Quelle est votre expérience concernant les Éveillés?

antodume

Iskander a écrit :Le fait que le clergé et toute la population japonaise les considère comme éveillés est pour moi un facteur moins important que la contradiction entre ces maîtres et les préceptes. Pourrais-tu m'expliquer pourquoi le Bouddha s'échine à promouvoir les préceptes, que une des trois branches de l'octuple sentier est la vertu (sila), que la cessation de la souffrance est le thème central du bouddhisme, et éviter de causer de la souffrance aux autres en est le premier précepte, tout cela pour ensuite avoir des éveillés qui expliquent pourquoi et comment il faut embrocher et tuer les autres?
D'abord, le Bouddha ne s'est pas échiné à promouvoir les préceptes. Quand on analyse la Triple Discipline (Sîlâ, Dhyana - ou Samadhi - et Prajna) on observe que le compréhension juste (1er pas de l'Octuple Sentier) est inclus dans Prajna. On observe aussi que Prajna est en troisième position dans la Triple Discipline. Ceci fait dire que Prajna et "l''Alpha et l'Oméga" de la Triple Discipline. Dans le Zen, depuis Huieneng, a été introduite la notion de "jeu simultané de la Triple Discipline". Ce jeu simultané se décline en trois propositions (d'après le Sutra de l'Estrade) :
1) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre de souillures. Tel est le précepte (Sîlâ) du vrai Soi.
2) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre de troubles. Telle est la méditation (Dhyana) du vrai Soi.
3) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre d’erreurs. Telle est la sapience (Prajna) du vrai Soi.

Ce jeu simultané dit que si l'on réalise (par l'expérience de l'Eveil) sa vraie nature (= autres noms de Vrai Soi, nature de Bouddha, Vraie nature...), les préceptes s'expriment de fait ("Tel est le précepte du vrai Soi = de la nature de Bouddha"). Le Zen exprime ce jeu simultané par l'équation Dhyana (Zen) = Prajna = Sîlâ. Cela signifie aussi qu'en réalisant cette vraie nature, on sort du cadre dualiste du bien et du mal. De fait la notion de "Société meilleure" est obsolète du point de vue du jeu simultané de la Triple Discipline (et donc de l'Eveil). Cela étant, le monde duel existe (sous la forme que nous expérimentons tous). Et si un Bouddha veut agir dans le monde duel, c'est sous la forme d'un Nirmanakaya (un Tulku pour le BT ou un Bodhisattva parfaitement éveillé pour toutes les écoles bouddhistes du Mahayana en tout cas). Ce Nirmanakaya est là pour nous montrer le chemin de l'éveil et les moyens qu'il utilise pour cela ne sont pas toujours compréhensibles pour l'individu lambda, ignorant de sa vraie nature. En tout état de cause, son action se limite (efficacement), à ce niveau-là. Il est possible, comme je n'ai cessé de le dire, qu'un éveillé intervienne dans les "affaires sociales et politiques" d'un pays. C'est le cas du Dalaï Lama, par exemple, mais aussi des maîtres zen dans l'histoire du Japon. L'efficacité de cette action au niveau sociale n'est pas démontrée (c'est évident au Japon). Et si je voulais être objectif, sans nier évidemment le stade ultime de l'Eveil de Sa Sainteté, on ne peut pas dire que ce dernier ait fait évoluer efficacement le niveau de bien être des Tibétains. Bien sûr, le Dalaï Lama a la sympathie d'une grande partie de la population mondiale, mais c'est surtout en réaction au régime communiste de Pékin et non pour le Dalaï Lama lui-même ou son éveil. De plus, on constate, à mesure que l'on connaît mieux le clergé BT, qu'il existe des "affaires de moeurs" qui mettent en jeu des grands dignitaires du BT dont certains sont pourtant considérés comme des éveillés. Certes, le Dalaï Lama a souhaité mettre de l'ordre sur cette question, mais à en croire des personnes qui connaissent bien ce milieu, il semble que le clergé BT traine des pieds. Et je ne parle pas de sa décision de désigner lui-même son propre tulku pour ne pas risquer qu'on se retrouve avec un Tulku reconnu par la Chine mais pas par les tibétains, ou encore avec plusieurs tulkus, tous régulièrement reconnus par des Rinpoche respectés pour leur degré d'éveil, mais qui n'hésitent pas à se tirer dans les pattes quand ça devient nécessaire. Sur ces questions, il semble que le Théravada échappe encore à ces "tribulations". Mais pour peu qu'on leur donne un pouvoir (d'action sur la Société) et on verra comment les choses pourraient se passer...

Bref, comme je le disais plus haut, il y a l'éveil, et il y a le rêve. Dans le rêve il y a le bien et le mal, l'éveil et l'ignorance, une société juste et d'autres injustes (donnez-moi un seul exemple de "société juste"). Du point de vue du rêve, l'éveil n'a aucune action. L'exemple de l'enfant qui fait un cauchemar et doit se réveiller pour en sortir me paraît assez explicite. S'il n'a aucune action, cela ne veut pas dire qu'il est inutile. Cela veut simplement dire que la seule façon de sortir d'un cauchemar est de s'éveiller et non d'essayer de construire un rêve qui ne fasse plus peur aux enfants.
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Dharmadhatu
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Là, c'est toi qui nous donnes des leçons.
jap_8 Si c'est l'impression que mes propos te font, sache que je ne le fais jamais à l'aune d'une quelconque réalisation de ma part. Je ne m'appuie que sur les textes et les raisonnements.
Si tu veux critiquer le Zen, commence par lire les textes des Patriarches et autres grands maîtres.
C'est bien ce que je fais, je lis les textes des Patriarches du Zen comme Arya Nagarjuna ou Aryadeva, mais comme tu le dis toi-même, les sources scripturales ne sont pas des preuves pour le Zen (ne serait-ce que pour les problèmes liés aux traductions de notions qui n'ont pas été réalisées).
Alors il faudrait savoir.
Tu ne dois pas avoir de bonnes connaissances en mathématiques ou en physique. Si une équation (sensée porter une théorie) n'est pas validée par une seule expérience, alors elle doit être rejetée (cette expérience étant nommée "expérience cruciale" par les physiciens). Sinon, on est dans l'ordre des croyances. Et quand on se dit bouddhiste pour vérifier par soi-même, eh bien on vérifie par soi-même et on commence par observer ce qui se passe autour de nous et ce que nous donnent les faits.
Tu as zappé une partie de mon post:

Peut-être qu'après tout nous ne sommes pas d'accord sur le postulat de départ: "Eveil = Société meilleure"
Je ne suis pas sûr quant à moi que ce soit une vérité pure et simple, mais juste une possibilité vu que les Bouddhas ne sont pas omnipotents.


