profondément insatisfaisante.
Pacifier l'esprit se fait exclusivement par une méditation de type Samatha. Traditionnellement, on pratiquait Samatha avant Vipassana pour construire la concentration. Actuellement, cela se fait toujours, mais d'autres écoles pratiquent Vipassana dès le début.
Il ne faut pas confondre pacifier et purifier. Le Noble Octuple Sentier est une méthode de purification selon trois embranchements. On va se purifier au niveau des actes et des paroles par l'embranchement de Sila, la moralité, on va se purifier au niveau de l'esprit par Samaddhi la concentration, et on va se purifier au niveau des "tendances latentes" par Panna la sagesse.
il n'a pas "réussi" partout dans le monde, loin de là, il s'est par exemple éteint dans le pays du Bouddha historique, l'Inde, pour diverses raisons ; il a survécu grâce à sa diffusion vers l'Est, mais non sans connaître des périodes de quasi disparition. Il est vivant aujourd'hui, mais rien ne prouve qu'il le restera longtemps. Les religions sont mortelles.
En effet. Je ne pense pas qu'il soit réellement éteint en Inde, mais ce n'est pas glorieux. Actuellement, c'est dans l'Asie du Sud est qu'il est encore vivace, mais là aussi, il est en train de s'effriter. Même en Birmanie les moines commencent à avoir peur de cette période de déclin qui était déjà annoncée du temps du Bouddha...
la plupart des bouddhistes dans le monde ne la pratiquent pas, ou très peu. Il existe d'autres manières d'être bouddhiste.
Tout à fait. Il y a les croyances, les rituels, etc...
je me demande comment est-ce possible que le Bouddhisme ait non seulement survécu, mais même prospéré au cours des âges.
Parce qu'il a été utile pendant 2500 ans.
Après tout, ne nous promet-il pas la réalisation du non-soi (je dois avouer que je ne me lève pas tous les jours avec l'envie de me détruire), la perte des attachements (adieu amis et famille), l'extinction de la sensualité (fini la beauté du monde et ses délices)?
En effet, il y a mieux comme sloggan. Mais ce sont des objectifs "à long terme", réalisables pour des gens qui ont mis en place les conditions pour y arriver.
J'imagine que la plupart des pratiquants ont secrètement une peur panique de l'éveil, et qu'ils se cantonnent à un certain niveau de leur développement.
Exactement. C'est ultrafréquent de voir des gens qui désirent partir d'une retraite, à différents stades de leur pratique, et déjà entre le 4è et 10è jour, invoquant toutes sortes de bonnes raisons extérieures. Ce sont des moments clés, des stades difficiles, de doutes, d'inconfort extrême.
faudrait-il parler du dhamma à des profanes innocents? On sera indirectement responsables de leur trajectoire, peut être très douloureuse...
Les bénéfices sont tellement importants que oui! De plus, les soit disant "méfaits" n'arrivent que dans un contexte intensif. La pratique elle-même permet de les "dépasser".
Mais est-ce qu'on a les épaules assez larges pour jouer les Morpheus en herbe?
Celui qui a le rôle de Morpheus, de guide vers l'éveil, c'est le maître de méditation. Raison pour laquelle il ne faut pas le choisir à la légère. Rien ne le remplace, pas même le fait d'être entouré par des compagnons avec lesquels on peut en discuter.
même une retraite intensive n'a jamais été la garantie absolu d'atteindre l'Eveil, n'est-ce pas ? Mieux vaut la qualité que la quantité.
Exactement, ce n'est pas une garantie. Ceci étant dit, et a fortiori dans notre contexte actuel, c'est une condition nécessaire (même si insuffisante).
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