Renaissances, d'un état l'autre, et vis versa...

Lotus Bleu

"la parabole de l’homme blessé par une
flèche empoisonnée, qui refusant obstinément tout soin médical avant d’avoir
des renseignements complets sur la flèche, l’arc, l’auteur du tir, la direction
du vent, etc., finissait par mourir avant de réunir toutes ces données. Le
Bouddha utilisait cette parabole pour répondre à la question posée par son
disciple Malunkyaputta sur la finitude ou non de l’univers, sur l’immortalité
ou non de l’âme, sur le devenir de l’homme après la mort. Pour le Bouddha, il
ne faut pas s’égarer inutilement dans les spéculations métaphysiques, et
perdre son temps dans les interrogations sans réponse, mais plutôt se
préoccuper de se libérer de ses souffrances, ici et maintenant."


C'est ce que l'on me sort, régulièrement, quand je me "plains" du "manque d'information" du Bouddha sur le sujet.
En même temps, c'est une très bonne réponse. Rien à y redire... jap_8
Compagnon

Oui la parabole de la flèche est connue, je place ci-dessous un sutra que j'ai trouvé qui va dans le même sens, il développe ce qu'il y a autour de cette histoire de flèche, tu verras Lotus Bleu je crois que le bhikkhou ci-dessous et toi avez des points en communs :)

Cūḷamāluṅkya Sutta

— Le court discours à Māluṅkya —

Au lieu de se concentrer sur sa méditation, un bhikkhou se pose des questions métaphysiques telles que : 'le monde est-il éternel ou temporaire? fini ou infini?' Tergiverser en s'interrogeant sur les caractéristiques supposées de l'univers n'a aucun intérêt tant qu'on est soumis au mal-être, et qu'on a en plus la chance d'avoir à sa disposition la technique qui permet de s'en libérer totalement.

Ainsi ai je entendu :

En ce temps-là le Fortuné séjournait près de Sāvatthi, dans le bois de Jéta, au jardin d'Anāthapiṇḍika. Or le vénérable Māluṅkyaputta, qui s'était retiré dans la solitude, se mit à réfléchir ainsi :

– Il y a des opinions que le Fortuné n'explique pas, qu'il laisse de côté, qu'il repousse : “le monde est éternel” et “le monde est temporaire”, “le monde est fini” et “le monde est infini”, “le principe vital et le corps sont identiques” et “le principe vital et le corps sont distincts”, “le Tathāgata existe encore après la mort”, “le Tathāgata n'existe plus après la mort”, “le Tathāgata à la fois existe et n'existe pas après la mort” et “le Tathāgata ni n'existe ni n'existe pas après la mort”. Le Fortuné ne m'explique pas ces opinions, et cela ne me plaît pas qu'il ne me les explique pas, cela ne me satisfait pas. Je vais donc aller trouver le Fortuné pour lui demander ce qu'il en est.

– Si le Fortuné m'explique que le monde est éternel ou qu'il est temporaire, qu'il est fini ou qu'il est infini, que le principe vital et le corps sont identiques ou qu'ils sont distincts, qu'après la mort le Tathāgata existe encore, qu'il n'existe plus, qu'il existe et n'existe pas, ou qu'il ni n'existe ni n'existe pas, dans ce cas je continuerai à mener la vie brahmique auprès du Fortuné.

– Mais si le Fortuné ne m'explique rien de tout ça, j'abandonnerai l'entraînement et retournerai à la vie inférieure des laïcs.

Le vénérable Māluṅkyaputta sortit vers le soir de sa retraite et rendit visite au Fortuné. Il le salua et s'assit convenablement. Une fois bien assis, le vénérable Māluṅkyaputta raconta au Fortuné :

– J'étais retiré dans la solitude, Fortuné, quand je me mis à réfléchir comme suit : “Il y a ces opinions que le Fortuné n'explique pas... Si le Fortuné m'explique ceci ou cela, je continuerai à mener la vie brahmique auprès du Fortuné. Mais s'il ne me répond pas, j'abandonnerai l'entraînement et retournerai à la vie inférieure des laïcs.


