Un bouddhisme athée

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existence

On cherche parfois à catégoriser le bouddhisme en tant que religion ou en tant qu'athéisme. D'une part, je suis dubitatif qu'on puisse considérer l'athéisme comme une non-religion parce qu'on peut avoir une spiritualité athée. D'autre part, le bouddhisme a de nombreuses variantes, et il me semble que certaines formes de bouddhisme ont plutôt du côté religieux et d'autres plutôt du côté athée, si tant est que cela puisse vouloir dire quelque chose.

Plutôt que de vouloir définir le bouddhisme, je vous propose ma réflexion au sujet d'un certain bouddhisme qu'on peut envisager en étant athée. Je l'ai appelé bouddhisme athée (texte en ligne). Je vous recopie la dernière version du texte.

A la recherche d'une vision globale des choses et du bonheur, j'ai étudié un peu les religions et la psychologie. Je suis assez scientifique dans ma méthode alors j'ai vérifié chaque affirmation, et je suis arrivé à la conclusion que la religion la plus proche de la rationalité et de l'humanisme était le bouddhisme. Cependant, cela reste une religion, ou plutôt plusieurs religions, avec un folklore et des quasi-divinités. D'autre part, le bouddhisme utilise une terminologie avec des mots incompréhensibles, des pratiques étranges etc. Pourtant, si on en reste aux enseignements de Siddhartha Gautama, le bouddhisme ressemble plus à une psychologie du bonheur qu'autre chose. L'enseignement de base du bouddha est appelé les 4 nobles vérités. En fait, ce ne sont pas vraiment des vérités, mais plus des méthodes pour être heureux. Avant de voir cela plus en détails, je vous propose d'abord de rédéfinir quelques termes connus du bouddhisme, afin de déblayer la voie.

Souffrance : état de tension désagréable, etc. Il ne s'agit pas de la perception de la douleur qui est une modalité sensorielle comme une autre, mais d'une souffrance psychologique, qui peut prendre par exemple la forme de tristesse, de peur, de frustration, de douleur, ou d'aversion. Bien entendu, la douleur physique peut être à une cause de cette souffrance, puisque naturellement nous fuyons la douleur.

Samsara : conditionnement de l'esprit nous faisant souffrir. Il s'agit matériellement de connexion synaptiques que nous pouvons "reconfigurer" avec le temps, afin de se libérer de la souffrance. Il n'est pas sûr qu'on puisse tout à fait se libérer de la souffrance quand on est affligé physiquement. Il s'agit essentiellement de se libérer de la souffrance qui est entretenue au niveau mental, pas de devenir complètement insensible.

Nirvana : état de l'esprit libéré des conditionnements samsariques. Il s'agit d'un état stable, procurant une joie durable. C'est sans doute le concept qui est le plus différent dans le bouddhisme athée. En effet, il s'agit de se libérer non pas de la réalité tout court comme dans le bouddhisme classique, mais de se libérer de la réalité subjective qui cause la souffrance, c'est-à-dire la réalité construite par le mental qui nous cause de la souffrance. C'est d'ailleurs l'objet des 4 nobles vérités, l'enseignement de base du bouddha.

Bonheur : joie durable ne dépendant pas d'une personne ou d'un objet extérieur, résultant de notre déconditionnement. Un tel état n'empêche pas d'avoir du plaisir d'autre part, d'effectuer des actions, de percevoir le monde qui nous entoure et de communiquer. Il s'agit en quelque sorte de la conséquence du nirvana, même si en fait, ce sont des faces d'une même chose. Le bonheur est simplement la face radieuse du nirvana, ce qui rend cet état souhaitable. Paradoxalement, le bouddhisme met en avant une notion d'interdépendance de toute chose, et en même temps, il invite à développer une joie autonome et à devenir indépendant des autres quant à l'enseignement du bouddha. Il s'agit en fait plutôt d'une autonomie que d'une indépendance.

Amour : souhait qu'autrui trouve ce bonheur ne dépendant pas des circonstances. En d'autres termes, d'un point de vue bouddhiste, l'amour n'est pas la même chose que le désir, l'attachement ou la possessivité. Le désir est ce que qui cause l'existence de la relation, l'attachement ce qui rend difficile la séparation, et la possessivité la réduction des libertés de l'autre.

