LE BOUDDHISME ET LE MAL

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cgigi2
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LE BOUDDHISME ET LE MAL [1]

26.07.2008

Los Angeles, USA -

Le mal est un mot que beaucoup utilisent sans penser profondément à ce qu’il signifie. J’aimerais comparer des idées communes concernant le mal, aux enseignements bouddhistes sur le mal, pour ne rien d’autre que faciliter une pensée plus profonde sur le mal.

D’abord, un qualificatif : C’est un sujet avec lequel je lutte depuis quelque temps, et ma compréhension continue d’évoluer. Cet essai est un instantané de ce qu’est en ce moment ma compréhension, une sagesse imparfaite. Si vous avez d’autres perspectives que vous aimeriez partager, je vous encourage à visiter les forums de bouddhisme et à laisser un message.

Penser au mal

Au cours des années, j’ai observé que les gens parlaient et pensaient au mal de manières différentes, parfois conflictuelles. Deux des plus communes pensées étant :

Le mal en tant que caractéristique intrinsèque. Il est commun de penser au mal comme une caractéristique intrinsèque de certaines personnes ou certains groupes. En d’autres termes, des gens seraient mauvais. Le mal est une qualité inhérente à leur être.

Le mal en tant que force externe. De ce point de vue, le mal est tapi dans les environs et infecte ou séduit les imprudents et les pousse à commettre de mauvaises choses. Parfois le mal est personnifié comme Satan ou comme autre caractère de la littérature religieuse.

Comme je l’ai dit, il s’agit d’idées communes et populaires. Vous trouverez des idées beaucoup plus profondes et plus diversifiées au sujet du mal, dans beaucoup de philosophies et théologies, orientales et occidentales. Mais pour ce qui concerne cet essai, je veux me concentrer sur les enseignements bouddhistes et expliquer pourquoi le bouddhisme rejette ces deux façons de penser communes, au sujet du mal. Traitons les une par une.

Le mal comme caractéristique

L’acte de catégoriser l’humanité dans le "bien" et le "mal" porte en lui un piège terrible. Lorsqu’on pense que d’autres sont mauvais, il devient alors possible de justifier qu’on leur fasse du mal. Et dans cette manière de penser, reposent les graines du mal véritable.

L’histoire de l’homme est complètement saturée par la violence et l’atrocité commises au nom du "bien", à l’encontre de personnes classées dans la catégorie du "mal". J’ose dire que la plupart des horreurs de masse que l’humanité s’est elle-même infligée, a découlé de ce genre de pensée. Les gens enivrés de leur propre pharisaïsme ou qui croient en leur propre supériorité morale intrinsèque s’accordent trop facilement le droit de faire des choses terribles à ceux qu’ils détestent ou craignent.

Classer les gens dans des divisions et catégories séparées est très anti-Bouddhiste. L’enseignement du Bouddha des quatre nobles vérités, nous indique que la douleur est provoquée par l’avarice, ou la soif, mais également que cette avarice est enracinée dans l’illusion d’un soi isolé et séparé.

L’enseignement de l’origine interdépendante, qui indique que tout et chacun est un réseau d’interconnexion, et que chaque partie du réseau exprime et reflète chaque autre partie de ce réseau, est étroitement relié à cela.

Tout aussi étroitement lié : l’enseignement Mahayana du shunyata, " vide". Si nous sommes vides de l’être intrinsèque, comment pouvons-nous être intrinsèquement quelque chose ? Il n’y a pas de soi sur qui puissent se greffer des qualités intrinsèques.

Pour cette raison, on conseille fortement au bouddhiste de ne pas tomber dans l’habitude de penser à lui-même et aux autres comme étant intrinsèquement bons ou mauvais. Au final, il y a juste l’action et la réaction ; la cause et l’effet. Et ceci nous porte au karma, sur lequel je reviendrai sous peu.

Le mal comme force externe

Quelques religions enseignent que le mal est une force en dehors de nous-mêmes qui nous séduit dans le péché. On pense parfois de cette force qu’elle est produite par Satan ou d’autres démons. Les fidèles sont encouragés à chercher la force en dehors d’eux-mêmes pour combattre le mal, en regardant vers Dieu.

