Méditation sur l'esprit: l'instant présent

Shakhyam

"Le corps et l'esprit abandonnés, mais le corps et l'esprit reliés comme les doigts de la main pendant Zazen" - DESHIMARU

"Suivre la voie de bouddha, c'est s'abandonner soi-même, s'abandonner soi-même, c'est abandonner son corps et son coeur" - DOGEN

Ces deux extraits afin d'expliciter que malgré quelques accords mineurs, nos positions sont radicalement divergentes. Que ce soit les complexifications infinies du système mahamudra et les subtiles différences entre esprit grossier et subtil pour aboutir à une conscience pure de base et une conscience pure rayonnante ou bien l'affirmation selon laquelle : L'"esprit" désigne ici la conscience qui ne cesse de se perpétuer" il y a réification, chosification, fixation de processus de connaissance qui devraient se réduire, en dernière analyse, à l'inexistence formelle, mais que sa Sainteté et toi même transformez en dualisme valeureusement.

Dans la tradition du zen soto de DOGEN est rappelée l'histoire de l'hérésie Sénika sensée expliquer l'impossibilité d'une telle conscience qui ne cesse de se perpétuer... DOGEN dit : c'est "comme si" on disait qu'un homme sort indemne de sa maison en flammes... c'est impossible et même si tel est le cas physiquement sa conscience est nécessairement affecté et donc ne se perpétue plus à l'identique, ni ne se perpétue d'ailleurs.

Je ne peux donc que te conseiller à nouveau la lecture de NAGARJUNA et de KU - la VACUITE, bien que tu m'ai déjà expliqué que tu ne le ferais pas, car là sont la solution et le dénouement des entrelacements de réifications que vous effectuez, sa Sainteté et toi-même (désolé...)



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Shakhyam

Vient de m'être adressé par un correspondant anonyme cet article paru le 27 Septembre 2011 sur le forum "Terra Buddha Ch'an" sous le signature de Vimalakirti (!!!) qui me semble coller exactement à notre problématique actuelle.


Le Dalaï-lama : " Etant de ceux qui croient à la continuité de la conscience après la mort du corps, j'avancerai l'hypothèse selon laquelle il vaut mieux souffrir avec ce corps humain. Au moins peut-on recevoir les soins d'autrui, tandis que si l'on choisit de mourir, il se peut que l'on découvre une souffrance autre." (Sa Sainteté le Dalaï-lama "Essence de la sagesse", Presses du Châtelet, octobre 2003, traduit de l'anglais par Marie de Prémonville.)

Ce qui m'interpelle dans cette citation est la croyance en la continuité de la conscience après la mort. Qu'en l'occurrence cette interpellation s'adresse au Dalaï Lama n'enlève rien au respect qui est le mien envers sa Sainteté même si - et je vais essayer de le démontrer - cette continuité est impossible.

Pour que l'élément conscience apparaisse il a fallut qu'au cours de l'évolution les différents éléments matériels, d'une part, se constituent en système et que ces systèmes, d'autre part, s'articulent entre eux pour former une « entité » dont nous connaissons par ailleurs le caractère illusoire, à savoir un sujet, une personne, un individu.

Cette entité appréhende le monde avec les « outils » dont l'évolution l'a dotée : les 5 sens et le Mental et ce faisant crée le monde et la conscience du monde. Ce sont les 18 domaines qui se déclinent ainsi : les 6 sens créent les objets visuels, olfactifs, auditifs etc etc... et les consciences qui vont avec: conscience de l'oeil, du goût, de l'écoute...

De même pour le Mental qui évidemment fait la synthèse des différents éléments donnés par les 5 sens et crée ses propres images conceptuelles.

Cet agencement démontre la juste vue de l'Interdépendance, fondement de la théorie bouddhiste qu'il faut mettre en relation avec une autre vue juste, l'impermanence. Il démontre également que s'il y a continuité de la conscience, le contenu de ladite conscience doit être connaissable car être conscient est toujours « être conscient de quelque chose » éternelle synthèse des différentes consciences.

