Karma collectif

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Compagnon

Bonjour :)

En plus du karma individuel (terme relatif puisqu'il y a non-soi) pensez vous aussi en terme de karma collectif ? J'ai quelques fois entendu parlé de cette notion. Il pourrait y avoir un karma propre à des peuples par exemple, ce qui serait assez logique puisqu'il y a interdépendance. Ne serait-il pas logique qu'il n'y ai au fond aucun karma individuel mais des interactions entre karmas d'êtres et donc des karmas collectif voir un karma planétaire voir un karma cosmique ?

Il me semble avoir entendu que le Dalaï Lama disait que le Tibet souffrait beaucoup en ce moment en paiement d'un grand karma collectif négatif accumulé durant les siècles passé quand le pays vivait encore dans un régime féodal pénible.

Qu'en pensez-vous ? Puisqu'il est sensé n'existé aucun soi indépendant et séparé du reste, n'est-il pas logique qu'il n'y ai aucun karma indépendant et séparé du reste ? Donc qu'il n'y a qu'un karma global ?

Un peu comme différente échelles de karma imbriquées les unes dans les autres, les personnes, les régions, les pays, la planète, le cosmos ...

jap_8
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jules
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Compagnon : En plus du karma individuel (terme relatif puisqu'il y a non-soi) pensez vous aussi en terme de karma collectif ?


Je ne pense pas. En effet tu fais bien à mon sens de parler de relativité du karma individuel puisque d'une certaine manière il me semble que le terme karma a carrément pour conséquence de nier le soi inhérent à l'individu, ceci dans le sens que, pour l'expliquer de manière conventionnelle bien entendu, l' agent et l'action se déterminent mutuellement, signifiant qu'ils sont en réalité un. Cela exclue donc l'idée qu'un soi serait l'origine de l'acte qu'il commettrait.

Donc, ce que tu précises au niveau du karma individuel, à savoir que le terme "individuel" est relatif, il faudrait je pense le reporter au karma "collectif", à savoir que la collectivité aussi serait désignée dans le sens relatif. Cette désignation, aussi bien reportée à l'individu en tant que son soi serait illusoirement agent et propriétaire de son karma, qu'à la collectivité pour laquelle il en serait de même, ne saurait donc rendre compte de ce qu'implique véritablement le terme karma qui comme je l'ai dit serait la pure et simple négation de l'existence du soi inhérent à l'individu, disant à présent que reporté à la collectivité, ce terme nierait également le soi inhérent à cette dernière.
Compagnon

Je crois comprendre ce que tu veux dire oui... pas bête en effet... oui... non-soi de l'individu et non-soi de la collectivité...
Pas bête du tout je n'y avait pas pensé... futé oui :)

Mais là je me demande si on parle de la réalité ou des concept. Que la notion de "soi" soit "vide" d'accord, que la notion de "collectivité" aussi. Ce sont des notion interdépendantes, l'individu, le groupe, des notions non-indépendantes. Toutefois le groupe existe bel et bien, l'individu aussi, ils sont tangibles.

Cela pose la questions aussi des niveaux de langage, conventionnel ou non.
Mais si l'on part du principe que la collectivité n'a pas de limite, que les humains en groupe étant relié à tous les êtres vivants non seulement sur Terre mais dans l'infini du cosmos, ne peut-on penser en terme de karma "collectif", karma du cosmos ? Karma infini ? Puisque tout ce qui vit est interdépendant, rien n'a de karma en soi non ?
Est ce que tu vois ce que je veux dire ?

Est ce que cela à du sens de dire "le karma" de "untel", de "tel personne" ?
Peut être même la notion de "karma" est-elle aussi "vide", c'est aussi une notion, nous avons une idée de ce qu'elle le karma et donc il ne faut pas resté prisonnier. Est ce que notre idée ou notion du karma est bien la réalité du karma...

C'est vertigineux... non ?

Et si "karma" ne pouvait être appréhender que par l'expérience directe au delà des mots comme l'Eveil ? Peut être que le Bouddha à fait "l’expérience directe" du karma et ensuite s'est-il efforcé de l'exprimer du mieux possible avec des mots ?
ted

Compagnon a écrit : C'est vertigineux... non ?
En effet. Quand on commence à bien y réfléchir, on arrive à la conclusion qu'il y a du karma mais personne pour le subir. Ce karma serait donc impersonnel. Mais cette réponse n'est vraie que pour celles et ceux qui ont réalisé le non-soi de la personne et des phénomènes. Et pas qu'intellectuellement.