L’enseignement de Bouddha n’a pas pu être plus différent—

" Par soi-même en effet, le mal est fait ; par soi-même on se souille. Par soi-même le mal est défait ; par soi-même en effet, on est purifié. La pureté et l’impureté dépendent de soi-même. Personne ne purifie une autre personne." (Dhammapada, chapitre 12, vers 165)

Le bouddhisme nous enseigne que le mal est notre création, et non quelque chose que nous sommes ou une quelconque force qui nous infecte.

Le Karma

Le mot karma, comme le mot mal, est souvent utilisé sans aucune compréhension. Le karma n’est pas le destin, ni un quelconque système de justice cosmique. En bouddhisme, il n’y a pas de dieu qui dirige le karma pour récompenser certains et punir d’autres. C’est juste la cause et l’effet.

L’érudit du théravada Walpola Rahula a écrit dans Ce que le Bouddha a enseigné,

"Aujourd’hui, le mot Pali kamma ou le mot sanskrit karma (de la racine Kr faire) signifie littéralement "action", "faire". Mais dans la théorie bouddhiste du karma, il a une signification spécifique : il signifie seulement "action volitionnel", et non toute action. Il ne signifie pas non plus le résultat du karma comme beaucoup le pensent et l’emploient de manière erronée. Dans la terminologie bouddhiste le karma ne signifie jamais son effet ; son effet est connu comme le "fruit" ; ou le "résultat" du karma (kamma-phala ou kamma-vipaka)."

Nous créons le karma par des actes intentionnels du corps, du discours, et de l’esprit. Seuls les actes purs de désire, de haine et d’illusion ne produisent pas de karma.

De plus, nous sommes affectés par le karma que nous créons, qui peut sembler une récompense et une punition, mais nous nous " récompensons" ; et "punissons" nous-mêmes. Comme l’a dit un enseignant zen par le passé : " Ce que vous faites est ce qui vous arrive." Le karma n’est pas une force cachée ou mystérieuse. Une fois que vous comprenez ce qu’il est, vous pouvez l’observer en action pour vous-même.

Ne vous scindez pas vous-mêmes

D’un autre côté — il est important de comprendre que le karma n’est pas la seule force à l’œuvre dans le monde, et que des choses terribles arrivent vraiment à de bonnes personnes.

Pour exemple, lorsqu’une catastrophe naturelle frappe une communauté et cause mort et destruction, on spécule souvent que les personnes blessées par le désastre ont souffert d’un "mauvais karma", ou bien que (un monothéiste pourrait le dire) Dieu doit être en train de les punir. Ce n’est pas une manière habile d’aborder le karma.

Dans le bouddhisme, il n’y a aucun Dieu ou agent surnaturel qui récompense ou punit. De plus, comme je l’ai dit, des forces autres que le karma créent beaucoup de conditions nocives. Lorsqu’une chose terrible frappe d’autres, ne haussez pas l’épaule en suggérant qu’ils ont " mérité" cela. Ce n’est pas ce qu’enseigne le bouddhisme. Et, en fin de compte, nous souffrons tous ensembles.

Kusala et Akusala

Concernant la création du karma, Bhikkhu P. A. Payutto a écrit dans son essai "Le Bien et le Mal dans le Bouddhisme" que les mots Pali correspondant au "bien" et au "mal, " kusala et akusala, ne signifient pas ce à quoi font habituellement référence les anglophones par "bien" et "mal". Il explique,

"Bien que kusala et akusala sont parfois traduits par "bien" et "mal", ceci peut être fallacieux. Des choses qui sont kusala ne peuvent toujours être considérées comme bonnes, alors que des choses peuvent être akusala sans être généralement considérées comme mauvaises. La dépression, la mélancolie, la paresse et la distraction, par exemple, bien qu’akusala, ne sont pas habituellement considérées comme "mauvaises" comme nous les connaissons en anglais. Dans la même veine, quelques formes de kusala, telles que le calme du corps et de l’esprit, peuvent ne pas aisément hériter de la compréhension générale du mot anglais "bien". …

" … Kusala peut être généralement traduit par "intelligent, habile, satisfait, salutaire, bon," ou "ce qui enlève l’affliction." Akusala est défini de la manière opposée, comme "inintelligent", "malhabile" et ainsi de suite".