Or précisément, la mort du corps empêche, non seulement, le maintien d'un quelconque élément de conscience ainsi que la compilation d'informations et, « de facto », entraîne l'impossibilité d'une conscience survivante, ersatz d'un Ego, que notre pratique bouddhiste est supposée annihiler.

Que je sache, mais peut être suis-je dans l'erreur et la confusion... quand les éléments se sont constitués et se sont agencés, il n'y avait aucun moi, aucune conscience, aucun Ego qui y présidait. Quand ces éléments se dissoudront... pourquoi supposer que quoique ce soit demeure ?...


Pure merveille n'est-ce pas ?



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
boudiiii !

donc pour toi , l'esprit est une production du cerveau qui disparait à la mort du corps ?
Mon prof de bio de collège n'aurait pas dit mieux Butterfly_tenryu

Aaah ! Heureusement, que j'ai grandi un peu depuis , et découvert le bouddhisme , et toute sa tradition des grands yogis du Tibet love2
Sourire

L'enseignement laissé par une personne n'est-il pas un peu de son esprit ?
Et les souvenirs ?
Shakhyam

Bouddiiii, Sourire,

"donc pour toi , l'esprit est une production du cerveau qui disparait à la mort du corps ?"

Non! pas du tout.

L'esprit d'Eveil, absolu, incréé, sans commencement ni fin, n'a nul besoin de quoi que ce soit et se manifeste cependant partout, sans pour autant se réduire à l'objet qui le manifeste.

Ainsi donc, à la mort du cerveau, l'Esprit se manifeste ailleurs et autrement. Tu pourrais, tu devrais même puisque tu as grandi... demander comment je le sais. Tout simplement parce que la mort est une illusion tenace et t'apparait réelle parce que tu es encore attaché à la forme dont l'esprit se revêt.

Pourtant tes amis yogi auraient du te le préciser me semble t-il ?

Quant à l'enseignement laissé par une personne, il n'est pas de son esprit puisque ledit esprit ne lui appartient pas, pas plus d'ailleurs que l'appellation "personne" dont la signification latine : personna renvoie à la notion de masque - Quant aux souvenirs ! lesquels ? les siens ! ils ont disparu avec elle. Ceux des autres personnes qui l'ont connu ?... sachant que les souvenirs se modifient le temps passant...



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

boudiiii ! a écrit :Aaah ! Heureusement, que j'ai grandi un peu depuis , et découvert le bouddhisme , et toute sa tradition des grands yogis du Tibet love2
:D En lisant Shakhyam (que je remercie en passant pour la qualité de son esprit critique), je pensais la même chose que toi, Boudiiii !, aux yogis, comme Sa Sainteté, et allais donc répondre sensiblement la même chose: il est bon de méditer la méthode enseignée dans la tradition bouddhiste et relayée par Sa Sainteté (sur la base de son expérience contemplative) pour s'appuyer soi-même sur l'expérience directe, et déduire ensuite sur cette base des raisons valides vérifiant l'enseignement authentique de Sa Sainteté.

Je viendrai te lire plus attentivement Shakhyam, mais on peut déjà te poser une question des plus simples qui soient: as-tu lu mes posts ? Oui. Sinon tu n'aurais pas eu l'occasion de donner une réponse. As-tu écrit cette réponse ? Oui, sinon tu devrais accepter le fait que tu ne m'as jamais répondu: autre étais le Dhatu qui écrivait, autre était-il quand tu a lu le post, autre encore quand tu réfléchissais à son contenu et à ta réponse, autre encore quand tu lui a écrit, etc.... autre maintenant que j'écris ces présents mots.

Si tu as bien lu mes posts et composé les réponses, dis-moi s'il tout cela aurait été possible sans continuité ?

A plus tard les amis.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Shakhyam

Continuité dans la discontinuité ! Samsara dans le nirvana, et l'inverse ! Shiki dans Ku et l'inverse etc etc...

Oui, je peux lire tes posts (ce que je fais d'ailleurs) et accepter que tu les ai pensé avant de les écrire tout comme je le fais moi-même dans la continuité causale ou la causalité continuelle...

