Dharmakaya

shalistamba

Merci. J'ai emprunté l'idée que mes enfants me font redescendre sur terre à Alexandre Jollien et à Mathieu Ricard l'idée que les enfants ne sont pas spontanément égoïstes (histoire de rendre à César ce qui appartient à César)
jules a écrit :...Tout comme la Vue et l'ignorance d'ailleurs.
Je suis d'accord si tu veux dire par là que la Vue a besoin de l'ignorance et l'ignorance besoin de la Vue comme Jules C. a besoin d'Abraracourcix et vice versa. C'est à partir de l'ego que l'on peut percevoir sa nature de bouddha et à partir de la nature de bouddha que l'on perçoit son ego.

J'ai lu les 64 vues fausses et me sens assez proche de l'ascète ou du brahmane qui est confus et stupide. Du fait de sa confusion et de sa stupidité, quand on le questionne sur divers sujets, il tente de s'en tirer à l'aide d'arguments évasifs, se débattant comme une anguille. Mais je me sens encore plus proche de Nagarjuna quand il dit que la vacuité est l’évacuation complète de toutes les opinions.
Mais si tu essaies de construire une vue cohérente en intégrant tes concepts philosophiques préférés, ce ne sera pas du New Age, je ne te ferai pas cette injure, mais ce sera très certainement une vue erronée, une vue fausse. A mon avis, il faut déconstruire la philo pour entrer dans le Dharma du Bouddha.

Le problème c'est qu'on ne peut pas déconstruire la philo sans faire de la philo. Je ne cherche pas à construire une vue cohérente mais j'utilise des "armes" forgées par différentes traditions dont la tradition bouddhiste. L'idée c'est moins de réduire à néant mes interlocuteurs que de leur montrer la puissance et l'usage de ces armes de manière à pouvoir désarmer tout adversaire dans une discussion. Ceci dit Le kyosaku est peut- être le seul argument décisif.

Je me sens plus proche du sophiste que du philosophe. Le sophiste n'hésite pas à retourner les arguments du philosophe contre celui-ci dans le but de se moquer de lui si celui-ci se prend trop au sérieux. Le sophiste sait que l'on peut toujours tout justifier même l'injustifiable c'est pourquoi il se méfie de tous les discours. Le discours en lui-même est moins important que ce que l'on n'en fait. Les japonais se sont servi du bouddhisme pendant la seconde guerre mondiale pour justifier l'abnégation du Kamikaze.
Un homme parfaitement maître de son art,
n'utilise jamais son épée, et l'ennemi se tue lui-même.
Quand un homme utilise son épée, c'est pour défendre la vie des autres.
Si l'ordre est de tuer, il tue ;
si c'est d'épargner, il épargne.
Quand on tue, c'est sans la pensée de tuer,
de même quand on épargne une vie.
Le moi est absent.
L'homme ne distingue pas « ceci ou cela» :
il ne fait aucune discrimination, et sait pertinemment pourtant quoi est quoi.
Il marche sur l'eau comme sur la terre, et sur la terre comme sur l'eau.
L'homme qui atteint à cette liberté,
personne sur terre ne peut l'arrêter.
Il tient par lui-même, absolument.

Miyamoto Musashi, 1584 ?-1645
Je rappelle que le philosophe est un homme ordinaire qui recherche la sagesse. Il y a toujours un hiatus entre ce qu'il dit et ce qu'il fait alors que le sage incarne la sagesse mais quand le sage atteint la compréhension il est un homme ordinaire.

