Le moine nu

Jean

C'est une histoire que racontait Ramakrishna. Peut être elle montre deux aspects de la dévotion.

Il y a un petit singe qui est cramponné au dos de sa mère. C'est la dévotion pour un objet extérieur. Le petit singe doit se cramponner par la dévotion et autres pratiques.

Il y a le petit singe qui se laisse porter par sa mêre, il en mode lacher prise, il se laisse porter, il ressens sa mère, il pense à elle, il sent en sécurité. Cela pourrait correspondre à la pratique du Gourou Intérieur. La Dévotion au Gourou Intérieur est le lâcher prise.

La pratique de la Gourouite est quand quelqu'un met plus l'accent sur le Gourou extérieur que sur le Gourou Intérieur (la nature de Bouddha). Les bons Lamas sont ceux qui enseignent que le rôle du Gourou extérieur est d'aider le pratiquant à se connecter à son Gourou Intérieur. Que c'est le Gourou intérieur qui est le plus important. Malgré cela il y a des pratiquants qui s’extasieront plus sur une photo de leur maître que sur son enseignement.

je ne sais pas si le mot infantilisme ne correspond pas à ce type de comportement.

Pour parler négatif, entre les instructeurs escrocs et les disciples infantiles, on n'est pas sorti de l'auberge.

Mais il y a des instructeurs qui sont honnêtes et compétents et c'est à soi-même de vérifier si on est pas tombé dans le piège de la gourouïte.
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yudo
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Je ne sais pas si je pratique un gourou yoga. Mes prosternations, je les fais devant le Bouddha, le Dharma et le Sangha, point.

Mais j'ai un portrait de maître Nishijima à côté de l'autel. J'ai de la dévotion pour maître Gudo. Il s'est montré généreux, humain, positif et tout un tas de choses, et je ne puis que lui en être reconnaissant. Cela ne m'empêche pas de savoir que c'est un bonhomme très buté, parfois un peu parano, un peu trop macho, pas du tout sympa avec sa fille (qui se venge maintenant en l'empêchant de voir ses amis). Si j'avais été de la même génération que lui, il est probable que, en plus du fait d'être séparé par la moitié du globe, nous n'aurions pas été amis. Ma dévotion va à ce qu'il a fait pour les êtres sensibles et pour moi. Je ne l'idéaliserai pas. J'ai eu la (mal)chance d'avoir un maître d'apprentissage qui était, au plan humain, une belle m...e. Et pourtant, je serais malhonnête de ne pas lui reconnaître les qualités qui m'ont fait m'attacher à lui, lui consacrer les énergies que je lui ai consacrées et l'amitié que je lui ai donnée, même si cette dernière était à sens unique. J'ai appris à le plaindre plus qu'autre chose, parce que cet homme était profondément malheureux, et à lui avoir quand même et malgré tout de la reconnaissance pour ce qu'il m'a appris, même si ce n'était pas ce qui était prévu.

Je pense que la dévotion envers un maître devrait être de cet ordre. Je suis anathème pour l'AZI pour avoir un jour publié un "Eloge de Deshimaru" où je spécifiais que, même si l'on devait voir qu'il avait été menteur et tricheur, et ivrogne, il fallait lui avoir de la reconnaissance pour tout ce qu'il a fait pour nous.

Tenir un maître pour un être surhumain est, de notre part, une lâcheté.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Jean

jap_8 à ce que dit Yudo

On peut qualifier une mauvaise pratique du Gourou Yoga de lâcheté ou simplement de bêtise. le principe "inspiration" du Gourou Yoga n'est pas compris

Il y a plusieurs niveau de Gourou Yoga dans le Bouddhisme tantrique, mais la base est la profonde humanité du Gourou. C'est à cela que l'on revient à la fin de la pratique tantrique. Quand les montagnes sont redevenues des montagnes et les rivières des rivières.