Compassion : empathie nous motivant à trouver des solutions aux problèmes d'autrui, et notamment à son conditionnement samsarique. Il ne s'agit pas de se faire souffrir pour autrui. La compassion et l'amour sont liés puisqu'il est difficile de faire le bonheur d'autrui sans avoir une connaissance de ses difficultés éventuelles. Le développement de la pleine conscience permet de bien se porter soi-même et ainsi d'être plus ouvert à autrui, ainsi que de percevoir comment autrui va. Plutôt que de poser la question "comment ça va" sans se soucier de la réponse, on peut constater comment autrui va.

Les 4 nobles vérités

Comme déjà évoqué, ce sont plutôt des méthodes que des vérités. Elles constituent l'essence de l'enseignement bouddhiste, au contraire du karma et de la réincarnation qui sont plus liées à la proximité culturelle avec l'hindouisme. Il s'agit de quatre étapes.
  1. Nous convoitons la cessation de la souffrance, et donc une "place" où l'on ne souffre pas. Or nous pouvons simplement connaitre la souffrance pour ce qu'elle est. Il ne s'agit pas de se causer des douleurs inutiles, mais si l'on souffre, fuir la perception de la douleur est une cause supplémentaire de souffrance.
  2. D'autre part, les désagréments sont inévitables. En comprenant que l'objectif convoité n'est pas raisonnable, on peut renoncer à cette convoitise. Il y a des causes de souffrance.
  3. En acceptant cela, la souffrance mentale de cette lutte contre l'existence de la douleur cesse. On peut en ressentir un soulagement. Cela laisse de la place pour la quatrième étape.
  4. Le bouddha recommande huit principes, la voie octuple, pour s'épanouir.
Il y a deux concepts qui sont importants au niveau de la connaissance de la réalité. Les voici.

Shunyata (vacuité) : nature du réel, que nous ne percevons pas clairement lorsque nous sommes dans un état samsarique. Ce que nous percevons est une reconstruction de la réalité à partir de nos perceptions, nous voyons des formes, identifions des choses, que nous prenons pour permanentes, alors que tout est interdépendance, les objets sont composés, les personnes sont en renouvellement permanent, les situations changent, nous dépendons tous les uns des autres, etc. ce qui fait qu'en fait tout est relation, à l'exception, peut-être, des particules élémentaires. Tout est en changement à plus ou moins longue échéance. Plutôt qu'insaisissable, il me semble que shunyata est surtout dynamique, c'est-à-dire que notre interaction pour apprendre à connaitre la réalité peut changer la réalité, et cela est d'autant plus vrai quand on interagit avec autrui.

Ego : sentiment d'être au centre du fait de notre système de perception, entrainant une considération exagérée de notre existence, de nos actions et de nos pensées, que ce soit en bien ou en mal. Et de façon "extérieure", cela entraine une considération exagérée de notre image et de ce qui nous est adressé. Cela est semblable à une illusion d'optique que nous percevons même si nous savons qu'il s'agit d'une illusion. En d'autres termes, l'ego n'est pas un mal ou un bien. Il se justifie par le fait que nous sommes la personne la mieux placée pour nous occuper de nous-mêmes. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille se débrouiller tout seul. Nous pouvons nous entraider, et même pour la plupart de nos actions quotidiennes, nous dépendons des autres.

Différents bouddhismes

A priori, je ne vois pas pourquoi une pratique devrait être mise en avant par rapport à une autre, à savoir la méditation, la marche, le yoga, la lecture etc. à partir du moment où l'on ressent que cela nous fait progresser dans la bonne direction. La bonne direction, la bonne voie, est simplement la réduction de notre souffrance et/ou de la souffrance d'autrui. On donne parfois trop d'importance au but ultime, le nirvana complet, ou encore Éveil, qui ne constitue que la ligne de mire, qu'on l'atteigne ou pas. Il y a une multitude d'états d'existence qui sont tout à fait sympathiques sont pour autant être le nirvana complet.

