Illusion et vérité

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jules
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Disons qu’en soi, vérité et illusion sont sensés être complémentaires, car les deux visent à servir la vérité ; l’illusion en tant que non vérité et la vérité en tant que non illusion. Mais dans la pratique on se rend compte que les choses ne sont pas si tranchées, d’où la nécessité de remettre en cause le concept de vérité lui-même.
Compagnon

Il me semble que les seules vérités qu’énonce le Bouddha ce sont les 4 Nobles. Hors :
- le Bouddha n'oblige personne à le croire sur parole.
- même au sein des 4 Nobles vous avez encore un dualisme puisqu'il y a dukkha et cessation de dukkha. Cessation de dukkha dépend de l'existence de dukkha. Si l'on ôte l'un l'autre ne peut que disparaître.

Si l'on définit la cessation de dukkha comme le Bonheur ultime durablement installé, si dukkha cesse, le bonheur aussi.
Donc peut être peut-on dire que même l'énoncé des 4 Nobles Vérité est dukkha, puisque la formulation aboutit à un résultat insatisfaisant, absurde. La quête de la cessation de dukkha mène à la disparition du fruit même de la quête entamée ! Mettre fin à dukkha c'est aussi mettrz fin à la cessation de dukkha, alors a quoi aboutit t-on ? On ne gagne rien du tout au final ?

Nibbana serait alors un état au délà même des notions et état de dukkha et cessation de dukkha.
Peut être le Sutra du Coeur de la Perfection de la Sagesse nous invite t-il à aller aussi au delà de nos propres conceptions de dukkha/cessation de dukkha, d'aller encore au delà de tout ce que l'on peut comprendre dans la formulation même des 4 Nobles Vérités, même dans leur langue originale.

Le langage même est dukkha (insatisfaisant) donc même avec les plus grandes précautions du monde, le langage n'est que le reflet de nos esprit et notre esprit, le mental, spontanément ne sait que s'exprimer en termes dualistes binaires.

Donc même la formulation des 4 Nobles Vérité est Dukkha. Le mot même de Vérité est dukkha car il implique, implicitement automatiquement la notion de mensonge ou de fausseté ou d'erreur. Vérité/Erreur, Correct/Incorrect. Des expressions conventionnelles dont on ne peut se passer pendant un moment mais dont il faut bien comprendre qu'elles sont elles aussi dukkha. Même les enseignements portés à l'écrit du Bouddha sont aussi entachés de Dukkha, aussi sacrés et purs soient-ils car ils passent par le vecteur de la parole et de l'écrit, qui sont des vecteurs insatisfaisants à traduit la réalité, l'expérience de Nibbana.

Peut être que ce soucis a été en partie contourné dans l'état d'esprit propre à la naissance du Zen, enseignement sans mots, transmis par la geste, regardez aussi le principe même des koan, ou l'on ne cherche pas à répondre à la question au fond, car la réponse est absurde vu que la question est défis le sens commun. Donc on cherche à se détacher du sens des mots, du piège des concepts liés aux mots.
Est ce que vous comprenez ce que je veux dire ?

Je sais que c'est choquant par exemple peut être à entendre pour nos amis du Théravada mais même les textes les mieux conservés des Sutras du Bouddha sont aussi entachés par dukkha, ils sont aussi dans le samsara et n'échappent pas à dukkha qui est partout, dukkha aussi est dans la langue écrite, même si elle est écrite par des sages et arahants ayant côtoyés le Bouddha en personne, ce n'est pas de leur faute c'est simplement que l'instrument, le vecteur : le langage écrit, parlé, reste fondamentalement vicié, imparfait, car issu des concepts du mental, il y a forcément appauvrissement et dénaturation au moment du passage à l'oral et à l'écrit. Il y a une analyse là dessus très intéressante de Sangharakshita (je parle rarement de ce pratiquant là car je suis très embarrassé le concernant, il a je crois dit des choses très profondes mais s'est aussi causé grand tort par une certaine conduite dont il a reconnu lui même qu'elle était une erreur et cette conduite a fait du tort a pas mal de gens je crois).

