Les 4 méditations protectrices

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cgigi2
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Les 4 méditations protectrices
Introduction

Naturellement, toutes les méditations enseignées par Bouddha ont des vertus protectrices. Outre les bénéfices habituels de la méditation comme la concentration et le calme pour ne citer qu’eux, 4 objets de méditation nous donnent les conditions essentielles à notre pratique dans le Dhamma : la confiance, la sécurité, le détachement et le sentiment d’urgence.

Ces 4 objets que nous appelons « les 4 méditations protectrices » sont :

buddhānussati
mettā bhāvanā
asubha
maraṇānussati

Dans le jeu de cartes des 40 objets de méditation,
les 4 méditations protectrices sont les 4 as.
buddhānussati
Quelle est la protection buddhānussati ?

La confiance. Nous obtenons la confiance dans le Dhamma, dans la méditation, dans le guide, et dans nos propres capacités.
Quel obstacle combat-il ?

Le doute. Lorsque nous doutons, nous nous perdons dans les pensées inutiles, nous tombons dans l’inquiétude, nous nous fatiguons, nous tombons dans le découragement.
Comment méditer sur buddhānussati ?

Nous choisissons l’une des 9 qualités de Bouddha, par exemple arahaṃ. Cette qualité signifie qu’il est le plus noble des êtres, car il est le seul capable d’arriver par lui-même à la Délivrance et aussi le seul capable à concevoir l’enseignement du Dhamma pour en faire bénéficier les autres.

Nous nous imprégnons pleinement de ce sentiment qui peut, selon notre expérience ou selon les moments, se manifester comme une dévotion, un respect, un hommage, un remerciement, une admiration ou bien sûr un alliage de plusieurs de ces aspects. Si nécessaire, nous pouvons donner plus d’intensité à notre sentiment de dévotion. Nous pouvons songer aux pāramī exceptionnelles que Bouddha a développées — en matière de détermination, d’endurance, d’effort, etc. — afin de pouvoir nous livrer la recette toute prête pour une libération si rapide et si aisée en comparaison de ce qu’il a dû endurer pendant un nombre inimaginable d’existences.

Nous nous efforçons de laisser notre esprit habité uniquement par ce sentiment de dévotion et de gratitude. Nous nous appliquons à être conscients que même nos pires difficultés sont absolument insignifiantes comparées à tout ce que Bouddha a dû éprouver pour nous ouvrir la « porte de sortie » et que désormais il nous suffit à peine d’un pas ou deux pour la franchir. Pour nous aider à ancrer ce buddhānussati dans notre esprit, nous pouvons associer notre sentiment dévotionnel au terme choisi en le répétant lentement et mentalement — arahaṃ dans notre exemple. Le dire à voix basse peut parfois apporter une aide supplémentaire. En commençant une séance de méditation par exemple.

Avec un peu d’entraînement, la répétition mentale du mot apporte naturellement le sentiment pur de dévotion lié à la signification du mot. Nous pouvons alors abandonner le mot en restant concentrés uniquement sur l’objet lui-même, c’est-à-dire sur ce sentiment de dévotion respectueuse envers Bouddha. Nous pouvons recourir au support du mot en fonction de nos besoins. Bien sûr, les mots et leur prononciation n’ont pas d’importance. Seul l’état d’esprit compte.
Gandhi a dit :

Il vaut mieux mettre son cœur dans la prière sans trouver de paroles
que trouver des mots sans y mettre son cœur.

Pour mieux ressentir ou pour accroître le buddhānussati, nous pouvons également nous aider de gestes, comme joindre les mains en signe de respect ou regarder Bouddha en statue, ou l’imaginer devant nous, rayonnant…
Pourquoi buddhānussati donne-t-il la confiance ?

Un esprit empli d’admiration et de reconnaissance pour Bouddha et son parcours extraordinaire n’engendre que de la joie, de la motivation et de la détermination. Ces qualités sont les principaux antidotes à tout ce qui empêche la confiance (sadhā) de rayonner. De plus, nous comprenons qu’un être aussi noble, aussi remarquable et aussi bienfaisant que Bouddha n’a pu enseigner que des choses bénéfiques, justes et efficaces. D’ailleurs Bouddha parle souvent du fait que quiconque applique ses conseils avec diligence ne peut que progresser rapidement vers l’Accomplissement. Toutefois, seule notre propre expérience pourra nous offrir peu à peu une confiance solide puisque nous serons alors en mesure de constater directement par nous-même l’efficacité de cet enseignement.

