Quelle est votre expérience concernant les Éveillés?

Aldous

Sourire a écrit :C'est bien pour ne pas partir de ce postulat que je reviens à la question de définir un être éveillé...
Bonjour,
un être éveillé c'est quelqu'un qui a réalisé selon une expérience directe que le réel se décline en deux Réalitées ou deux vues (deux vérités est-il aussi parfois dit). Ces deux Réalités sont une Réalité relative et une Réalité absolue.

La Réalité relative a pour caractéristique d'être composée (relatif signifiant par là "en relation"). Elle peut être appréhendée selon une "vue erronée" ou "une vue juste".
La Réalité absolue a pour caractéristique d'être non-composée. Elle ne peut être appréhendée que par la "vue juste".

Avec les deux vues d'appréhension de ces deux réalités on a donc les combinaisons suivantes:
Un être qui ne dispose que de la "vue erronée" ne voit que la Réalité relative voilée par l'illusion, il ne voit qu'une Réalité illusiore: c'est le samsara.
Un être qui déploie une "vue juste" appréhende la réalité Relative telle qu'elle est, il l'appréhende sans illusion, c'est comprendre la co-production conditionnée ou l'interdépendance des phénomènes.
Cet être par cette même "vue juste" parvient à la Réalité absolue: c'est le nirvana.

Cordialement,
antodume

Il me semble que cette discussion retrouve une certaine sérénité ; on peut donc continuer à dialoguer sans problème.
Iskander a écrit :Attention, je ne dis pas reconnaître un éveillé, mais voir qu'un être n'est pas éveillé (c'est très différent). Par exemple, je peux vérifier sans difficulté que quelqu'un ne comprends pas le chinois, alors même que moi non plus je ne le comprends pas. Il suffit de lui donner la traduction en chinois d'un livre que je connais, et lui demander de me lire des passages, ou de prendre un livre en chinois dont un chinois m'a expliqué de quoi il en retournait, et demander à cette personne ce qu'il en est. Un état a des conséquences qui peuvent être détectables même pour ceux qui ne sont pas capables de distinguer directement les états.
Eh bien, quand un maître zen rinzaï (je m'efforcerai de le préciser car les protocoles ne sont pas les mêmes dans le sôtô) est en sanzen (entretien individuel) avec son élève, il va lui parler le "langage de l'éveil" (c'est d'ailleurs très bien que tu aies utilisé cet exemple du langage). Si l'élève comprend ce langage, alors, il est considéré comme éveillé ou, tout du moins, avoir fait une expérience zen suffisante pour comprendre le sens général du langage. Par voie de conséquence, celui qui ne parle pas ce langage ou qui ne le comprend pas est considéré comme non éveillé du point de vue du Zen Rinzaï. Note que l'élève qui a fait une expérience zen profonde (de type kensho) va parler d'emblée le langage de l'éveil. Le maître le comprend immédiatement. Si le maître ne le comprend pas, cela signifie que l'élève a dépassé le maître. Le cas s'est trouvé avec Bankei, par exemple (qui fut un grand maître zen rinzaï) qui eut d'énormes difficultés pour trouver un maître zen qui comprenne son langage (le langage de l'éveil). Mais d'autres exemples aussi sont connus.

Alors, quel est ce langage de l'éveil ? Dans le Zen Rinzaï, depuis Hakuin, ce langage a été officialisé, en quelque sorte. C'est le protocole de passage des kôans. Les kôans sont des textes courts qui mettent en avant des problèmes insolubles par la logique. On parle d'aporie, mais ce n'est pas exactement ça. Le kôan est l'expression du langage de l'éveil. Il existe plusieurs kôans ; on en dénombre quelques 1700. Mais dans le Rinzaï, on utilise essentiellement deux recueils : le Pi-en-lou (Recueil de la Falaise Verte - en fait bleue mais peu importe) qui comporte 100 "cas" et le Ou-mêm-kouan qui en comporte 48.

Un exemple de "langage de l'éveil" (cas 63 et 64 du Pi-en-lou) :
63) Dans un monastère, sous l'autorité du maître Nansen, les bonzes se disputaient la propriété d'un chat. Le maître ayant eu vent de cette dispute saisit le chat et brandit une épée. Il dit aux moines : "dites quelque chose (de Zen) sinon je coupe ce chat en deux". Les moines restant muets, le maître pourfendit le chat.
64) Joshu, disciple de Nansen, était absent lors de cette histoire. Quand il rejoignit le maître dans le monastère, quelques temps plus tard, ce dernier lui conta l'histoire du chat pourfendu. Joshu alors s'inclina, mit ses sandales sur sa tête et sortit. Nansen dit alors : "Si vous aviez été là, le chat aurait été sauvé".