Donc évidemment, les écrits du Théravada sont importants car ils sont sans doute ce qui se rapproche du "moins" déformé possible en terme d’écrits originaux, mais l'écrits même est dukkha, je crois qu'il faut aussi en être conscient afin d'éviter le piège du culte des textes sacrés, de l'attachement aux textes sacrés, comme le préconise le Bouddha justement qui était sans doute conscient que le vecteur de propagation principal de son Dharma était, faute de mieux, mal-pratique. Et il n'a rien écrit. Comprenez bien que je ne souhaite manquer de respect à personne. Je m'applique aussi ce que je constate, au travers de mes propres écrits et paroles et comme faisant aussi parti du samsara et aussi entaché par dukkha dans ma nature même. Et tentant désespérément de faire comprendre quelque chose qui pour moi est au fond une évidence en sachant que ce ne sera pas forcément le cas pour tout le monde. Pour le moment tout ce que je viens d'écrit est "très clair" pour moi, c'est "limpide", "véridique", cela "saute aux yeux", c'est une "évidence". Vous comprenez ? Mais je n'ai pas le pouvoir avec mes mots de vous faire "voir" ce que je vois, si vous ne le comprenez pas déjà vous même. Et ce n'est pas garantie. Certains ici peuvent parfaitement ne pas être d'accord.

Est ce que vous adhérez ou non a cette vue ? Personnellement et sincèrement je la crois correcte et lucide. A vous de voir.
Non pas défaitiste mais réaliste. Conforme à une observation sans concession de la réalité des choses. Analyse qui peut d'ailleurs s'appliqué au tout texte sacré, cela se vérifies aussi dans les Évangiles (Jésus n'a rien écrit) et le Coran (ou là c'est pire puisque Muhammad n'écrit rien de lui même, il est sensé porté à l'écrit la parole d'un dieu, ce qui revient à couler celle-ci dans le bronze et l'on voit ce que cela donne).
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jules
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Compagnon : Si l'on définit la cessation de dukkha comme le Bonheur ultime durablement installé, si dukkha cesse, le bonheur aussi.
Donc peut être peut-on dire que même l'énoncé des 4 Nobles Vérité est dukkha, puisque la formulation aboutit à un résultat insatisfaisant, absurde. La quête de la cessation de dukkha mène à la disparition du fruit même de la quête entamée ! Mettre fin à dukkha c'est aussi mettrz fin à la cessation de dukkha, alors a quoi aboutit t-on ? On ne gagne rien du tout au final ?
J'avais lu quelque part que pour le sage, il n'existe ni bonheur ni malheur.
ted

Compagnon a écrit :
20 mai 2017, 07:46
Est ce que vous adhérez ou non a cette vue ? Personnellement et sincèrement je la crois correcte et lucide. A vous de voir.
Je suis content que tu prennes conscience de samkhara-dukkha, mais ce que tu dis n'a rien de surprenant pour un bouddhiste. :oops: A condition que tu aie bien conscience de tenir un discours erroné. :D Comment pourrait-il en être autrement ? Ton discours est imprégné de dukkha, imprégné d'ignorance, imprégné de souffrance. Comment pourrait-il être juste tant que tu n'es pas éveillé ? :)

Le doigt ne sera jamais la lune. L'enseignement du Bouddha, c'est un doigt qui montre la lune. Il est délivré dans le monde phénoménal et, à ce titre, comme tous les phénomènes, il est vide (anatta), insatisfaisant (dukkha) et impermanent (anicca).

Donc, en gros, est-ce que tu mets les gens en garde en leur demandant de ne pas s'attacher à l'enseignement ? Qui ne serait pas une Vérité en soi ? Baaaahh... C'est simplement la parabole du Dharma qui est un radeau et que nous allons abandonner en atteignant l'autre rive. :oops: Le bouddhisme est une pratique. C'est simple.