Pour porter ses fruits, la méditation sur buddhanussati doit être répétée et régulière. Car n’oublions pas que la confiance demeure stable seulement à partir du premier stade de l’Accomplissement (sotapāti).
Expérience personnelle

Ignorant qu’il s’agissait d’un objet de méditation enseigné par Bouddha, j’ai longtemps boudé buddhānussati, pensant qu’il ne s’agissait que d’une sorte de prière aveugle. En me renseignant correctement, j’ai souhaité essayer, même si je n’ai jamais vraiment été sous l’emprise du doute dans ma pratique. Depuis, ma vision sur la pratique dévotionnelle a complètement changé. Je réalisais alors combien critiques et condescendantes étaient mes pensées à l’égard de ceux qui ont une façon de pratiquer différente de la mienne. En plus de me focaliser sur les aspects favorables des différentes façons de pratiquer, cela a influé dans ma méditation de l’enthousiasme, de la motivation et plus d’ouverture d’esprit !
mettā bhāvanā
Quelle est la protection mettā ?

La sécurité. Nous sommes à l’abri des besoins vitaux, de l’inimitié et des gros problèmes.
Quel obstacle combat-il ?

L’hostilité. Quand l’hostilité s’installe dans l’esprit, s’ouvrent les portes de la haine, du mécontentement, de la jalousie et des pensées malveillantes. Ce qui attire inévitablement l’insécurité, le malaise, le rejet et les difficultés en tout genre.
Comment méditer sur mettā ?

Comme pour beaucoup d’objets de méditation, mettā bhāvanā est d’un principe extrêmement simple. Seule sa bonne mise en application peut prendre du temps.

Nous imprégnons autant que possible notre esprit de pure bienveillance, puis nous prolongeons cet état d’esprit aussi longtemps que possible, en demeurant bien concentrés dessus. Chaque fois que ce n’est plus le cas, nous revenons aussitôt sur cet objet.

Pour nous aider à développer la bienveillance, nous commencerons par cibler des individus sur qui la projeter. Dans le cadre de mettā bhāvanā, une personne ne représente qu’un support pour susciter de la bienveillance. Il convient de ne pas lui accorder trop d’attention. Nous devons rester focalisés exclusivement sur le sentiment de bienveillance.

La première personne sur qui diriger la bienveillance doit impérativement être soi-même. Ceci pour une raison évidente. Lorsque nous diffusons de la bienveillance vers quelqu’un, cela passe obligatoirement par soi. Comment « envoyer du bien-être » quand on est soi-même « à sec » ? Comment donner de l’amour quand on en n’a pas pour soi ? C’est comme une centrale électrique, elle ne peut distribuer de l’électricité dans un pays que si elle en est d’abord pourvue.

Répéter une formule s’avère d’une grande aide, surtout durant les premiers temps de la pratique. On peut par exemple le faire pendant quelques semaines, ou encore en guise de tremplin durant les cinq ou dix premières minutes de chaque session assise. Chacun peut choisir la formule qui lui sied le mieux, mais sans adopter une phrase trop longue. Par exemple : « Puissé-je être bien, à l’abri de tout danger, en bonne santé et en paix ! » Un exemple raccourci : « Puissé-je être bien et en paix ! »

Plusieurs méthodes sont enseignées dans la manière de cibler ceux envers qui développer de la bienveillance. L’une d’elles consiste à élargir progressivement sa zone géographique. On cible d’abord tous les êtres qui sont situés dans la même maison que nous — y compris ceux qui sont invisibles. Ensuite on élargit la bienveillance à ceux du quartier ou du village. Puis on l’étend à la région, au pays, au monde, et enfin à l’ensemble des êtres de l’univers.

Une autre méthode consiste à commencer par la cible la plus facile pour arriver à la plus difficile. Soi-même est toujours la cible la plus facile. Et même si nous avons parfois l’impression qu’il est plus aisé de destiner de la bienveillance à autrui qu’à soi, il ne s’agit que d’une idée erronée généralement produite par le fait de croire que c’est égoïste voire inutile. Pourtant, bien au contraire, commencer par soi-même est d’une grande nécessité, tout particulièrement lorsqu’on n’a que peu de confiance en soi.
Proverbe français

Charité bien ordonnée commence par soi-même.