Le terme d'éveil est employé dans le bouddhisme dit du grand véhicule. Il est en partie synonyme de nirvana complet, en mettant en avant les qualités qui en résultent. Il s'agit d'un état d'esprit où on a une compassion totale pour tous les êtres. Cela ne veut pas dire qu'on connaissent tous les êtres, qu'on soit omniscient, mais que on ait potentiellement de la compassion pour n'importe quel être vivant. En effet, les êtres recherchent le bonheur et n'aiment pas la souffrance, ils tendent vers cette direction tout comme un objet va en direction du sol. Comprendre cela et alors développer le souhait que tous les êtres trouvent le bonheur, voilà la voie du grand véhicule. Bien entendu, cela veut dire ne pas être empêtré dans son propre ego, et s'être libéré de la haine pour autrui même quand il nous fait du tort. Cela ne veut pas dire de se laisser faire, puisque soi-même est un être vivant comme les autres qui aspire au bonheur et à la réduction de sa souffrance. Quand on comprend que ce qui motive autrui, ce sont des besoins fondamentaux que nous avons aussi, on ne peut pas le détester pour cela. Cependant, on peut être en désaccord avec la façon dont autrui cherche à répondre à ses besoins.

Dans le bouddhisme athée, il n'y a pas de dieu. Par exemple, si on personnifie la justice, l'amour, la compassion, la liberté etc. cela constitue simplement des métaphores ou des généralisations conceptuelles. Dans le bouddhisme classique, on prend plus "au sérieux" ces divinités. Ce qui fait qu'à certains égards, le bouddhisme peut être à peu de choses près une forme de polythéisme. Dans le bouddhisme athée, il n'y a pas de vénération. Tout au plus, on peut avoir de la révérence envers une personne qu'on admire. Mais même cela peut être contraire à l'Éveil, parce qu'on peut donner plus d'importance à une personne qu'elle n'en a en réalité, ou lui donner des prérogatives qu'elle ne devrait pas avoir.

Au centre du bouddhisme se trouve bien entendu le bouddha et le dharma. Nous allons donc définir ces termes.

Nature de bouddha : il s'agit de la texture de l'esprit, qui est le reflet de l'activité de nos neurones. Les neurones peuvent être plus ou moins activés ou inhibés. De façon analogue, les êtres cherchent le bonheur et fuient la souffrance. Cette ressemblance n'est pas un hasard, puisque c'est cette activation/inhibition qui est à l'origine du comportement des êtres vivants, et c'est cette activation/inhibition qui en retour nous permet de comprendre les autres êtres vivants. L'esprit nous permet donc d'avoir de la compassion, de l'empathie. D'ailleurs nous avons des neurones miroirs et des capacités à nous représenter ce que ressent autrui, par exemple avec l'expression du visage. Sur cette base, nous avons la capacité de développer l'amour et la compassion. La nature de bouddha est simplement que cela est présent en nous et dans tous les êtres, à des degrés divers.

Bouddha : bien que nous ayons la nature de bouddha, ce n'est qu'en la cultivant qu'on atteint l'éveil. Alors on devient un bouddha. Notez que cette phrase est en soi un paradoxe, puisque qu'il s'agit en grande partie d'un oubli de soi. On pourrait alors plutôt dire qu'on devient un bout de bouddha, un bout du dharmakaya (voir plus bas). Parmi les existences terrestres, l'existence humaine est la plus pratique pour atteindre l'éveil et "devenir un bouddha".

Dharma : ce mot désigne à la fois les enseignement bouddhistes (dans ce cas il y a plusieurs dharma) et à la fois la réalité ultime (dans ce cas, il n'y a qu'un dharma)

Dharmakaya : littéralement le corps du dharma. quand on s'éveille, nous comprenons la réalité, le dharma et alors nous ne sommes plus préoccupé par notre ego, notre esprit reflète la réalité avec suffisamment de fluidité et nous devenons alors la compassion et l'amour, nous devenons le dharmakaya. Il ne s'agit pas de quelque chose comme un objet, mais d'une compréhension, d'une sagesse. Bien entendu, notre corps matériel ne disparait pas au fur et à mesure qu'on "devient" le dharmakaya. Il s'agit d'un cheminement spirituel, c'est-à-dire de l'esprit. Notre corps est toujours là, et il se peut qu'autrui ne remarque pas le changement.