En plus, j'ai remarqué qu'une mauvaise pratique du Gourou Yoga entraine une vulnérabilité chez le disciple. Si le maître est critiqué, le disciple est blessé. Si le disciple est blessé, c'est que sa pratique du Gourou Yoga est incorrecte. cela peut être un test! Mais comme il n'y a aucun plaisir à blesser les gens, dans un forum Bouddhiste il faut faire attention à ne pas critiquer un maître où si c'est nécessaire de le critiquer, le faire avec diplomatie.

Petite liste : Iyengar, Désikacher, Deshimarou, Trungpa, Sogyal, Lama Guendune, Kelsang Gyatso, Lama Yéshé, Guéshe Tegchok, Namkhay Norbu, Tenzin Wangyal etc. On peut critiquer, alcool, femmes, cigarettes, orthodoxie, mauvais pédagogue, brouillon, trop novateur, etc, etc. je m'en fiche comme de l'an 40. J'ai pratiqué, j'ai semé ce qu'ils m'ont appris, j'ai récolté. Je n'ai pas réalisé l'éveil du fait de la limite de mes capacités et non pas de leurs défauts personnels mais merci! merci! merci! C'est ma vie et l'opinion des autres, elle est classée dans le dossier : Chante beau merle!
ted

yudo a écrit : Tenir un maître pour un être surhumain est, de notre part, une lâcheté.
Est-ce qu'on ne peut pas être surhumain par certains aspects (en tout cas, avoir des capacités pas très répandues), tout en conservant quelques défauts karmiques chroniques ?

Il y a des profs qui enseignent déjà mais qui sont toujours en train de préparer leur agrégation.

L'élève progresse, mais le maître lui aussi, est en chemin.

Même des sotapanas qui renaissent pour au plus sept vies, et donc, qui ont déjà "tapé" dans nibbana, n'ont pas encore éradiqué toutes leurs croyances erronées. Ni le désir sensuel, ni la malveillance. Ni même la colère, qui peut encore apparaître de façon fugitive.

Quand un gamin ramène un 18/20 de l'école, est-ce qu'on le punit sévèrement pour les deux questions qu'il a loupées ? Que faut-il retenir au moment des appréciations de fin de trimestre ? :oops:

Alors oui, les maitres ne sont pas des surhommes. Pas plus que le gamin qui a 18/20 de moyenne générale partout. Mais leurs indications et leurs conseils sont précieux, parce qu'ils sont loins devant nous sur le chemin. Et vu de là où nous sommes, certaines de leurs performances, dont ils se gardent bien de se vanter, nous paraissent sans doute surhumaines.

Yudo, je n'ai pas rencontré personnellement les maîtres dont tu parles, mais je connais au moins deux personnes sur le forum qui ont connu maître Deshimaru. Et leur avis rejoint ceux de centaines de disciples : à savoir que Deshimaru était quelqu'un de bien, de généreux, intuitif, ouvert, pas rigide du tout. Bref ! quelqu'un de remarquable !

Est-il indispensable de salir sa mémoire et de prendre le risque de discréditer tous les efforts qu'il a fourni pour implanter le zen en occident ?
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yudo
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ted a écrit :
yudo a écrit : Tenir un maître pour un être surhumain est, de notre part, une lâcheté.
Est-ce qu'on ne peut pas être surhumain par certains aspects (en tout cas, avoir des capacités pas très répandues), tout en conservant quelques défauts karmiques chroniques ?
(...)

Yudo, je n'ai pas rencontré personnellement les maîtres dont tu parles, mais je connais au moins deux personnes sur le forum qui ont connu maître Deshimaru. Et leur avis rejoint ceux de centaines de disciples : à savoir que Deshimaru était quelqu'un de bien, de généreux, intuitif, ouvert, pas rigide du tout. Bref ! quelqu'un de remarquable !

