"le developpement du moi" par Trungpa

boudiiii !

LE DEVELOPPEMENT DU MOI

L'Esprit confus a tendance à se voir comme une chose solide et durable, mais c'est seulement un rassemblement de tendances, d'événements.
Dans la terminologie Bouddhiste, on parle de ce rassemblement comme des Cinq SKANDHAS, ou Cinq AGREGATS.
Aussi peut-être pourrions nous en passer par le développement intégral des Cinq SKANDHAS.

Le point de départ est qu'il y a l'espace, ouvert, n'appartenant à personne.
Il y a toujours l'intelligence primordiale, liée à l'espace et à l'ouverture, VIDYÂ (ou RIGPA in tib.) , ce qui signifie "Intelligence" en SANSKRIT- La précision, une acuité spacieuse, où il y a de la place pour tout mettre, pour tout déplacer.

C'est comme une salle spacieuse dans laquelle on a la place de danser, où l'on ne court pas le risque de se cogner contre les objets ou de les renverser, parce que l'espace est complètement ouvert. Nous sommes cet espace, et nous sommes un avec lui, avec VIDYÂ, l'intelligence et l'ouverture.
Mais si nous sommes cela tout le temps, d'où est venue la confusion, où l'espace est-il parti, que s'est-il passé ?
Rien, à vrai dire. Nous avons juste commencé à nous agiter un peu trop dans cet espace. Comme c'est spacieux, on a envie de danser; mais notre danse devient un peu trop active, nous commençons à tournoyer un peu plus qu'il n'était nécessaire pour exprimer l'espace.
C'est à ce moment que l'on devient conscient de SOI, conscient que "JE" suis en train de danser dans l'espace.
Parvenus à ce point, l'espace n'est plus l'espace en tant que tel : il se solidifie, au lieu d'être UN avec l'espace, nous le ressentons comme une entité séparée, tangible.
C'est la première expérience de la dualité- L'espace et Moi, Moi je suis en train de danser dans cet espace. La Dualité signifie " L'espace et Moi " , plutôt que d'être complètement un avec l'espace.
C'est la naissance de la " FORME" de " L'AUTRE ".
Alors survient une espèce de trou noir, en ce sens que nous oublions ce que nous sommes entrain de faire.
Une halte soudaine, une pause; et, faisant volte face, nous << Découvrons >> l'espace solide, comme si nous n'avions absolument rien fait auparavant, comme si nous n'étions pas les créateurs de toute cette solidité. Il y a un trou.
Ayant créé l'espace solide, celui-ci nous bouleverse et nous commençons à nous y perdre. Il y a un trou noir et puis , soudainement, un réveil.
Lorsque nous nous réveillons, nous refusons de voir l'espace comme ouverture, nous refusons de voir ses qualités douces et aérées.
Nous l'ignorons complètement ce qui s'appelle AVIDYÂ (ou MARIGPA en tib.). A signifie " Négation " et VIDYÂ " Intelligence ", aussi est-ce la " Non Intelligence " .
Parce que cette extrême intelligence s'est transformée en perception de l'espace solide, parce que cette intelligence aiguë, précise, lumineuse est devenue statique, on la nomme AVIDYÂ, " IGNORANCE " . Nous ignorons délibérément.
Cela ne nous satisfait pas de danser simplement dans l'espace, nous voulons un partenaire, et nous choisissons l'espace comme partenaire.
Si nous choisissons l'espace comme partenaire dans la danse, nous souhaitons alors naturellement qu'il danse avec nous.
Pour le posséder comme un partenaire, il nous faut le solidifier, et ignorer sa qualité fluide et ouverte.
C'est AVIDYÂ, l'Ignorance de l'Intelligence, c'est l'apogée du Premier SKANDHA, la création de la Forme-Ignorance
En fait, le SKANDHA de la Forme-Ignorance, revêt trois aspects ou stades différents, que nous pourrions examiner en recouvrant à une autre métaphore.