Le dharmakaya n'est pas vraiment une chose, il s'agit plutôt d'une généralisation conceptuelle de notre capacité à atteindre l'éveil et d'une certaine façon à ne faire qu'un avec un enseignement bouddhiste. Il ne s'agit pas vraiment du groupe social non plus, puisque ce n'est pas le nombre de personnes qui détermine si on progresse vers le nirvana. Cependant, on a toutes les raisons de se sentir proche d'autres personnes qui ont aussi développé des qualités bouddhistes. Si un enseignant vous dit de faire ceci ou cela pour ne pas aller en Enfer, ou vous dit de faire ceci ou cela pour atteindre l'éveil, ce qu'il fait là n'a pas grand chose à voir avec le bouddhisme. A l'exception d'actions visiblement négatives, la loi du Karma est beaucoup plus subtile que cela. La progression vers le dharmakaya n'est donc pas une emprise sociale, mais une capacité autonome à dicerner les bons choix.

La voie octuple

La voie octuple ou encore "octuple noble sentier", est intimement lié à la pleine conscience, c'est-à-dire au développement de l'attention. C'est une façon intellectuelle de faire la liste de ce qu'apporte son développement.

Le terme "juste" est à comprendre ici en tant que quantité raisonnable ou adéquate.
  1. vision juste ou compréhension juste (de la réalité, des quatre nobles vérités)
  2. pensée juste ou discernement juste (dénué d'avidité, de haine et d'ignorance)
  3. parole juste (ne pas mentir, ne pas semer la discorde ou la désunion, ne pas tenir un langage grossier, ne pas bavarder oisivement)
  4. action juste
  5. moyens d'existence justes ou profession juste
  6. effort ou persévérance juste (de vaincre ce qui est défavorable et d'entreprendre ce qui est favorable)
  7. attention juste, pleine conscience ou prise de conscience juste (des choses, de soi - de son corps, de ses émotions, de ses pensées -, des autres, de la réalité)
  8. concentration, établissement de l'être dans l'éveil
Le développement de l'attention est notamment l'objet de la médiation vipassana.

Développement sur shunyata (vacuité)

La description la plus systématique de shunyata est la coproduction conditionnée. Ceci étant, cela est. Ceci cessant, cela cesse. Plus globalement, shunyata est décrite comme étant l'interdépendance et l'impermanence.

Dans le bouddhisme, il n'y a pas d'âme. Ce que nous sommes à un instant "crée" ce que nous sommes à l'instant suivant. Mais nos actions ont des conséquences au-delà de notre corps, nous sommes dans le "coeur" des autres par exemple. Quand nous mourrons, l'ensemble des conséquences de ce que nous avons été ne disparaissent pas pour autant. Dans cette optique, on peut imaginer une sorte de réincarnation. D'une certaine façon, quand on meurt on fusionne avec le "collectif", et ce "collectif" redonne naissance à de nouveaux individus. Ces individus ont des points communs avec les précédents, ils ne sont pas le fruit du hasard. Cependant, il n'y a aucune garantie pour que les éléments de notre personalité converge vers un seul nouvel être, sans compter que nous sommes influencés aussi par des personnes bien vivantes. Dans le bouddhisme classique on considère cette réincarnation comme étant d'un individu vers un nouvel individu et selon le grand véhicule, la réincarnation ne se pose pour un être ayant atteint le nirvana que dans la mesure où les gens souhaitent qu'il se réincarne afin de continuer son oeuvre. D'un point de vue athée, cette distinction individuelle de la réincarnation est illusoire.

D'autre part, d'un point de vue athée, l'esprit est le reflet de l'activité des neurones. L'esprit peut avoir un effet puisqu'il peut faire agir le corps, mais pourtant tout n'est pas créé par l'esprit. Cela veut dire que même si le monde que nous percevons est une création de notre esprit, cette reconstruction de notre esprit se base sur la perception, en interaction avec le réel. Ainsi, quand nous voyons un objet, nous voyons en fait la reconstruction dans notre esprit d'un objet réel. Si l'objet était à un autre endroit, on le verrait à un autre endroit, c'est-à-dire que la reconstruction serait différente. Cependant nous ne voyons que la reconstruction, pas la réalité de l'objet. Et, si nous sommes en présence de quelqu'un, nous ne voyons que son apparence et les messages verbaux et non verbaux. Nous ne voyons pas son esprit directement. Nous avons alors seulement une perception limitée de la réalité des personnes.