Ce qui signifie que je l'Eveil peut améliorer une société et je dirais même devrait améliorer une société, mais que cela ne fonctionne pas pour une société en particulier n'invalide pas le fait que cela fonctionne pour d'autres sociétés. Si une règle devait être invalidée à cause d'exceptions, nous n'aurions plus de grammaire. Tout physicien digne de ce nom sait bien qu'une loi physique peut fonctionner en un contexte donné et pas dans un autre.
Il ne s'agit pas de quelques maîtres japonais ; il s'agit de tous les maîtres qui avaient l'autorité suffisante.
Et alors ? Le nombre n'est pas toujours une garantie: si 1000 êtres ordinaires disent que le soi existe et que trois Aryas disent qu'il n'existe pas, en dépit du nombre, ce sont les Aryas qui ont raison.
Il n'y a pas plus de raison de suspecter le niveau d'éveil de ces maîtres que celui du Dalaï Lama ou du Karmapa ou autre grand dignitaire du BT, par exemple.
Et pourquoi pas ? Même si Sa Sainteté le Dalaï Lama est mon Maître racine, ça n'empêche pas que j'accepte sans aucune réserve qu'on puisse remettre en question son statut d'Evéillé. Il sera d'ailleurs le premier à encourager cette remise en question.
Certes, mais les maîtres en question étaient considérés comme ayant atteint le plus haut niveau de l'éveil. Nous n'avons pas la capacité, ni toi, ni moi, de remettre en cause ces affirmations.
Ca dépend. Comme dit Iskander, on est tout à fait autorisé à penser que ceci ou cela n'est pas la marque de l'Eveil. On peut aussi réfuter le statut d'Eveil en dépendance des assertions scripturales, à conditions de les accepter comme pramana (autorité valide).
On en prend acte et c'est tout. Comme un postulat.
Je dirais volontiers "comme un dogme".
Et on discute sur cette base là (en attendant de nous éveiller par nous mêmes).
Pas dans ma tradition, chez nous on a le droit de remettre en question un postulat et de l'examiner au travers d'inférences valides. C'est ce qu'a fait Dharmakirti dans son Pramanavartika par exemple (Cf. Is Enlightenment Possible?)
Je me suis déjà exprimé sur ce point. Il n'y a qu'une seule façon de voir l'Eveil et c'est celui qui repose sur l'expérience de Sakyamuni.
Oui, et le Bouddha est très clair sur les caractéristiques de son Eveil, sauf qu'il semble que le Zen ait une conception différente de celle du Bouddha lui-même, ce qui est légitime car le premier Patriarche du Zen est Kashayapa qui est communément reconnu comme ayant atteint nibbana et non samyaksambodhi.
C'est même certainement vrai mais ce n'est pas le problème. Le problème est que s'il existe un seul contre exemple, alors l'équation "Eveil = Société meilleure" doit être reconsidérée.
Ceci correspond à la partie de mon post que tu as précédemment zappée.
Et dans les deux cas tu fais preuve de manque totale de pertinence en ce qui concerne les vues bouddhiques. Si un zeniste remet en cause le sutra de l'estrade, il n'est pas zeniste. Point barre. C'est comme si on remettait en cause l'Eveil du Bouddha en se prétendant bouddhiste. Ça n'a tout simplement aucun sens.
En effet, cela n'a aucun sens... d'un point de vue radicalement dogmatique. Mais dis-nous ce qui nous empêche de te dénier ton statut de bouddhiste (que dire alors du statut de zéniste !) pour la simple raison que ton point de vue écarte d'un revers de main toute remise en question, alors même que le Bouddha nous invitait à ne pas gober tout cru ses paroles ?
Personnellement, j'ai dit depuis le début que l'Eveil était, en quelque sorte, "transparent" pour les problématiques sociales et pour la Société en générale. Sinon, depuis le Bouddha et tous les Patriarches qui se sont succèdés, nous aurions eu des exemples de société idéales. Mais ce n'est pas le cas. Je ne vais pas entrer dans le détail des problèmes qui se posent au sein de la diaspora BT, par exemple. Les Bouddhas ne sont pas omnipotents mais omniscient.
C'est étrange, certains de tes propos précédents donnent à penser que tu as complètement zappé ce passage, auquel tu réponds pourtant... mais hélas à côté ! Peut-être était-il question pour quelques uns des participants à ce fil de "société idéale", mais mon entrée dans ce débat n'implique pas du tout ça. Nous parlions de société améliorée. S'il s'agissait de société idéale, je n'aurais jamais pris l'exemple du Tibet !
Cette omniscience n'agit pas dans le monde duel.
Il s'ensuit donc que le monde duel n'est pas connu des Bouddhas ! Et donc ils ne sont pas omniscients !!! :lol:
C'est un fait d'expérience dans la réalisation de sa vraie nature. Un enfant qui fait un cauchemar doit être réveillé par ses parents pour que ce cauchemar cesse. On a jamais vu de parents entrer dans le rêve des enfants pour leur dire que ce cauchemar n'est qu'un mauvais rêve.
Il s'ensuit donc que le Bouddha n'a pu se manifester dans le monde duel pour nous réveiller. D'où vient alors le Dharma ? Pure invention ! D'où vient le fruit du Dharma ? Pure invention ! Tu sous-entends (volontairement ou non) que même l'Eveil des zénistes est pure invention !
Cette équation ["Eveil = Société meilleure"] est fausse, je le dis depuis le début. Elle est simplement supposée vraie par ceux qui pensent que les éveillés peuvent améliorer la société.
Aucun rapport entre les deux ! Nous nions que l'Eveil doive entraîner une société meilleure, et toi tu nies le fait que l'Eveil puisse entraîner une société meilleure. Même si tu étais un anthropologue connaissant toutes les sociétés bouddhistes, cela ne résoudrait rien car selon le Bouddhisme indien, les Bouddhas peuvent se manifester de façons diverses et variées sans qu'on puisse savoir lesquelles. Or il est tout a fait possible qu'une société s'améliore grâce à ce genre de manifestations des Bouddhas sans que nous puissions le dire. Il s'agit d'une raison valide de non observation de ce qui n'est pas susceptible d'apparaître; bref, ce n'est pas parce que nous ne percevons pas quelque chose que ça n'existe pas.
D'abord, le Bouddha ne s'est pas échiné à promouvoir les préceptes.
Le Bouddha ne s'est pas échiné à promouvoir les préceptes, mais il a promu les préceptes.

Voilà un extrait de l'Enseignement du Bouddha (de walpola Rahula) qui pourrait solutionner le débat: http://www.toutelathailande.fr/culture/ ... tique.html

:arrow: Bref, un Eveillé peut améliorer une société pourvu que ses membres suivent ses conseils.

Amitié FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 28 février 2012, 18:00, modifié 7 fois.
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Cathrine

Un jour à marquer d'une croix blanche: 2 messages de suite d'Ardjopa avec lesquels je suis totalement d'accord!!! loveeeee

Un éveillé ne peut -être que pacifique. Un sage n'est pas raciste, ne choisit pas de camp, ne prône pas la violence. Je suis étonnée qu'il faille le dire, c'est tellement basique.
A ce propos, je pense qu'il serait bon de recentrer les débats_ en général, pas seulement celui ci. Revenir au Dharma et pas au pinailleries, aux querelles de mots, aux interprétations. Ou pas de débat du tout, c'est encore mieux.Débattre de quoi??? Vous allez nous éclairer mieux que Bouddha lui même? vous allez écrire de nouveaux soutras? vous avez trouvé la vérité???
Bouddha ne s'adressait pas à des prix Nobel de philo ou à d'éminents linguistes; comme le Christ après lui, il voulait être compris par les humains tout simplement. Il y a dans les monde des millions de Bouddhistes à qui vos débats passent au dessus de la tête et c'est tant mieux.
Certains ici créent de l'agitation posent des problèmes qu'ils sont incapables de résoudre, je trouve ça négatif."...je suis déterminé à ne rien dire qui puisse entrainer division, discorde ou rupture au sein d'une d'une famille ou d'une communauté ...
(4ème entrainement à la pleine conscience. Parole aimante et écoute profonde".
Si vous avez saisi le sens de mon intervention, vous n'y répondrez pas. shuuuuuuuuuuuuttttt
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Dharmadhatu
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Cathrine a écrit :Débattre de quoi??? Vous allez nous éclairer mieux que Bouddha lui même? vous allez écrire de nouveaux soutras? vous avez trouvé la vérité???
:lol: Waow ! Du calme ! On ne fait qu'échanger des idées, si certains s'échauffent, c'est leur problème, personne ne peut réagir à leur place.

