L'agitation

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jules
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Inscription : 15 février 2009, 19:14

Arrête, sinon je vais devoir y retourner. :razz:
Compagnon

Robi a écrit:
Je me suis toujours demandé pourquoi les altercations sur un forum sont si douloureuses (j'ai eu ma part) alors que nous ne sommes que des pseudo sans corps avec de pauvres mots. Faut-il que l'ego soit si puissant pour qu'il se sente blessé dans un univers si virtuel


Prenant la question au sérieux (même si tu as déjà tes propres réponses comme tu me l'a expliqué et donc que la question était davantage rhétorique qu'autre chose) je propose (une nouvelle fois) une réponse sérieuse et respectueuse (dans le sens ou je fais attention a ce que tu as écris, j'en tiens compte, et je cherche a essayer d'y apporter une réponse possible puisque il est aussi mentionné une "douleur".

Tout comme le bouddhisme avance que l'ego en tant que "moi" indépendant et immuable est une illusion, que la perception qu'a notre esprit de lui même est erronée puisque nous nous pensons doté d'une ego d'un "moi", indépendant et immuable, cette illusion est en effet si forte, renforcée par des perceptions sensorielles au mieux incomplètes au pire erronées par nature, que nous avons l'impression qu'il y a bel et bien quelque chose de blessé en nous quand certains mots sont écrits sur un forum par exemple, ou prononcés dans des conversations.

Nous somme tellement certains qu'il y a quelque chose en nous qui est sensible,tangible, qui ressent une offense, qui se révolte contre cette agression, un "moi", susceptible, soucieux de son "honneur" ou de sa "dignité", de son "amour propre", de son "intégrité", nous sommes tellement convaincus qu'il y a quelque chose à défendre en nous, quelque chose d'unique et distinct de l'autre, une sorte de forteresse médiévale au milieu d'un fief jouxtant d'autres fiefs avec d'autre forteresses tenues par d'autres "Seigneur" "moi", nous sommes tellement convaincus que le monde est ainsi, que chacun doit chercher à défendre son "fief", son "moi", que l'affrontement est inévitable. Sitôt qu'une parole prononcée ou écrite nous donne l'impression de menacer ce fief, comme l'attaque de l'armée d'un seigneur voisin avec ses fantassins, ses archers et ses machines de siège, qu'aussitôt nous montons au créneau, littéralement, et nous commençons nous aussi a déverser de l'huile bouillante sur l'assaillant. Et alors les coups pleuvent, des mots, écrits ou prononcés, chacun se sent dans l'obligation de défendre son "moi".

A la lecture de quelques textes de maîtres tibétains j'en suis venu à développer une sorte de petite technique a laquelle j'ai pensé quand tu as posé cette question. Je n'y pense que maintenant. Elle a été déjà mentionnée quelque part je ne sais plus dans quel fil. Elle peut être utile , efficace, pour certains, c'est pourquoi je la rappelle brièvement.

Quand quelqu'un nous a dit ou a écrit quelque chose qui déclenche en nous une émotion forte et négative : colère, agacement, mépris, besoin terrible de répliqué, sensation d'avoir été agressé, qu'on a cherché à nous faire du mal, qu'il y a quelque chose en nous qui réclame vengeance, riposte.

Avant de faire ou dire quoi que ce soit on peut commencer par reconnaître cette émotion qui nous saisis, nous assaille. Puis essayer de la qualifier, mettons que nous ayons reconnu de la colère.
On peut alors s'adresser à cette colère comme si elle était dans la pièce avec nous, comme si c'était quelque chose en face de nous qui nous menace. Et on la questionne :

- Colère : as tu une couleur ?
- Colère : as tu une forme, un contour ?
- Colère : as tu une substance, une densité, une épaisseur ?
- Colère : as tu une odeur ?
- Colère : fais tu un bruit ?
- Colère : as tu un gout ?
- Colère : viens tu d'un endroit précis de mon corps ? La tête ? le coeur ? Le ventre ?
- Colère : vas tu durer ?

Et la réponse objectivement sera a chaque fois : non.
Et alors nous prenons conscience que cette colère n'a d'effet sur nous que dans la mesure ou nous lui en donnons. si nous la reconnaissons pour ce qu'elle est : un fantôme sans force, alors nous pouvons la dissiper. Ou plutôt la voir pour ce qu'elle est vraiment : quelque chose dénué d'existence, donc n'ayant aucun moyen de nous nuire.

jap_8
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Zopa2
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Inscription : 04 septembre 2015, 19:23

En complément de ce qui vient d'être dit par Compagnon (l'agression fait partie intégrante du fonctionnement de l'ego), je voulais aussi avoir de la considération pour la question de Robi en ajoutant que là où se trouve la violence, il y a aussi la peine de celui qui la reçoit.

Le principe de non violence (ahimsa) imprègne toute l'éthique bouddhique : d'abord ne pas nuire.

