Les 6 règles de la concorde par le Vénérable Thich Huyen-Vi

Compagnon

Les six règles de concorde

Par Vénérable Thich Huyen-Vi

1. Première règle : Concorde dans la vie commune.
2. Deuxième règle : Concorde dans la parole.
3. Troisième règle : Concorde dans la pensée commune.
4. Quatrième règle : Concorde dans l’observation de la discipline.
5. Cinquième règle : Concorde dans le partage des connaissances.
6. Sixième règle : Concorde dans le bénéfices de l’intérêt commun.

Introduction

1- LES MEFAITS DE LA DISCORDE

Dans la vie en commun de tous les jours, rien n’est plus nuisible que la discorde qui peut entraîner la séparation des membres d’un groupe. En effet, une mésentente mal éteinte au sein de la famille peut miner sa cohésion, pour la plus grande douleur de tous ses membres. Au niveau d’un peuple, des discordances d’intérêts ou de convictions politiques conduiront tôt ou tard aux partitions, aux luttes fratricides.

A l’échelle du monde, les oppositions entre nations pourraient dégénérer en guerres avec leurs cortèges de destructions et de morts qui font la honte et la damnation de l’humanité tout entière.

2- L’IMPORTANCE DE L’HARMONIE

L’entente et l’harmonie constituent la règle primordiale pour la conservation de l’espèce, et cette loi naturelle s’impose à toutes les formes de vie grégaire, des sociétés de fourmis et d’oiseaux aux collectivités humaines. Toutes les morales, toutes les religions, commandent aux hommes de s’aimer, de s’entraider, de vivre en bonne entente au nom de l’humanité et de la charité : "Aimez vous les uns les autres, dit l’Évangile".

"Les hommes des quatre océans sont des frères", dit le Confucianisme. Et même le grand guerrier de l’antiquité chinoise TSUN-TSEU, pose comme première règle de stratégie politique que "les circonstances propices ne valent pas un terrain favorable, mais le terrain favorable passe après la concorde au sein du peuple."

Mais à la différence de toutes les autres doctrines, le Bouddhisme va au delà des considérations d’ordre pratique ou de foi divine, car il supprime toute différenciation, toute conception dualiste, entre le moi et les autres, entre l’homme et l’univers qui l’environne. En effet, pour la philosophie bouddhique, toute conscience individuelle n’est que la combinaison passagère des cinq skandhas, ces composés phénoménaux essentiellement instables et irréels (qui sont : l’objet extérieur, la perception, la représentation, l’action et la connaissance). Elle même ne peut donc qu’être impermanente et illusoire. Dans ces conditions, pourquoi s’attacher encore aux différences qui séparent des phénomènes passagers et illusoires. La conduite la meilleure ne serait-elle pas de se servir de ces éléments irréels pour réaliser notre perfectionnement et atteindre la libération qui est, elle, tout à fait réelle et définitive ?

A partir de cette conception fondamentale, la morale bouddhique pose comme discipline de vie sociale les six règles de concorde que doivent observer aussi bien les membres de l’ordre que les adeptes laïques dans leurs conduites de tous les jours.

I - DEFINITION

Il s’agit de six préceptes moraux permettent de réaliser une entente franche et naturelle, sans contrainte et sans faiblesse, entre tous les membres d’une communauté propre à chacune des sphères d’activité de la vie sociale. L’Entente est avant tout l’expression d’une harmonie naturelle, d’un accord raisonné sur toutes les questions essentielles pour la vie du groupe et sans distinction aucune entre les intérêts de chacun et ceux de la collectivité, entre le moi et les autres.

II - LES SIX REGLES DE CONCORDE

1. Première règle : Concorde dans la vie commune.

Elle s’impose à tous les individus vivant sous un même toit, dans une même cellule d’activité, dans une même communauté de foi religieuse ou d’idéal politique. Sur le plan matériel, elle se traduit par de petits sacrifices librement consentis dans l’intérêt de tous, en fonction des moyens d’existence communs. Sur le plan moral, elle réside dans la compréhension totale et la tolérance mutuelle. Et les fruits précieux de cette entente et de cette harmonie ont pour noms : bonheur familial, solidarité nationale, paix internationale etc...

A son niveau le plus élevé, le plus noble, l’entente entre tous les peuples du monde confère au mot humanité toute sa signification et contribue à adoucir dans une large mesure toutes les souffrances inhérentes à la condition humaine.

2. Deuxième règle : Concorde dans la parole.

Le discours n’est que le moyen d’expression de cœur. Quand le cœur est en paix, la parole est douce et modérée. Elle persuade mieux et permet de gagner l’adhésion et la confiance de son prochain.

Pour ces raisons, un adepte du Bouddhisme doit, en toutes circonstances, faire preuve de modération et de douceur dans ses propos, afin de faire partager son point de vue et le cas échéant de rectifier les erreurs d’autrui avec sincérité et courtoisie.