Répéter en boucle ce genre de formule peut paraître manquer de naturel au début. D’ailleurs tout comme le fait de diriger toute notre bienveillance en continu et a fortiori vers des personnes qu’habituellement nous n’apprécions pas. Mais comme dans beaucoup d’autres domaines, l’entraînement n’est pas facile au début. Le succès ne vient qu’à force de persévérance et de patience.

Une fois que nous nous sentons remplis de mettā pour nous-mêmes, nous pouvons changer de cible. Nous choisirons la personne que nous apprécions le plus : notre meilleur(e) ami(e). Mais attention, dans tous les cas, nous ne choisirons jamais un être du sexe opposé, ou plus précisément, une personne du sexe qui nous attire. Dans le cas où nous sommes attirés par les deux sexes, nous choisirons des personnes pour qui nous n’avons pas d’attirance sensuelle. Sinon, le fait de développer de la bienveillance engendrerait plus ou moins mais inévitablement du désir sensuel voire sexuel pour cette personne, ce qui corromprait la pureté de notre méditation. N’oublions pas que si la bienveillance est un état d’esprit bénéfique, le désir quant à lui, est pernicieux.

Quand mettā « coule » bien, c’est comme un climatiseur qui envoie de l’air rafraîchissant de façon constante, quelle que soit la personne ciblée. À chacun de moduler le changement de cible : chaque heure, chaque jour, chaque semaine, etc. Après notre meilleur(e) ami(e), nous continuerons de souhaiter le meilleur avec tout autant de sincérité mais en orientant notre bienveillance vers une personne qui nous est indifférente, c’est-à-dire pour qui nous n’avons ni d’appréciation particulière, ni de dépréciation. La cible suivante sera notre « pire ennemi ». Si nous n’en avons pas, ce sera une personne qui nous aurait causé du tort ou qui semble hostile à notre égard. Si vraiment tout le monde est amical envers nous, nous pourrons toujours trouver une personne qui est nuisible à d’autres.

La personne choisie, quelle que soit la manière de cibler, peut se trouver à l’autre bout de la planète. Mais dans tous les cas elle doit être connue personnellement et être vivante de préférence. Enfin, pour dernière cible nous adresserons toute notre bonté à tous les êtres, qu’ils soient humains, animaux ou autres, que nous les connaissions ou non, et que nous puissions les imaginer ou non. Après cela, soit nous reprenons à partir de la première cible, soit nous continuons sans cible si nous sentons que notre diffusion de mettā est suffisamment importante et régulière pour nous passer de support. Quitte à ce que nous reprenions une cible à chaque fois que c’est nécessaire.
Pourquoi mettā bhāvanā donne-t-il la sécurité ?

Le pouvoir de mettā est très puissant. Lorsqu’il est bien développé, l’esprit est en harmonie avec tout élément entrant en contact avec lui. Plus le courant du fleuve de la bienveillance est fort, et moins les nageurs hostiles peuvent remonter le courant. Au contraire, ils ont tendance à se faire emporter dans la « bonne » direction par le fleuve.

mettā procure une sécurité autant à l’intérieur qu’à l’exterieur. Sur le plan intérieur parce que les états mentaux malsains ne peuvent plus avoir d’emprise sur un esprit baigné par un courant puissant et continu de bonté, de bienfaisance, d’amour, d’amitié profonde et de joie pure. Sur le plan exterieur parce qu’aucun être, humain ou non, ne peut entraver celui qui rayonne d’une énergie bénéfique si grande. Si un être hostile s’en approche, ses mauvaises intentions fondent comme neige au soleil. À l’instar du soleil, plus l’esprit brille de bienveillance et plus son rayon d’influence positive est vaste et intense.
Aśvaghoșa a dit :

La bienveillance envers tous les êtres est la vraie religion.

Il n’est pas nécessaire d’être un méditant très avancé pour expérimenter un avant-goût de mettā. N’importe qui connaît cela, à un niveau amoindri certes, même s’il n’a jamais entendu parler de mettā et qu’il n’y prête pas attention. Par exemple, lorsque nous nous sentons très mal, un petit rien peut faire éclater en nous la colère et nous pouvons proférer toutes sortes d’injures. Si on nous demandait de réagir ainsi dans un instant où tout va pour le mieux, où nous nous sentons plein de joie et d’affection, nous en serions incapables. Au plus, nous pourrions jouer la scène d’un coléreux. Mais un état d’esprit réellement hostile ne pourrait même pas apparaître dans un tel moment. Ce qui est bien avec mettā bhāvanā, c’est que de tels moments bénéfiques ne sont pas qu’occasionnels mais plus ou moins constants et l’intensité de sérénité et de joie dépasse largement nos plus belles imaginations !