Le but du débat est purement didactique et peut servir à approfondir un point de vue car tous ceux qui se sont penchés sur les textes du Dharma se sont rendu compte qu'on ne peut faire autrement que d'interpréter les enseignements du Bouddha, sinon ceux-ci sont en apparence contradictoires.
Bouddha ne s'adressait pas à des prix Nobel de philo ou à d'éminents linguistes;
En effet, mais le Bouddha a laissé en cadeau 4 grandes écoles philosophiques qui nous permettent d'accéder progressivement vers la connaissance de la réalité.
Il y a dans les monde des millions de Bouddhistes à qui vos débats passent au dessus de la tête et c'est tant mieux.
Il y a aussi dans le monde de nombreux bouddhistes pour qui nos débats ne passent pas au-dessus de la tête et c'est tant mieux aussi.
Certains ici créent de l'agitation posent des problèmes qu'ils sont incapables de résoudre, je trouve ça négatif."
C'est dommageable pour tous.
..je suis déterminé à ne rien dire qui puisse entrainer division, discorde ou rupture au sein d'une d'une famille ou d'une communauté ...
Lorsqu'on remet en question les paroles du Bouddha, on voit que ne pas essayer de clarifier une situation constitue une faute par rapport aux voeux de Bodhisattvas (qui prennent le pas sur les voeux de pratimoksha). Et un débat ne participe à rien d'autre qu'à sammaditthi du Noble Octuple Sentier.

Après tout, libres à ceux qui voient en lieu et place d'un débat pinaillieries et discorde, de zapper le fil en question.

Amitié FleurDeLotus
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Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Iskander

antodume a écrit :D'abord, le Bouddha ne s'est pas échiné à promouvoir les préceptes.
D'accord, le choix des mots est maladroit, en tout cas il les a promus.
Quand on analyse la Triple Discipline (Sîlâ, Dhyana - ou Samadhi - et Prajna) on observe que le compréhension juste (1er pas de l'Octuple Sentier) est inclus dans Prajna. On observe aussi que Prajna est en troisième position dans la Triple Discipline. Ceci fait dire que Prajna et "l''Alpha et l'Oméga" de la Triple Discipline. Dans le Zen, depuis Huieneng, a été introduite la notion de "jeu simultané de la Triple Discipline". Ce jeu simultané se décline en trois propositions (d'après le Sutra de l'Estrade) :
1) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre de souillures. Tel est le précepte (Sîlâ) du vrai Soi.
2) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre de troubles. Telle est la méditation (Dhyana) du vrai Soi.
3) Le mental, en tant qu’il est le vrai Soi (en tant qu’il est « non-mental »), est libre d’erreurs. Telle est la sapience (Prajna) du vrai Soi.

Ce jeu simultané dit que si l'on réalise (par l'expérience de l'Eveil) sa vraie nature (= autres noms de Vrai Soi, nature de Bouddha, Vraie nature...), les préceptes s'expriment de fait ("Tel est le précepte du vrai Soi = de la nature de Bouddha").
Tu veux dire que ceux qui s'éveillent réalisent les préceptes? Et inclus-tu dans ces préceptes le premier, celui qui nous encourage à nous efforcer de ne pas nuire ou tuer les autres êtres vivants?
Le Zen exprime ce jeu simultané par l'équation Dhyana (Zen) = Prajna = Sîlâ. Cela signifie aussi qu'en réalisant cette vraie nature, on sort du cadre dualiste du bien et du mal.
Je ne pense pas qu'on soit dans une question de bien et du mal. La principale préoccupation de Bouddha était la souffrance (dukkha) et sa cessation. Peut être que c'est une préoccupation dualiste, mais il me semble qu'il ne sort jamais de ce cadre là. Et le premier précepte en est la conséquence logique. Je ne vois pas comment celui qui s'éveille peut sortir du cadre d'application du premier précepte. La souffrance est même la première des marques de l'existence, aspects fondamentaux de l'existence. On est au coeur du sujet. Comment un éveillé pourrait faire l'impasse sur cette question?

De fait la notion de "Société meilleure" est obsolète du point de vue du jeu simultané de la Triple Discipline (et donc de l'Eveil).
Je ne discuterai pas encore de la "société meilleure" (faudrait résoudre cette question avant), mais je ne vois pas en quoi le jeu simultané de la Triple Discipline rend le premier précepte obsolète.
Bref, comme je le disais plus haut, il y a l'éveil, et il y a le rêve. Dans le rêve il y a le bien et le mal, l'éveil et l'ignorance, une société juste et d'autres injustes (donnez-moi un seul exemple de "société juste"). Du point de vue du rêve, l'éveil n'a aucune action. L'exemple de l'enfant qui fait un cauchemar et doit se réveiller pour en sortir me paraît assez explicite. S'il n'a aucune action, cela ne veut pas dire qu'il est inutile. Cela veut simplement dire que la seule façon de sortir d'un cauchemar est de s'éveiller et non d'essayer de construire un rêve qui ne fasse plus peur aux enfants.
Tu parles de bien et du mal, mais encore une fois, c'est de souffrance qu'il s'agit. Ceci étant dit, les textes évoquent parfois la bonté, mais je ne sais pas si c'est des biais des traducteurs, ou la volonté du bouddha. En tout cas, je cite un passage de Metta Sutta (Sutta Nipata, 1.8) pour montrer mon incompréhension entre le discours du Bouddha et le comportement des maîtres militaristes:
Voici comment devrait se comporter
Celui qui a développé des qualités de bonté
Et qui connaît la voie de la paix :
Qu'il soit appliqué et droit,
Direct et doux dans ses paroles.
Humble et sans prétention,
Satisfait et aisément contenté.
Qu’il ne se laisse pas submerger par les obligations et demeure frugal.
Qu’il soit paisible, maître de ses sens,
Naturellement discret, sans exigences.
Et qu'il ne fasse rien
Que les sages, plus tard, pourraient condamner.

Qu’il médite ainsi :
« Prenant moi-même refuge dans le bonheur et la paix,
Je souhaite que tous les êtres soient heureux et en paix.
Que tous les êtres vivants, quels qu’ils soient —
Les faibles comme les forts, tous sans exception,
Les grands et les puissants, les moyens et les petits,
Visibles et invisibles, proches et lointains, nés et à naître —
Que tous les êtres soient heureux et en paix !
Que nul ne trompe autrui, ni ne méprise aucun être, quel qu’il soit.
Que nul, par colère ou aversion, ne souhaite de mal à autrui. »

Comme une mère, au péril de sa vie,
Protège son enfant, son unique enfant,
Ainsi doit-on ouvrir son cœur à l’infini à tous les êtres vivants,
Rayonner la bienveillance envers le monde entier :
Ouvrir son cœur dans toutes les directions –
En haut, en bas et tout autour, sans limites –
Libre de toute haine et de toute aversion.
Que l’on soit assis, debout, en marche ou couché,
Tant que l’on est éveillé, on doit toujours être fidèle à ce souhait.
C’est ce que l’on appelle
« Demeurer dans un état divin ici et maintenant ».
Sans se laisser piéger par des croyances erronées
Celui qui a le cœur pur, qui voit la vérité ultime des choses
Et s’est libéré de tous les désirs sensoriels,
Ne reprendra plus jamais naissance dans ce monde.
Si je compare ça à
Harada Daiun Sogaku (1939) a écrit :Si on vous ordonne de marcher : une, deux, une, deux! ou de tirer : bang, bang! C'est là la manifestation de la plus haute sagesse de l'éveil. L'unité du zen et de la guerre [...] se propage jusqu'aux confins de la guerre sainte qui est maintenant en cours.
Il y a de quoi être perplexe sur les notions de l'éveil de ce moine :shock:
Ceci dit, c'est une belle image que tu évoques jap_8
Sourire

Iskander a écrit :un passage de Metta Sutta[/url] (Sutta Nipata, 1.8)
Comme une mère, au péril de sa vie,
Protège son enfant, son unique enfant,
Ainsi doit-on ouvrir son cœur à l’infini à tous les êtres vivants,
Rayonner la bienveillance envers le monde entier :
Ouvrir son cœur dans toutes les directions –
En haut, en bas et tout autour, sans limites –
love3 anjalimetta Butterfly_tenryu
antodume

Dharmadhatu a écrit :je lis les textes des Patriarches du Zen comme Arya Nagarjuna ou Aryadeva
Je parle essentiellement des Patriarches à partir de Bodhidharma et plus spécifiquement à partir de Huineng. Le Madhyamaka n'est pas reconnu de façon explicite comme une branche à laquelle le Zen se rattache. Le Zen s'est clairement détaché du Mahayana et s'est défini comme un véhicule à part depuis Huineng. Un peu comme s'est défini le Dzogchen par rapport à l'ensemble du BT.
les sources scripturales ne sont pas des preuves pour le Zen (ne serait-ce que pour les problèmes liés aux traductions de notions qui n'ont pas été réalisées).
Alors il faudrait savoir.
Effectivement. Depuis Bodhidharma le Zen se définit en dehors des doctrines et des écritures. Mais je ne peux pas te demander ici de pratiquer le Zen avant de poster quelque chose sur lui. Par conséquent, la moindre des choses est de lire, a minima, le sutra de l'estrade. L'as-tu lu ? C'est nettement mieux que ce que disent certains zenistes sur les forums, en particulier quand ces derniers nient l'importance du Sutra de l'Estrade.
Tu as zappé une partie de mon post:

Peut-être qu'après tout nous ne sommes pas d'accord sur le postulat de départ: "Eveil = Société meilleure"
Je ne suis pas sûr quant à moi que ce soit une vérité pure et simple, mais juste une possibilité vu que les Bouddhas ne sont pas omnipotents.