Je vous invite à lire tout cet essai pour une compréhension plus profonde. L’aspect important est que dans le bouddhisme, le "bien" et le "mal" concernent moins les jugements moraux qu’ils ne concernent, très simplement, ce que vous faites et les effets causés par ce que vous faites.

Regardez plus en profondeur

Cet essai donne la plus nue des introductions à plusieurs sujets difficiles, tels que les Quatre Vérités, shunyata et le karma. Si une des choses que j’ai écrites n’avait pour vous aucun sens, veuillez ne pas rejeter l’enseignement du Bouddha sans davantage d’analyse.

J’espère que vous penserez à la façon dont vous conceptualisez le mal. Je vous encourage également à lire ce discours du dharma sur le "mal" dans le bouddhisme par le professeur Taigen Leighton du Zen. Il s’agit d’un discours riche et pénétrant à l’origine donné un mois après les attaques du 11 septembre. En voici juste un extrait :

"Je ne pense pas qu’il soit utile de penser aux forces du mal et aux forces du bien. Il y a de bonnes forces dans le monde, des gens intéressés par la bonté, comme la réponse des pompiers, et toutes les personnes qui ont fait des donations aux fonds d’aide aux personnes affectées.

"La pratique, notre réalité, notre vie, notre entrain, notre non-entrain, est juste de prêter attention et faire ce que nous pouvons, pour répondre comme nous nous sentons de le faire dans l’immédiat, comme dans l’exemple que Janine a donné d’être positif et de ne pas tomber dans la crainte de cette situation. Ce n’est pas ce quelqu’un là haut, ou les lois de l’univers, ou ce que vous voulez , qui vont tout faire marcher. Le karma et les préceptes, c’est prendre la responsabilité de vous asseoir sur votre coussin, et d’exprimer cela dans votre vie de la manière dont vous le pouvez, de n’importe quelle manière positive. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons accomplir en nous fondant sur une campagne contre le mal.

Nous ne pouvons pas exactement savoir si nous faisons bien. Pouvons nous, nous disposer à ne pas savoir ce qui est la bonne chose à faire, pour seulement prêter réellement attention à ce que nous ressentons, en ce moment, en répondant, en faisant ce que nous pensons être le meilleur, en continuant de prêter attention à ce que nous faisons, en restant droit au milieu de toute la confusion ? C’est je pense, de cette manière que nous devons répondre en tant que pays. C’est une situation difficile. Et nous sommes tous en lutte avec tout cela, individuellement et en tant que pays."

Par Barbara O’Brien

Source : About.com:Buddhism

http://www.buddhachannel.tv/portail/?article2272
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gigi
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davi
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cgigi2 a écrit :
des forces autres que le karma créent beaucoup de conditions nocives.

Par Barbara O’Brien
Quelles sont donc ces forces ?
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Compagnon

"Bien" et "mal" sont des notions relatives dans l'espace et le temps, ce qui est considéré comme "bien" en un lieu et un moment donné peut ne plus l'être toujours dans le même lieu mais a une autre moment.

L'histoire nous montre que des décisions considérées comme "bonnes" à un instant T se sont révélées être mauvaises dans leurs conséquences à un instant T + 5 par exemple.

De plus les notions de "bien" et de "mal" relèvent de la moralité qui elle même est relative.

Un inquisiteur espagnol torturant et faisant brûler une "sorcière" au Moyen-Âge peut s'être considéré comme un homme de "Bien" et être considéré comme une homme de "Bien" par la société et l'Eglise de son temps puisqu'il combattait le "Mal", le "Démon" en prenant des risques quand à sa propre santé puisque que l'on prêtait au "Démon" des capacités de nuisance surnaturelles, des "pouvoirs".