La réalité a pour nature shunyata, c'est-à-dire que les objets sont composés et que tout est interdépendant et transitoire. L'interdépendance constitue les choses. Le concept de shunyata (composition/interdépendance) alors concerne différent sujets :
  • les objets réels sont composés et dépendent de leur environnement, ne serait-ce qu'un support.
  • les êtres vivants se nourrissent, et sont en renouvellement.
  • les émotions et les pensées sont le résultat de l'activité des neurones, qui sont un réseau d'interaction, alors l'activité de chaque neurone dépend de l'activité des autres neurones.
  • les situations évoluent et dépendent d'un grand nombre de facteurs.
Shunyata va encore plus loin avec l'esprit parce qu'avec la matière on peut supposer des particules élémentaires, tandis qu'avec l'esprit il n'y en a pas. S'il n'y a plus d'activité neuronale, il n'y a plus rien. Les émotions et les pensées n'ont donc aucune substance. C'est ce qu'on appelle la "vacuité". Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y ait rien. Ce que nous prenons pour la réalité est semblable au rêve, une reconstruction du monde, qui est le résultat de l'interdépendance de l'activité nos neurones. Or il n'y a aucune raison pour que cette reconstruction du monde soit conforme à la nature de la réalité. C'est ce que l'on appelle "ignorance", mais il ne s'agit pas d'un manque d'information.

Que notre pensée soit shunyata ne veut pas dire que l'on puisse changer notre façon de voir le monde en un claquement de doigt. Cela implique en effet une reconfiguration des réseaux neuronaux, ce qui prend du temps. La méditation a ce genre d'effets (sur le long terme).

Shunyata et une ville : une ville est un ensemble qu'on situe quelque part, délimité de façon floue, sans soi, en perpétuel changement, dont les éléments dépendent les uns des autres, et vont et viennent hors de la ville. De la même façon qu'un individu est en perpétuel renouvellement, une ville l'est également. Parfois même, les frontières de la ville sont complètement arbitraires, déterminée administrativement, mais ne correspondant pas à une variation de la densité de la population. Un raisonnement analogue peut-être fait au sujet d'une région ou d'un pays. Si on considère un pays, qu'on met de côté son nom (une suite de lettres) et son drapeau (un dessin, des couleurs juxtaposées), que reste-t-il ? Rien de permanent.
Iskander

Il y aurait beaucoup à discuter, en tout cas merci de mettre ton texte directement sur le forum.

Une remarque initiale que j'aurais est que il ne me semble pas que la méthodologie du Bouddha ait eu le bonheur comme objectif, mais plutôt la cessation de la souffrance, ce qui n'est déjà pas si mal.

Et tant qu'on parle de souffrance, je ne suis pas très sûr que ton texte indique clairement que il y a d'un côté la souffrance directe (je me cogne l'orteil, j'ai mal à l'orteil), et une souffrance de deuxième ordre, plus existentielle (je me suis cogné l'orteil, je suis un looser, je me déteste). Je pense que la méthodologie bouddhiste s'attache uniquement à la cessation de la souffrance de deuxième ordre.
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Longchen
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Iskander a écrit :(...) Une remarque initiale que j'aurais est que il ne me semble pas que la méthodologie du Bouddha ait eu le bonheur comme objectif, mais plutôt la cessation de la souffrance, ce qui n'est déjà pas si mal. (...)
Oui, mais si l'on réalise les 4 incommensurables par exemple, quel bonheur cela doit être je suppose ! love_3
L’instant présent 🙏
existence

Iskander a écrit :Et tant qu'on parle de souffrance, je ne suis pas très sûr que ton texte indique clairement que il y a d'un côté la souffrance directe (je me cogne l'orteil, j'ai mal à l'orteil), et une souffrance de deuxième ordre, plus existentielle (je me suis cogné l'orteil, je suis un looser, je me déteste). Je pense que la méthodologie bouddhiste s'attache uniquement à la cessation de la souffrance de deuxième ordre.
Ah ben si, justement, c'est ce que j'explique pour la définition de "souffrance" que je différencie de "douleur". On peut aussi parler de souffrance n°1 et souffrance n°2. Là c'est une question lexicale.
Iskander a écrit :Il y aurait beaucoup à discuter, en tout cas merci de mettre ton texte directement sur le forum.