Ce qui signifie que je l'Eveil peut améliorer une société et je dirais même devrait améliorer une société, mais que cela ne fonctionne pas pour une société en particulier n'invalide pas le fait que cela fonctionne pour d'autres sociétés. Si une règle devait être invalidée à cause d'exceptions, nous n'aurions plus de grammaire. Tout physicien digne de ce nom sait bien qu'une loi physique peut fonctionner en un contexte donné et pas dans un autre.
Tes propos sont déjà nettement plus nuancés par rapport à l'époque (il y a deux ou trois jours) où tu affirmais que si on ne pensait pas que l'éveil influençait directement le social, alors autant rechercher l'éveil des Pratekya bouddhas. Par ailleurs, tout physicien sait qu'une théorie n'est valide que si elle résiste à l'expérience. Tant que tu n'as pas fait la preuve que l'éveil peut améliorer la société (et j'attends toujours cette preuve), on s'en tiendra simplement aux faits historiques qui démontrent, à l'évidence, le contraire.
Il ne s'agit pas de quelques maîtres japonais ; il s'agit de tous les maîtres qui avaient l'autorité suffisante.
Et alors ? Le nombre n'est pas toujours une garantie: si 1000 êtres ordinaires disent que le soi existe et que trois Aryas disent qu'il n'existe pas, en dépit du nombre, ce sont les Aryas qui ont raison.
Ne mélange pas tout. Ces maîtres-là étaient responsables de l'ensemble de la transmission du Zen depuis l'origine. S'ils n'étaient pas parfaitement éveillés, cela voudrait dire que la transmission dans laquelle ils étaient inscrits, avant et après eux, serait invalide. On peut penser les choses ainsi. Après tout, si tu es sceptique, c'est ton droit. Personnellement, j'ai de bonne raison de penser que ton scepticisme est infondé. Je suis désolé mais je ne veux pas perdre mon temps avec un sceptique, surtout quand ce dernier n'est pas en mesure de m'apporter la moindre preuve que l'éveil a un impact positif sur la société.
Et on discute sur cette base là (en attendant de nous éveiller par nous mêmes).
Pas dans ma tradition, chez nous on a le droit de remettre en question un postulat et de l'examiner au travers d'inférences valides. C'est ce qu'a fait Dharmakirti dans son Pramanavartika par exemple (Cf. Is Enlightenment Possible?)
Dans ma tradition aussi. Mais quand les faits sont têtus (c'est à dire quand l'histoire ne nous fait pas la preuve que des éveillés - ou considérés comme tels - améliorent la Société), on doit remettre en question l'ensemble de nos croyances. Crois moi ou pas, j'ai mis beaucoup de temps à admettre le comportement de ces maîtres zen et encore plus de temps à admettre que je me suis trompé sur les conséquences sociales et/ou politiques de l'éveil. Par ailleurs, si tu n'admets pas le jeu simultané de la Triple Discipline, tu ne peux pas comprendre le comportement de ces maîtres et alors, tes inférences valides ne le sont pas pour le Zen. Le Zen étant une école reconnue bouddhiste, tes inférences valides ne marchent pas pour le Bouddhisme tout simplement. Il ne s'agit pas ici d'exceptions qui confirment la règle. On ne fait pas du bouddhisme exceptionnel. Il y a les vues justes et les vues erronées. Ce débat sur les vues n'est pas le sujet ici, mais si on veut partir du principe que les maîtres zen étaient d'authentiques maîtres bouddhistes éveillés et en accord avec la Triple Discipline (dans l'acception de Huineng qui n'a jamais été invalidée) alors, on doit raisonner sur ce postulat. Ou alors, on fait comme Ardjopa et d'autres ici, on fonctionne au feeling et on refait le bouddhisme à sa sauce en balayant d'un revers de main tout ce qui constitue le Sangha bouddhiste au Japon (et au-delà si on veut bien considérer que le Zen s'étend au-delà du Japon).
dis-nous ce qui nous empêche de te dénier ton statut de bouddhiste (que dire alors du statut de zéniste !) pour la simple raison que ton point de vue écarte d'un revers de main toute remise en question, alors même que le Bouddha nous invitait à ne pas gober tout cru ses paroles ?
Mon statut bouddhiste repose sur ma (longue) pratique et sur le fait que cette pratique s'inscrit dans une école zen (Rinzaï) reconnue comme une authentique école bouddhiste. Cette école s'appuie sur une longue tradition qui remonte au Bouddha. Il n'a jamais été dit, dans le Zen, que l'Eveil pouvait avoir un impact positif sur la Société. L'Eveil est une expérience/réalisation individuelle qui n'interfère nullement avec les conditions sociales. A ton tour de me citer un passage des sutras où il est dit explicitement que l'Eveil devait avoir un impact positif sur la société. Depuis l'origine le Bouddha demande à ce que l'homme quitte la société pour se consacrer à la pratique, en ermite ou en moine, à l'écart des affaires du monde. Que des maîtres se soient intéressés à la politique et au social, c'est certain. Mais cela est accessoire et n'a jamais démontré que leur éveil a été bénéfique pour les conditions sociales des individus.
Personnellement, j'ai dit depuis le début que l'Eveil était, en quelque sorte, "transparent" pour les problématiques sociales et pour la Société en générale. Sinon, depuis le Bouddha et tous les Patriarches qui se sont succèdés, nous aurions eu des exemples de société idéales. Mais ce n'est pas le cas. Je ne vais pas entrer dans le détail des problèmes qui se posent au sein de la diaspora BT, par exemple. Les Bouddhas ne sont pas omnipotents mais omniscient.
C'est étrange, certains de tes propos précédents donnent à penser que tu as complètement zappé ce passage, auquel tu réponds pourtant... mais hélas à côté ! Peut-être était-il question pour quelques uns des participants à ce fil de "société idéale", mais mon entrée dans ce débat n'implique pas du tout ça. Nous parlions de société améliorée. S'il s'agissait de société idéale, je n'aurais jamais pris l'exemple du Tibet !
Voilà ce que tu écrivais : "Dans la tradition mahayaniste indo-tibétaine, l'Eveil et pas seulement l'Eveil, mais les pratiquants qui souhaitent l'atteindre, sont sensés apporter quelque chose à la soiciété, sinon, autant obtenir l'Eveil des Pratyeka-buddhas qui ne sert qu'eux-mêmes et personne d'autre..."