Un sacrificateur aztèque tuant à la chaîne homme, femme et enfant sur son autel pour donné le précieux sang de la vie aux dieux et ainsi s'assuré que les dieux seraient rassasiés et donc maintiendraient l'existence de l'univers tout entier peut avoir été considéré comme "Bon" selon le référentiel théologique aztèque en ce lieu et à cette période précise. Il sacrifiait des vies pour sauver l'univers en mettant sa répugnance à commettre de tels actes de coté.

Un soldats allemand travaillant dans un camp d'extermination, convaincu par l'idéologie nazie qui lui disait que les juifs étaient une vermine nuisible, des sous hommes dangereux pour la civilisation dans son ensemble, peut avoir été considéré comme un "héros" selon un certain référentiel idéologique.

Sans compter qu'il peut y avoir du "bon" dans le "mauvais" et du "mauvais" dans le "bon". Par exemple, la première guerre mondiale peut être considérée comme quelque chose de mauvais en raison de son coût humain désastreux, pourtant elle a permis de gros progrès sur un temps très court dans le domaine médical. Inversement l'Europe n'a pas connu de guerre depuis 1945 ce qui peut apparaître comme une bonne chose mais la génération actuelle s'en trouve fragilisée, démunie, affaiblie, face à la menace terroriste ou à l'état de guerre face à Daesh, les gens actuellement on perdu de vue qu'une guerre ça tue. Sitôt une poignée de soldats français tués c'est un drame, alors que les morts de 1914-1918 se comptaient pas milliers tous les jours.

"Bien" "Mal" sont des notions trop vagues et subjectives. Éventuellement on peut les remplacer par "adéquat" "appropriée" "habiles" , "inadéquat" "inappropriée" ou "malhabiles" selon un certain but que l'on s'est fixé et qui est clairement définit.
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davi
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C'est l'intention qui définit si une action est bonne ou mauvaise. Alors bien sûr on peut faire mal en étant bien intentionné, mais c'est mieux que l'opposé je pense ; une personne qui serait mal intentionnée et ferait le bien de par son action. Cependant, au sein du samsara, il est beaucoup plus aisé de faire le mal que le bien. Faire le mal c'est facile ; faire le bien c'est plus compliqué. Tout comme il est plus facile de savoir quoi faire pour être malheureux que de savoir quoi faire pour être heureux. Nous pensons que mal, bien, bonheur, malheur existent à l'extérieur. Que leur cause sont à trouver à l'extérieur de nous. C'est là que réside le problème essentiel du fait que nous n'arrivons pas à nos fins.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
FA

"Bien" et "mal" sont des notions relatives dans l'espace et le temps, ce qui est considéré comme "bien" en un lieu et un moment donné peut ne plus l'être toujours dans le même lieu mais a une autre moment.
Bonjour,

Cette vision relativiste du mal, est incomplète car elle peut servir de justification à faire le mal avec l'argument que puisque le bien et le mal sont relatifs à une culture donnée, alors cela signifie que bien et mal n'ont pas de composante plus fondamentale, ce qui faux.
Il y a une spécificité humaine qui pousse notre espèce à faire le mal, on pourrait voir cela comme une malédiction, mais c'est probablement lié au hasard de l'évolution.
Quelle est cette spécificité humaine ? Et bien si vous regardez un peu ce qui se passe dans la nature, vous remarquerez qu'il existe parmi les espèces prédatrices des mécanismes permettant de réguler les agressivités.
Ainsi dans la nature, les querelles entre Mâles pour la dominance se traduisent rarement par la mort du vaincu. Si chaque fois que des lions, des tigres, des loups, dotés de griffes tranchantes ou de mâchoires puissantes se battaient à mort, ces espèces auraient depuis longtemps disparue du fait de leur capacité naturelle à donner la mort. Hors ces espèce animales ont survécu !

Hors l'homme n'étant pas issu d'une lignée d'espèces prédatrices (Il suffit de regarder sa physiologie : Pas de griffes, pas de crocs, pas de carapaces, etc..), ne possède pas de mécanisme instinctifs c'est à dire naturel de régulation de son agressivité en cas de conflit intra-spécifique, autrement dit les mécanismes de régulation de l'agressivité humaine ne sont pas encodés dans son génome. On ne trouve pas dans notre génome l'instruction "Ne sort pas tes griffes, c'est un congénère".