– Si le Fortuné sait que le monde est éternel, qu'il m'explique que le monde est éternel ! Si le Fortuné sait que le monde est temporaire, qu'il m'explique que le monde est temporaire ! Mais si le Fortuné ne sait pas si le monde est éternel ou temporaire, puisqu'il ne le sait pas et ne le voit pas, il serait honnête qu'il dise ne pas le savoir et ne pas le voir.

– Si le Fortuné sait que le monde est fini…


– Si le Fortuné sait que le principe vital et le corps sont identiques…

– Si le Fortuné sait que le Tathāgata existe encore après la mort... »

– T'ai-je jamais dit : “ Viens, Māluṅkyaputta, vis la vie brahmique auprès de moi et je t'expliquerai si le monde est éternel ou temporaire... ?”


– Non, Fortuné.

– M'as-tu jamais dit, toi : “Je vivrai la vie brahmique auprès du Fortuné et le Fortuné m'expliquera si le monde est éternel ou temporaire... ?”

– Non, Fortuné.


– Donc, Māluṅkyaputta, je ne t'ai jamais dit : “ Viens, Māluṅkyaputta, vis la vie brahmique auprès de moi et je t'expliquerai si le monde est éternel ou temporaire...” et tu ne m'as jamais dit : Je vivrai la vie brahmique auprès du Fortuné et le Fortuné m'expliquera si le monde est éternel ou temporaire...” Ceci étant, qui es-tu, homme d'illusions, pour rejeter qui?

– Si quelqu'un disait qu'il ne vivra pas la vie brahmique auprès du Fortuné tant que celui-ci ne lui aura pas expliqué si le monde est éternel ou temporaire..., il pourrait finir sa vie avant que le Tathāgata ne le lui explique.


– Prenons l'exemple, Māluṅkyaputta, d'un homme blessé par une flèche puissamment empoisonnée. Ses amis, relations, connaissances et parents lui trouvent un chirurgien, mais il dit : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si l'homme qui m'a blessé est un noble, un brahmane, un artisan ou un serviteur ”.

– Il dit aussi : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de connaître le nom et le clan de l'homme qui m'a blessé”. Et : “ Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si l'homme qui m'a blessé a la peau noire, brune ou dorée”. Et encore : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir dans quel hameau, village ou ville se trouve l'homme qui m'a blessé”. Et aussi : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir de quel type est l'arc qui m'a blessé”. Et encore : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si la corde de l'arc qui m'a blessé est faite d'akka, de roseau, de tendon, de chanvre ou de plante aux feuilles laiteuses”. Et aussi : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si la tige de la flèche qui m'a blessé est faite de roseau sauvage ou de roseau cultivé”. Et encore : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si l'empenne de la flèche qui m'a blessé est en plumes de vautour, de héron, de faucon, de paon ou de māchoire-pendante”. Et aussi : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si la flèche qui m'a blessé est cerclée de tendons de vache, de buffle, de daim ou de singe”. Et enfin : “Je ne retirerai pas cette flèche avant de savoir si la flèche qui m'a blessé est une flèche simple ou un trait plus perfectionné”. Un tel homme va finir sa vie dans l'ignorance.

– De même, si quelqu'un disait qu'il ne vivra pas la vie brahmique auprès du Fortuné tant que celui-ci ne lui aura pas expliqué si le monde est éternel ou temporaire..., il pourrait finir sa vie avant que le Tathāgata ne le lui explique.

– Faut-il vivre la vie brahmique, Māluṅkyaputta, parce qu'on croit que le monde est éternel ? Non. Faut-il vivre la vie brahmique parce qu'on croit que le monde est temporaire ? Pas davantage. Mais que l'on croie que le monde est éternel ou temporaire, il y a la naissance, le vieillissement, la mort, le chagrin, les lamentations, la douleur, l'insatisfaction et le désespoir dont je montre l'anéantissement dans la vie présente.


– Faut-il vivre la vie sainte parce qu'on croit que le monde est fini... qu'il est infini... que le principe vital et le corps sont identiques... qu'ils sont distincts... qu'après la mort le Tathāgata existe encore... qu'il n'existe plus... qu'il existe et n'existe pas... ni qu'il existe ni qu'il n'existe pas ? Non, Māluṅkyaputta. Mais que l'on croie ceci ou cela, il y a la naissance, le vieillissement, la mort, le chagrin, les lamentations, la douleur, l'insatisfaction et le désespoir dont je montre l'anéantissement dans la vie présente.

