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Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 29 janvier 2013, 09:59
par Dharmadhatu

Dans le Sutra apocryphe nommé
Soutra de L'Estrade, Shen-Hsui écrivit cela:
Le corps est l'arbre de la Bodhi
Le mental est comme un miroir brillant
Prends soin de le garder toujours net
Et ne laisse pas la poussière s'y amasser
Ensuite, Hui-Neng écrivit à la place:
Il n'y a pas d'arbre de la Bodhi
Aucun miroir brillant n'existe là
Puisque tout est vide
Où la poussière peut-elle se déposer ?
Or ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé, c'est que son exposé de la vérité ultime remplace la vérité obscurcissante, mais
ne remplace pas l'exposé de la vérité conventionnelle car la véritable réalisation n'est pas de souligner une vérité au détriment de l'autre, mais au contraire d'envisager les deux vérités comme se soutenant mutuellement. On cite souvent le
Hridaya Sutra pour appuyer cela, mais je trouve que le
Vajracchedika Sutra est encore plus explicite:
Subhuti, un homme jouissant de la vue ne peut rien voir dans l'obscurité, et le bodhisattva qui, ayant chu dans (la croyance à) l'existence substantielle, s'adonne à la générosité est en tout point comparable à cet homme. En revanche, Subhuti, l'homme jouissant de la vue contemple toutes sortes de formes dès le lever du soleil, et le bodhisattva lui ressemble qui, sans avoir chu dans l'existence substantielle, s'adonne à la générosité parfaitement.
Conclusion: il est fort possible que Shen-Hsui fût plus réalisé que Hui Neng en exposant le conventionnel sans avoir chu dans l'existence ultime, exactement comme le font les Bouddhas.

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 29 janvier 2013, 10:29
par boudiiii !
houla !

toi aussi DDT tu veux nous faire une "Norbu rinpoche'style" dans la piscine

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 29 janvier 2013, 10:36
par Dharmadhatu
Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 29 janvier 2013, 10:46
par boudiiii !
pourtant dans ce genre de situation , c'est ce qui nous sauve

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 29 janvier 2013, 14:17
par Dharmadhatu
Alors j'ai bien fait de me goinfrer de khapsés !

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 07 février 2013, 20:51
par lausm
Je pense qu'il est difficile d'en conclure cela.
Houei Neng n'expose-t-il pas surtout là l'absence de vérité nommée, qu'elle soit conventionnelle, relative, absolue, ou tout ce qu'on peut rajouter comme qualificatif?
Ce qui caractérise cette pratique, c'est qu'on tranche sans rien enlever, et qu'on ne tranche rien tout en retirant tout appui à quoi que ce soit.
Il est fort possible que Houei Neng était capable de comprendre et de formuler le conventionnel, mais qu'il était bien au-delà de penser la réalisation en termes quantitatifs, en terme d'échelle, en terme de graduation.
Houei Neng, c'est l'école de l'éveil subit. Cela ne nie aucunement l'éveil graduel, mais pointe juste que ce qui est, est, totalement, en cet instant, et n'est pas dépendant de tous les mots pour le dire, bien qu'on n'ait que ceux-ci pour nommer cela qui ne peut l'être.
Autrement dit, que l'éveil c'est total, c'est tout de suite, et donc ça va plus vite que de nommer la pratique ou l'objet pour l'atteindre, car la pratique et ce qui est à atteindre sont contenus dans cet instant et cet endroit, et en même temps sont au-delà de cet instant et de cet endroit.
Il est connu que Shen-Hsui respectait Houei Neng et lui envoyait des disciples, la réciproque a dû aussi exister.
La formulation de Houei Neng n'est pas une négation. Elle est l'absence de tout support conceptuel, car la réalité, si elle peut se penser, au final, est, simplement. Et ceci dépasse la pensée.
Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 08 février 2013, 11:54
par Dharmadhatu