Est-il indispensable de salir sa mémoire et de prendre le risque de discréditer tous les efforts qu'il a fourni pour implanter le zen en occident ?
Je n'ai jamais essayé de salir la mémoire de Deshimaru. Ceux qui participent avec moi à la cérémonie le premier samedi du mois (certains en ont été surpris) savent que je compte toujours Mokudo Taisen parmi les dédicataires à la fin de l'énumération des ancêtres.

Je pense plutôt que ce sont ceux qui veulent à toute force en faire un être parfait, sans défauts, surnaturel donc, qui, sans même s'en rendre compte salissent sa mémoire. Je sais ce que tu dis, parce que j'ai, moi aussi rencontré de ces personnes qui m'ont dit les mêmes choses sur sa bonté. Ce sont ceux qui transforment ses efforts en système de pouvoir sectaire qui les discréditent.

Cela dit, je ne crois pas qu'il ait été dépourvu de rigidités. Mais il était le produit de son époque et de son milieu.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
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jules
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En plus, le fait d'imaginer un maître supra terrestre, c'est mettre pour soi-même la barre tellement haute qu'on ne peux pas supporter de voir ses propres faiblesses ainsi que probablement celle des autres, et on en vient à assimiler faiblesse à ignorance. Or, c'est proprement le contraire, c'est lorsqu'on n'arrive pas à reconnaître ses faiblesses qu'on est dans l'ignorance à mon avis. Du coup on en devient rigide vis à vis de la m... qu'on voit en soi même, au lieu de tirer la chasse pour ne plus en reparler. Enfin, c'est mon avis.

FleurDeLotus
ardjopa

Beaucoup de gens ont du mal à cheminer seuls; A trouver leur confiance en eux-même, sur la seule base de leurs propres expériences; Alors ils cherchent ailleurs, dans le monde, dans les religions, des êtres qui semblent incarner des certitudes, une forme ressemblant à leur idéal, un être qui semble sage, parfait, qu'ils admirent, et auquel ils rêvent de ressembler;
Cet être quelqu'il soit, religieux bouddhiste, chrétien ou d'ailleurs, leur apporte une certaine assurance, des certitudes qu'ils n'ont pas trouvé eux-même, un bien-être sécurisant, et une promesse de les égaler;

Mettre sur un autel un autre être que soi, sous forme de statue, de photo, de guru ou d'enseignant vivant, ou autres, c'est idéaliser, c'est créer un rapport inégal entre soi, que l'on considère imparfait, perfectible, et celui "qui sait", que l'on considère parfait, l'exemple à suivre;
C'est là que les dérives sectaires, les conditionnements, les dépendances peuvent être plus néfastes que "bénéfiques"
Si on leur annonce, après ça, que leur prétendu exemple, n'est pas si "parfait" qu'il n'avait l'air, qu'il a des défauts, etc, c'est pour eux une sensation de mise en danger, de voir leur rêve ou idéal s'effondrer, et donc leur chemin parcouru avec lui; Là les plus "dépendants" et aveugles ne voudront pas reconnaitre les possibles défauts ou fautes de leur "sage idéal", leur exemple; Ils voient leurs certitudes menacées, et peuvent développer haines, aversions, pour défendre leur rêve;
Oubliant que le "rêve", l'idéal, qu'il soit juste ou erroné, n'est qu'un prétexte pour réaliser par eux-même et d'eux-même leur propre vérité, leur propre perfection;
Le mieux est de choisir sa propre étoile, la plus haute, inatteignable, qui n'est ni terrestre ni temporelle, ni humaine, pour garder toujours le cap sur elle, quelquesoit les bourrasques et tempêtes qui nous en séparent, sans oublier que cette étoile n'est que l'image de notre propre réalité
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Dharmadhatu
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jap_8 Bonjour à tous,

Allez je me lance après ces quelques semaines d'absence.

Il y a du pour et du contre dans tout ce que vous dites ici.

Je pense qu'on peut devenir sectaire des deux côtés: du côté de ceux qui oublient de concilier l'esprit critique et la vision pure, et aussi du côté de ceux qui veulent faire de leur vision un système de pensée unique.