Si ce n'est pas considérer que tu cherches à atteindre l'éveil, entre autre, dans un objectif social, alors dis-moi ce que tu voulais dire par là. Clairement tu as pris position pour le fait qu'un éveil qui n'aurait aucun impact social serait un éveil de Pratyeka Bouddha.
Cette omniscience n'agit pas dans le monde duel.
Il s'ensuit donc que le monde duel n'est pas connu des Bouddhas ! Et donc ils ne sont pas omniscients !!! :lol:
Là, tu apportes la preuve de ta méconnaissance de cette question d'omniscience. L'omniscience est une qualité de l'esprit de Bouddha, qui est Vacuité et Sapience. Mais un Bouddha ne peut pas lire dans tes pensées. Chacun a son propre Dharmakaya ; ça veut dire qu'il n'existe pas de conscience universelle qui saurait tout. Si tu penses, alors le Bouddha le pense et c'est vrai pour tous.
C'est un fait d'expérience dans la réalisation de sa vraie nature. Un enfant qui fait un cauchemar doit être réveillé par ses parents pour que ce cauchemar cesse. On a jamais vu de parents entrer dans le rêve des enfants pour leur dire que ce cauchemar n'est qu'un mauvais rêve.
Il s'ensuit donc que le Bouddha n'a pu se manifester dans le monde duel pour nous réveiller. D'où vient alors le Dharma ? Pure invention ! D'où vient le fruit du Dharma ? Pure invention ! Tu sous-entends (volontairement ou non) que même l'Eveil des zénistes est pure invention !
Le Dharma est le chemin qui mène à l'éveil. Ce n'est pas l'éveil lui-même. Tu le fais exprès ou tu as un vrai problème de compréhension ?
Cette équation ["Eveil = Société meilleure"] est fausse, je le dis depuis le début. Elle est simplement supposée vraie par ceux qui pensent que les éveillés peuvent améliorer la société.
Aucun rapport entre les deux ! Nous nions que l'Eveil doive entraîner une société meilleure, et toi tu nies le fait que l'Eveil puisse entraîner une société meilleure. Même si tu étais un anthropologue connaissant toutes les sociétés bouddhistes, cela ne résoudrait rien car selon le Bouddhisme indien, les Bouddhas peuvent se manifester de façons diverses et variées sans qu'on puisse savoir lesquelles. Or il est tout a fait possible qu'une société s'améliore grâce à ce genre de manifestations des Bouddhas sans que nous puissions le dire. Il s'agit d'une raison valide de non observation de ce qui n'est pas susceptible d'apparaître; bref, ce n'est pas parce que nous ne percevons pas quelque chose que ça n'existe pas.
Je nie que l'Eveil puisse entrainer une société meilleure car éveil et société ne sont pas liés par une relation quelconque. Je l'est démontré par le fait que la "Terre Pure" existe en tout lieu et en tous temps (et donc indépendamment des phénomènes socio-politiques) et que l'éveil revient à découvrir que tout est parfait depuis l'origine (puisque tout à la nature de Bouddha). Je le nie aussi parce qu'on a vu des situations où des hommes supposés (remarque bien que je me place dans l'hypothèse ou c'est vrai et que, dans une discussion où l'on ne peut pas se prononcer sur cette question, on le suppose vrai jusqu'à ce qu'on démontre le contraire, ce que tu n'as pas fait) des hommes supposés éveillés, donc, n'ont rien fait pour améliorer la société qu'ils avaient en charge. Bien au contraire, ils ont entrainé les soldats et les moines qui étaient leurs subordonnés dans la guerre.
Le Bouddha ne s'est pas échiné à promouvoir les préceptes, mais il a promu les préceptes.
Les préceptes sont invalides sans Dhyana et Prajna. Sans le jeu simultané de la Triple Discipline, on morcelle la Triple Discipline et cela a été la preuve, dans l'histoire du Bouddhisme, d'un grand nombre de ces dérives.
:arrow: Bref, un Eveillé peut améliorer une société pourvu que ses membres suivent ses conseils.
Oui, bof. Je n'ai pas dit non plus qu'un éveillé ne pouvait pas améliorer la société. Mais j'ai dit qu'il n'était pas nécessaire d'être éveillé pour ça (et j'ai donné des exemple).
Cathrine a écrit :Un éveillé ne peut -être que pacifique. Un sage n'est pas raciste, ne choisit pas de camp, ne prône pas la violence. Je suis étonnée qu'il faille le dire, c'est tellement basique.
Et bien tu devrais revoir tes bases puisque ce n'est pas vrai. Mais je te rappelle qu'on est dans le cadre de l'éveil bouddhiste et non de l'éveil ardjopien. Et si tu n'es pas d'accord avec les débats de mots, pourquoi ne fais-tu pas voeux de silence ? :roll:
Iskander a écrit :Tu veux dire que ceux qui s'éveillent réalisent les préceptes? Et inclus-tu dans ces préceptes le premier, celui qui nous encourage à nous efforcer de ne pas nuire ou tuer les autres êtres vivants?
Bien évidemment. Mais nous efforcer à ne pas nuire ou tuer des êtres vivants doit être reconsidérer dans le cadre d'un conflit armé. Les préceptes doivent toujours être appliqués selon le conditions économiques, sociales et politiques d'un pays. Si un pays est menacé de perdre sa liberté et que ses sujets risquent de perdre la vie, les préceptes nous placent dans des conditions contraires qui constituent des kôans pour le Zen. Les kôans des préceptes sont les plus difficiles à passer pour le Zen. Si quelqu'un te menace de son arme dans le but de te tuer, tu ne vas pas te laisser faire au prétexte des préceptes car cela reviendrait à un suicide qui est contraire aux préceptes. Ce qui compte, c'est l'action immédiate et le fait d'assumer ces actes, en particulier si ces actes te mènent en enfer. Les Bodhisattvas vont tous en enfer, sinon, à quoi servirait-ils ? On va secourir ceux qui sont en danger, pas ceux qui ne risquent rien.
Le Zen exprime ce jeu simultané par l'équation Dhyana (Zen) = Prajna = Sîlâ. Cela signifie aussi qu'en réalisant cette vraie nature, on sort du cadre dualiste du bien et du mal.
Je ne pense pas qu'on soit dans une question de bien et du mal. La principale préoccupation de Bouddha était la souffrance (dukkha) et sa cessation. Peut être que c'est une préoccupation dualiste, mais il me semble qu'il ne sort jamais de ce cadre là. Et le premier précepte en est la conséquence logique. Je ne vois pas comment celui qui s'éveille peut sortir du cadre d'application du premier précepte. La souffrance est même la première des marques de l'existence, aspects fondamentaux de l'existence. On est au coeur du sujet. Comment un éveillé pourrait faire l'impasse sur cette question?
Le Bouddha parle du nirvana (non-né) comme fin de la souffrance. La réalisation du Non-né est la seule préoccupation des maîtres zen et bouddhistes en général. Ils ne s'occupent pas du bien dans la société, ou alors pas avec leur statut de maître zen ou bouddhiste. Quand on évoque l'idée d'une société meilleure ou d'une "Terre Pure" à créer, c'est bien beau, mais ça reste de l'utopie. Avant de penser à ce genre de chose (qui est certainement une bonne chose, je ne le conteste pas), les disciples doivent s'éveiller à leur vraie nature. Le rôle d'un maître zen ou du Dharma s'arrête là. Aucun maître ne peut donner l'éveil à son élève ; il peut juste lui transmettre le Dharma.
je ne vois pas en quoi le jeu simultané de la Triple Discipline rend le premier précepte obsolète.
Je n'ai pas dit ça. Je dis qu'avec l'éveil, les notions dualistes de bien et de mal deviennent obsolète. Pour autant, l'éveillé ne nie pas la souffrance des autres êtres, mais nie le fait que cette souffrance puisse disparaître ailleurs que dans la réalisation du Non-né. La réalisation du Non-né doit être la seule préoccupation d'un bouddhiste.
Tu parles de bien et du mal, mais encore une fois, c'est de souffrance qu'il s'agit. Ceci étant dit, les textes évoquent parfois la bonté, mais je ne sais pas si c'est des biais des traducteurs, ou la volonté du bouddha. En tout cas, je cite un passage de Metta Sutta (Sutta Nipata, 1.8) pour montrer mon incompréhension entre le discours du Bouddha et le comportement des maîtres militaristes:
Je parle du bien et du mal parce qu'on évoque la problématique d'une société meilleure (si on ne veut pas parler d'idéale) à partir de l'éveil. Si on parle de meilleure, on est bien dans un cadre dualiste. Le Zen en guerre est une énigme du point de vue des préceptes bouddhistes. Je ne l'ai évoqué que pour montrer que l'éveil n'est pas la garantie d'une société meilleure. Je ne vais pas me faire l'avocat de ces maîtres zen. Tout ce que je sais, c'est que je ne sais pas comment on peut réagir quand on considère que le peuple auquel on se rattache est menacé de mort par des ennemis. Je ne crois pas qu'on puisse opposer le metta sutta à ces conditions particulières. Si des gens armés entrent dans ma maison et menacent de tuer ma femme et mes enfants, je ne suis pas sûr que je leur réciterai le metta sutta. Les chrétiens peut-être...
Dernière modification par antodume le 28 février 2012, 17:35, modifié 1 fois.
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Antodume a écrit :Je parle essentiellement des Patriarches à partir de Bodhidharma et plus spécifiquement à partir de Huineng. Le Madhyamaka n'est pas reconnu de façon explicite comme une branche à laquelle le Zen se rattache. Le Zen s'est clairement détaché du Mahayana et s'est défini comme un véhicule à part depuis Huineng. Un peu comme s'est défini le Dzogchen par rapport à l'ensemble du BT.
jap_8 Le Dzogchen englobe tous les autres Véhicules, il n'est pas véritablement à part. Pour moi, les Patriarches les plus importants restent Nagarjuna et Aryadeva, et je trouve dommage que le Zen s'en soit détaché, mais ce n'est qu'un avis perso.
Effectivement. Depuis Bodhidharma le Zen se définit en dehors des doctrines et des écritures. Mais je ne peux pas te demander ici de pratiquer le Zen avant de poster quelque chose sur lui. Par conséquent, la moindre des choses est de lire, a minima, le sutra de l'estrade. L'as-tu lu ? C'est nettement mieux que ce que disent certains zenistes sur les forums, en particulier quand ces derniers nient l'importance du Sutra de l'Estrade.
:D Mais pourquoi tu veux que je relise le Sutra de l'Estrade si le Zen se définit en dehors des écritures ? Je ne vois pas où réside la cohérence. Parmi les Soutras apocryphes, je préfère de loin celui de Vimalakirti car l'Eveil de Huineng ne correspond pas à la conception traditionnelle indienne de l'Eveil (et là, il ne s'agit plus de l'avis d'un zéniste sur un autre forum, mais de mon point de vue perso).
Tes propos sont déjà nettement plus nuancés par rapport à l'époque (il y a deux ou trois jours) où tu affirmais que si on ne pensait pas que l'éveil influençait directement le social, alors autant rechercher l'éveil des Pratekya bouddhas.
C'est tout l'intérêt des débats de faire approfondir des opinions; si je m'accrochais à mon opinion précédente, je ne serais autre que dogmatique.