De plus, mettā bhāvanā a un pouvoir presque magique qui s’étend au-delà encore. Si l’expérience permet de le constater régulièrement, personne ne serait en mesure de fournir une explication rationnelle à ce phénomène qui implique des lois bien trop complexes pour l’esprit humain, comme le kamma ou le mouvement des éléments — les « énergies ». Le fait est que les situations ont une forte tendance à se succéder très positivement pour un être à l’esprit pur. Cela ne concerne pas seulement mettā mais tout état d’esprit pur que, par définition, seule la concentration permet. On peut toutefois comprendre qu’il est bien naturel, lorsque nous ne baignons que dans le souhait que les êtres soient bien, écartés de tout danger, en bonne santé et en paix, qu’en retour tout nous aide et nous protège.

Nous récoltons ce que nous semons. mettā permet une si grande capacité de bien-être et de contentement qu’il protège plus que tout, allant jusqu’à nous mettre à l’abri de la moindre situation inconfortable. Certains aiment dire et penser que les deva contribuent à protéger les humains qui adoptent des états d’esprit nobles ou concentrés, en influant sur les événements, comme par exemple pour leur éviter un accident, pour leur fournir ce dont ils ont besoin, etc. Par prudence, il est toujours mieux de ne pas « prendre pour argent comptant » ce que nous ne pouvons pas vérifier par nous-mêmes. Néanmoins, penser ainsi peut parfois nous aider à nous motiver à progresser toujours dans le bon sens, et c’est bien là l’important.

Bien sûr il existe des exceptions à la protection offerte par la bienveillance, mais elles sont rares. Cela dit, lorsqu’un méditant absorbé dans les états jhaniques de mettā meurt d’une maladie, nous pouvons facilement imaginer que c’est probablement pour renaître dans de meilleures conditions. Quoiqu’il en soit, rien ne peut effacer nos dettes kammiques. Même datant d’un très grand nombre de vies en arrière, lorsqu’un akusala (acte nuisible) arrive à maturité, il n’y a aucun moyen d’y échapper. Même Bouddha a continué de régler des « dettes » jusqu’à la fin de sa dernière vie.
Les 11 bénéfices de mettā

On s’endort heureux
On se réveille heureux
On ne fait pas de mauvais rêves
On est aimé des hommes et des deva
On est protégé des deva
On est protégé du feu
On est protégé des armes
On est protégé du poison
On est épargné des mauvais états d’esprits
On a le visage d’apparence agréable
On renaît « sans hésitation » chez les brahmā

Expérience personnelle

Quand j’adopte un esprit bienveillant, les choses se déroulent toujours de façon nettement plus fluide. En y prêtant attention, n’importe qui peut constater la même chose. Chaque fois que je me suis trouvé dans la situation (pas rare quand on est un renonçant en déplacement) où, sans rien ni même un sou, j’ignorais totalement où aller pour loger, comment obtenir à manger, etc., plus je garde un esprit bienveillant sans aucune attente ni aucune crainte, et plus les choses se déroulent mieux qu’elles n’auraient pu être espérées. Grâce à mettā, on reste au présent et on gagne la tranquillité. La quiétude empêche l’inquiétude, et engendre le contentement, remède inégalable contre les situations inconfortables.
asubha
Quelle est la protection asubha ?

Le détachement. Nous obtenons une liberté d’esprit qui nous permet un investissement sans frein dans notre pratique, grâce au détachement de ce qui constitue généralement le plus gênant et le plus tenace des obstacles.
Quel obstacle combat-il ?

Le désir charnel. En proie aux pulsions lubriques ou aux sentiments amoureux, notre progression sur la voie de la pureté se retrouve complètement paralysée. Il ne faut surtout pas confondre les sentiments amoureux avec mettā, « l’amour bienveillant ».
Ajahn Chah a dit :

Il faut aller un peu à contre-courant de nos attirances et de nos répulsions pour réellement voir le Dhamma.
Comment méditer sur asubha ?

asubha signifie « déplaisant ». Nous dirigeons toute notre attention sur le caractère repoussant du corps humain. De toute évidence, un cadavre décomposé constitue un objet de méditation très efficace. Comme il n’est pas facile de nos jours dans un pays occidental d’avoir l’occasion d’approcher un cadavre pendant des heures, nous pouvons méditer sur des « cadavres vivants » ou des zones choisies, voire des images.

