Concepts et réalité

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Dharmadhatu
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Ted a écrit :Penser à quelque chose qui n'existe pas, même pour nier son existence, c'est déjà lui donner un certain accès à la réalité, ne serait-ce qu'en tant que concept...
eveil_333 C'est un point important, mais j'avais peur de faire un HS sur le fil de Fenner.

Dans le Bodhisattvacharyavatara, Shantideva dit qu'on ne peut pas réfuter le soi si on ne l'a pas d'abord déterminé. Donc, il y a un passage obligé: avoir une conception correcte de l'objet de négation pour le réfuter.

Peut-on dire malgré tout que concevoir quelque chose c'est lui donner un certain accès à la réalité ? Est-ce qu'un éléphant rose a une certaine existence dès qu'on le conçoit ?

Chez les guéloukpas, il y a une expression pour parler de ça, mais j'ai oublié. Par contre, lors d'une conception (comme lors d'une perception) il est toujours question de l'aspect appréhendé (soung nam) et de l'aspect appréhendant (dzin nam).

L'aspect appréhendant a bien une existence, sinon l'ignorance n'existerait pas et on serait tous éveillés.

Mais, dans le cas d'un inexistant, l'aspect appréhendé est une pure fabrication qui ne renvoie à rien dans la réalité. Bon, pour l'éléphant rose, ça existe peut-être sans qu'on l'ait encore découvert, ou dans un autre système solaire, pourquoi pas ? Ne pas trouver la présence d'une chose ne revient à en trouver l'absence. Mais quant au soi inhérent, il est toujours possible d'en trouver l'absence, donc il n'existe pas.

On peut dire qu'il y a des concepts faux et des concepts vrais: les premiers ne renvoient à rien dans la réalité tandis que les seconds renvoient bien à leurs objets, c'est pour ça que toutes les écoles bouddhistes s'accordent à dire que l'inférence valide est pramana au même titre que la perception directe valide. Si l'inférence n'est pas valide, il n'y a pas cognition probante ou avérée (pramana). Il s'agit donc de concepts faux, des coquilles vides, sans contenu factuel.

Bref, déterminer l'objet de négation qu'est le soi, ce n'est pas nécessairement lui donner un accès à la réalité si on garde à l'esprit cette distinction entre les deux aspects.

En effet, ça aurait fait tache dans le fil de Fenner ! ::mr yellow:: (quoi que... si tout est lié).

Sources: Recognizong Reality; Knowledge and Liberation; Knowing, Naming and Negation; Connaître l'esprit.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

Dharmadhatu a écrit : Ne pas trouver la présence d'une chose ne revient pas à en trouver l'absence. Mais quant au soi inhérent, il est toujours possible d'en trouver l'absence, donc il n'existe pas.
Mais pour le soi inhérent, pourquoi ne pas appliquer le raisonnement qui dit qu'une chose non trouvée n'est pas forcément inexistante ? :roll:
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Dharmadhatu
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ted a écrit :
Dharmadhatu a écrit : Ne pas trouver la présence d'une chose ne revient pas à en trouver l'absence. Mais quant au soi inhérent, il est toujours possible d'en trouver l'absence, donc il n'existe pas.
Mais pour le soi inhérent, pourquoi ne pas appliquer le raisonnement qui dit qu'une chose non trouvée n'est pas forcément inexistante ? :roll:
:D Parce qu'il y a une différence entre ne pas trouver la présence d'une chose et en trouver l'absence: ou entre la possibilité d'existence et son impossibilité.

Les deux concernent une "raison valide de non-observation" (tib. mamikpé ta' yangdak), sauf que dans le 1er cas, il s'agit d'une non-observation de ce qui n'apparaît pas (mi nangwa; par exemple, les étoiles ne nous apparaissent pas en plein jour, mais cela ne prouve pas qu'elles n'existent pas), et dans le 2ème, il s'agit d'une non-observation de ce qui est susceptible d'apparaître (nang roung; si quelque chose existait de manière ultime, alors plus ou chercherait, plus on le trouverait, mais c'est le contraire: vipashyana permet de certifier l'absence du soi inhérent).

Si on cherche par exemple le soi personnel dans le corps et dans l'esprit, c'est comme si on cherchait le loup dans le jardin et dans la maison. Comme on ne le trouve ni ici, ni là, on peut affirmer avec certitude que le loup n'est pas chez soi, sinon on le verrait puisqu'il est susceptible de nous apparaître quand il est présent.

FleurDeLotus
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En fait, tout le raisonnement est basé sur le regard intérieur ?
Dharmadhatu a écrit :vipashyana permet de certifier l'absence du soi inhérent
Jean

A propos de la vacuité, Lama Yéshé disait entre autre : "La vacuité, c'est lâcher-prise"

Il enseignait aussi que imaginer la vacuité sous la forme d'un ciel infini, lumineux, sans nuage et méditer sur cette image pouvait aider à expérimenter la vacuité.