Si l'on souhaite appliquer ce principe à l'usage de la parole, on comprend que ça ne va pas être toujours facile.
Ne pas nuire, ce n'est pas seulement ne pas mentir, ne pas médire, ne pas prononcer des paroles injurieuses, ne pas parler pour ne rien dire. Il a aussi des paroles qui ne sont pas des mensoges, ni des medisances, ni des injures, mais qui portent pourtant en elles une certaine forme de violence.

Il y a par exemple, le langage qui juge (sous prétexte de conseiller) ou celui qui exige (en faisant mine de demander), mais il y aussi un langage comprenant des formes de violence plus subtiles, tellement subtiles qu'on n'en s'aperçoit pas toujours. Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs. Les discussions sur ce forum n'y échappent pas ; nous pouvons constater ici et là que la violence est présente dans les échanges. Même si chacun essaie d'y faire attention, le chemin de la non violence est toujours à approfondir.
Compagnon

@Zopa2 : là où se trouve la violence, il y a aussi la peine de celui qui la reçoit.

Pas nécessairement. Je m'explique (en reprenant une image que j'ai lu ailleurs - je dis cela par modestie afin de ne pas être crédité de quelque chose qui ne relève pas de mon mérite).

Si quelqu'un fait usage de manière évidente de violence, ne serait ce que verbale, contre une autre personne (ce qui n'est pas toujours certain), si cette personne connait la voie du Bouddha, elle peut considérer que le violent : primo est avant tout un être qui souffre et ne peut contenir sa souffrance, c'est pourquoi il fait usage de violence, secundo : la compassion face à cette souffrance étant dans le coeur de celui qui subit la violence, et la conviction en lui qu'il n'y a aucun "moi" à défendre, il ne se sentira pas peiné par la violence verbale à son encontre mais il se sentira peiné par le souffrance du violent. Ce qui sera assez différent. En terme de karma notamment.

Quand quelqu'un vous dit des mots violents, vous agresse, considérez qu'il vous fait un cadeau, il vous offre sa colère, sa violence, sa souffrance. Personne ne vous oblige a accepter ce cadeau, à le prendre dans vos mains, à le faire vôtre et à y répondre par la violence. Si vous le déclinez poliment, l'agresseur restera seul avec son cadeau empoisonné et c'est lui qui en souffrira. Et sa souffrance peut vous inspirer de la compassion.

De plus si l'on est avancé sur la voie, on peut même remercier quelqu'un qui vous agresse verbalement, car cette personne vous rend doublement service : d'abord elle met à l'épreuve votre patience, votre sang froid, votre impassibilité, ensuite elle vous donne une occasion de faire preuve de compassion et donc une occasion d'accumuler du bon karma pour vous.

anjalimetta
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yves
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Inscription : 26 février 2016, 13:01

Zopa2 a écrit :Il y a par exemple, le langage qui juge (sous prétexte de conseiller) ou celui qui exige (en faisant mine de demander), mais il y aussi un langage comprenant des formes de violence plus subtiles, tellement subtiles qu'on n'en s'aperçoit pas toujours. Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs.
j'ai beaucoup aimé ce livre de Rosenberg, pour moi il est l'un des meilleurs guides pour éviter à ma parole les violences subtiles qu'elle pourrait contenir malgré mon attention love_3
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ted

Compagnon a écrit :il vous offre sa colère, sa violence, sa souffrance. Personne ne vous oblige a accepter ce cadeau,
Est-ce que, dans un premier temps, notre karma ne nous oblige pas à accepter le cadeau et donc, à souffrir ?
Parce qu'après tout, on ne se débarrasse pas du karma par un simple acte de volonté ?
Compagnon

ted a écrit :
Compagnon a écrit :il vous offre sa colère, sa violence, sa souffrance. Personne ne vous oblige a accepter ce cadeau,
Est-ce que, dans un premier temps, notre karma ne nous oblige pas à accepter le cadeau et donc, à souffrir ?
Parce qu'après tout, on ne se débarrasse pas du karma par un simple acte de volonté ?
Le recevoir peut être, mais nous sommes libre de la façon dont nous voulons le recevoir. Nous pouvons nous laisser blesser et répondre en retour, ou nous pouvons voir par delà l'agression, la traverser, ne pas se laisser affecter (puisque l'on est conscient qu'il n'y a rien à toucher, pas d'ego), et voir la souffrance de l'autre derrière l'agression.

On peut aussi comprendre que sa souffrance et notre souffrance au nom de la vacuité.

Ah bon ? N'est ce pas par un formidable effort de volonté que le Bouddha est arrivé à l'Eveil ? Donc à l'épuisement de tout karma négatif en lui (si on peut dire les choses ainsi) ? Il n'y a pas eu que la volonté mais c'est néanmoins une dimension certaine, appelle là constance, détermination, persévérance si tu veux.
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yves
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Inscription : 26 février 2016, 13:01

ted a écrit :Parce qu'après tout, on ne se débarrasse pas du karma par un simple acte de volonté ?
par un élargissement de la conscience oui, cf angulimala qui a subit qu'une petit partie du karma négatif qu'il avait pourtant créer :shock:
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