Avant l'avènement des technologies, le risque de mort lors d'un combat entre mâles humains était donc très faible, donc aucun verrou évolutif n'était nécessaire à la survie de l'espèce.
De ce fait chez l'homme le seul verrou qui l'empêche de tuer ou d'assassiner son prochain relève non de la biologie, mais de la CULTURE.
Ainsi dans la plupart des cultures on trouve des règles morales qui interdisent le meurtre de son prochain. Mais cette interdiction étant de nature versatile car liée à la culture, elle admet hélas des exceptions.
Parce que les "logiciels culturels" qui gouvernent nos actions sont eux mêmes en compétition.
Voilà donc la malédiction qui frappe les humains, et dont les humains doivent avoir conscience. Ils jouissent d'un degré supplémentaire de liberté, une absence de verrou évolutif, qui le rend capable de Tuer son prochain.
Les "logiciels culturels" en compétition sont tels que le meurtre est interdit au sein des groupes partageant le même logiciel culturel, mais au contraire permis en cas de conflit entre différentes cultures.
Telle est l'origine de tous les conflits collectifs qu'on appelle "GUERRES", où tous les règlements interdisant le meurtre sont allègrement bafoués....
Donc attention à ne pas tout relativiser en matière de bien et de mal, il y a des spécificités par trop humaines que nous serions bien avisés de ne pas ignorer. Les "logiciels culturels" tendent à pacifier l'interne, mais pour porter le conflit, la haine, le meurtre vers l'extérieur du groupe.

Je vous recommande la lecture du livre de Konrad Lorentz "Une histoire naturelle du mal".

Quand à l'origine évolutive de l'agressivité intra-spécifique, l'hypothèse de Konrad Lorentz est qu'il s'agit d'un mécanisme évolutif, qui pousse les individus d'une même espèce à conquérir de nouveaux territoires, donc à occuper les niches écologiques disponibles ce qui favorise la survie d'une espèce.
Une espèce animale où tous les congénères éprouverait de l'attirance les uns pour les autres tendraient à occuper toujours le même espace naturel, jusqu'à épuisement des ressources et disparition de l'espèce. Il y a donc dans le phènomène
d'agressivité une composante naturelle et instinctive, qui pousse les créatures, à explorer plus avant les possibilités d'extension de leur territoire : facteur de survie.

La spécificité de l'humain est qu'il est une créature qui aujourd'hui possède les mâchoires, les griffes est les crocs les plus redoutables ( Ses technologies capable de détruire toute vie sur la planète) sans posséder les mécanismes naturelles et instinctifs de régulation de son agressivité.

C'est sans doute là que la pratique Bouddhiste peut trouver sens, car tout ce qui tend à favoriser l'empathie, et l'aptitude à la compassion, est de nature à préserver l'homme des dangers inhérents à son histoire évolutive.
L'évolution heureusement n'est pas figée, et c'est pourquoi le Bouddhisme peut représenter un Moyen habile salvateur pour l'espèce humaine.

A condition toutefois de cultiver une forme de compassion universelle capable de transcender ses propres reflexes identitaires qu'ils soient de nature religieuse ou culturelle...
Une compassion qui oriente notre espèce vers la créativité et donc l'optimisme et le partage, plutôt que vers la prédation, la convoitise, l'agression, la haine, le meurtre....

Il y a des territoires symboliques infinis à explorer et à conquérir pour permettre un développement harmonieux de l'espèce humaine fondé sur la notion de partage dans le respect des autres créatures, et de notre environnement.

jap_8
FA
Compagnon

Il y a une spécificité humaine qui pousse notre espèce à faire le mal, on pourrait voir cela comme une malédiction, mais c'est probablement lié au hasard de l'évolution.