Un Bouddha omniscient sait quoi dire à qui, au bon moment et comment. Ce qui fait que ses propos font mouche chez les gens dont les conditions karmiques ne sont pas totalement adverses. En permettant à une personne de s'améliorer, puis à deux, trois, quatre, etc. ça fait boule de neige et la société s'en trouvé améliorée. Si ce n'est pas le cas, soit les gens qui sont autour d'un Bouddha ont majoritairement des conditions karmiques adverses, soit ce n'est pas un Samyak-sambouddha mais un Pratyeka-buddha incapable de transmettre quoi que ce soit.

C'est ma conclusion actuelle.
Tant que tu n'as pas fait la preuve que l'éveil peut améliorer la société (et j'attends toujours cette preuve),
Déjà donnée: les Tibétains ont cessé les sacrifices animaux et ont respecté leur environnement, respecté leurs contemporains. Si tu veux de l'expérience, va en Inde quelques jours, reste d'abord à Delhi puis dans le milieu indien. Ensuite passe quelques jours dans une enclave tibétaine, je t'assure que tu verras la différence.
Ne mélange pas tout. Ces maîtres-là étaient responsables de l'ensemble de la transmission du Zen depuis l'origine.
Je suis paumé, c'est quoi l'origine pour toi, le Bouddha ou bien Huineng ? De plus, si on démarre depuis Huineng qui est le 6ème, pourquoi accorder moins d'importance aux 14ème et 15ème qui sont Nagarjuna et Aryadeva ?
S'ils n'étaient pas parfaitement éveillés, cela voudrait dire que la transmission dans laquelle ils étaient inscrits, avant et après eux, serait invalide.
C'est une éventualité, surtout s'ils se réclament d'un Eveil à la Huineng (toujours inculte après son Eveil) au lieu d'un Eveil omniscient comme celui du Bouddha Shakyamuni.
On peut penser les choses ainsi. Après tout, si tu es sceptique, c'est ton droit.
Merci.
Personnellement, j'ai de bonne raison de penser que ton scepticisme est infondé. Je suis désolé mais je ne veux pas perdre mon temps avec un sceptique, surtout quand ce dernier n'est pas en mesure de m'apporter la moindre preuve que l'éveil a un impact positif sur la société.
Si j'étais riche, je t'enverrais des billets pour Delhi et tu verrais par toi-même.
Le Zen étant une école reconnue bouddhiste, tes inférences valides ne marchent pas pour le Bouddhisme tout simplement.
Tu recommences avec: "Soit tu aimes le Zen, soit tu quittes le Bouddhisme !". Et je me dois de rappeler haut et fort que le Bouddhisme ne s'arrête pas au Zen. Si le Zen ne reconnaît pas les inférences valides, pourquoi t'obstines-tu à vouloir nous donner des arguments logiques ? Soit tu acceptes la validité des inférences logiques et tu t'en sers à loisir, soit tu ne leur reconnaîs pas ce statut valide, mais aucun de tes arguments logiques ne peuvent le démontrer (puisque tu les sapes toi-même à la base). De plus, si le Zen ne reconnaît pas l'inférence valide, alors pourquoi accepter Nagarjuna et Aryadéva comme deux des Patriarches, eux dont les traités dialectiques sont pleinement reconnus ?
Ce débat sur les vues n'est pas le sujet ici, mais si on veut partir du principe que les maîtres zen étaient d'authentiques maîtres bouddhistes éveillés et en accord avec la Triple Discipline (dans l'acception de Huineng qui n'a jamais été invalidée) alors, on doit raisonner sur ce postulat.
Es-tu sûr à 100 pour 100 que l'acception de Huineng n'a jamais été invalidée ?
Mon statut bouddhiste repose sur ma (longue) pratique et sur le fait que cette pratique s'inscrit dans une école zen (Rinzaï) reconnue comme une authentique école bouddhiste. Cette école s'appuie sur une longue tradition qui remonte au Bouddha.
Le Zen s'est clairement détaché du Mahayana et s'est défini comme un véhicule à part depuis Huineng.
Peux-tu être plus clair s'il te plaît ? Un coup, il faut remonter au Bouddha, un coup à Bodhidharma, et enfin seulement à Huineng.
L'Eveil est une expérience/réalisation individuelle qui n'interfère nullement avec les conditions sociales.
Parlons concrètement: tu n'as jamais fait l'expérience selon laquelle quand une personne très cool arrive dans un groupe agité, elle peut avoir un impact sur l'ambiance générale ? Et le contraire aussi: dans un dîner sympa, quelqu'un se met en colère: cela n'agit-il pas sur l'ensemble des convives ?