– Par conséquent, Mālunkyaputta, tiens pour inexpliqué ce que je n'ai pas expliqué, et pour expliqué ce que j'ai expliqué.

– Que n'ai-je pas expliqué ? Je n'ai pas expliqué si le monde est éternel ou temporaire... Pourquoi ne l'ai-je pas expliqué ? Parce que ce n'est pas utile pour atteindre le but, que ce n'est pas le départ de la vie sainte, que cela ne mène pas au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation ni au Dénouement. Voilà pourquoi je ne l'ai pas expliqué.


– Et qu'ai-je expliqué ? J'ai expliqué “ceci est le malheur”, “ceci est la source du malheur”, “ceci est la cessation du malheur” et “ceci est le chemin qui mène à la cessation du malheur”. Pourquoi l'ai-je expliqué ? Parce que c'est utile pour atteindre le but, que c'est le départ de la vie brahmique, que cela mène au désenchantement, au détachement, à la cessation, à l'apaisement, à la connaissance directe, à la pleine réalisation et au Dénouement. Voilà pourquoi je l'ai expliqué. »

Ainsi parla le Fortuné.


Le vénérable Māluṅkyaputta fut satisfait des paroles du Fortuné et il s'en réjouit.

Notes

1. qui es-tu ... pour rejeter qui? : Le solliciteur peut rejeter le sollicité, ou le sollicité le solliciteur. Mais tu n'es ni l'un ni l'autre, il n'y a pas eu de contrat entre nous sur ces opinions..

2. un artisan ou un serviteur : C'étaient les quatre "couleurs" ou castes de la société traditionnelle. La troisième catégorie désignait à la fois les artisans, les commerçants et les agriculteurs..


Traduit directement de la langue Pāḷi par Christian Maës.
Lotus Bleu

Je suis Māluṅkyaputta ! :???:
(bien obligé de le reconnaitre...)
Compagnon

Lotus Bleu a écrit :Je suis Māluṅkyaputta ! :???:
(bien obligé de le reconnaitre...)
Comme la plupart des gens dans le monde. On est tous un peu comme ça au moins au début :lol:
Lotus Bleu

Ouf !!! yahoo-1ea1
Compagnon

Lotus Bleu a écrit :Ouf !!! yahoo-1ea1
Bah oui... faut se faire à l'idée que l'on est pas si différents les uns des autres, et pas indépendants, donc les modes de pensées de quelques uns sont probablement plus ou moins présents chez tous.
Lotus Bleu

Serai-je un peu "compagnon" ? Mais compagnon est-il un peu "lotus bleu" ? shuuuuuuuuuuuuttttt
Compagnon

Sans même parler de bouddhisme, regarde, déjà nous parlons la même langue, hors on sait maintenant que la langue parlée formate en partie la façon de penser, j'ai lu récemment un titre d'article disant qu'on avait constaté que les gens qui apprenaient une nouvelle langue voyaient leur personnalité changer un peu.

Donc nous parlons la même langue, je suppose que tu vis aussi en France ? Nous vivons à la même époque, dans le même type de société judéo-chrétienne, nous vivons la même actualité, la même histoire autour de nous se déroule, nous avons tout les deux un même niveau d'éducation de base : lire, écrire, compter (au moins), nous avons tout les deux en plus un même passif chrétien, nous sommes tous les deux des hommes (sexe masculin) enfin je crois non ? Nous savons tout les 2 nous servir d'internet, nous sommes tout les deux inscrit sur ce forum, nous avons un interêt commun pour le bouddhisme. Ca c'est au niveau macro.