Je rappelle également que pour le bouddha marcher sur l'eau ne vaut pas grand chose.
Il arriva un jour que le Bouddha accompagné de quelques disciples ait à franchir un fleuve. Ils prirent donc un passeur qui les emmena dans sa barque. Chemin faisant, ils virent se déplacer au loin un homme imposant qui, lui traversait en marchant sur les eaux. Les disciples, muets regardaient le spectacle. Mais l'un d'eux se risqua, n'y tenant plus, à interroger le Bouddha : "Maître, cet homme a des pouvoirs incontestables. Quelle est la valeur d'un tel pouvoir?" - Je vous donnerai la réponse tout à l'heure" dit le Bouddha.
Une fois le fleuve traversé, le batelier réclama cinq annas (cinq centimes) à chacun. Alors le Bouddha se tourna vers le disciple questionneur et lui dit : "Vous voyez, ce pouvoir vaut cinq centimes." Denise Desjardins - Conteurs, Saints et sages. Des pères du désert à Swâmi Prajnânpad
Je rappelle que pour le bouddha la question des croyances est secondaire par rapport à la pratique de la voie. Il considère donc avec bienveillance les adeptes des autres religions, d'autant plus si ceux-ci pratiquent les mêmes vertus. (A l'inverse on peut considérer comme un déviant sectaire celui qui prétend être le seul a détenir la Vision Juste.)
Dāna pāramī : générosité, don
Sīla pāramī : vertu, moralité
Nekkhamma pāramī : renonciation, non-attachement
paññā pāramī : sagesse transcendante
Viriya pāramī : énergie, effort
Khanti pāramī : patience, tolérance
Sacca pāramī : honnêteté, sincérité
Adhiṭṭhāna pāramī : détermination, résolution
mettā pāramī : amour bienveillant
upekkhā pāramī : sérénité, équanimité


Ce qui me fait dire que même si la manière dont je perçois le Dharmakaya est une vue fausse elle a néanmoins des effets qui vont dans le sens de l'altruisme et de l'écologie c'est qu'inversement:
Croire en Dieu augmente... l’espérance de vie ! Telle est l’inattendue conclusion de travaux scientifiques réalisés par le professeur de psychiatrie David B. Larson, de l’université de Duke en Caroline du Nord (Etats-Unis) et publiés récemment. Ce chercheur est en effet parvenu à démontrer que les croyants vivaient en moyenne 29% plus longtemps que les non-croyants. Fruit de la synthèse de 42 études médicales menées entre 1977 et 1999 et concernant pas moins de 126 000 personnes
Ce qui montre bien qu'une vue fausse (éternaliste) peut avoir des effets... que j'ai malgré tout un peu de mal à qualifier de positifs. Vivre vieux ne fait pas partie de mes objectifs. En revanche incarner une forme (possible parmi d'autres) de bouddhisme (occidental), en fait partie... Juste ou new age? Si je dis que j'ai une préférence pour juste, est-ce que je sépare la ciel de la terre? De toute évidence le bouddhisme n'existe pas en dehors de ce que nous en faisons. Bouddhistes ou pas nous sommes responsables vis à vis des générations à venir quand bien même nous nous éteindrions à la fin de cette vie-ci.

Et pour conclure je dirais que, sans vouloir me vanter, planer à cent-mille et décompenser sur des forums, je sais faire. J'irais jusqu'à dire que c'est chez moi un penchant naturel qui ne me demande aucun effort. Néanmoins j'ai mieux à faire.

Je vous remercie pour votre accueil bienveillant et vous souhaite à tous le meilleur.
ted

shalistamba a écrit :Je vous remercie pour votre accueil bienveillant et vous souhaite à tous le meilleur.
Nous te remercions pour tes remarques bienveillantes et te souhaitons le meilleur.
jap_8
Dumè Antoni

Me voilà de retour :lol:
Bien, il y a juste deux ou trois choses que je voudrais préciser :

La 1ère, à propos des soi-disant prophéties du Bouddha que ma tradition ne reconnaît pas. Shalistamba demande à quelle tradition je me réfère et je vais donc y répondre : il s'agit, comme on s'en serait douté, du Zen Rinzaï. Mais je dois apporter des précisions parce que la notion d'omniscience ne semble pas être comprise par tous les bouddhistes ou zenistes de la même façon.