Le "langage de l'éveil", ici, est la "réponse de Joshu" (le sandales sur la tête). Si on analyse ce cas à la lumière de la logique, on voit bien que Nansen viole les préceptes puisqu'il tue le chat. Mais c'est, bien évidemment, un cas exprimé dans la langage de l'éveil et non dans le langage dualiste et logique.

A partir de ce cas, le maître peut, en sanzen, interroger son élève en lui demandant pourquoi Joshu met les sandales sur sa tête. Hakuin (autre grand maître zen, réformateur du Rinzaï), qui commente le cas juge que Nansen a mal agit. Tout le monde est d'accord ? Eh bien il dit qu'il aurait du tuer le chat tout de suite sans demander aux moines de dire quoi que ce soit. Etes-vous toujours d'accord avec Hakuin ? Pourquoi ?...
si le Non-né implique le 1er précepte, quelle est la nature de cette implication? Le Non-né implique la compréhension du premier précepte, son adhésion, ou son exécution? Et comment voir ça dans le contexte particulier du Japon militariste.
Le Non-né est, par essence, libre de souillure (il est "pur" si tu préfères) ; Si on le réalise et qu'on "s'installe" en Lui, que ce soit dans le monde duel ou en samadhi, durant zazen, on est libéré du samsara. Samsara et Nirvana sont les deux côtés d'une même pièce. On agit donc en toute liberté. Mais cela n'est compréhensible que pour le sage, pas pour celui qui n'a pas réalisé le Non-né. Aussi, il ne faudrait pas se prendre pour quelqu'un de libéré et s'amuser à pourfendre les chats, par exemple.

Dans le contexte du Japon, je propose, pour celles et ceux qui ne l'auraient pas vu, de (re)voir les films "Apocalypses" (en 6 épisodes de mémoire) et qui traitent de l'histoire de la guerre 39/45. Le 5ème (ou 6ème ?) épisode parle du Japon. Le commentateur dit que les militaires alliés étaient étonné de la façon dont combattaient les japonais. La conclusion étaient qu'ils maîtrisaient le "Bushido" (l'art de la guerre). Mais qu'est-ce que ça signifie, dans le contexte ?

Voici ma lecture :
Imaginons que nous rencontrions un homme atteint d'une maladie incurable. Cependant, au lieu de se plaindre et d'avoir peur, il est calme, serein. Il a "lâché prise". Nous sommes, bien évidemment, remplit de respect pour cet homme, pour son courage, pour la façon dont il accepte l'inéluctable. Intimement, nous souhaitons pouvoir mourir comme lui, si nous étions atteints d'une maladie incurable. Bien sûr, il a du passer par plein d'états mentaux : la colère, la peur, puis l'abandon... Et enfin l'acceptation.

