L'humanité du Bouddha

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Compagnon

Bonjour :)

Ayant entrepris la lecture du petit livre de Walpola Rahula sur les enseignements du Bouddha selon les textes les plus anciens, dans un des premiers chapitres il est rappelé à fort juste titre que le bouddhisme (qu'on le considère comme une religion, une philosophie, une spiritualité) a ceci d'exceptionnel parmi les autres traditions spirituelles du monde, qu'il est la seule tradition (d’après l'auteur) ou le fondateur (ici Siddharta Gautama) est un homme du début à la fin et ne prétend pas être autre chose, même par delà la mort.

Cela me rappelle un des raisons qui me fait apprécier la voie du Bouddha : l'accessibilité de son fondateur en tant qu'humain. Dans l'absolu, même si Siddharta Gautama était un homme exceptionnel, le plus grand bouddha de notre ère, le Bouddha, il est un homme comme vous et moi. Et cela le rend accessible je trouve, on peut dans une certaine mesure s'identifier à lui. Il a connu tout ce que nous connaissons : naissance, vie, souffrance, maladie, mort. Il n'est pas divin ou semi-divin. Pour reprendre le même genre de terminologie que le christianisme, il est de même nature que nous. Et n'en a jamais changé.
Même si au file du temps certain on voulu en faire un être quasi-divin bon gré malgré.

Certes la voie qu'il propose est difficile mais au moins on voit qu'elle est réalisable par une humain tout ce qu'il y a de plus humain, et ce par lui-même et non grâce à une aide extérieure non-humaine comme une divinité. Certes le bouddhisme tibétain par exemple prend appui sur l'aide d'êtres divins comme protecteurs ou gardiens ou guides mais au final ce ne sont que des aides, ils ne peuvent pas faire de vous un bouddha si vous ne faites pas l'effort vous même.

Si je compare avec ce que je connais le mieux, Jésus, il y a eu après sa mort de nombreux débat parfois douloureux sur sa nature : divine, semi-divine, semi-humaine, humaine, vraiment là, corps illusoire etc... Et il y a des ambiguïtés sur ce qu'il était, Fils de l'Homme, Fils de Dieu. Comme le disait en plaisantant un de mes enseignants en fac, pour l'hérésie arienne par exemple Jésus est un surhomme, un "superman" a qui Dieu a donné des "super-pouvoirs", ce qui était bien plus compréhensible pour les païens germanique qu'Arius évangélisait. Je trouve que le christianisme a finit pas tellement idéaliser le personnage de Jésus, tellement voulu en faire un être presque éthéré, que cela l'a coupé de la proximité d'avec l'humain. On refuse officiellement de trop parler de son coté bon vivant, d'une éventuelle vie de famille, etc...

Hors ce n'est pas le cas du Bouddha. On parle de sa vie de famille, de son, épouse, de son fils, etc...

J'ai le plus grand respect pour un être comme Jésus de Nazareth mais bien que je me doute qu'il était aussi humain que vous ou moins (blasphème pour certains), même si son humanité pointe parfois dans les évangiles (colère, peur, amertume), je me sens plus proche de Siddharta Gautama. Et cela facilite grandement je trouve la confiance dans le Dharma qu'il enseigne. On peut se dire : c'est sortie de la tête et de l'expérience de quelqu'un "comme moi" en quelque sorte. Cela appui fortement l'idée que je suis capable de faire comme lui (dans une certaine mesure). Mais qui oserait se dire qu'il est réellement capable de faire "comme Jésus" ? Même Saint Pierre demanda à être crucifié la tête en bas par humilité, refusant de mourir comme son maître, s'estimant indigne d'un tel honneur.

Vous saisissez ?

Et je trouve dommage pour l'Eglise qu'avec le temps on ai petit à petit désincarné, déshumanisé Jésus, je crois qu'a la longue cela a coupé l'Eglise de ses fidèles.