Alors à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un Bouddha !
A ton tour de me citer un passage des sutras où il est dit explicitement que l'Eveil devait avoir un impact positif sur la société.
Déjà fait: http://www.toutelathailande.fr/culture/ ... tique.html , j'ai cité aussi le Surhlekha et le Ratnavali de Nagarjuna. De plus, de nombreux Sutras évoquent les 8 branches du Noble Sentier et parmi celles-ci il y a les moyens de subsistance justes, qui ont un impact direct sur la société (moyens de subsistance implique travail, et donc interaction avec les autres membres de la société).
Depuis l'origine le Bouddha demande à ce que l'homme quitte la société pour se consacrer à la pratique, en ermite ou en moine, à l'écart des affaires du monde
N'importe quoi ! :lol: Ceci s'adresse aux moines or dis-nous quand le Bouddha nous a conseillés de tous prendre les voeux monastiques ! Si tout le monde était moine/nonne, ce serait la fin de l'humanité sur cette Terre.
Que des maîtres se soient intéressés à la politique et au social, c'est certain. Mais cela est accessoire et n'a jamais démontrer que leur éveil a été bénéfique pour les conditions sociales des individus.
Que cela n'ait jamais été démontré ne signifie aucunement que le contraire ait été démontré ! Ne pas prouver l'existence de quelque chose ne revient pas forcément à en prouver l'absence. CQFD.
Si ce n'est pas considérer que tu cherches à atteindre l'éveil, entre autre, dans un objectif social, alors dis-moi ce que tu voulais dire par là.
Flocon l'avait très bien rappelé: dans le Mahayana, l'esprit d'Eveil est le fait de progresser vers l'Eveil et de l'atteindre dans le but d'aider les êtres à se libérer de la souffrance. Si cela ne servait personne d'autres que soi-même, il s'agit en effet de l'Eveil des Pratyeka-buddhas.

Même si d'après toi le Zen se détache du Mahayana, il envisage pourtant les 4 grands voeux de bodisattva, non ?
Dans les courants chan et zen, les bouddhistes prononcent souvent les Quatre Vœux incommensurables suivants (Sìhóngshìyuàn 四弘誓願) :
Je prête serment de délivrer tous les êtres quoi qu'ils soient innombrables, (Zhòngshēng wúbiān shìyuàn dù 众生无边誓愿度);
Je prête serment d'éliminer tous les ennuis quoi qu'ils soient incalculables, (Fánnǎo wújìn shìyuàn duàn 烦恼无尽誓愿断);
Je prête serment d'apprendre toutes les méthodes quoi qu'elles soient illimitées, (Fǎnmén wúliàng shìyuàn xué 法门无量誓愿学);
Je prête serment de parvenir à l'état du Bouddha quoi qu'il soit incomparable, (Fódào wúshàng shìyuàn chéng 佛道无上誓愿成).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bodhisattva
Là, tu apportes la preuve de ta méconnaissance de cette question d'omniscience. L'omniscience est une qualité de l'esprit de Bouddha, qui est Vacuité et Sapience. Mais un Bouddha ne peut pas lire dans tes pensées. Chacun a son propre Dharmakaya ; ça veut dire qu'il n'existe pas de conscience universelle qui saurait tout. Si tu penses, alors le Bouddha le pense et c'est vrai pour tous.
Cette vue appauvrie de l'omniscience est très minoritaire dans le Bouddhisme. Un jour Gigi avait posté un exposé théravadin qui accepte l'omniscience (cf. la définition dans n'importe quel dico), et les Sutras sont très clairs là-dessus. Le Pramanavartika donne de plus de nombreux arguments qui corroborent l'omniscience. Si votre omniscience n'est pas l'omniscience, pourquoi jouer sur les mots ?
Le Dharma est le chemin qui mène à l'éveil. Ce n'est pas l'éveil lui-même. Tu le fais exprès ou tu as un vrai problème de compréhension ?
Oui, mais si le Bouddha n'a pu se manifester dans ce monde, d'où vient alors le Dharma ? Si le Dharma n'est pas l'Eveil (ce qui est faux en partie, car il y a le Dharma des écritures et le Dharma de réalisation), alors il est duel. Alors comment le Bouddha qui n'a aucun contact avec le monde duel peut-il transmettre quelque chose de duel ?
Je nie que l'Eveil puisse entrainer une société meilleure car éveil et société ne sont pas liés par une relation quelconque.
Ca corrobore ce que tu dis précédemment et ça marque une dualité irrépressible entre les deux niveaux de réalité. Comment t'en blâmer puisqu'il s'agit d'un des aspects du voile cognitif selon l'école Prasangika.
Je le nie aussi parce qu'on a vu des situations où des hommes supposés (remarque bien que je me place dans l'hypothèse ou c'est vrai et que, dans une discussion où l'on ne peut pas se prononcer sur cette question, on le suppose vrai jusqu'à ce qu'on démontre le contraire, ce que tu n'as pas fait) des hommes supposés éveillés, donc, n'ont rien fait pour améliorer la société qu'ils avaient en charge.
Tu peux faire plusieurs phrase s'il te plaît, c'est tellement confus qu'on s'y perd: qu'est-ce que je n'ai pas encore démontré ? Merci.
Les préceptes sont invalides sans Dhyana et Prajna. Sans le jeu simultané de la Triple Discipline, on morcelle la Triple Discipline et cela a été la preuve, dans l'histoire du Bouddhisme, d'un grand nombre de ces dérives.
On le sait qu'il y a le Trishiksha, et alors, cela n'invalide pas le premier impliquant les préceptes.

Oui, bof. Je n'ai pas dit non plus qu'un éveillé ne pouvait pas améliorer la société. Mais j'ai dit qu'il n'était pas nécessaire d'être éveillé pour ça (et j'ai donné des exemple).
Donc s'il n'y a aucune différence d'amplitude entre un conseiller politique et un Eveillé, à quoi sert l'Eveil d'après toi ?
Je dis qu'avec l'éveil, les notions dualistes de bien et de mal deviennent obsolète.
Et ben alors, pourquoi un Bouddha ne pourrait-il pas entrer dans le jeu de la dualité puisqu'il la transcende ?

Merci d'avoir retrouvé la sérénité malgré mes remises en question des prédicats Rinzaï.

Amitié FleurDeLotus
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Iskander