Pour les êtres dans l'ignorance, il serait aussi erroné de nier l'existence du karma que de nier l'existence de ces êtres. On tomberait dans le nihilisme.

D'après mes souvenirs, dans le bouddhisme ancien, il n'y a pas trace de cette notion de karma collectif.
  • Les êtres sont
    Propriétaires de leur karma,
    Héritiers de leur karma,
    Nés de leur karma,
    Apparentés à leur karma,
    Soutenus par leur karma.
    Quoi qu’ils fassent, en bien ou en mal, ils en hériteront.

    – Anguttara Nikaya V.57
Mais cette notion est assez répandue dans le reste du bouddhisme.
Compagnon

Oui oui, je saisis bien la distinction entre compréhension intellectuelle et expérimentation directe. En toute honnêteté je pense saisir intellectuellement un certain nombre de choses (j'ai une tournure d'esprit particulière depuis la naissance qui peut y aider sans doute) mais cela ne veut pas dire que j'expérimente évidemment, je l'aurais "senti" sinon :)

Si on applique au non-soi et au karma l'interdépendance on en vient à dire que le karma qu'un personne peut générer (j'utilise le terme personne par nécessité) a un effet sur le karma d'autre personnes. Si il existe du karma mais personne pour le subir, comment peut-il y avoir quelqu'un pour le générer ?

Un effet ne peut exister sans cause, si il n'y a personne pour subir l'effet comment peut il y avoir un effet et donc une cause ?

Un effet n'a de sens que si il est sure quelque que chose (l'effet dépend de la cause et la cause de l'effet), si ce quelque chose n'existe pas alors l'effet non plus et donc si il n'y a pas d'effet il n'y a pas non plus de cause. Cela vaporise totalement "ceci étant cela est". A moins d'inclure aussi la proposition inverse : ceci n'étant pas cela n'est pas.

Nibbana reviendra a expérimenter un état ou il'on n'est plus ni cause ni effet de rien ? Donc à s'extraire de "l'économie" du karma ?

Pour le Bouddha Shakyamuni n'a jamais cessé d'agir et d'interagir autour de lui, de continuer à produire du karma non ?
ted

Compagnon a écrit : Pour le Bouddha Shakyamuni n'a jamais cessé d'agir et d'interagir autour de lui, de continuer à produire du karma non ?
En fait, un acte effectué en pleine réalisation du non-soi, est considéré comme non-contaminé (non contaminé par l'ignorance qui s'attache à un soi intrinsèque). Les éveillés effectuent donc des karmas (des actes) dits "non-contaminés". Ces karmas n'ont aucun effet sur eux. N'oublions pas que karma veut dire action et qu'on confond souvent, pour simplifier, le karma et le fruit du karma. Dans un souci de démonstration déterministe.

Les autres personnes ordinaires effectuent des karmas (des actes) contaminés qui vont produire des sensations agréables, désagréables ou neutres (les fruits du karma, abusivement appelés 'karma').

Produire des fruits neutres de karma (faire des actions aux conséquences neutres), étant déjà une belle réalisation, mais n'étant pas cependant l'aboutissement de la libération, puisqu'il subsiste encore des attachements subtils ou très subtils au soi. Donc des karmas contaminés (des actions contaminées).
ted

Dit autrement :
Si une personne effectue une action (un karma), en n'injectant aucune forme d'attachement dans cette action, sans attentes, sans passions, sans s'y projeter, il semble logique que les conséquences (les fruits) d'une telle action (les fruits de son action, les fruits de son karma) n'auront pas de caractéristiques susceptibles de perturber, ni de réjouir, voire même d'être rattachées au sujet (à l'auteur) de l'action.

Une telle action ne peut être ni bonne, ni mauvaise. On dira qu'elle est juste.

Et c'est là qu'il y a un gros piège, car subsiste tout de même la nécessité de ne pas perdre de vue la compassion au sein de la vacuité. :D Sans compassion, pas d'action juste.