Merci pour ces remarques avisées Lausm.
Mon propos n'était pas de remettre sur le tapis la vieille opposition entre subitisme et progressivisme, mais de souligner que les deux vérités ne s'excluent pas fondamentalement.
En fait, il y a une distinction à faire: épistémologique et ontologique.
Epistémologiquement, il y a bien une exclusion mutuelle parce que si on est dans l'ultime, il n'y a plus de phénomènes conventionnels, il n'y a plus que cette absence de soi, comme l'espace infini.
Ontologiquement, les deux vérités se soutiennent mutuellement puisque étant toutes deux de simples désignations, elle sont désignées en mutuelle dépendance, comme la gauche et la droite.
Il est connu que Shen-Hsui respectait Houei Neng et lui envoyait des disciples, la réciproque a dû aussi exister.
Je le pense aussi parce que Shen-Hsui est très en accord avec le
Vajracchedika Sutra. Et Hui-Neng n'est pas en désaccord si on place sa strophe selon le point de vue épistémologique et pas ontologique.

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 08 février 2013, 17:53
par lausm
En fait, je me permettrai la critique, mais pas polémique, soyons clair, hein?...mais je pense que tu abordes le problèmes très analytiquement.
Cela correspond à des abords de la pratique, que je ne prétendrai pas maitriser.
Par contre pour moi cette réalisation correspond à un ressenti.
Bien sur, la voie subite n'exclut rien.
On pourrait dire qu'elle inclut tout, mais meme cela est vision limitée.
Au final on ne peut rien en dire pour la désigner, d'où la référence permanente au rien...avec le danger d'en faire un nouveau quelque chose.
Je pense meme que la voie progressive peut faire comprendre la voie subite.
Donc on recommence, rien 'n'est acquis.
Il ne faut pas oublier que tous ces enseignements étaient formulés dans des contextes, à des gens ayant déjà appris et devant désapprendre.
quelqu'un te dit qu'il y a quelque chose, puis l'autre te balaye sous le pied : il n'y a rien.
Que reste t il d'autre que de chercher dans ce soi qui n'est pas ce qu'on croit?
Koan....la cloche sonne, et on se réveille : on s'était perdu dans la recherche éperdue, on avait sombré dans le vide.
Alors le maitre te dit gentiment qu'il faut aller laver ton bol et ranger ta chambre.
Là, juste la réalité. Dans laquelle on continue avec tout ce qu'on a compris, et ce qu'on a à comprendre.
et on se prosterne face à ce qui nous entoure sans intention, face à la vie telle qu'elle est.
Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 08 février 2013, 19:33
par Dharmadhatu

C'est exact, l'analyse fait partie de ma pratique et de ma tradition.
Notons que le ressenti n'a pas plus de poids que les concepts parce que certains ressentis peuvent être aussi erronés que certains concepts. Et parfois le ressenti est en accord avec la réalité, mais exprimé et/ou interprété maladroitement.
Il ne faut pas oublier que tous ces enseignements étaienbt formulés dans des contextes, à des gens ayant déjà appris et devant désapprendre.
quelqu'un te dit qu'il y a quelque chose, puis l'autre te balaye sous le pied : il n'y a rien.
Oui, cela existait déjà avec le Bouddha et la tradition indienne des
Prajñaparamita Sutras. Un bon coup de pied dans la fourmilière des conceptions essentialistes.

Re: Ce que Hui Neng semble ne pas avoir réalisé
Publié : 10 février 2013, 16:31
par lausm
Disons que le ressenti, au niveau le plus phénoménal, neuro physiologique, est plus matériel que le concept.
D'où, je suppose, la pédagogie de la baffe de nombre de maîtres zen, qui s'en sont a priori servi quand justement les disciples commençaient à conceptualiser grave!
Vlan, et là, t'en penses quoi de la nature de Bouddha? ...ouah putain, ça fait mal à la tronche!
Il y a quelques années, j'ai vu que dans le theravada, et aussi dans le chan chinois, il y a une pédagogie de l'apprentissage de la méditation qui insiste très très fort sur les sensations : se concentrer juste sur ses sensations. Cela relativise énormément l'activité mentale : quand on donne du corps à l'esprit, il pense plus dense (et surtout il donne moins de poids aux pensées, qui s'ordonnent différemment et autrement). et je comprends : une sensation ramène dans le corps, concrètement..par contre une pensée, bof!
Du coup, on pense à partir du corps, et non en s'en abstrayant. C'est à mon sens plus sain, car quand on étudie, on risque de se coller à l'intellect, et là faut revenir sur terre.