antodume a écrit :Effectivement. Depuis Bodhidharma le Zen se définit en dehors des doctrines et des écritures. Mais je ne peux pas te demander ici de pratiquer le Zen avant de poster quelque chose sur lui. Par conséquent, la moindre des choses est de lire, a minima, le sutra de l'estrade. L'as-tu lu ? C'est nettement mieux que ce que disent certains zenistes sur les forums, en particulier quand ces derniers nient l'importance du Sutra de l'Estrade.
Je n'ai trouvé que des tranductions en Anglais. Je vais essayer de lire ce Sutra, mais vu la longueur, ce ne sera pas pour tout de suite. En tout cas, merci de me le faire connaître.
Ces maîtres-là étaient responsables de l'ensemble de la transmission du Zen depuis l'origine. S'ils n'étaient pas parfaitement éveillés, cela voudrait dire que la transmission dans laquelle ils étaient inscrits, avant et après eux, serait invalide.
Est-ce que je dois comprendre que la transmission ne se fait qu'entre des êtres éveillés? Je pensais que la transmission était dispensée lorsque le disciple était capable d'enseigner le Dhamma, pas que le disciple avait atteint l'Éveil. Dorénavant j'envisagerai les choses autrement, lorsque quelqu'un dit qu'il a reçu la transmission d'un tel.
Dans ma tradition aussi. Mais quand les faits sont têtus (c'est à dire quand l'histoire ne nous fait pas la preuve que des éveillés - ou considérés comme tels - améliorent la Société), on doit remettre en question l'ensemble de nos croyances. Crois moi ou pas, j'ai mis beaucoup de temps à admettre le comportement de ces maîtres zen et encore plus de temps à admettre que je me suis trompé sur les conséquences sociales et/ou politiques de l'éveil.
En effet, c'est un cas qui interroge profondément non seulement le zen, mais aussi tout le bouddhisme.
Par ailleurs, si tu n'admets pas le jeu simultané de la Triple Discipline, tu ne peux pas comprendre le comportement de ces maîtres
En ce qui me concerne, l'incompréhension est surtout au niveau du comportement de ces maîtres par rapport au premier précepte, d'un point de vue conventionnel, je comprends très bien le comportement des ces maîtres (questions de pouvoir, endoctrinement nationaliste, etc).
Il n'a jamais été dit, dans le Zen, que l'Eveil pouvait avoir un impact positif sur la Société.
Ce n'est pas le plus important, mais je tiens à préciser que je ne sais pas si une large présence d'Éveillés aurait un impact positif ou négatif sur la société (je peux envisager les deux options). Ce que j'ai beaucoup plus de mal à comprendre est que cela n'aie aucun impact du tout.
Personnellement, j'ai dit depuis le début que l'Eveil était, en quelque sorte, "transparent" pour les problématiques sociales et pour la Société en générale.
C'est bien ça que je conteste.
Sinon, depuis le Bouddha et tous les Patriarches qui se sont succèdés, nous aurions eu des exemples de société idéales.
Sans parler de sociétés idéales, est-ce qu'il y a déjà eu des sociétés qui ont eu 10 ou 20% d'Éveillés?
Je nie que l'Eveil puisse entrainer une société meilleure car éveil et société ne sont pas liés par une relation quelconque.
Il y a bien un énorme lien: l'Éveil concerne l'individu, et une société est un ensemble d'individus qui entretiennent des interactions hétérogènes les uns avec les autres.
on a vu des situations où des hommes supposés (remarque bien que je me place dans l'hypothèse ou c'est vrai et que, dans une discussion où l'on ne peut pas se prononcer sur cette question, on le suppose vrai jusqu'à ce qu'on démontre le contraire, ce que tu n'as pas fait) des hommes supposés éveillés, donc, n'ont rien fait pour améliorer la société qu'ils avaient en charge. Bien au contraire, ils ont entrainé les soldats et les moines qui étaient leurs subordonnés dans la guerre.
Juste par curiosité: est-ce que tu as un exemple de quelque chose qu'un individu pourrait faire qui montre qu'il n'est pas éveillé? Si je te comprends bien, il n'y en a pas pour toi, n'est pas?
Iskander a écrit :Tu veux dire que ceux qui s'éveillent réalisent les préceptes? Et inclus-tu dans ces préceptes le premier, celui qui nous encourage à nous efforcer de ne pas nuire ou tuer les autres êtres vivants?
Bien évidemment. Mais nous efforcer à ne pas nuire ou tuer des êtres vivants doit être reconsidérer dans le cadre d'un conflit armé. Les préceptes doivent toujours être appliqués selon le conditions économiques, sociales et politiques d'un pays. Si un pays est menacé de perdre sa liberté et que ses sujets risquent de perdre la vie, les préceptes nous placent dans des conditions contraires qui constituent des kôans pour le Zen. Les kôans des préceptes sont les plus difficiles à passer pour le Zen. Si quelqu'un te menace de son arme dans le but de te tuer, tu ne vas pas te laisser faire au prétexte des préceptes car cela reviendrait à un suicide qui est contraire aux préceptes. Ce qui compte, c'est l'action immédiate et le fait d'assumer ces actes, en particulier si ces actes te mènent en enfer. Les Bodhisattvas vont tous en enfer, sinon, à quoi servirait-ils ? On va secourir ceux qui sont en danger, pas ceux qui ne risquent rien.
Oui, sauf que cela est la justification typique pour l'escalade militariste extrême qui justifie n'importe quoi: défendons-nous pour que les autres ne nous nuisent pas, attaquons-les pour qu'ils ne puissent pas un jour nous attaquer, éliminons-les pour qu'ils ne puissent jamais nous menacer. Si dans une situation de violence, ta réponse est la violence, tu fais absolument partie du problème. Le cas du Japon impérial est un exemple typique de ça, et si on agit de cette façon dans notre société contemporaine nous allons tous nous atomiser. La philosophie de non-violence (ahimsa) ne vient pas de l'ignorance du fait que les armes tuent, ça vient au contraire d'une excellente compréhension de la dynamique de la violence.

Il est certain que le précepte est "nous efforcer de ne pas nuire ou prendre la vie" et pas "ne jamais nuire ou prendre la vie". Mais la position de ces maîtres était une rupture totale du précepte (et le concept de guerre sainte encore plus). Je pense que on peut considérer que les maîtres militaristes suivaient le précepte "nous efforcer de ne pas nuire ou prendre la vie tant que ça nous est indifférent et ne nous coûte rien".
Le Bouddha parle du nirvana (non-né) comme fin de la souffrance. La réalisation du Non-né est la seule préoccupation des maîtres zen et bouddhistes en général.
Je ne pense pas que tu puisses évacuer la souffrance comme ça. Et le premier précepte concerne bien la souffrance qu'on impose aux autres, pas de celle dont on souffre. C'est donc une préoccupation primordiale selon le Bouddha. Donc à moins que le Non-né implique nécessairement le premier précepte, il est incorrect de dire qu'il la seule préoccupation des bouddhistes. Si par contre le premier précepte est une condition inévitable du nirvana/non-né, alors on revient au fait que ces maîtres zen violaient clairement l'esprit de ce précepte.
Ils ne s'occupent pas du bien dans la société, ou alors pas avec leur statut de maître zen ou bouddhiste.
Mais là ce n'est même plus une question de société, mais davantage de comment pourraient-t-ils atteindre l'éveil pour eux-mêmes en foulant les principes bouddhistes de base.
je ne vois pas en quoi le jeu simultané de la Triple Discipline rend le premier précepte obsolète.
Je n'ai pas dit ça. Je dis qu'avec l'éveil, les notions dualistes de bien et de mal deviennent obsolète. Pour autant, l'éveillé ne nie pas la souffrance des autres êtres, mais nie le fait que cette souffrance puisse disparaître ailleurs que dans la réalisation du Non-né. La réalisation du Non-né doit être la seule préoccupation d'un bouddhiste.
Ok, la souffrance de quelqu'un ne peut disparaître que par son éveil. Mais si je lui fais violence, tu est d'accord que j'augmente sa souffrance, n'est pas? Le premier précepte nous dit de veiller à ne pas, à travers nos actions, augmenter la souffrance des autres, il ne nous dit pas que nous devrions parvenir à éliminer la souffrance des autres. Puisqu'en plus l'Éveillé ne nie pas la souffrance des autres, je vois mal comment il pourrait se permettre de, à travers ses propres actions, les augmenter.

Je peux accepter que "la réalisation du Non-né soit la seule préoccupation d'un bouddhiste", si cette réalisation implique de veiller à ce que nos actions n'augmentent pas la souffrance des autres. Sinon la doctrine des préceptes n'a plus de sens, pour ne pas parler du reste du bouddhisme.
Tout ce que je sais, c'est que je ne sais pas comment on peut réagir quand on considère que le peuple auquel on se rattache est menacé de mort par des ennemis. Je ne crois pas qu'on puisse opposer le metta sutta à ces conditions particulières. Si des gens armés entrent dans ma maison et menacent de tuer ma femme et mes enfants, je ne suis pas sûr que je leur réciterai le metta sutta. Les chrétiens peut-être...
Encore une fois, tu simplifies à outrance la situation: le Japon est devenu agressif dés qu'il en a eu les moyens, et son concept de sécurité nationale impliquait la soumission de tous ses voisins. On est très loin de la légitime défense. Et encore une fois la légitime défense est un très pauvre argument car, comme tu le vois, il permet de justifier n'importe quoi. Encore une fois les théoriciens de la non violence ne sont pas uniquement de grands dadais naïfs. Un oeil pour un oeil, et tout le monde devient aveugle, etc, etc...

Ceci étant dit, je n'aurai aucun étonnement que des gens se comportent comme ces maîtres l'ont fait, du moment qu'il soit clair qu'ils violent totalement le premier précepte, et que ils sont donc en contradiction manifeste avec les principes de base du bouddhisme. Que cela soit une faillite des maîtres ou du bouddhisme est une autre question. En attendant, je ne vois toujours pas comment on pourrait les appeler éveillés au sens bouddhiste.
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