Le second stade de la Forme-Ignorance est nommé " Ignorance Née à l'Intérieur " .
Une fois que l'on a remarqué que l'on est séparé, on croit qu'il en a toujours été ainsi.
C'est un mouvement gêné, instinctif, vers la conscience de Soi. C'est aussi notre excuse pour rester séparé, grain de sable individuel.
C'est un type d'ignorance agressive, mais sans donner au mot sa connotation de colère; les choses n'en sont pas encore là.
Il s'agit plutôt d'agression en ce sens que l'on se sent mal à l'aise, déséquilibré, et que l'on essaie d'assurer le terrain et de se faire un abri. C'est l'attitude qui consiste à être un individu séparé et confus, c'est tout. On est identifié comme séparé du paysage primordial d'espace et d'ouverture.

Le troisième Type d'ignorance est l' " ignorance qui s'observe ELLE-MÊME "
On observe, on a la sensation de se voir comme un objet extérieur, ce qui conduit à la notion primaire de l' " AUTRE "
On commence à entretenir une relation avec le soi-disant monde " EXTERIEUR "

C'est pourquoi ces trois étapes de l'Ignorance constituent le SKANDHÂ de la Forme-Ignorance. On commence à créer Le Monde des Formes.

Aussi lorsque nous parlons de l'ignorance, ne s'agit-il pas du tout de la stupidité.
Dans un sens, l'ignorance est très intelligente, mais c'est une intelligence complètement à sens unique. C'est-à-dire que l'on réagit uniquement à ses propres projections au lieu de voir simplement ce qui est.. Il n'y a aucune situation de laisser-être puisque l'on ignore perpétuellement ce que l'on est.

Telle est donc la définition fondamentale de l'ignorance.

Le développement suivant est la mise au point d'un mécanisme de défense est la Sensation, le Second SKANDHA
Ayant ignoré, d'ores et déjà l'espace ouvert, nous souhaiterions sentir ensuite les qualités de l'espace solide, en vue d'atteindre à la plénitude de la qualité préhensible que nous développons.
Bien sûr, l'espace n'est pas seulement l'espace dépouillé puisqu'il contient couleurs et énergie. Il y a des manifestations de couleurs et d'énergie saisissantes, magnifiques et pittoresques. Mais nous avons ignoré tout cela.
Il y a à la place une version solidifiée de cette couleur; et la couleur devient de la couleur capturée, l'énergie de l'énergie capturée,
parce que nous avons solidifié tout l'espace, que nous l'avons fait " Autre "
Ainsi commençons-nous à atteindre et à sentir les qualités de L' " Autre "
Ce faisant, nous nous rassurons sur notre existence. " Si je puis sentir cela là-bas, alors je dois être ici."
Lorsque quelque chose survient, nous nous efforçons de sentir si la situation est séduisante, menaçante ou neutre. Chaque fois qu'il y a une brusque séparation,
le sentiment de ne pas connaître le lien entre " Ceci " et " Cela ", nous avons tendance à tâter notre terrain.
Tel est le mécanisme extrêmement efficace de la Sensation que nous commençons à élaborer, Le Second SKANDHA .

Le mécanisme suivant en vue d'assurer plus avant L'EGO est le troisième SKANDHA, Perception-Impultion.
Nous commençons à être fascinés par notre propre création, les couleurs statiques et l'énergie statique.
Nous voulons établir une relation avec elles, aussi commençons-nous graduellement à explorer notre création.

Pour que l'exploration soit efficace, il nous faut une sorte de standard, de table de contrôle du mécanisme de la sensation.
La sensation transmet son information au centre de contrôle, c'est l'acte de la Perception.
En fonction de cette information, nous formons des jugements, nous réagissons.
Le caractère positif, Négatif ou Indifférent de la réaction est automatiquement déterminé par cette bureaucratie de la sensation et de la perception.
Si nous percevons une situation comme menaçante, nous l'écartons de nous. Si elle nous séduit, nous l'attirons à nous. Si nous la trouvons neutre, nous restons indifférents.

Ce sont les trois types d'impulsion: Haine, Désir et Stupidité.
Ainsi la perception se réfère t-elle à la réception d'informations du monde extérieur, et l'impulsion à notre réponse à cette information.