D'abord je précise que l'omniscience est une sagesse/sapience qui dérive de la réalisation de la vacuité de l'esprit (même chose pour la Compassion, mais ce n'est pas le sujet ici) ; réalisation qui est le fait exclusif de Prajna dont seul le Dharmakaya (esprit ou nature de Bouddha) est doté. Je rappelle que la vacuité, ici, n'est pas de nature phénoménale. Il ne s'agit pas d'un vide de quelque chose mais d'un vide par nature propre. Je vous invite ensuite à (re)lire l'histoire de Yamanashi et en particulier le dialogue entre ce dernier et Hakuin, dont je rappelle qu'il fut l'un (Hakuin) des plus grands maîtres et réformateur du Zen Rinzaï. Sa pratique est toujours d'actualité. On y constatera que Yamanashi est capable d'arrêter la pluie jusqu'à la dernière goutte ou encore d'aider la nonne à se lever sans se servir de ses mains (celles de Yamanashi). Hakuin aurait pu demander si Yamanashi était capable de permuter le mont Méru et Fuji en sorte que l'un soit situé à la place de l'autre que Yamanashi aurait pu montrer à Hakuin qu'il l'avait fait. Hakuin aurait pu enfin demander à Yamanashi s'il était capable de voir le futur et ce dernier aurait pu montrer qu'il en était parfaitement capable.

Lus au 1er degré, on pourrait supposer que Yamanashi est capable de prodiges même si en effet, il l'est. Je ne conteste pas cela parce que cela fait partie des tests des kôans secondaires. Mais ces prodiges ne sont pas compréhensibles par le "profane", c'est à dire, dans le contexte, par celui qui n'a pas réalisé sa nature de Bouddha. Il ne s'agit pas de métaphores ou de délires mystico-poétiques mais de "pouvoirs d'omniscience" de Bouddha seulement compréhensibles par le maître et celui qui a réalisé sa vraie nature. Quiconque répond avec succès aux kôans d'ouvertures de l'esprit (Mu, le son d'une seule main, le visage d'avant la naissance...) est soumis d'emblée aux kôans secondaires, et s'il n'est pas capable de prodiges (visibles seulement par le maître et que l'élève doit démontrer), son expérience n'est pas sapientiales et ne peut pas être associée à l'omniscience du Bouddha.

Je pense que toutes les traditions bouddhiques, y compris Dzogchen, relatives à la Vue dans sa vraie nature reconnaissent ce type d'omniscience. Mais, je répète : cela n'est pas compréhensible à celui (ou celle) qui n'a pas fait l'expérience (réalisation) de la vacuité de l'esprit, c'est à dire la vacuité du Dharmakaya (qui est inséparable de la Clarté de Prajna). Pour en avoir discuté avec Yamantaka sur son propre forum, la présomption de similitude kensho/Rigpa est très forte.

La deuxième chose que je voudrais ajouter et qui dérive de ce que j'ai mentionné plus haut est la suivante : sachant ce qu'est l'omniscience du Bouddha, et reconnaissant que les Patriarches de toutes les traditions bouddhiques sont des Nirmanakaya, citez-moi un seul ouvrage de prophéties (comme celles de Nostradamus, par exemple) mentionnant les événement prophétisés et les dates (et localisations) de ceux-ci ! (inutile de me parler de Maitreya ; celui-ci vient à chaque fois que le Dharma est en danger, c'est à dire partout et toujours). En supposant, par exemple, que le Dalaï Lama est un Bouddha vivant, expliquez-moi pourquoi, sachant qu'il existe un risque d'usurpation de sa future apparition (le XVème du nom), il (menace de) décide(r) de mettre un terme au Dalaï Lama alors qu'il pourrait 1) savoir si cette usurpation aura lieu ou non (et là on est bien obligé de reconnaître que sa prédiction est simplement de la nature des probabilités ::mr yellow:: ) et 2) pourquoi ne donne-t-il pas le nom, le lieu et la date de naissance à quelqu'un dont il sait (par "prophétie") qu'il ne le trahira jamais ? Je vais vous le dire : parce que le Dalaï Lama, comme n'importe quel Bouddha de n'importe quelle tradition ne fait pas de prophéties. Et savez-vous pourquoi ? Parce que la prophétie est mondaine, profane... enfin tout ce que vous voudrez, mais certainement pas de la nature de Bouddha.