Le sentiment de dégoût bien établi, couplé à une compréhension claire que tout corps se constitue exclusivement d’éléments répugnants — chair, os, sang, graisse, foie, poumons, cerveau, etc. —, nous nous concentrons pleinement sur cet objet aussi longtemps que possible, en revenant dessus à chaque fois que l’esprit « glisse » ailleurs.
Voir :

asubha, méditation sur le caractère déplaisant du corps
Pourquoi asubha procure-t-il le détachement ?

Une fois que l’esprit est bien entraîné à percevoir le corps tel qu’il est réellement, à savoir un assemblage d’éléments dégoûtants, et qu’une bonne concentration l’empêche de générer des fantasmes habituellement si compulsifs, il ne peut plus tomber dans l’illusion asservissante du désir charnel.
Expérience personnelle

Pendant de nombreuses années de vie monastique, si l’abstinence me préservait de la course aliénante aux plaisirs sensuels, elle ne suffisait pas à empêcher l’émergence de pulsions sexuelles d’une puissance parfois inouïe. Après un entraînement — intermittent mais bien ciblé — sur une période de quelques mois, je réussis enfin à prendre suffisamment de contrôle sur le désir pour lui échapper avant que les fantasmes ne parviennent à prendre les pleins pouvoirs.

Moyennant peu d’effort mais appliqué à chaque moment « sensible », voir de la « viande fort peu appétissante » au lieu de « formes délicieuses et excitantes » devient progressivement un réflexe naturel.
maraṇānussati
Quelle est la protection maraṇānussati ?

Le sentiment d’urgence. Nous obtenons un sentiment d’urgence pour la pratique du Dhamma, pour le développement d’une conduite irréprochable et pour la méditation.
Bouddha a dit :

L’homme qui s’attache à cueillir les plaisirs comme des fleurs,
est saisi par la mort qui l’emportera
comme un torrent débordé emporte un village endormi.
Quel obstacle combat-il ?

L’insouciance. C’est tout simplement le pire de tous les obstacles. Mais il n’est toutefois pas si difficile à écarter si notre prise de conscience est suffisamment profonde. Tant que nous sommes insouciants, nous nous complaisons dans nos impuretés, nous nous attachons au cycle des vies, nous nous perdons dans l’illusion, nous nous éloignons à grands pas de la voie de la raison, de la Sagesse, de l’Accomplissement, et nous ruinons nos opportunités futures à rencontrer de nouveau le Dhamma.
Comment méditer sur maraṇānussati ?

Nous procédons selon le même principe que pour buddhānussati ou mettā bhāvanā (voir plus haut sur cette page). Ici, le concept sur lequel porter son attention est une chose que tout le monde sait sans le savoir : le fait qu’inévitablement nous mourrons et que cela peut arriver n’importe quand. Nous le savons parce que nous connaissons le fait que la mort n’épargne personne et qu’elle peut survenir à n’importe quel moment. Nous ne le savons pas car notre surpuissant attachement à la vie a depuis toujours forgé dans un petit coin influent de notre conscience que : « la mort, ce n’est pas pour moi, en tout cas pas pour tout de suite, je suis là depuis tant d’années, il n’y a aucune raison pour disparaître maintenant… » Une preuve ? Quand on entend « à vie », cette expression résonne dans notre esprit plutôt comme « pour toujours », « pour l’éternité ». Sans un bon entraînement maraṇānussati, qui aurait le réflexe de penser que « à vie » peut signifier aussi « pour un temps très bref » ? Curieusement, certaines personnes imaginent que la garantie à vie d’un produit s’étend sur le long de leur propre vie, alors qu’en fait elle concerne le produit. Dans cette idée fausse, songent-elles sérieusement en voyant un article garanti à vie qu’un article garanti 1 an pourrait offrir une garantie plus longue ?