Le développement suivant est le quatrième SKANDHA, Le Concept.

La Perception-Impulsion est une réaction automatique à une sensation intuitive. Ce type de réaction automatique n'est pas réellement une défense suffisante pour protéger notre ignorance et garantir notre sécurité. Pour nous protéger et nous illusionner intégralement, correctement, nous avons besoin de l'intellect, de la capacité de nommer et de catégoriser les objets.
Aussi étiquetons-nous les choses et les événements comme " BONS ", " BEAUX" " LAIDS ", et ainsi de suite, en fonction de l'impulsion qui nous paraît adéquate. Ainsi la structure de l'EGO devient-elle graduellement de plus en plus lourde, de plus en plus forte.
Jusqu'à ce stade, le développement de L'EGO était purement un processus d'action et de réaction, mais, à partir de maintenant, L'EGO se développe progressivement au-delà de l'instinct simiesque (qui rappelle le singe) et devient plus sophistiqué.
Nous commençons à faire l'expérience de la spéculation intellectuelle , nous nous confirmons et interprêtons en nous plaçant dans des situations logiques ou interprétables .
La nature fondamentale de l'intellect est tout à fait logique. Naturellement, il aura tendance à travailler en vue d'établir des conditions positives : en vue de valider notre expérience, d'interpréter la faiblesse en termes de force,
de fabriquer une logique séduisante, en un mot, de confirmer notre Ignorance.

On pourrait dire que, dans un certain sens, l'Intelligence primordiale opère tout le temps, mais est mise au service de la fixation dualiste, de l'Ignorance.
Dans les premiers stades du développement de L'EGO, cette intelligence opère comme acuité intuitive de la sensation. Plus tard, sous la forme de l'intellect.
En fait, il semble bien que la chose nommée EGO ne corresponde à rien du tout : " Je suis " n'existe pas . C'est l'accumulation de toutes sortes de bric-à-brac. C'est une << brillante oeuvre d'art >>, un produit de l'intellect qui dit " Donnons lui un nom, appelons-le " Je suis " " ce qui est très astucieux " JE " est le produit de l'intellect, la marque de fabrique qui réunit en un tout le développement désorganisé et dispersé de L'EGO .

Le dernier stade de développement de L'EGO est le Cinquième SKANDHA, La Conscience.
A ce niveau, un amalgame prend place: l'Intelligence intuitive du second SKANDHA, l'énergie du troisième et l'intellectualisation du quatrième se combinent pour produire les pensées et les émotions.
C'est au niveau du Cinquième SKANDHA que nous trouvons les Six Mondes, ainsi que les modèles incontrôlables et illogiques de la pensée discursive.

Voilà donc tracé complètement le portrait de L'EGO,
c'est dans cet état que nous sommes tous lorsque nous arrivons à l'étude de la Psychologie et de la méditation Bouddhiste.
Dans la littérature Bouddhiste, une métaphore est communément utilisée pour décrire l'ensemble de ce processus de la création et du développement de L'EGO.
Jean

Je me rappelle de ce texte! L'histiire du tourbillon m'avait marqué! De quel livre est-il extrait?

C'est un texte qui va bien avec la pratique du Dzogchen, du Mahamoudra et de Zazen.
Jean

Merci Boudii! Ca fait longtemps que je n'ai pas relu ce livre. Le passage de l'état de conscience non duel à l'état de conscience duelle.

C'est un peu comme une tornade qui est maintenue par des tensions. Si les tensions disparaissent, la tornade retombe comme un soufflé raté.

Le trou noir a peut être un rapport avec la vision correspondant à l'avant dernière étape des dissolutions des énergies, juste avant l'expérience de la Claire Lumière. Aprés l'expérience de la Claire Lumière, le processus inverse se met en route lors du redéploiement des énergies.

Il y a l'unité conscience/énergie, la définition du karma (et donc de l'ego), suivant les tantras c'est "le karma c'est le prana qui bouge".

L'une des explications est Sutrique, l'autre Tantrique. Ce sont des des formulations qui dépendent de l'état de conscience.
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