La troisième chose que je voudrais rajouter concerne le Dharmakaya (dont j'ai pu lire ici qu'il serait un peu comme un océan — la base — dont les vagues seraient le Dharmakaya de chacun, formulation qui n'a rien de bouddhique mais est new age). Je dis que si vous considérez le Dharmakaya comme quelque chose de différent de votre propre esprit (qui réalise sa vraie nature en faisant l'expérience sapientiale et visionnaire de sa vacuité) alors il vaudrait mieux pour vous que vous soyez nihiliste car vous seriez plus près de la réalité, même si c'est évidemment une vue erronée. Le problème vient de la notion absolutiste du Dharmakaya, notion éternaliste en fait, et aussi par celle de conscience (qui dans le conteste de l'océan et des vagues revient à faire du Dharmakaya une sorte de conscience "océane").

Je rappelle qu'à la question "le chien a-t-il la nature de Bouddha ?" Joshu avait répondu "Mu", ce qui, dans le contexte de l'échange veut dire en gros : "il vaut mieux que tu considères que le chien n'a pas la nature de Bouddha plutôt que d'imaginer qu'il l'a à la façon dont tu l'imagines".

Lin Tsi (Rinzaï) disait : "si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha"

J'ai lu (ou cru lire) aussi (d'après Shalistamba) que Dôgen considérait que les plantes pouvaient avoir la nature de Bouddha (ou un Dharmakaya). Ceci est inadmissible et du gros n'importe quoi (le cas échéant). Et je ne dis pas ça parce que Dôgen n'aimait pas Lin Tsi (ou considérait que ce dernier n'avait pas la Vue). Jusqu'à preuve du contraire (et nul n'en a fait la preuve jusqu'à aujourd'hui autrement que par projection égotique ou anthropomorphique) les végétaux n'ont pas d'esprit et ne sont donc pas dotés de "sagesse à la recherche de la sagesse". Ils réagissent par des capteurs (de lumière ou autres) comme de vulgaires radiateurs qui se mettraient en route grâce à un thermostat. J'ose espérer que Dôgen faisait référence au "Cyprès dans la cour" (de Joshu) ; le cas échéant, cela n'a strictement rien à voir avec le fait que les arbes ou les plantes seraient dotés de la nature de Bouddha (ou d'un Dharmakaya). Les poètes pourraient peut-être le dire, mais en reconnaissant que ce n'est pas là faire preuve de Vue, mais de poésie (et on ne doit pas les confondre). Dôgen est par ailleurs très peu cité (2 fois) dans le monumental "Essai sur le Bouddhisme Zen" de D.T. Suzuki. Si ce que dit Shalistamba est exact (et si j'ai bien interprété ses propos), je crois que j'ai une petite idée de la raison d'un tel mépris de D.T. Suzuki pour ce philosophe...

Voilà en gros, ce que je voulais préciser ici.
Dernière modification par Dumè Antoni le 08 mars 2016, 15:29, modifié 6 fois.
Serge Zaludkowski

Dumè Antoni a écrit : ...
Je pense que toutes les traditions bouddhiques, y compris Dzogchen, relatives à la Vue dans sa vraie nature reconnaissent ce type d'omniscience. Mais, je répète : cela n'est pas compréhensible à celui (ou celle) qui n'a pas fait l'expérience (réalisation) de la vacuité de l'esprit, c'est à dire la vacuité du Dharmakaya (qui est inséparable de la Clarté de Prajna).
...
bien sur ...
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