J'ai lu un excellent bouquin de Franz de Waal, éthologue, qui lui, arguments et preuves scientifiques à l'appui avait tendance à s'inscrire en faux contre l'affirmation que l'homme était un égoïste par nature, au contraire pour lui la tendance global de l'homme le pousse plutôt vers l'altruisme et c'est justement cet altruisme qui est un des facteurs à long terme de sa survie et de son évolution en tant qu'espèce. Il souligne que la tendance actuelle a vouloir affirmer que l'homme est par nature un prédateur égoïste sans scrupules est non conforme aux observations scientifiques et n'est véhiculée que par des lobbys économiques qui cherchent à justifier le système de concurrence acharnée ultra capitaliste néo-libéral. Il prend comme exemple le fait que ces mêmes lobbys usent de la fameuse formule : l'homme est un loup pour l'homme. Hors il explique que ces groupe n'y connaissent rien en éthologie et le grand public non plus, résultat on fait passer les loups comme des animaux égocentriques, solitaires, asociaux, ce qui est exactement le contraire, un loup solitaire n'a que de faible chances de survie, les loups fonctionnent en meute organisée pour assurer la survie du groupe et ils sont sociaux.

Encore faudrait-il aussi définir clairement la notion de "mal" dans "faire le mal" chez l'homme. Ce qui est loin d'être aussi évident qu'on le croit, des circonstances particulières peuvent rendre nécessaire une action jugée mauvaise en temps normal.
De plus il faut se poser la question du "bien" pour qui et du "mal" pour qui. Ce qui est un bien pour le groupe peut être un mal pour un individu.

Hors l'homme n'étant pas issu d'une lignée d'espèces prédatrices (Il suffit de regarder sa physiologie : Pas de griffes, pas de crocs, pas de carapaces, etc..), ne possède pas de mécanisme instinctifs c'est à dire naturel de régulation de son agressivité en cas de conflit intra-spécifique, autrement dit les mécanismes de régulation de l'agressivité humaine ne sont pas encodés dans son génome. On ne trouve pas dans notre génome l'instruction "Ne sort pas tes griffes, c'est un congénère".

Ne dispose t-il pas d'un excellent instrument de régulation : l'esprit, le cerveau, l'intellect, la raison, qui lui permettent la plupart du temps de ne pas se laisser dominer par ses émotions et ses instincts agressifs au point de commettre l'irréparable ?

Justement je pense qu' l'on peut appliqué ce que tu dis de la survie des animaux qui se retiennent de tuer dans leur luttes (et encore on est revenu sur l'angélisme qui entourait les dauphins et les chimpanzés par exemple) internes à l'homme : si nous n'avions pas la raison pour nous retenir nous nous serions tous entre tués depuis longtemps. Un exemple concret : la crise' des missiles cubains. Khrouchtchev savait que si il cédait cela lui coûterait son poste et sans doute pire au sein de l'URSS, toutefois en maintenant ses missiles à Cuba il ouvrait la porte à un conflit armé nucléaire avec les USA. La doctrine MAD élaborée grâce aux travaux du mathématicien (schizophrène - ironique du sort) John Forbes Nash sur la théorie des jeux disait clairement qu'en cas de conflit nucléaire armé entre l'URSS et les USA il n'y aurait aucun vainqueur et que l'humanité disparaîtrait sans doute. Kroutchev renonça. Et c'est un esprit humain malade pourtant qui lui permis de faire ce choix de raison, sacrifiant son interêt personnel au profit de l’intérêt collectif.

Franchement je te conseille le livre de De Waal : l'âge de l'empathie. Cela ne fait pas de l'homme un "saint" mais cela rééquilibre sensiblement les choses à l'aide de données scientifiques non biaisées par la défense d’intérêts économiques égoïstes propres à une minorité d'individus riches et puissants dont le profil psychologique se rapproche dangereusement de celui des psychopathes tueurs en série (étude scientifique à l'appui), la seule chose qui distingue ces individus des meurtriers de masse c'est qu'ils ont assez de maîtrise d'eux même pour ne pas passer à l'acte eux même. Mais en terme d'empathie ils ne valent pas grand chose. Cela les rend très efficace dans un système ultra compétitif ou le prédateur solitaire est glorifié. Un exemple de ce type de mentalité ? Vincent Bolloré, l'homme d'affaire, reconnait volontiers que professionnellement, il aime être craint. Il le dit. Et son staff peut témoigner qu'il met en scène et organise sciemment un état de crainte vis à vis de ses décisions au sein même de ses entreprises. Il est brutal, impitoyable et n'apprécies guère que l'on conteste ses décisions même si c'est justifié. Hors ce sont des hommes comme lui qui véhicule l'image d'un homme qui par nature serait égoïste et donc qu'il faudrait le laisser être ce qu'il est par nature. Ce qui est faux.

