Le pardon

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Dharmadhatu
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jap_8 Merci à Robi qui m'a inspiré ce fil grâce à ses propos très justes sur un autre fil.

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Je viens de chercher dans un dico comment on dit pardon en tibétain et c'est dgongs yangs [gong yang] qui veut aussi dire littéralement: esprit vaste.
Un autre mot dit bzod pa bzhes pa [seupa shépa]: accepter patiemment, de sorte qu'en fait il n'y a même pas de pansement à mettre car pas de blessure.

Je me demandais si vous aviez des références du pardon dans les Suttas parce que ce sujet non seulement rapproche les traditions mais aussi et surtout les humains.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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yudo
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Dhammapada, versets conjugués:

3. " Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui chérissent de telles pensées n'est pas apaisée.

4. "Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui ne chérissent pas de telles pensées est apaisée.

5. Jamais la haine n'éteint les haines en ce monde. Par l'amour seul les haines sont éteintes. C'est une ancienne loi.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Robi

yudo a écrit :Dhammapada, versets conjugués:

3. " Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui chérissent de telles pensées n'est pas apaisée.

4. "Il m'a maltraité, il m'a battu, il m'a vaincu, il m'a volé ", la haine de ceux qui ne chérissent pas de telles pensées est apaisée.

5. Jamais la haine n'éteint les haines en ce monde. Par l'amour seul les haines sont éteintes. C'est une ancienne loi.
Merci Yudo.

Dans par-don, il y a don. "Par" vient du latin per qui exprime une idée de perfection. Et "don" vient de donare, donner.
ted

Ainsi ai-je entendu dire le Bouddha, un jour qu'il demeurait au monastère d'anathapindika, dans le parc de Jeta, non loin de Sravasti. Ce jour-là, le Vénérable Sariputta dit aux moines :
...

"Chers amis, supposons qu’une personne voyage loin et tombe malade le long du chemin. Le dernier village qu’elle a quitté depuis longtemps, et celui vers lequel elle se dirige, sont encore bien loin. Souffrant, épuisée, seule, elle tombe dans le désespoir en sachant qu’elle mourra sur le chemin. A ce moment-là, quelqu’un apparaît, la trouve dans cet état et lui porte secours immédiatement. Il la soutient de ses bras pour l’emmener au prochain village, prend soin d’elle, la soigne et lui fournit tous les aliments et les médicaments nécessaires. Grâce à son aide, la personne est sauvée. Si cette personne est sauvée, c’est grâce à l’amour et à la compassion de l’autre.

"De la même manière, chers amis, quand nous voyons quelqu’un qui n’agit ni ne parle avec bonté et qui n’a rien dans son coeur qui s’apparente à l’amabilité, nous devrions penser ceci : "Une personne dont les actes, les paroles et les pensées ne sont pas aimables est une personne qui souffre beaucoup. Elle s’engage certainement dans un chemin extrêmement dangereux. Si elle ne rencontre pas d’ami, elle n’aura aucune chance de se transformer et d’aller dans la voie qui mène au bonheur." En pensant ainsi, nous pouvons ouvrir notre coeur à la compassion et à l’amour, mettre fin à notre colère et aider l’autre personne. Un sage devrait pratiquer ainsi.

Madhyama Agama Sutta (Majjhima Nikaya)
Dukkhanirodha a écrit : Bhikkhus, il y a cinq moyens de se débarrasser du ressentiment, au moyen desquels un bhikkhu peut éradiquer toute colère qui apparaîtrait en lui. Quels sont ces cinq?

Si du ressentiment envers une certaine personne est apparu, alors on peut générer mettā (amabilité bienveillante) envers cette personne. De cette manière, le ressentiment envers cette personne peut être éradiqué.
... on peut générer de la compassion envers cette personne ...
... on peut générer de l'équanimité envers cette personne ...
... on peut ne lui accorder aucune attention, et l'oublier ...
... on peut penser à cette personne en termes de possession du kamma: 'Ce compagnon est le possesseur de ses actions. Il est l'héritier de ses actions, elles sont le sein (duquel il est né), elles sont ses relations et sa protection. Quelque soient les actions qu'il accomplit, bonnes ou mauvaises, il en sera l'héritier.' De cette manière, le ressentiment envers cette personne peut être éradiqué.

Bhikkhus, voici les cinq moyens de se débarrasser du ressentiment, au moyen desquels un bhikkhu peut éradiquer toute colère qui apparaîtrait en lui.

