La vie spirituelle est la vie. Je ne vois aucune raison de passer toute sa vie à ne goûter qu'un seul fruit. Nous autres, êtres humains, pouvons nous nourrir des meilleures valeurs de nombreuses traditions. Si nous pratiquons le regard profond et l'écoute profonde, nous deviendrons libres et pourrons voir la beauté et les valeurs de notre tradition et des autres traditions. Nous devons nous laisser transformer par ce qui est bon, beau et positif dans la tradition de l'autre... Je voudrais partager avec vous mon expérience et ma compréhension de deux belles fleurs du monde, le bouddhisme et le christianisme.
Dans le bouddhisme, la foi signifie la confiance que nous avons en notre pouvoir et celui des autres de nous éveiller à notre plus profonde capacité d'aimer et de comprendre. Quand nous sommes calmes, quand nous regardons profondément en touchant la source de notre vraie sagesse, nous touchons le Bouddha vivant et le Christ vivant en nous-mêmes et en chaque personne que nous rencontrons.
Le cœur de la méditation bouddhiste est la Pleine Conscience : l'énergie qui nous aide à savoir ce qui se passe dans le moment présent. Quand l'énergie de la Pleine conscience est présente, la transformation a lieu. Quand l'énergie de l'Esprit est en vous, la compréhension, l'amour, la paix et la stabilité sont possibles. Dieu est là. Vous êtes, bien que vous ne soyez pas, mais Dieu est en vous. C'est cela l'inter-être, le non-soi. J'aime beaucoup l'expression "demeurer en Dieu".
Le terme bouddhiste vipasyana signifie compréhension, regard profond. "Regarder profondément" veut dire observer quelqu'un ou quelque chose avec une concentration telle que la distinction entre celui qui observe et celui qui est observé disparaît. Le résultat c'est la compréhension de la vraie nature de l'objet. Quand nous contemplons le cœur d'une fleur, nous pouvons y voir les nuages, le soleil, les minéraux, le temps, la terre et tout le cosmos. Sans les nuages, il ne pourrait y avoir de pluie et la fleur ne pourrait pas exister. Sans le temps, la fleur ne pourrait pas éclore. En réalité, la fleur est entièrement faite d'éléments non-fleur ; elle n'a pas d'existence indépendante, individuelle. Elle "inter-est" avec tout ce qui est dans l'univers.
Inter-être est un nouveau terme qui devrait à mon sens bientôt figurer dans les dictionnaires tant ce mot est important. Quand nous voyons la nature de l'inter-être, les barrières entre nous et les autres disparaissent, et la paix, l'amour et la compréhension sont possibles. Chaque fois qu'il y a de la compréhension, la compassion est possible.
La meilleure façon de pratiquer, c'est avec une Sangha, un groupe : l'énergie collective de la pleine conscience approfondit alors la pratique. La présence du groupe nous protège et nous donne de la force.
Quand nous pratiquons la respiration consciente, attentifs à chaque pensée et à chaque acte, nous renaissons, pleinement vivants, dans le moment présent. Le puits est en nous. Si nous creusons en profondeur dans le moment présent, l'eau en jaillira.
Dans le bouddhisme, on parle "d'entrer dans le courant". Tout ce à quoi l'on est confronté une fois entré dans le courant devient objet de méditation : un nuage qui flotte dans le ciel, un cadavre et même sa propre peur. Le fait qu'on soit profondément concentré aide à toucher et à pénétrer les objets de notre méditation pour en révéler la vraie nature. L'éveil est la prise de conscience de la vraie nature de la réalité.
Thich Nhat Hanh - Bouddha vivant, Christ vivant (J.C.Lattès -1996)
« Transformer notre conscience individuelle c’est enclencher le processus de transformation de la conscience collective. » Thich Nhat Hanh