Et dans le règne animal les exemples d'observation d'entraides altruistes inter-espèces se multiplient, y compris entre espèces que devraient plutôt naturellement s'affronter. Ce n'est pas généralisé mais cela s'observe maintenant parce qu'on ouvre un peu plus les yeux.

De ce fait chez l'homme le seul verrou qui l'empêche de tuer ou d'assassiner son prochain relève non de la biologie, mais de la CULTURE.

Culture élaborée par l'esprit humain, la raison. Il est vrai que les premiers système de loi (comme le code d'Hammurabi) ont cherché à assurer la paix sociale, à réguler la violence pour assurer la vie urbaine.

Ainsi dans la plupart des cultures on trouve des règles morales qui interdisent le meurtre de son prochain. Mais cette interdiction étant de nature versatile car liée à la culture, elle admet hélas des exceptions.

Cela va même au delà de la culture, les circonstances en général peuvent parfois justifier le fait de tuer par exemple quelque soit la culture. Un père ou une mère aimant ses enfants et voyant ceux-ci menacés de mort par un autre individu, seront capable de tuer pour mettre fin à la menace, quel que soit la culture.

Tu nous conseil Lorentz, je te conseil De Waal, cela équilibrera :) Peut être aura tu alors une vue plus nuancée :)

Nos notions de "bien" et de "mal" ne sont pas tout à fait directement en cause (quoi que le contenu de ces notions peut être mouvant au moins sur les bords), c'est notre attachement a ces notions qui pose problème, en tout cas c'est ce que j'ai compris dans le discours bouddhiste. Si nous sommes trop attachés à notre définition du "bien" ou du "mal", du "juste" ou de "l'injuste" nous serons incapables de les dépasser dans certaines circonstances et nous souffrirons alors. Et nous ferons souffrir les autre. Voir le topic que j'ai posté sur "Le piège des notions".

sans posséder les mécanismes naturelles et instinctifs de régulation de son agressivité

Comme dit ci-dessus, je trouve que le fait même que notre espèce soit toujours là et que nous puissions toi et moi discuter ici pacifiquement est un démenti formel évident d'une telle affirmation. Notre mécanisme naturel de régulation c'est le développement de notre intelligence via un cerveau plus gros et complexe. Qui nous a permis d'élaborer des lois, des discours philosophiques, de porter un regard sur nous même et donc d’apprendre à développer des méthodes d'auto-régulation. Et c'est évolution naturelle qui nous a pourvu du dit cerveau. Et c'est un cerveau capable aussi bien d'élaborer la doctrine de la non-violence que les plans de la bombe A. L'homme n'est donc plus porté au mal qu'au bien, je le crois plus équilibré. Tu as aussi bien sur Terre des Saint Vincent de Paul, des Gandhi que des Hitler ou des Attila.

C'est sans doute là que la pratique Bouddhiste peut trouver sens, car tout ce qui tend à favoriser l'empathie, et l'aptitude à la compassion, est de nature à préserver l'homme des dangers inhérents à son histoire évolutive.

Peut être. Toutefois ce n'est peut être pas la seule pratique spirituelle au monde capable de cela. Vouloir faire du bouddhisme la seule solution universelle me paraît dangereux car cela aussi c'est une notion, une vue que l'on a soi sur le bouddhisme, une certaine image que l'on en a et a laquelle on risque de s'attacher. Et on risque d'être déçu. Preuve ? Une bonne partie de l'establishment Zen nippon soutint la politique agressive expansionniste impériale durant la seconde guerre mondiale et son cortège d'atrocités racistes. Récemment des moines bouddhistes birmans je crois ont participés à de violences contre des minorités musulmanes. Le dharma est un remède à la souffrance mais il reste dépendant de celui qui administre ou non ce remède correctement ou pas. Nous, les hommes.