Pour méditer sur maraṇānussati, nous choisissons donc une phrase simple qui pour nous évoque le mieux le caractère non seulement inéluctable mais aussi inattendu de la mort. Par exemple : « La mort est incertaine, je peux tout aussi bien mourir demain, dans l’heure suivante ou dans la minute, sans m’y être attendu ! » ou si nous préférons les formules abrégées : « Je peux mourir tout de suite ! ». Nous répétons alors lentement et mentalement la formule choisie de façon à bien nous imprégner l’esprit de cette vérité indiscutable. Nous devrions développer progressivement une petite crainte saine, celle de gaspiller dangereusement notre vie lorsque nous ne pratiquons plus ou trop peu la Vertu, la Concentration et la Sagesse.

Il n’y a toutefois aucune raison d’angoisser. Autrement, changeons de méditation, mais non sans penser d’abord que prendre fortement conscience que notre propre vie peut prendre fin n’importe quand ne change rien à la date à laquelle cela se produira et ceci ne peut que nous inciter à l’employer de façon nettement mieux que si nous demeurons dans l’insouciance. La méditation maraṇānussati ne se contente pas de nous offrir cette prise de conscience essentielle, car au moment-même où nous sommes focalisés sur cet objet, nous sommes en plein cœur du chemin qui conduit à la Délivrance. Aussi longtemps que nous n’accédons pas à l’accomplissement, il est normal d’avoir une certaine crainte de la mort, puisque nous ignorons où nous nous retrouverons après. La seule chose qui puisse définitivement nous mettre à l’abri de toute crainte et souffrance liées à nos morts continuelles dans le cycle sans fin des renaissances est l’Accomplissement (nibbāna). Et c’est précisément dans ce dessein que nous pratiquons la méditation.
Gandhi a dit :

Vis comme si tu devais mourir demain…
Apprends comme si tu devais vivre toujours.

Ce qu’il y a d’encourageant c’est de penser que grâce à maraṇānussati, nous pourrons avoir l’esprit tranquille. Obtenir une vie humaine est très rare, et celle de méditant informé de l’enseignement du Dhamma l’est encore bien plus. Si nous développons les pāramī sans perdre une miette de notre si précieuse vie, nous ne redouterons plus le moment de notre mort, même s’il est tout proche et que nous en connaissons la date. Car quoi de plus doux et de plus rassurant que le sentiment d’avoir accompli au mieux que nous pouvions faire tout au long de notre vie ? Et peu importe alors le niveau de pureté obtenu.
Pourquoi maraṇānussati donne-t-il le sentiment d’urgence ?

Nous devenons pleinement conscients que notre mort peut se produire à n’importe quel instant, sans qu’elle n’ait la délicatesse d’attendre que nous achevions un projet qui nous tient à cœur, ni même peut-être celle de nous laisser le temps de nous dire « ça y est ! ».

De ce fait, nous devenons très soucieux d’employer au mieux le temps qu’il nous reste. Nous ne nous autorisons plus l’oisiveté. En tout cas de moins en moins facilement selon la pureté de notre maraṇānussati. Nous sommes conscients de la valeur inestimable de chaque instant de notre existence. Nous savons aussi que même si cette dernière sera longue, elle n’en restera pas moins éphémère et ne suffira peut-être même pas pour parvenir à l’Accomplissement.

Cependant, rien ne serait perdu en mourant avant l’Accomplissement puisqu’une vie de pratique intense dans le Dhamma contribue grandement à nous offrir des conditions encore meilleures pour la vie suivante.
Expérience personnelle

J’ai pour ma part toujours eu un sentiment d’urgence plutôt présent. Pratiquer maraṇānussati intensément pendant une journée seulement n’a fait que solidifier ce sentiment, affiner ma vertu et accroître ma détermination dans ma pratique du Dhamma. Je pense souvent : « Pourvu que je puisse vivre au moins jusqu’à écrire et rendre accessibles encore quelques textes sur le Dhamma avant de retourner méditer un peu dans la forêt birmane ! »

Mon maraṇānussati est encore loin d’être parfait. Sinon je n’aurais même pas quitté ma cabane de méditation isolée du monde. Cependant, à mes yeux le partage du Dhamma compte autant que ma propre pratique.
Voir aussi :

La méditation samatha

Les 40 objets de méditation

ānāpānānussati, la méditation sur la respiration

http://www.dhammadana.org/samatha/kamma ... ctions.htm
avec metta
gigi
Image
Ici et Maintenant pleine attention à la pleine conscience
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