Une remarque initiale que j'aurais est que il ne me semble pas que la méthodologie du Bouddha ait eu le bonheur comme objectif, mais plutôt la cessation de la souffrance, ce qui n'est déjà pas si mal.
Pas le bonheur béat, mais dans les 4 nobles vérités, la cessation de la souffrance, c'est le point n°3. Le point n°4 vise à l'épanouissement, c'est-à-dire au bonheur.
Iskander

existence a écrit : Pas le bonheur béat, mais dans les 4 nobles vérités, la cessation de la souffrance, c'est le point n°3. Le point n°4 vise à l'épanouissement, c'est-à-dire au bonheur.
Je pensais que le 4ème point visait à l'obtention du 3ème?
existence

Cela y participe, mais il y a plus.
chakyam

L'intérêt majeur de ce texte réside dans sa tentative de clarifier l'aspect religieux de l'aspect athée que traditionnellement on attribue cependant au Bouddhisme, ne serait-ce d'ailleurs que parce que son fondateur historique Gautama Siddharta ne « prétendit pas avoir été inspiré par un dieu ou une puissance extérieure. Il attribua sa réalisation et tout ce qu'il acquit et accomplit au seul effort et à la seule intelligence humaine » - Walpola RAHULA – l'Enseignement du Bouddha -

C'est donc cet aspect essentiellement humain que je retiens, même si je constate certains comportements, d'ailleurs retenu par Existence, tendant à l'adoration et la réification de personnages légendaires et de concepts mythico/magiques soutenant, au niveau spirituel, le principe de causalité, le karma et les Renaissances.

Ce qui m'amène logiquement à ma première critique à partir de cette phrase : La description la plus systématique de shunyata est la coproduction conditionnée. (Shunyata est le terme sanscrit de la vacuité qui désigne l'absence de nature propre des choses et des évènements)

Il faut me semble t-il inverser la proposition. Ce n'est pas la coproduction conditionnée qui décrit Shunyata, c'est Shunyata qui fonde la coproduction conditionnée. Historiquement, la coproduction décrit la « fabrication » de dukkha et notre travail de réflexion consiste, afin d'abolir la souffrance et ses mécanismes constitutifs, à comprendre la nature profonde des faits supposés la susciter, à savoir leur absence de réalité foncière, donc leur caractère fictif.

Ma seconde critique s'appuie sur cette seconde phrase : Quand nous mourrons, l'ensemble des conséquences de ce que nous avons été ne disparaissent pas pour autant. Dans cette optique, on peut imaginer une sorte de réincarnation.

Je constate l'aspect prudent de la formulation « ...on peut imaginer... » - Evidemment que socialement parlant nos actes perdurent après la mort et influencent nos proches et même ceux d'ailleurs qui ne l'étaient pas en fonction du niveau de pouvoir que nous exercions. Il n'en demeure pas moins que ces éventuelles influences ne sont telles que parce que nous sommes encore dominés par nos passions, nos désirs, nos préférences et nos rejets. Il n'y a rien d'absolu, de contraint auquel nous ne pourrions échapper par nature. Bien au contraire le Bouddhisme athée – et j'ajoute vivant – nous permet d'échapper à ce que les êtres à détermination faible appellent le fatalité, la prédestination ou le karma.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
existence

chakyam a écrit :L'intérêt majeur de ce texte réside dans sa tentative de clarifier l'aspect religieux de l'aspect athée que traditionnellement on attribue cependant au Bouddhisme, ne serait-ce d'ailleurs que parce que son fondateur historique Gautama Siddharta ne « prétendit pas avoir été inspiré par un dieu ou une puissance extérieure. Il attribua sa réalisation et tout ce qu'il acquit et accomplit au seul effort et à la seule intelligence humaine » - Walpola RAHULA – l'Enseignement du Bouddha -
Oui, en fait, le bouddha ne répondait pas vraiment quand on lui posait des questions "religieuses". Il est probable que dans le contexte de l'époque, il n'aurait pas été judicieux ne serait-ce que d'émettre l'hypothèse que les dieux et la réincarnation n'existent pas.
Ce qui m'amène logiquement à ma première critique à partir de cette phrase : La description la plus systématique de shunyata est la coproduction conditionnée. (Shunyata est le terme sanscrit de la vacuité qui désigne l'absence de nature propre des choses et des évènements)