Paṭhama Āghātapaṭivinaya Sutta
Jingshen

Le pardon, comme la haine, n'existe que dans la dualité illusoire du monde
Ils entretiennent le processus cyclique de la relativité
Pour qu'il y ait pardon, donné ou demandé,
il faut encore qu'il y ait une victime et un coupable
Dans l'absolu, la dualité n'existe pas
Ni pardon, ni vengeance
Ni amour ni haine
Ni souffrance ni plaisirs
Ni soi, ni autres
Ni être ni monde
Celui qui transcende la dualité du "samsara"
Réalise l'unité de toutes choses
Et trouve la paix et le bonheur sans cause
Ni un ni deux ! (ni trois zéro)




Haines dans la barque
Deux ennemis illusoires
Sur la mer bleu ciel

Jingshen (1901 - 2015)

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Dharmadhatu
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jap_8 Merci beaucoup les amis. Je connaissais le passage du Dhammapada et comme le mot "pardon" n'y est pas explicitement dit, d'où ma question.

Au final, j'ai l'impression que le pardon, c'est quand le mal a été fait, alors que la pratique bouddhiste invite d'emblée à ne pas prêter le flanc à telle ou telle blessure en cultivant l'esprit d'ouverture, de compréhension et de compassion.

Mais bon, facile à dire: si le Bouddha a enseigné à des bhikshus comment apaiser le ressentiment, c'est qu'ils en avaient besoin eux aussi.

Cet esprit vaste est donc comme un idéal vers lequel tendre, sans jamais rien lâcher, comme ça tout le monde est gagnant.

Merci encore pour vos interventions.

A plus tard FleurDeLotus
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yudo
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En fait, dans cette histoire de pardon, il y a deux éléments. L'un est le ressentiment. Le tort de l'un entraîne le ressentiment de l'autre, mais ce ressentiment ne fait rien pour corriger le tort, et est un poison que l'on s'instille à soi-même.

Le pardon à proprement parler a lieu lorsque l'auteur du tort prend conscience de ce qu'il /elle a fait, le reconnaît, et sans pour autant penser qu'il puisse être réparé, cherche, a minima, à le compenser en demandant le pardon à l'offensé/e. Si ce pardon est accordé, non seulement le ressentiment est absent -- son absence est même la condition a priori du pardon -- mais l'auteur du tort peut passer à autre chose.

Ce discours entraîne souvent une incompréhension. Des personnes qui ont causé des torts exigent le pardon sans jamais avoir manifesté le moindre regret. Je ne pense pas qu'il puisse leur être accordé dans ces conditions; ce qui n'implique pas qu'on doive pour autant continuer à cultiver le ressentiment, bien au contraire. Mais on ne peut pardonner qu'en présence du repentir.

Autrement dit, il y a là deux démarches: la première est celle de l'offensé qui doit s'attacher à ne pas cultiver le ressentiment, essentiellement pour son équilibre intérieur personnel.
La deuxième est celle de l'offenseur qui doit, pour obtenir le pardon, tout d'abord le demander.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
ted

yudo a écrit : Mais on ne peut pardonner qu'en présence du repentir.
Je ne l'ai pas compris comme ça. Ne peut on pardonner même si l'autre persiste dans son erreur ? :roll:

Comme tu dis un peu plus loin :
yudo a écrit :..l'offensé qui doit s'attacher à ne pas cultiver le ressentiment, essentiellement pour son équilibre intérieur personnel.
Je crois qu'il faut savoir pardonner juste pour éviter de s'empoisonner. Même si le supposé agresseur est en train de danser devant notre porte en faisant des bras d'honneur. Même s'il ricane en nous traitant de faible.

Est-ce que le pardon, ce n'est pas d'abord prendre soin de soi ? Ce qui n'empêchera pas de continuer à se protéger de l'agression. Mais on s'en protège comme on se protège de la pluie. Avons-nous une haine de la pluie quand elle tente de nous tremper ? Normalement non. Nous pouvons aller nous abriter calmement, sans ressentiment.

Maintenant, si le fait de pardonner aide l'autre à prendre conscience qu'il y a une autre voie que la haine, on fait d'une pierre deux coups, si j'ose dire.
Mais, à mon avis, l'objectif premier du pardon n'est pas de sauver le bonhomme en face... :oops:
Katly

Exactement.
Cela provient de l'élan vital et sain envers soi-même d'abord. <<metta>>
Après si ça sauve l'autre l'éclaire tant mieux, mais si il conserve l'obscurité de l'agresseur ou son orgueil, on y peut parfois rien, c'est sa vie... :roll: <<metta>>
Katly

On se protège.

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Je connais pas de textes particuliers ou je n'ai pas en tête, à l'instant à part le petit livre de Jack Kornfield.
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