Néanmoins je peux en même temps, dire, penser, vivre la discontinuité impermanente sans que pour autant ma faculté d'abstraction en soit réduite tout comme n'en est pas amoindrie mon universalité quand j'envisage un point de détail.

Les deux co-habitent, s'interpénètrent et ne t'en déplaise comme l'indique NAGARJUNA,

24, 8 – C’est en prenant appui sur deux vérités que les Bouddhas enseignent la Loi, d’une part la vérité conventionnelle et mondaine, d’autre part la vérité de sens ultime
24, 9 – Ceux qui ne discernent pas la ligne de partage entre ces deux vérités, ceux-là ne discernent pas la réalité profonde qui est dans la doctrine des Bouddhas


Néanmoins comme l'indique notre ami BUGAULT : Toute symétrie entre les deux vérités est trompeuse. Le sens ultime annule les conventions mondaines même si, lorsqu’on en parle, on le fait nécessairement en termes mondains.

Il ne peut d'ailleurs pas en être autrement car leurs statuts ontologiques ne sont pas identiques. HEIDEGGER pourrait dire : bien que leur nature soit semblable, ne pas confondre le Dasein et le dasein, l'Etre et l'étant

Il serait sain que pour la suite de nos débats cesse cette opposition permanente entre le temps qui passe et UJI (le temps-qu'il-y-a) car le temps présent dont tu parles n'est que le présent coincé entre le passé et le futur et ne convient pas aux explications que sa Sainteté et toi-même souhaitez partager.



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
boudiiii !

Toi , Shakyam , ce n'est pas une ligne de partage , c'est un gouffre :!: Celui qui existe entre la production neuronale qui régit le mental (et les consciences sensorielles) , et "L'esprit d'Eveil, absolu, incréé, sans commencement ni fin" .
Tu oblitères toute la fluidité qui existe entre les deux et les innombrables énergies qui gouvernent notre être profond et qui fait que le Dharma existe , à commencer par la première noble vérité : voir notre souffrance en face et donc réaliser la véritable nature de celle-ci . Le yogi travaille rarement avec ses pensées (une fois les méthodes de samatha et vipassana accomplies) mais va plus en amont , pour travailler directement avec les consciences subtiles qui sont à l'origine de ses pensées et les saper dès l'origine .
En somme, son attention se place avant tout sur son corps subtil , là où la fluidité s'opère entre mental et esprit d'éveil , et où la ligne de partage se fond pour finir par disparaitre .
Mon prof de bio ignorait tout cela ... c'est normal , l'étude de l'esprit n'était pas son domaine Butterfly_tenryu
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Shakhyam a écrit :Shiki dans Ku
Ouille ! Ca doit faire mal ! :lol:

Désolé, suis en congé today. :arrow:

Juste ceci:
Néanmoins comme l'indique notre ami BUGAULT : Toute symétrie entre les deux vérités est trompeuse. Le sens ultime annule les conventions mondaines même si, lorsqu’on en parle, on le fait nécessairement en termes mondains.
Hélas, Bugault, bien qu'étant un excellent commentateur, n'est pas moins faillible dans son appréciation des choses; je peux donner une citation de Nagarjuna (dans Master of Wisdom) où il dit clairement que la vérité conventionnelle n'est pas interrompue (disrupted; http://www.babla.fr/anglais-francais/disrupted )par la vérité ultime.

Il ne faut pas confondre le mode d'existence des deux vérités, l'existence mutuellement dépendante (comme le père et le fils, dira Shantideva), et le mode d'appréhension des deux vérités.

En effet, dans le Mahayana des Sutras, lorsque le yogi est en équilibre méditatif sur la vacuité (nous pouvons tous en faire l'expérience au travers de vipashyana), la base de qualification n'est plus appréhendée. Elle l'est à nouveau dans la post-méditation où tout est vu comme semblable à une fantasmagorie. La danse de Samantabhadri...

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Shakhyam

Même les meilleurs tombent dans la grivoiserie !

Peut être ne le sont-ils pas !



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
Répondre