Pour ma part, je serai plus nuancé: dans ma tradition l'importance du Maître est le principe même de la voie (je viens de relire le Lama Tcheupa commenté par Sa Sainteté le Dalaï Lama). Et il nous est conseillé de voir son Maître comme un parfait Bouddha. Oui, parfait = sans aucun défaut (les seuls défauts étant vus comme des moyens habiles).

Il y a des raisons profondes à cela: étant conscients de notre situation imparfaite, nous aspirons à la perfection pour le bien de tous les êtres. Or le Maître est la source des qualités dans le sens où il est comme un miroir nous montrant notre propre nature au potentiel inimaginable. On se familiarise alors avec d'immenses qualités pour ultimement les faire siennes. C'est juste essayer d'être réaliste quant à notre évolution; se dire qu'il est possible que nous ne soyons pas tous parfaits d'emblée et qu'il est possible que d'autres êtres (les Maîtres en l'occurrence) aient atteint des degrés d'évolution spirituelle supérieurs. Ne pas l'envisager pourrait être la preuve d'un orgueil empêchant cette même évolution à laquelle nous aspirons.

Bien sûr, cela ne peut se faire qu'au terme d'un long examen critique quant aux qualités supposées ou réelles du Maître en question, sinon on ne fait que se tromper soi-même et finalement tromper les autres.

Donc les condamnations de part et d'autres (des "pro-Maître parfait" et des "contre-Maître parfait") ne mènent pas bien loin car nous sommes tous différents et le Bouddhadharma propose justement des méthodes correspondant à nos différences. C'est pourquoi vouloir faire de notre choix personnel la seule voie à suivre et condamner par là même les autres voies n'est pas constructif car n'est pas réaliste.

Bonne soirée à vous les amis. FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

ardjopa a écrit : Si on leur annonce, après ça, que leur prétendu exemple, n'est pas si "parfait" qu'il n'avait l'air, qu'il a des défauts, etc, c'est pour eux une sensation de mise en danger, de voir leur rêve ou idéal s'effondrer, et donc leur chemin parcouru avec lui;

Là les plus "dépendants" et aveugles ne voudront pas reconnaitre les possibles défauts ou fautes de leur "sage idéal", leur exemple; Ils voient leurs certitudes menacées, et peuvent développer haines, aversions, pour défendre leur rêve;
Malveillance, calomnie, jalousie, rancoeur, ou bien souvent simple malentendu, on trouve de tout, et les naïfs ne sont pas forcément du côté que l'on croit.

Une chose est sure : quand on apprécie vraiment quelqu'un et qu'on le respecte, on ne va pas dire haut et fort sur le web que c'était un menteur et un tricheur. Surtout quand ce quelqu'un est décédé et qu'il n'est plus là pour se défendre.
Jean

Il y a des gens qui pratiquent un Gourou Yoga, d'une manière pure, bien tempérée, discrete, dans l'intimité de leur coeur.

Et il y en a d'autres qui tombent en pamoison quand le nom de leur Gourou est évoqué, et qui sortent la batte de baseball si jamais quelqu'un ose émettre la moindre critique au sujet de leur Gourou.

la deuxieme catégorie est plus spectaculaire et se remarque plus. Ce qui fait qu'il peut y avoir généralisation abusive à propos des pratiquants d'une forme orthodoxe ou personnelle de Gourou Yoga.

le gourou yoga est aussi très oriental comme comportement. Respect pour le prof, respect pour les ancêtres, respect pour le patron, respect pour l'empereur ou le roi, respect pour le chef yakuza.

Ensuite, il y a les occidentaux qui essayent de faire pareil. Certains croient qu'en adoptant la forme extérieure, ils sont dans le mille de la pratique. D'autres ont compris que la valeur du Gourou était dans le fait qu'il pointait sur la réalisation possible des potentialités de chacun, sur l'essence la plus sacrée de chaque individu.
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