Voila :)
ted

Pour le Mahayana, l'humanité du Bouddha n'est qu'une façade. Une apparence qu'il se donne pour mieux aider les êtres. Il manifeste un nirmanakaya avec des caractéristiques "humaines" afin de mieux communiquer avec nous. C'est ce que le bouddhisme Mahayana appelle un "expédient salvifique". Il a toujours été un Bouddha et aurait mis en scène sa naissance, son éveil etc..

Du coup, toute l'histoire du Bouddha historique devient, pour celui qui sait, la démonstration de la grande compassion des Bouddhas. Capables de simuler, vieillesse, maladie et mort afin de mieux nous ouvrir les yeux sur nos souffrances et le chemin pour y échapper.

Jesus n'est pas perçu autrement. Dieu se donne volontairement une apparence humaine et des faiblesses humaines, afin d'évoluer parmi nous et de délivrer Son Message.

D'ailleurs, pourquoi le Bouddha a t'il hésité, après son éveil, à transmettre sa connaissance aux hommes ?
Pourquoi a t'il fallu qu'un non-éveillé lui conseille de le faire ? Depuis quand la grande compassion d'un Bouddha souffre t'elle d'hésitation ? :) Et pourquoi un Bouddha douterait-il de ce qu'il doit faire puisqu'il est délivré des facteurs mentaux ?

Cela dit, si on privilégie la thèse que le Bouddha est humain d'un bout à l'autre, ce que de nombreux bouddhistes athées acceptent, alors il faut considérer que l'épisode de l'hésitation du Bouddha à parler de son éveil n'est qu'une légende. :oops:

On voit bien que, même dans le strict cadre du premier tour de roue, l'hésitation du Bouddha est étrange car, à mon avis, l'Eveil n'est pas sujet à de telles indécisions. De là à conclure qu'il y a mise en scène pédagogique effectuée par le Bouddha lui-même... :)
Compagnon

J'avais lu je ne ne sais plus ou que le Bouddha après son Eveil n'avait pas véritablement hésité à transmettre son savoir.
Il y avait plusieurs explication possibles à son "doute" apparent.

En fait il ne doutait pas de ses propres capacités à transmettre son expérience. Il avait acquis la sagesse parfaite, et donc en toute logique la pédagogie parfaite. Mais il doutait de la capacité de son public éventuel à le comprendre lui, surtout avec des moyens aussi limités que le langage verbal. Sur le site de la communauté Triratna, Sangharakshita explique longuement comment cela avait du être difficile selon lui pour le Bouddha, après avoir atteint le sommet de l'illumination, une connaissance pure, parfaite, au delà de tout concept, de "redescendre" au niveau de moyens de communications franchement limités et grossiers comme les mots et concepts humains basiques. Des moyens tellement limités, des outils tellement grossiers, que les risques d'être mal compris étaient très élevé, les risques de déformation élevés, que la tâche frisait l'impossible, non par incapacité du Bouddha mais par limitation des moyens à sa disposition utilisable pour son public.
Donc ce n'est pas le Bouddha qui pèche mais son auditoire tellement embourbé dans diverses confusions du samsara.

Autre explication : le Bouddha, en attendant, simulait l'hésitation, il ne doutait pas de la nécessité de faire ce qu'il devait faire, mais il voulait s'assurer qu'il y avait une demande, tout simplement. Et ne pas imposer son message là ou il n'était pas demandé au risque de causer du tort. Dans sa sagesse il a attendu qu'on vienne le chercher plutôt que d'aller au devant sans y être invité. D'ou la légende de l'intervention de Brahma.

Voila 2 explications qui permettent je crois de conserver l'humanité du Bouddha et d'expliquer son attente, son apparente hésitation.