On a observé via l'irm/f des changements structurels sensibles à l'intérieur du cerveau chez des pratiquants de longue durée de certaines formes de méditation dans les zones consacrées au cerveau, à la fois une plus grand sensibilité à la contagion émotionnel, les individus deviennent plus sensible à la souffrance d'autrui, plus empathiques donc, mais en même temps leur capacité à contrôler leur émotivité s’accroît aussi en proportion. On est donc plus empathique mais dans se laissé submerger. Ce qui permet l'efficacité pour aider autrui.

L'évolution heureusement n'est pas figée, et c'est pourquoi le Bouddhisme peut représenter un Moyen habile salvateur pour l'espèce humaine.

Ce qui sous entendrait que le bouddhisme ne soit pas vacuité, ne soit pas interdépendant avec toutes les autres spiritualités du monde. Est ce le cas ?
FA

J'ai lu un excellent bouquin de Franz de Waal, éthologue, qui lui, arguments et preuves scientifiques à l'appui avait tendance à s'inscrire en faux contre l'affirmation que l'homme était un égoïste par nature, au contraire pour lui la tendance global de l'homme le pousse plutôt vers l'altruisme et c'est justement cet altruisme qui est un des facteurs à long terme de sa survie et de son évolution en tant qu'espèce.
L'altruisme est un facteur de survie du groupe, et non de l'espèce, et c'est cela qui pose problème, parce-ce que tout ce à quoi l'homme s'identifie en tant que groupe, le conduit au conflit inter-groupe, où la notion
d'altruisme, s'avère catastrophique, puisqu'elle conduit des humains à sacrifier leur vie pour le groupe, en participant aux conflits armés, et en risquant leur vie pour le groupe. L'altruisme mal appliqué peut conduire l'homme
aux pires turpitudes pour le bien des membres de son groupe.
Ne dispose t-il pas d'un excellent instrument de régulation : l'esprit, le cerveau, l'intellect, la raison, qui lui permettent la plupart du temps de ne pas se laisser dominer par ses émotions et ses instincts agressifs au point de commettre l'irréparable ?
Comme je l'ai expliquer, l'esprit, le cerveau et l'intellect sont les outils de l'acquis culturel, qui est une acquisition récente à l'échelle de l'évolution et versatile, impermanent pour parler en terme Bouddhiste car susceptible de changement rapide.
Justement je pense qu' l'on peut appliqué ce que tu dis de la survie des animaux qui se retiennent de tuer dans leur luttes (et encore on est revenu sur l'angélisme qui entourait les dauphins et les chimpanzés par exemple) internes à l'homme : si nous n'avions pas la raison pour nous retenir nous nous serions tous entre tués depuis longtemps. Un exemple concret : la crise' des missiles cubains. Khrouchtchev savait que si il cédait cela lui coûterait son poste et sans doute pire au sein de l'URSS, toutefois en maintenant ses missiles à Cuba il ouvrait la porte à un conflit armé nucléaire avec les USA. La doctrine MAD élaborée grâce aux travaux du mathématicien (schizophrène - ironique du sort) John Forbes Nash sur la théorie des jeux disait clairement qu'en cas de conflit nucléaire armé entre l'URSS et les USA il n'y aurait aucun vainqueur et que l'humanité disparaîtrait sans doute. Kroutchev renonça. Et c'est un esprit humain malade pourtant qui lui permis de faire ce choix de raison, sacrifiant son interêt personnel au profit de l’intérêt collectif.
Très intéressant, mais tu est en train de nous expliquer comment, l'humanité est passée à 2 doigts de la catastrophe, et donc ton argument sur les vertus triomphantes de la raison me paraît bien fragile.
Peut être. Toutefois ce n'est peut être pas la seule pratique spirituelle au monde capable de cela.
Regarde ce que j'ai écris : j'invite les pratiquants de toute religion à dépasser le nombrilisme, et leurs mécanisme d'identification à leur propres religions...
A condition toutefois de cultiver une forme de compassion universelle capable de transcender ses propres reflexes identitaires qu'ils soient de nature religieuse ou culturelle...
FA
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