Qui a formé les soldats japonais au Bushido ? Les maîtres zen. Qui les a formés à se battre jusqu'au bout (face à la maladie de la guerre) et à accepter leur sort sereinement (la mort) ? Les maîtres zen... En peu de temps, ces maîtres zen ont réussi à faire en sorte que des millions de soldats se présentent au combat comme nous voudrions nous, personnellement, affronter l'agonie d'une maladie mortel. Pensez-vous toujours que ces maîtres étaient des individus infâmes et sans coeur ? Pensez-vous qu'ils violaient les préceptes ? C'est une question difficile qui requiert peut-être le langage de l'éveil pour y répondre... En tout cas, il faut y réfléchir avant de condamner (je sais bien que ce n'est pas ton cas, mais, en général, cet épisode a démoli plus d'un zeniste).
qu'est ce qui motive ceux qui sont encore sur la voie, et n'ont pas encore maîtrisé le jeu simultané de la Triple Discipline (qui implique le Non-né, si j'ai bien compris)? Les Zénistes qui n'ont pas encore atteint l'Éveil, et qui donc ne comprennent pas le Zen, qu'est ce qui les pousse à poursuivre cette voie qu'ils ne comprennent pas?
La foi qu'il est possible de s'éveiller en une seule vie (ce qui suppose accepter la voie "abrupte" du Zen), je suppose.
Lausm a écrit :La principale critique que j'émettrai sur ce qu'en dit le rinzai d'après ce que j'ai compris des propos de Dume (et mes propos ne se veulent pas gratuitement polémique, mais faire avancer un débat calmement et paisiblement), c'est qu'on risque d'en faire un absolu, et par là de le réifier, le poser en objet de culte.
C'est vrai que c'est un risque à courir. Mais si on est bien accompagné, par un maître zen compétant, ce risque est bien identifié. En revanche il est exact qu'on fait du kensho, dans le Rinzaï, une priorité absolue dans la pratique. Mumon Yamada (le maître de T. Jyoji) lui disait en sanzen : "sans le kensho, vous n'êtes rien". Autrement dit, sans le kensho, tout n'est que discours vain. Les yeux ne voient pas, les oreilles n'entendent pas. Ou, devrais-je dire : "les oreilles ne voient pas et les yeux n'entendent pas".
Iskander a écrit :Je me rends compte que je n'ai pas encore demandé, à Antodune ses propres expériences, donc voici: Si jamais tu as croisé des maîtres zen de ta tradition, quelles ont été tes expériences?
J'ai déjà croisé des maîtres zen puisque je suis en contact fréquent avec celui qui est actuellement le supérieur du Centre Zen de la Falaise Verte (T. Jyoji). Mais j'ai aussi rencontré un homme qui, pour moi (à titre personnel, donc) est un véritable Bouddha vivant, c'est Taistu Kohno Roshi, le supérieur actuel de la branche Myoshin-ji du Zen Rinzaï (la plus importante branche au Japon en terme de nombre de monastères et temples, plus de 3000).
Dernière modification par antodume le 02 mars 2012, 23:56, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Flocon a écrit :non seulement les éveillés peuvent agir de façon immorale aux yeux des êtres ordinaires, mais on va jusqu'à affirmer que des éveillés peuvent être des animaux -munis de tout leur comportement animal. Comment alors les reconnaître à des traits sociaux, moraux, etc. ? Le critère de reconnaissance est ailleurs, évidemment.
jap_8 Tout à fait d'accord avec toi. C'est la même chose dans le Mahayana indien: les Nirmanakayas prennent des formes diverses et variées, selon le besoin du moment.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

Je pense justement que le critère pour reconnaître ces dits êtres éveillés, c'est que justement on sort d'une pensée basée sur des critères, sur des objets identifiables et évaluables...en gros tout le contraire de notre fonctionnement social, ou plutôt même pas le contraire mais ne pas du tout suivre cette convention sociale.
En gros, il reste quoi??
La relation.
Un truc qui n'est ni quelque chose ni rien.
je soulevais le point auquel Dume a répondu du risque de réification de l'Eveil, d'en faire un absolu. Ce qui tempère ce risque est donc la relation, avec le maître, avec la communauté, d'où le refuge en les trois trésors (conclusions miennes).

je dirais que le critère de reconnaissance est en fait l'éveillé en soi qui reconnaît l'éveillé en l'autre. Donc en fait, pas de critères.
Mais une reconnaissance directe, intuitive : on Voit.

Tokuda, à la sesshin que j'ai faite, avais dit à un moment, reprenant ce que dit Rommeluère dans son bouquin, que le bouddhisme n'existe pas. Bien sûr, il dit ça, et il ne cesse de parler de bouddhisme. Mais ce que ça veut dire, c'est que ce n'est pas seulement une idée. Le bouddhisme n'existe que parce qu'il est pratiqué, réalisé. C'était le sens, à mes yeux, de la parole de Dogen, quand il dit que pratique et réalisation sont unes.
Donc deux jours après, je branche Tokuda à table en lui demandant ce qui lui faisait dire un truc comme "le bouddhisme n'existe pas". Et très gentiment, et très maîtrezenement, il a remis en place le zozo qui faisait le malin en moi avec les mots, en me répondant, en rigolant : "oh...word are not important!". Les mots ne sont pas importants! Ca ne m'a absolument pas fait mal, je ne me suis pas senti ni pris dans un truc magistral, ni dans un rejet : c'était très ordinaire. Il m'aurait dit qu'il y avait des patates à éplucher que je crois que ç'aurait été pareil pour moi!
Mais il ne m'a pas répondu, pas éludé la question, ni donné rien à l'alimenter : face au mur mec!!
En fait, le peu que je le connaisse, j'ai remarqué qu'il distingue très bien ce qui est de l'ordre du discours, et des actes, et n'entretient aucune confusion entre les deux : les mots servent clairement à amener à la pratique en silence. La pratique en silence peut s'exprimer avec les mots. Et un dialogue constant entre les deux, pour faire avancer le schmilblik.