Dans le fait de voir dans le Bouddha historique une pure incarnation "pratique", un simple corps physique outil pédagogique, employé par un être qui a toujours été Bouddha dans le temps et l'espace en quelque sorte, je vois un risque, le risque de faire du Bouddha un dieu, un être non humain, comme tu l'as comparé à la façon dont certain croyants voient Jésus. Si Jésus est une incarnation de "Dieu" dans un but pédagogique et si le Bouddha historique est une incarnation d'un Bouddha transcendantal qui a toujours existé en quelque sorte, ou est la différence entre le Bouddha et un dieu ou Dieu ?
Hors le Bouddha est un homme, cela est affirmé, né homme, vécu homme et mort homme, les dieux sont clairement décrits comme moins favorisé que les humains pour atteindre l'Eveil.

Et il est clairement dit que diviniser le Bouddha est une erreur grossière simplement tolérée temporairement dans certains pays chez le public laïc peu instruit mais que les moines eux savent qu'il n'en est rien.

Je crois que l'une des forces majeur du bouddhisme c'est que son fondateur est rigoureusement humain. Si on commence à en faire un être d'une autre nature (autre que le summum de la sagesse humaine) alors on risque de faire du bouddhisme une religion païenne avec le Bouddha comme divinité.

En tout cas c'est ce qui m’apparaît.
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Circé
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Pour Jésus comme Bouddha, ce n'est pas le messager qui compte , c'est le message. leur nature,je m'en fous; ça n'a pas d'utilité. C'est le Dharma qui compte.
Le doigt montre la lune , c'est la lune qu'il faut regarder, pas le doigt.
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jules
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Circé : Pour Jésus comme Bouddha, ce n'est pas le messager qui compte , c'est le message. leur nature,je m'en fous; ça n'a pas d'utilité. C'est le Dharma qui compte.
Tout à fait d'accord.

Enfin, je veux dire que pour moi, c'est pareil.
ted

Mais le message perd de sa crédibilité si ie messager est bourré non ? :D
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jules
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C'est vrai que si le Bouddha avait passé son temps à boire quand on sait qu'il déconseillait de le faire, ça perdrait de sa crédibilité. Encore qu'il aurait pu dire "ne faites pas comme moi".
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Circé
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ted a écrit :
07 avril 2017, 11:26
Mais le message perd de sa crédibilité si ie messager est bourré non ? :D
Qu'est ce qui te fait penser à ça?????
Jésus a changé l'eau en vin, c'est vrai, mais rien ne dit qu'il en ait bu.
ted

Circé a écrit :
07 avril 2017, 15:19
ted a écrit :
07 avril 2017, 11:26
Mais le message perd de sa crédibilité si ie messager est bourré non ? :D
Qu'est ce qui te fait penser à ça?????
Jésus a changé l'eau en vin, c'est vrai, mais rien ne dit qu'il en ait bu.
Circé
Aucun rapport avec Jesus. Je donne juste une image.
:) :oops:

Compagnon, on dit qu'un Bouddha n'a pas de volonté propre. Donc, je pencherais plutôt pour la deuxième hypothèse : le Bouddha aura attendu qu'un être lui demande d'intervenir.
Compagnon

on dit qu'un Bouddha n'a pas de volonté propre.

Il souhaite néanmoins libérer tous les êtres de la souffrance, il est mue par la compassion. Cela nécessite de la volonté.
Et le Bouddha en avait forcément une avant que, selon la légende, Brahma vienne lui demander d'intervenir, puisque Mara tenta une dernière fois après l'Eveil, d’empêcher le Bouddha d'agir, en reconnaissant sa défaite et en invitant le Bouddha a se laisser mourir puisque son objectif d'Eveil était atteint. De plus il me semble qu'au début de sa quête le prince Siddharta s'était engagé à revenir auprès des siens et de tous pour apporter son remède si il le trouvait.
Que le Bouddha n'ai plus de volonté "propre" attachée à un "soi" et orientée vers des actions égoïstes, d'accord, mais il doit en posséder quand même une, une volonté altruiste. Non ?
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