Le suicide comme une réponse à la souffrance ? (M. Attwood)

Dhammadanam

lausm a écrit :
Vais-je dire à quelqu'un qui veut se foutre en l'air : "attention, si tu le fais on te vire?"
Ce ne serait pas sérieux! Ni efficace, bien au contraire!
Cette règle s'applique aux bhikkhus qui aident, incitent une autre personne à se suicider pour des raisons X ou Y.
Le premier cas est le cas de suicide collectif évoquée ci-dessus. Le Vinaya aide à faire la lumière sur un aspect de l'histoire qui n'a pas été couverte dans le sutta. Dans cette version, nous découvrons que plutôt que de prendre leur propre vie, quelques-uns des bhikkhus trouvent un homme sans scrupules de le tue. Deuxièmement, nous lisons au sujet d'un groupe de moines qu'ils persuadent un homme de se tuer afin qu'ils puissent séduire sa femme! Ils utilisent le même argument que le prince Paayaasi: puisque l'homme est vertueux, il devrait en profiter pour nourrir et ainsi s'assurer ainsi une renaissance heureuse.

Sur la base de ces deux cas, une règle est formulée qui interdit l'aide au suicide, louant la beauté de la mort de quelque façon, et d'inciter quelqu'un à se suicider. Briser cette règle entraîne l'expulsion définitive de la sangha monastique. Mais ici, le suicide lui-même n'est pas spécifiquement interdit. Peter Harvey souligne, dans son livre sur l'éthique bouddhiste, qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une règle expulser du sangha le bhikkhu qui se tue, car il est déjà mort.
Pour reprendre ce que dit Thanatos:
Thanatos a écrit :En fait, dans le bouddhisme, le suicide n'est toléré que dans le cas de méditants très avancés ayant atteint au minimum l'état de "entré dans le courant" voir même seulement celui de "une fois retournant" car ils ont déjà éliminés une très grosse partie d'ignorance et leur geste est motive par le détachement au corps.
C'est bien ce qu'il ressort de cette analyse selon le Tipitaka. On voit bien que la motivation prédomine sur l'acte: si l'acte est précédé d'une aversion il est akusala. Si l'acte est précédé d'une réalisation, il est kusala.
Katly

Franchement qu'est-ce que ça change à la douleur de ceux qui perdent quelqu'un de cette façon ?
Le deuil normal est déjà difficile.

http://chamminou.voila.net/c04vous35.html

<<metta>>
lausm


Thanatos a écrit:
En fait, dans le bouddhisme, le suicide n'est toléré que dans le cas de méditants très avancés ayant atteint au minimum l'état de "entré dans le courant" voir même seulement celui de "une fois retournant" car ils ont déjà éliminés une très grosse partie d'ignorance et leur geste est motive par le détachement au corps.


C'est bien ce qu'il ressort de cette analyse selon le Tipitaka. On voit bien que la motivation prédomine sur l'acte: si l'acte est précédé d'une aversion il est akusala. Si l'acte est précédé d'une réalisation, il est kusala.


ok, j'entends l'argument, mais ce motif de détachement au corps, s'il sert de caution a un suicide, c'est en mon sens un geste en lui meme motivé par un attachement au détachement, dont une marque d'ignorance d'un point de vue dharmique.

Je ne vois guère de réalisation en tout ça.
Justement le suicide devrait donc etre toléré pour tous, puisque les non pratiquants ne bénéficient pas de la meme condition et préparation que ceux qui pratiquent, donc auraient plus d'excuses a s'y laisser aller que ceux qui pratiquent depuis longtemps.

Mais bon, je ne partage pas du tout cette vision classificatrice.
La souffrance est toujours subjective, et celle d'une personne ne peut servir de référence au cas d'une autre.
Mais j'ai plus appris ça en travaillant avec les gens souffrants en direct, que partout ailleurs.
Katly

Une fois réalisé, on peut mourir alors ? Fin de la souffrance ? et les autres on les laisse sans aide ?

Je ne partage pas cela, non plus.
Dhammadanam

lausm a écrit :
ok, j'entends l'argument, mais ce motif de détachement au corps, s'il sert de caution a un suicide, c'est en mon sens un geste en lui meme motivé par un attachement au détachement, dont une marque d'ignorance d'un point de vue dharmique.

Je ne vois guère de réalisation en tout ça.
Justement le suicide devrait donc etre toléré pour tous, puisque les non pratiquants ne bénéficient pas de la meme condition et préparation que ceux qui pratiquent, donc auraient plus d'excuses a s'y laisser aller que ceux qui pratiquent depuis longtemps.

Mais bon, je ne partage pas du tout cette vision classificatrice.
La souffrance est toujours subjective, et celle d'une personne ne peut servir de référence au cas d'une autre.
Mais j'ai plus appris ça en travaillant avec les gens souffrants en direct, que partout ailleurs.
Attachement au détachement, on peut partir de cette notion et contredire toute forme de détachement. C'est comme le désir d'Eveil qui reste un désir donc un frein à l'Eveil mais l'Eveil nait du désir (aspiration) ... maintenant traiter les Arahants cités dans les suttas d'ignorants c'est un fort de café je trouve mais soit ! :roll:

Le suicide abordé dans les suttas et dans le commentaire développé ci dessus est une "mort avancé" afin d'atteindre Nibbana et non une révulsion en face de la vie, la souffrance, la vie etc d'ou la notion de tolérance qui s'en dégage et que le Tathagata lui même l'autorise (sans pour autant la promouvoir). L'Arahant n'est au contraire plus souillé par l'ignorance et l'égo et c'est parce qu'il a réalisé sa vraie nature (libéré du samsara) qu'il peut - sans générer de mauvaise graine karmique - se suicider. Il s'agit encore une fois d'Arahants et non de pratiquant lambda dont je fais partie. Qui plus est la classification des êtres (nobles) selon leur état de "sagesse" dans le theravada a toujours été présente : Sotapanna -> Sakadagamin -> Anagami -> Arhat.

