Le poids des mots
Publié : 01 avril 2013, 09:18
Il faut que j'écrive quelques mots là dessus...
Mon grand père étaient imprimeur pendant la guerre et libraire ensuite…alors il n'y avait pas que les mots parlés qui avaient un poids à la maison, mais des bibliothèques qui étaient très très lourdes…ces livres m'ont suivis longtemps …mais je ne pouvais en lire que certains…les autres avaient un poids que je ne saurai dire…il y en avait un particulièrement qui pesait une tonne et que mon grand père m'avait donné: c'était un livre qui rendait hommage à tous les combattants morts pendant la résistance.
Il y avait la photo de mon grand père en première page parce que c'était l'échantillon qui lui était adressé, puis toutes les photos des résistants disparus…ce livre m'a suivi une bonne partie de ma vie: un jour, sentant son poids comme incommensurable, je l'ai brûlé.
J'ai eu une pensée pour tous ces gens qui me semblaient retenus dans ces pages comme dans une prison et je me rappelle que ça m'avait vraiment retournée: je l'ai brûlé dans mon jardin en Martinique…à la fin, le vent a soulevé toutes les cendres en les ramenant doucement vers moi, j'ai eu l'impression d'avoir touché quelque chose de vivant et ça faisait comme des flocons de cendres qui virevoltaient dans l'atmosphère.
J'ai aimé tous ces gens qui s'échappaient me semblait-il tout à coup, et en même temps je leur demandais pardon de bouger les choses comme cela, de les remuer et de les toucher, et pourtant au fond je savais que c'était ce que je devais faire…c'était une sorte de libération.
Ensuite il y a eu comme un grand vide tout au fond de moi…et je crois que c'est à ce moment là que j'ai commencé à me poser des milliards de questions…et puis j'ai donné plein de livres tout partout, j'ai continuer à faire le vide des mots de plus en plus….
Aujourd'hui, je n'ai plus beaucoup de livres à la maison…en général les livres circulent et je ne les garde plus. Je ne pourrais plus …il y a dans tout livre, un poids.
Je ne sais pas ce que mon grand père a imprimé pour la résistance, je crois que j'aurais aimé avoir des mots là dessus qui auraient allégé tous les autres….
Pendant cette période, mes grands parents ont vécu le sentiment de puissance conféré par l'action et le nuage d'une mort pouvant frapper à tout moment.
C'était une épée de Damoclès en fait…
Parfois, quand ils en parlaient, j'avais l'impression qu'ils auraient préféré se fondre dans le néant et retrouver la paix dans l'immobilité du rien…oui, certainement, ils auraient préféré n'être rien dans tout ça…le courant les avait emporté très très loin malgré eux et il y avait une violence inouïe en son sein…
Quand ils en parlaient, ils faisaient revivre tout cela et je sentais que ce n'était pas complètement terminé…les mots avaient pris le relais et ils livraient bataille à leur tour…pour trouver l'apaisement.
Les mots sont des échappatoires…il faut les voir mourir un à un pour franchir leur prison.
Ensuite, il faut tourner la page.
Mon grand père étaient imprimeur pendant la guerre et libraire ensuite…alors il n'y avait pas que les mots parlés qui avaient un poids à la maison, mais des bibliothèques qui étaient très très lourdes…ces livres m'ont suivis longtemps …mais je ne pouvais en lire que certains…les autres avaient un poids que je ne saurai dire…il y en avait un particulièrement qui pesait une tonne et que mon grand père m'avait donné: c'était un livre qui rendait hommage à tous les combattants morts pendant la résistance.
Il y avait la photo de mon grand père en première page parce que c'était l'échantillon qui lui était adressé, puis toutes les photos des résistants disparus…ce livre m'a suivi une bonne partie de ma vie: un jour, sentant son poids comme incommensurable, je l'ai brûlé.
J'ai eu une pensée pour tous ces gens qui me semblaient retenus dans ces pages comme dans une prison et je me rappelle que ça m'avait vraiment retournée: je l'ai brûlé dans mon jardin en Martinique…à la fin, le vent a soulevé toutes les cendres en les ramenant doucement vers moi, j'ai eu l'impression d'avoir touché quelque chose de vivant et ça faisait comme des flocons de cendres qui virevoltaient dans l'atmosphère.
J'ai aimé tous ces gens qui s'échappaient me semblait-il tout à coup, et en même temps je leur demandais pardon de bouger les choses comme cela, de les remuer et de les toucher, et pourtant au fond je savais que c'était ce que je devais faire…c'était une sorte de libération.
Ensuite il y a eu comme un grand vide tout au fond de moi…et je crois que c'est à ce moment là que j'ai commencé à me poser des milliards de questions…et puis j'ai donné plein de livres tout partout, j'ai continuer à faire le vide des mots de plus en plus….
Aujourd'hui, je n'ai plus beaucoup de livres à la maison…en général les livres circulent et je ne les garde plus. Je ne pourrais plus …il y a dans tout livre, un poids.
Je ne sais pas ce que mon grand père a imprimé pour la résistance, je crois que j'aurais aimé avoir des mots là dessus qui auraient allégé tous les autres….
Pendant cette période, mes grands parents ont vécu le sentiment de puissance conféré par l'action et le nuage d'une mort pouvant frapper à tout moment.
C'était une épée de Damoclès en fait…
Parfois, quand ils en parlaient, j'avais l'impression qu'ils auraient préféré se fondre dans le néant et retrouver la paix dans l'immobilité du rien…oui, certainement, ils auraient préféré n'être rien dans tout ça…le courant les avait emporté très très loin malgré eux et il y avait une violence inouïe en son sein…
Quand ils en parlaient, ils faisaient revivre tout cela et je sentais que ce n'était pas complètement terminé…les mots avaient pris le relais et ils livraient bataille à leur tour…pour trouver l'apaisement.
Les mots sont des échappatoires…il faut les voir mourir un à un pour franchir leur prison.
Ensuite, il faut tourner la page.