Il y a un lien entre concept et image. L'image se trouve sous ou en amont du concept

Il est possible d'utiliser l'image comme objet de méditation.

Plus la conscience investit l'image, plus celle ci se renforce et devient présente, vivante et objet unique dans la conscience. Cela facilite sa dissolution.

Albert EInstein quand il calculait tous ses trucs, disait que les concepts qu'il employait correspondaient à des images et même des sensations corporelles.

On a parlé de la "musique des mots". Certains par les mots peuvent entendre la musique, la musique remplace pour eux l'image et elle peut devenir un objet de méditation

On peu s'y amuser : Lire un haiku (ça ne prend pas de temps), percevoir sa musique, l'objet de la méditation est de la réentendre et ressentir la musique comme une sorte de mantra.

Les images et les symboles sont des moyens de changer d'états de conscience.

C'est comme un voyage dans la conscience à l'aide d'images pour en arriver à leur dissolution.

Les sadhanas Tantriques et certains moyens habiles sont un savoir faire basé sur ces connaissances.

Il y a un exemple très terre à terre dans la "pensée positive"

"Chaque jour je vais de mieux en mieux" (ou quelque chose d'approchant)

Sous les mots, il y a l'image de soi rayonnant de santé. C'est cette image qui va agir sur l'esprit et le corps.

Même dans la pratique de Zazen, il y a une image-sensation de la posture qui joue un grand rôle.

Et hop! par magie je reviens dans le fil (j'ai pas fait exprés!)

Le concept amène l'image qui devient expérience ce qui peut débouche,r si utilisé correctement, dans l'expérience de la réalité.
Dernière modification par Jean le 23 juin 2013, 14:24, modifié 1 fois.
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Dharmadhatu
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ba11 Excellent Jean !
ted a écrit :En fait, tout le raisonnement est basé sur le regard intérieur ?
Dharmadhatu a écrit :vipashyana permet de certifier l'absence du soi inhérent
jap_8 S'il s'agit du non-soi personnel, oui. Il est dit qu'il faut d'abord faire s'élever l'ego de manière plus manifeste, puis de voir ce que c'est que ce truc, de le décortiquer, analyser et voir s'il tient la route ou pas..

FleurDeLotus
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Dharmadhatu
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jap_8 Ca y est, j'ai vu la photo de Boudiii qui est un excellent rappel d'un vipashyana réussi, où les concepts se consument d'eux-mêmes dans le feu de la sagesse, la transmutation alchimique d'Ourobouros.

Image

FleurDeLotus
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michel_paix
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L'individu voit un serpent qui mord sa chaussure, effrayé il court, mais ce serpent est solidement attaché, il ne se laisse pas si facilement lâcher prise, au bout d'un moment l'individu constate que c'est simplement le lacet de sa chaussure qui est détaché, soulagé il se calme et attache sa chaussure, il continue sa route en sifflant ayant l'air détendu. Que cela signifie ??

Serpent ou lacet l'esprit se moque de savoir si c'est vrai ou faux, il conçoit et réagi selon ce qui a été conçu, croyez vous que celui-ci a développé une compréhension profonde, en réalisant que c'était un lacet ?? Concevoir "serpent" ou "lacet" l'esprit réagi a ce qu'il a conçu être "réel", où est le sens profond dans tout cela ??

Qui vous dit que la solidité que l'on expérimente au contact du pied sur le sol est plus réelle que la solidité retrouvée durant le rêve ??

<<metta>>
:)
ted

michel_paix a écrit : Serpent ou lacet l'esprit se moque de savoir si c'est vrai ou faux, il conçoit et réagi selon ce qui a été conçu, croyez vous que celui-ci a développé une compréhension profonde, en réalisant que c'était un lacet ??
On a l'occasion de développer une compréhension profonde quand on s'aperçoit que le serpent n'était qu'un lacet. Mais le plus souvent, on laisse passer l'occasion. On est tellement content de ne pas être poursuivi par un serpent... :D
michel_paix a écrit :Concevoir "serpent" ou "lacet" l'esprit réagi a ce qu'il a conçu être "réel", où est le sens profond dans tout cela ??
Le sens profond c'est peut être que nous vivons dans un monde que nous concevons à chaque instant ?
Mais si on imagine le contraire : si on voit un lacet à la place d'un serpent, on sera mordu ! :shock: Parce qu'on ne se sera pas protégé. Donc, le monde extérieur existe bel et bien même si nous le déformons avec nos concepts !
michel_paix a écrit :Qui vous dit que la solidité que l'on expérimente au contact du pied sur le sol est plus réelle que la solidité retrouvée durant le rêve ??
<<metta>>
Aucun moyen de savoir si on rêve. La réalité est peut être une forme de rêve très subtil ? Bouddha disait que tout est comme une illusion. Non pas que tout est illusion, mais que tout est "comme" une illusion. Donc, on pourrait appliquer l'expérience onirique à la réalité ?
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