Il faut me semble t-il inverser la proposition. Ce n'est pas la coproduction conditionnée qui décrit Shunyata, c'est Shunyata qui fonde la coproduction conditionnée.
Je ne voulais pas dire que la coproduction conditionnée fondait shunyata, mais qu'elle était l'approche analytique la plus complète, au-delà par exemple d'une formule comme "la forme est vide et le vide est forme".
Historiquement, la coproduction décrit la « fabrication » de dukkha et notre travail de réflexion consiste, afin d'abolir la souffrance et ses mécanismes constitutifs, à comprendre la nature profonde des faits supposés la susciter, à savoir leur absence de réalité foncière, donc leur caractère fictif.
Je ne suis pas tout à fait d'accord au sens où la coproduction décrit tout ce qui est, que ce soit dukkha ou pas. Ce n'est que si tu considères que tout est dukkha que cela peut être vrai.
Ma seconde critique s'appuie sur cette seconde phrase : Quand nous mourrons, l'ensemble des conséquences de ce que nous avons été ne disparaissent pas pour autant. Dans cette optique, on peut imaginer une sorte de réincarnation.

Je constate l'aspect prudent de la formulation « ...on peut imaginer... » - Evidemment que socialement parlant nos actes perdurent après la mort et influencent nos proches et même ceux d'ailleurs qui ne l'étaient pas en fonction du niveau de pouvoir que nous exercions.
Oui enfin, ce n'est pas forcément un "pouvoir". Si on diffuse des idées, on a pas vraiment de pouvoir sur autrui, mais je pensais plutôt aux éléments qui constituent notre personnalité et notre psychisme. Dans ce cas-là, c'est simplement qu'autrui nous connait, et quand on meurt, on devient "présent par notre absence". L'effet Pygmalion, c'est-à-dire d'amener autrui à être ce qu'on attend de lui, fait que les éléments psychologiques qui nous composent sont appelés à renaitre. Pas nécessairement dans une personne en particulier, ce phénomène est plutôt global comme un mélange. Ce pourquoi je suis dubitatif par rapport à la réincarnation au sens de l'individu qui se réincarne en un individu.
Bien au contraire le Bouddhisme athée – et j'ajoute vivant – nous permet d'échapper à ce que les êtres à détermination faible appellent le fatalité, la prédestination ou le karma.
Je ne crois pas à la prédestination, ce n'est pas ce dont je voulais parler. Même si le processus de choix est déterministe, et donc que d'un point de vue extérieur, on pourrait deviner les choix, il n'en reste pas moins que l'on construit son futur selon ce qu'on sait des options possibles.
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yudo
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existence a écrit :Ce n'est que si tu considères que tout est dukkha que cela peut être vrai.
La phrase est effectivement "Insatisfaisants sont tous les phénomènes conditionnés", et non pas "Insatisfaisants sont tous les phénomènes."

L'absence ou la présence d'un petit adjectif a son importance. 'est comme ceux qui excipent du Dharma pour prétendre que "rien n'existe". C'est faire bon marché du reste de la phrase "rien n'existe de façon indépendante".
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
chakyam

existence a écrit :
chakyam a écrit :L'intérêt majeur de ce texte réside dans sa tentative de clarifier l'aspect religieux de l'aspect athée que traditionnellement on attribue cependant au Bouddhisme, ne serait-ce d'ailleurs que parce que son fondateur historique Gautama Siddharta ne « prétendit pas avoir été inspiré par un dieu ou une puissance extérieure. Il attribua sa réalisation et tout ce qu'il acquit et accomplit au seul effort et à la seule intelligence humaine » - Walpola RAHULA – l'Enseignement du Bouddha -
Oui, en fait, le bouddha ne répondait pas vraiment quand on lui posait des questions "religieuses". Il est probable que dans le contexte de l'époque, il n'aurait pas été judicieux ne serait-ce que d'émettre l'hypothèse que les dieux et la réincarnation n'existent pas.