3. Troisième règle : Concorde dans la pensée commune.

Dans son étude de la pensée humaine, la doctrine bouddhique place la pensée au premier rang du comportement humain avant le corps (les cinq sens) et la parole. En effet, le concept est comme la langue d’Ésope, la meilleure ou la pire des choses. Il est le moteur de toute action, il est à la base de tous les mérites comme de tous les défauts humains. En conséquence, dans toute vie communautaire, la première règle est celle de la conscience collective à l’origine de toute activité commune.

Cette communauté de pensée doit être acceptée par la collectivité grâce au raisonnement et à la réflexion et non imposée de façon arbitraire par des volontés individuelles. Au sein d’un ordre religieux, cette règle est encore plus importante. Elle conditionne l’existence ou la disparition même de l’ordre.

Pour ces raisons, le Parfait a conseillé à ses adeptes de pratiquer en toutes circonstances les prescriptions de joie (mudita) et d’équanimité (upeksa) c’est-à-dire la sérénité devant des circonstances plaisantes ou déplaisantes par rapport aux tendances propres de son "moi", à ses désirs particuliers.

4. Quatrième règle : Concorde dans l’observation de la discipline.

Dans toute organisation de groupes, le règlement intérieur régit le comportement de chacun des membres dans l’intérêt de la collectivité toute entière. Pour une communauté de caractère religieux, ce règlement s’impose de manière bien plus rigoureuse encore, car elle représente la somme de toutes les disciplines sans lesquelles l’existence de l’ordre elle-même serait menacée.

Dans la religion bouddhique, les règles à observer sont clairement définies, et judicieusement graduées pour chacun à la mesure de son degré de perfectionnement. Ainsi l’adepte laïque est tenu à observer les Cinq abstentions capitales (le meurtre, la luxure, le vol, l’ivresse, les mauvais propos).

Les membres de Sangha doivent observer des règles plus sévères et bien plus draconiennes : ainsi les novices commencent avec 10 prescriptions, pour en arriver à 250 pour un Bhiksu et 348 pour une Bhiksuni. La discipline collective s’impose dans toutes les réunions d’adeptes, quelle que soit la durée des séminaires. Chacun s’efforcera d’observer toutes les prescriptions correspondant à son rang et aider ses camarades d’études à les observer, dans l’esprit de fraternité le plus sincère.

En conclusion l’adepte de Tathagata est tenu toute sa vie à observer les règles de disciplines collectives, en vue de créer autour de lui une atmosphère d’amitié, de joie et d’efforts communs vers l’accomplissement du bien.

5. Cinquième règle : Concorde dans le partage des connaissances.

Elle est le corollaire de la communauté de pensées. Ce que nous savons par l’étude et la méditation, nous sommes moralement tenus à en faire profiter à nos camarades d’études, car "Comprendre et faire comprendre aux autres" telle est la devise du Mahayana, la voie de Bodhisattva.

Sur le plan pratique, c’est la méthode indispensable pour progresser dans l’étude de la doctrine. Les enseignement de Tathagata s’adaptent à tous les niveaux des disciples, allant de l’exposé le plus simple et le plus clair (tel le sermon sur les Quatre Nobles Vérités) jusqu’aux formules imagées nécessitant un exercice laborieux de recherche et de déduction, et même faisant appel à la perception intuitive pour les degrés les plus élevés du perfectionnement.

6. Sixième règle : Concorde dans le bénéfices de l’intérêt commun.

Toute vie commune tend vers un intérêt commun, qu’il soit prosaïquement matériel comme la réalisation des profits dans une société à caractère économique, ou la réalisation d’un idéal plus élevé dans des associations culturelles et cultuelles. Quels que soient les résultats de l’activité commune, elle doit profiter à tous les membres de la communauté, dans un esprit constant d’équité de compréhension et de joie absolue. Cette règle s’applique aussi bien dans le partage d’un bénéfice commercial que dans la mise en commun des connaissances nouvelles dans le cadre d’associations d’études d’ordre culturel ou cultuel.

Conclusion

Sur le plan pratique, ces six règles de concorde se traduisent par l’observation des recommandations ci-après :

1. La vie en commun doit être beaucoup plus qu’une existence. Chacun doit la rendre aussi agréable que possible en faisant passer l’intérêt de la collectivité avant le sien propre.

2. La concertation est la première des règles de vie communautaire. Aucune décision n’est juste que quand elle n’est pas librement acceptée par chacun.

3. Les échanges d’idées sont toujours profitables quand ils sont animés par la seule recherche de la vérité et de l’intérêt commun.

4. L’inobservation des règles de discipline représente l’attitude la plus grave à l’existence de la communauté.

5. Ne jamais perdre de vue le conseil de Tathagata : "Comprendre le dharma pour le faire comprendre à son prochain."

6. Toute vie communautaire implique un but commun, des avantages et des désagréments communs des profits et des pertes communs.

Pour nous autres adeptes de Tathagata, ces six règles sont nos premiers pas dans la voie du perfectionnement, il importe qu’ils soient bien assurés avant d’entreprendre d’autres démarches vers la connaissance de la doctrine.



Congrégation Bouddhique Mondiale Linh Son
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