Je voulais rebondir sur ce que Dume explique des maîtres zen du Japon pendant la guerre. Cette question a soulevé d'immenses controverses dans le zen en France, après le bouquin de Brian Victorai, zen at war.
Personnellement, je pense que ce qu'ils ont fait était injuste, voire, si on pense moralement, mal.
Après, quand Dume explique le contexte socio politique, les positions de chacun, on peut imaginer que chacun a fait ce qu'il pouvait là où il était. Que certains cadres étaient inamovibles.
Donc juger a posteriori, c'est facile. La question n'est pas de juger de l'éveil des personnes : elle est de savoir si soi-même on veut faire pareil ou pas. Par exemple, je ne voudrais jamais avoir à dire qu'il faut brandir l'épée au nom du bouddhisme. Je ne crois pas une seconde à cela. Mais je peux comprendre que certains l'aient fait. Et ma question est , comment rester nous-mêmes éveillés, donc pouvoir ne pas reproduire les erreurs du passé.
Lors de cette affaire, on avait critiqué Kodo Sawaki. Mais c'est facile d'extraire un texte du contexte. En cherchant, on a pu voir qu'en fait Kodo Sawaki, a exprimé l'absurdité de la guerre, qu'il a vécu.
La question est, si ces maîtres avaient la possibilité et la liberté, dans leur cadre, de pouvoir remettre en cause celui-ci, et donc une vraie liberté pour leur éthique. et aussi, l'évolution de la conscience humaine à cette époque. Il y a des discours qu'on pouvait tenir il y a cinquante ans, et qui aujourd'hui ne passeraient pas. C'est tout ça qu'il faut voir, je crois.
L'éveil n'est pas une garantie, mais on peut faire voeu de retenter sa chance de l'éveil. On peut tomber, et se relever et se remettre en marche. Ca veut dire savoir admettre ses erreurs, savoir pardonner. Savoir aussi qu'on a des limites, et que parfois on restera obtus sur certains points qu'on ne dépasse pas...avec la meilleure volonté du monde.

Ah, l'éveil!! On en cause comme si on savait ce que c'est, z'avez remarqué?? :mrgreen:
Sourire

lausm a écrit :Ah, l'éveil!! On en cause comme si on savait ce que c'est, z'avez remarqué?? :mrgreen:
Comme des enfants le nez collé à la vitrine d'un chocolatier qui dégusteraient les petits personnages en chocolat noir et en sucre de toutes les couleurs qui la décorent...
Alors qu'ils ont l'habitude du nutella.
Iskander

Flocon a écrit :dans certaines écoles bouddhistes, comme le Zen Sôtô, ou le Chan chinois actuel (qui unifie les équivalents chinois de Rinzaï et Sôtô), non seulement les éveillés peuvent agir de façon immorale aux yeux des êtres ordinaires, mais on va jusqu'à affirmer que des éveillés peuvent être des animaux -munis de tout leur comportement animal. Comment alors les reconnaître à des traits sociaux, moraux, etc. ? Le critère de reconnaissance est ailleurs, évidemment.
Pour bien comprendre ce que tu veux dire, je voudrais te demander: lorsque tu dis que les éveillés agissent de façon immorale, de quelle morale parles-tu? Ça peut être une morale mondaine (enlever le chapeau lorsqu'on est à l'intérieur, dire merci et s'il vous plaît), ou est-ce qu'on parle de la moralité en termes de production de la souffrance chez les autres ou pour soi? Il m'est facile de concevoir un éveillé qui néglige les conventions mondaines, mais c'est plus difficile s'il ignore les grandes préoccupations typiquement bouddhistes. À quoi faisais-tu allusion?
Jean

Il me semble qu'il y a différents Éveils et différents niveaux d’Éveil.

Comment évaluer le degrés d’Éveil d'une personne?

Au bout du compte, quelles sont les personnes qui m'ont apporté quelque chose de positif dans ma vie? Il y a des experts en spiritualité, des gens ordinaires, des enfants et même des animaux. Peut-être même que sans ce que m'ont appris un enfant ou un animal, je n'aurais rien appris d'un expert, spécialiste réputé en spiritualité?

A supposer que l'on rencontre un Éveillé, l'important est de pratiquer ce qu'il enseigne. Sa photo sur un autel où son livre sur une étagère, son e mail ou son numéro dans un smartphone sont insuffisants.