Mais je comprends très bien ton point de vue de pratiquant mahayaniste et de soigant. Il serait intéressant de savoir comment les écoles Zen perçoivent et le suicide d'une part et le détachement au corps d'autre part.

jap_8

Pour le reste, je ne me positionnerais pas au travers de mon expérience personnelle bien que j'y ai été confronté à multiples reprises; je préfère m'en tenir à une vision canonique.
Katly a écrit :Franchement qu'est-ce que ça change à la douleur de ceux qui perdent quelqu'un de cette façon ?
Rien.

Mais là n'est pas le sujet de ce post; il est question de savoir si le suicide (dans un contexte précis et selon les sutta du Canon Pali) est kusala/akusala etc ... :D

Katly a écrit :Une fois réalisé, on peut mourir alors ? Fin de la souffrance ? et les autres on les laisse sans aide ?
Je ne partage pas cela, non plus.
L'idéal du Bodhisattva est il est vrai un pilier de la doctrine Mahayaniste contrairement au Theravada (sravaka)

Les 2 aspects de la voie se respectent bien évidemment love3
ted

Dhammadanam a écrit :Le suicide abordé dans les suttas et dans le commentaire développé ci dessus est une "mort avancé" afin d'atteindre Nibbana
1) On peut atteindre Nibbana de son vivant, donc quel intérêt de se suicider ? :cool:
2) Pourquoi vouloir "avancer" les choses ? quand Nibbana se réalise justement par l'abandon de tout désir d'appropriation de Nibbana ? :shock:
Dhammadanam

ted a écrit : 1) On peut atteindre Nibbana de son vivant, donc quel intérêt de se suicider ?
Il est état d'Arahant qui se suicident une fois atteint Nibbana. Il ne font qu'avancer la mort "biologique/mécanique", l'égo étant déjà à terre. Bien évidemment on atteint pas Nibbana en se suicidant :)
ted a écrit : 2) Pourquoi vouloir "avancer" les choses quand nibbana se réalise justement par l'abandon de tout désir d'appropriation de nibbana ? :shock:
C'est bien parce que l'Arahant est détaché de toute forme d'attachement au corps et à l'existence biologique qu'il mets fin à sa vie. Encore une fois le suicide n'est pas un outil/motivation pour atteindre Nibbana mais une suite "logique" si j'ose dire (bien que ce terme est ambigu dans le contexte suivant)
ted

Le non-attachement au corps n'est pas de l'indifférence pour le corps...
Dhammadanam

ted a écrit :Le non-attachement au corps n'est pas de l'indifférence pour le corps...
Tout à fait Ted. :D

Indifférence: Manque total d'intérêt pour une chose, état d’une personne qui n’a aucun intérêt pour ce qui l’entoure.
ted

Dhammadanam a écrit :Je fais le lien avec le post sur l'euthanasie en proposant une vision canonique du suicide. Il n'est pas question de donner un avis hors cadre bouddhique
On dirait que tu essaies de présenter la vision "canonique" comme une sorte de dogme. On sait que les suttas décrivent bien souvent, des réponses personnalisées faites par le Bouddha aux personnes à qui il s'adressait, en tenant compte de leur situation, de leur parcours, etc... A untel, il conseillera de prendre la robe de moine, en lui disant qu'il n'y a rien de mieux que la vie sainte. Mais à tel autre, il rappellera ses responsabilités de fils de famille et l'enverra prendre soin des siens.

J'imagine bien un arahant, différant l'heure de sa mort, et donc, d'une certaine façon "choisissant" le moment de sa mort. C'est d'ailleurs ce qu'à fait le Bouddha en sentant la mort arriver. C'est ce que font aussi de grands maîtres Zen ou autres. Mais de là à parler de "suicide", le terme me semble impropre.
  • Au début du vassa, Bouddha commença à souffrir d’une maladie qui le fit déféquer du sang. Bien qu’il savait qu’il était proche de son parinibbāna il prit soin d’en parler à personne pour le moment. Il décida qu’il en parlerait seulement une fois qu’il serait rétabli. Il développa alors vipassanā, grâce à laquelle il put rapidement s’absorber en nibbāna (paix illimitée, procurée par la cessation des phénomènes physiques et mentaux). L’expérimentation de nibbāna a, entre autres, la vertu de neutraliser toutes les maladies. Cela permit au Bienheureux de reprendre considérablement de nouvelles forces et de se rétablir en bonne partie.
D'ailleurs, le Bouddha conseille aux arahants de contempler le corps après avoir éliminé les kilesas. Chouette occupation... :mrgreen:
  • Maintenant, je suis vieux, j’ai bientôt quatre-vingts ans. Quand on est arahant c’est le bonheur complet. Après avoir rejeté les kilesā tels que lobha dosa māna micchā diṭṭhi contemplez votre corps ! »
http://www.dhammadana.org/bouddha/dernier_vassa.htm
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