S'il n'y avait pas la compassion, on tomberait dans un déterminisme total affirmant qu'il n'y a que des actions (que du karma), et pas d'êtres. Donc une forme de nihilisme.
ted

Quand votre réalisation de la vacuité de tous les phénomènes deviendra aussi vaste que le ciel, votre confiance dans la loi de la causalité des actes grandira dans les mêmes proportions, et vous mesurerez l'importance véritable de votre conduite. La vérité relative est en effet indissociable de la vérité absolue [ultime]. Jamais la réalisation profonde de la vacuité naturelle de toute chose n'a conduit quiconque à penser que les actes positifs n'engendrent pas le bonheur et que les actes négatifs n'entraînent pas la souffrance.

- Dilgo Khyentse Rinpoche
ted

Donc, que veut dire l'expression "karma collectif" ?

Il s'agirait donc du fruit d'actions collectives. Du fruit d'actes (de karmas) collectifs.

Si plusieurs individus font les mêmes actions (les mêmes karmas) il semble logique qu'à quelques nuances près, ils receuillent des fruits semblables.

Mais la similarité des fruits est fonction de la similarité des actions et non de la similarité des individus.

Cependant, si tout un groupe d'individus exécutent systématiquement les mêmes groupes d'action, on peut postuler qu'ils appartiennent tous à un groupe commun, une culture commune. Ca peut être vrai ou faux. Tous les buveurs de bière ne sont pas allemands. Tous les séducteurs ne sont pas français etc...

Il y aura cependant forcément des fruits de karma très proches au sein de groupes géographiques répétant conjointement les mêmes actions. Par exemple, l'obésité dans certains pays. Ou l'honnêteté dans d'autres pays dotés de fortes valeurs morales.
Compagnon

Besoin d'éclaircissements... (au passage j'aime beaucoup Dilgo Kyentsé Rinpoché, j'ai plusieurs fois croisé des textes de lui emprunts d'une très grande compassion).

La première chose que je ne comprends pas... voyons... qu'on puisse atteindre un état de détachement tel que l'on agît de manière totalement désintéressée, d'accord... bon... surement très difficile a acquérir mais admettons. D'accord.

Mais même si un Eveillé produit une action juste, n'en attend rien pour lui même, de manière totalement détachée, par compassion mais gratuite, cette action aura un effet "positif" sur la personne visée, mais même si l’Éveillé n'en attend rien, ne contamine par son action par quoi que ce soit pour lui, quelque désir que ce soit pour lui, il y aura quand même un effet positif sur la personne visées qui aura un effet positif sur l’Éveillé non ? Même si il ne le cherchait pas.

Est ce que tu vois ce que je veux dire ? Même si le Bouddha Shakyamuni était arrivé à un état de total détachement tout en ayant conservé de la compassion, il n'éprouvait aucune satisfaction a constater le "bien" qu'il faisait autour de lui ? Cela ne lui faisait rien ? Le laissait indifférent ?

Thích Nhất Hạnh fait remarqué que nous portons en nous les souffrances de notre société, donc quand nous apprenons à nous guérir nous-même nous guérissons notre société d'une certaine façon, et cela me paraît logique, hors moi je peux constater que depuis que je pratique mon comportement a eu un effet positif sur mon entourage, et mon entourage ne peut je pense qu'en être satisfait sans forcément être en mesure de le dire ou d'en être pleinement conscient. J'ai gagné en sérénité, en douceur, en affection, en volonté, en patience et c'est meilleur pour l'ambiance dans ma famille.
Je reconnais , de manière très lucide, que j'ai commencé la pratique pour diminuer ma souffrance personnelle, mais petit à petit je prend conscience qu'en agissant ainsi j'apporte aussi un mieux être autour de moi, forcément. Ce qui peut aussi renforcer ma motivation à la pratique personnelle, une boucle rétroactive, de réciprocité, tu comprends ?

Donc le Bouddha Shakyamuni aurait agît après son Eveil sans qu'aucune de ses actions n'ait un retentissement positif pour lui ? Même si il ne cherchait pas à acquérir ce retentissement positif ? Il ne ressentait aucune satisfaction a voir ses disciple progresser ?

Ton post de 15h18 a été déposé pendant que je rédigeais celui là, j'y reviendrais après. Merci en tout cas de ton attention :)
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