A la limite, on pourrait dire : "J'ai rencontré Machin Bidule, j'ai pratiqué ce que m'a appris Machin Bidule et ma vie a été changée en positif. Merci Machin Bidule!"

Je :arrow:
Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

Je parlais de la "morale" liée à la production de souffrance, telle qu'elle est définie en termes bouddhistes. L'exemple donné par Dumè est très bon : Nansen tue le chat, donc il prive un être sensible de son corps, de sa vie, il lui cause de la souffrance ; et il en cause aussi aux spectateurs de son acte, qui sont choqués. Or Nansen est un Bouddha pour le Chan comme pour le Zen, il n'y a pas à en sortir.
On est assez loin de l'image du Bouddha historique, qui promulgue dans le vinaya une règle destinée à protéger la vie des insectes de la forêt (et pourtant, lui aussi est un Bouddha, pour toutes les écoles). Qu'en déduire?
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Flocon a écrit :Je parlais de la "morale" liée à la production de souffrance, telle qu'elle est définie en termes bouddhistes. L'exemple donné par Dumè est très bon : Nansen tue le chat, donc il prive un être sensible de son corps, de sa vie, il lui cause de la souffrance ; et il en cause aussi aux spectateurs de son acte, qui sont choqués. Or Nansen est un Bouddha pour le Chan comme pour le Zen, il n'y a pas à en sortir.
On est assez loin de l'image du Bouddha historique, qui promulgue dans le vinaya une règle destinée à protéger la vie des insectes de la forêt (et pourtant, lui aussi est un Bouddha, pour toutes les écoles). Qu'en déduire?
jap_8 Question importante et peut-être que chacun aura sa réponse...

Cela rappelle le fait que Guru Padmasambhava avait délibérément envoyé une flèche dans le fils de l'un des ministres du roi qui l'avait recueilli. Cela suppose qu'on accepte l'omniscient Eveil permettant de savoir exactement ce qu'il faut faire en accord avec le karma de tel ou tel être; ce qui était le cas de Guru Rinpoché.

Soit Nansen était omniscient et agissait en accord avec le karma du chat, soit il est permis d'émettre des doutes sur sa compréhension de ce qu'implique la vérité conventionnelle.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
antodume

Dharmadhatu a écrit :Soit Nansen était omniscient et agissait en accord avec le karma du chat, soit il est permis d'émettre des doutes sur sa compréhension de ce qu'implique la vérité conventionnelle.
Cette question est contenue dans le cas (kôan) lui-même. Le chat est l'esprit de Bouddha (ou l'esprit de Bouddha a pris la forme du chat, si on préfère), à la fois un et deux (et ni l'un ni l'autre, en relation avec les deux derniers lemmes de Nagarjuna et donc simplement un chat "ordinaire" mais comme Nirmanakaya). Dans le monde dualiste (exprimé par la dispute des moines), le chat meurt (il est deux = pourfendu). Dans la "non-dualité" (exprimée par la réponse de Joshu), il est sauvé (il est un). Mais Joshu arrive un peu tard et donc le chat meurt. Mais, si on observe bien les choses, Çakyamuni aussi arrive un peu tard ; il n'a pas réussi à sauver les hommes de la souffrance ; cette souffrance est déjà là, et ce depuis le début de l'apparition de la vie sur terre. Seul son enseignement (le Dharma) reste. Seul reste l'enseignement de Joshu (et Nansen). Joshu fut un grand maître du Chan (considéré comme un Bouddha) et qui a dépassé, en notoriété, largement Nansen. C'est lui qui est à l'origine du fameux kôan "Mu" (le chien a-t-il la nature de Bouddha ?) ou encore "le cyprès dans la cour". Pour la petite histoire, Joshu n'eut l'éveil qu'à 80 ans (ça laisse de l'espoir aux candidats potentiels :D ). Il mourut à 120 ans.

Attention, il ne faudrait pas non plus analyser ce cas sous l'angle historique. Que cette histoire repose sur des faits réels ou pas n'est pas le sujet. C'est même probablement un cas inventé comme est probablement une histoire inventée la transmission du Bouddha à Kashyapa. A ce propos, si Kashyapa est considéré comme le 1er Patriarche du Zen après le Bouddha, c'est par la seule raison que la transmission se fit en dehors de la lettre (le Zen, par définition, depuis Bodhidharma, se place au-delà des écritures et des doctrines). C'est donc une ascendance dans l'esprit et non dans l'histoire. Le Zen se transmet uniquement d'esprit à esprit.
Répondre