Au niveau micro, toi et moi somme composés de la même matière agencée de la même manière, atomes, molécules, sub-molécules, sommes soumis aux même lois fondamentale physiques de l'univers. Plus généralement nous sommes tous les deux né, nous avons connu des maladies, nous vieillissons, nous finirons par mourir. Peut être avons nous chacun une compagne ou un compagnon et un ou plusieurs enfants ? Nous avons chacun une famille (parents, frères soeurs, oncle, tante, cousins, etc...). Nous avons une culture propre à notre pays, des habitudes d'éducation, de comportement, propre à notre pays, face mettons à des gens vivant en Chine nous serions capable de partager par exemple des "private joke" propres à notre culture qu'ils ne comprendraient pas.

Et comme le dit le Bouddha :

"Tous les hommes ont le sang rouge et les larmes salées".

Si on pousse plus loin dans l'espace et le temps, nous respirons le même air, les atomes et molécules dont toi et moi sommes composés ont déjà été brassés et recyclées des milliers de fois. Par le passé il est très probable qu'il y a eux des minéraux, des végétaux, des animaux et des personnes qui étaient composées d'atomes qui sont maintenant en partie dans ton corps et en partie dans le mien. Quand toi et moi mourrons, notre corps se décomposera, et peut être dans 1000 ans, 10000 ans, ou 100 000 ans naîtra un humain qui aura dans son corps des atomes venant de toi et de moi.

Enfin, ici, maintenant, ce que tu dis s'inscrit dans ma mémoire, influence mes pensées, mes actes et l'inverse est exacte pour toi. Nous avons une influence karmique l'un sur l'autre.

Donc d'un certain point de vue oui on peut dire qu'il y a du Lotus Bleu dans Compagnon et du Compagnon dans Lotus Bleu.

Nous sommes interdépendants. Le phénomène que représente cette conversation sur ce forum entre toi et moi est dépendant entre autre de l'existence d'internet, de l'existence de ce forum, de ton existence et de la mienne, nous sommes des facteurs, des conditions, nécessaires, vitales pour que le phénomène que représente cette conversation se produise. Si on y retirait quoi que ce soit... cette conversation n'existerait pas ou serait très différente.

Et si tu pousses loin, tu te rend compte que cette conversation telle qu'elle est là dépend aussi de l'existence même de toute ta lignée généalogique à toi comme de la mienne, qui ont abouti a ce que Lotus Bleu soit ce qu'il est ici et maintenant et pas autre chose. En fait... cela remonte même à l'existence de cet univers. Si on voit vraiment très très loin.

Einstein plaisantait en disant que Dieu n'avaient pas le choix, qu'il avait "pipé les dés" au moment de la création, car si il voulait un univers tel qu'est le notre actuellement il n'y avait qu'une seule combinaison de facteurs possible. Donc que "Dieu" n'avait pas laissé le "hasard" se manifesté au moment de la création et donc qu'il ne faisait pas ce qu'il voulait, qu'il n'était pas tout puissant. Ce à quoi Niels Bohr autre scientifique de renom lui avait répondu : "Albert, cessez de dire à Dieu ce qu'il peut faire ou ne peut pas faire". C'était drôle... Bon par contre à la fin Einstein ne croyait plus dans le Dieu des religions du Livre, je précise. Il voyait beaucoup plus grand je crois.

Donc la science physique parle aussi parfois (et même de plus en plus) le même langage que le bouddhisme. Y compris sur la loi de cause à effet par exemple ou au niveau de la physique quantique.

Et pour revenir au sujet, nous partageons les mêmes types d'émotion : amour, haine, colère, peur, jalousie, etc...
Lotus Bleu

Une fort belle réponse qui définit bien l'interdépendance. jap_8

Einstein a même proclamé que le Bouddhisme serait la religion qui conviendrait le mieux à l'humanité (où quelquechose comme cela...) FleurDeLotus
Florent

Lotus Bleu a écrit :Une fort belle réponse qui définit bien l'interdépendance. jap_8

Einstein a même proclamé que le Bouddhisme serait la religion qui conviendrait le mieux à l'humanité (où quelquechose comme cela...) FleurDeLotus
sauf que l'interdépendance est un terme qui produit trop souvent des vues erronées, cette idée que nous serions UN est totalement a côté de la plaque.

voir ces 2 vidéos:
https://www.youtube.com/watch?v=69edNWogLBY
https://www.youtube.com/watch?v=HY1QNbyoGJc
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