J'en suis bien d'accord. Mais attention ! Quand j'ai soutenu, il y a quelques mois ta présente hypothèse quant au caractère "politique" et tactique de la reconnaissance des Renaissances et autres réincarnations, je me suis fait "arracher les yeux" par les hayatollah du site... mais j'y vois toujours clair.
Ce qui m'amène logiquement à ma première critique à partir de cette phrase : La description la plus systématique de shunyata est la coproduction conditionnée. (Shunyata est le terme sanscrit de la vacuité qui désigne l'absence de nature propre des choses et des évènements)

Il faut me semble t-il inverser la proposition. Ce n'est pas la coproduction conditionnée qui décrit Shunyata, c'est Shunyata qui fonde la coproduction conditionnée.
Je ne voulais pas dire que la coproduction conditionnée fondait shunyata, mais qu'elle était l'approche analytique la plus complète, au-delà par exemple d'une formule comme "la forme est vide et le vide est forme".

OK !
Historiquement, la coproduction décrit la « fabrication » de dukkha et notre travail de réflexion consiste, afin d'abolir la souffrance et ses mécanismes constitutifs, à comprendre la nature profonde des faits supposés la susciter, à savoir leur absence de réalité foncière, donc leur caractère fictif.
Je ne suis pas tout à fait d'accord au sens où la coproduction décrit tout ce qui est, que ce soit dukkha ou pas. Ce n'est que si tu considères que tout est dukkha que cela peut être vrai.

Il me semble bien que cette dernière hypothèse soit la seule tenable... tant que l'Eveil n'est pas vécu à chaque instant, sans projection futile et fantasmée au travers d'actions réincarnationnistes et/ou de renaissances.

Ma seconde critique s'appuie sur cette seconde phrase : Quand nous mourrons, l'ensemble des conséquences de ce que nous avons été ne disparaissent pas pour autant. Dans cette optique, on peut imaginer une sorte de réincarnation.

Je constate l'aspect prudent de la formulation « ...on peut imaginer... » - Evidemment que socialement parlant nos actes perdurent après la mort et influencent nos proches et même ceux d'ailleurs qui ne l'étaient pas en fonction du niveau de pouvoir que nous exercions.
Oui enfin, ce n'est pas forcément un "pouvoir". Si on diffuse des idées, on a pas vraiment de pouvoir sur autrui, mais je pensais plutôt aux éléments qui constituent notre personnalité et notre psychisme. Dans ce cas-là, c'est simplement qu'autrui nous connait, et quand on meurt, on devient "présent par notre absence". L'effet Pygmalion, c'est-à-dire d'amener autrui à être ce qu'on attend de lui, fait que les éléments psychologiques qui nous composent sont appelés à renaitre. Pas nécessairement dans une personne en particulier, ce phénomène est plutôt global comme un mélange. Ce pourquoi je suis dubitatif par rapport à la réincarnation au sens de l'individu qui se réincarne en un individu.

En effet, peu importe le Pouvoir, politique ou socialo-économique. Certes nos idées nous survivent et demeurent dans la mémoire collective, non par l'intermédiaire d'un "bardo" mais tout simplement par la mémoire des proches, les bibliothèques et/ou autres médiatèques.
Bien au contraire le Bouddhisme athée – et j'ajoute vivant – nous permet d'échapper à ce que les êtres à détermination faible appellent le fatalité, la prédestination ou le karma.
Je ne crois pas à la prédestination, ce n'est pas ce dont je voulais parler. Même si le processus de choix est déterministe, et donc que d'un point de vue extérieur, on pourrait deviner les choix, il n'en reste pas moins que l'on construit son futur selon ce qu'on sait des options possibles.
Pas de prédestination en effet. Je dis seulement que le bouddhisme athée, par la compréhension qu'il permet sans croyances superfétatoires d'un autre age, permet la libération des faux-semblants qu'ils soient de provenance humaine ou divine... ce qui revient d'ailleurs au même.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
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