Il vaut mieux évoquer, à mon avis, la destination du radeau : L'EVEIL, la fin de la souffrance. :) A priori, c'est le B.A. BA du bouddhiste de savoir que le Dharma est un radeau. Je pense qu'on le sait tous ici.

Cette destination que tu sembles effleurer de manière assez floue, :) loveeeee oui, elle est au delà de la souffrance et de l'absence de souffrance. Oui à partir de ce constat, on ne peut plus rien en dire, parce que ça devient une réalisation. C'est pratique, indescriptible, inconcevable.

Rappel
  • Les trois types de dukkha

    - dukkha-dukkha (la souffrance grossière, liée au quotidien)
    - viparinama-dukkha (souffrance causée par le changement).
    - samkhara-dukkha (la souffrance structurelle, existentielle, inhérente aux états conditionnés, la souffrance la plus profonde).
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axiste
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Les mots sont des outils, juste cela. Nous les manions selon nos états d'esprit. Les mots n'y sont pour rien.
Je suis d'accord avec Ted, les enseignements pointent vers la lune et puis... il y a d'abord la pratique.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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yves
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Compagnon a écrit :
20 mai 2017, 07:46
Est ce que vous adhérez ou non a cette vue ?
j'ai une compréhension très différente:

dukkha n'est pas dans les pensées (ou concept)/sensations/émotions qui sont simplement l'expression de la vie nous traversant

dukkha est l'attachement aux pensées/sensations/émotions comme notre
ted a écrit :
20 mai 2017, 10:27
Dharma qui est un radeau
le dharma n'est pas un radeau, tout est le dharma

le radeau c'est l'octuple sentier ou le dzogchen etc etc qui ne sont qu'une partie du dharma
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
Compagnon

Les 2 vues ne sont pas incompatibles je pense.
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yves
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je n'arrive pas à concilier les 2

l'une dit: "le monde est une erreur"

l'autre: "le monde se déroule exactement comme il doit le faire"
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
Compagnon

Notre perception du monde est incorrecte n'est pas la même chose que le monde est une erreur.
Dire que le monde ne tourne pas rond ne signifie par que le monde est une erreur, il signifie que quelque chose ne tourne pas comme cela devrait. C'est une nuance de taille. Lorsque une roue ne tourne pas de façon lisse autour de son essieu cela ne signifie pas que la roue est une erreur ou que l'essieu est une erreur, mais qu'il y a un dysfonctionnement. Ce n'est pas pour autant qu'il faut jeter la roue et l'essieu au rebut.

D'un coté on dit : samsara est dukkha.
De l'autre : samsara ne peut pas être autre chose que dukkha.

Dukkha n'est pas une "erreur" (jugement de valeur) c'est un constat, une prise de conscience quand à l'état structurel de la réalité.

Et ce constat, cette prise de conscience est quelque part nécessaire, et ce dysfonctionnement aussi est nécessire, sans dukkha par de démarche pour se libérer de dukkha. Un "mal nécessaire" peut être ? Pas de cessation de dukkha sans dukkha.

Peut être aussi que, en raison de notre perception défaillante, nous percevons et ressentons un dysfonctionnement là ou fondamentalement il n'y en a pas. Et donc que ce n'est pas dukkha qui est problématique mais notre perception du monde.
Si nous levons les voiles peut être constate t'on qu'il n'y a jamais eu de dukkha comme le Zen dit parfois qu'il n'y a rien a accomplir, simplement être ce que l'on est, être vraiment, pleinement et non pas acquérir quoi que ce soit. Puisque tout est déjà là.
ted

Yves
Tu sais bien que dharma a plusieurs sens.
Ca peut être le Dharma, sorte de grande loi universelle.

Ou le Dharma du Bouddha, dans ce cas, son enseignement, le Boudhadharma

Ou les Dharmas, c'est à dire les grandes règles, les grandes lois, les grandes traditions, les grandes religions.

Ou les dharmas=les phénomènes. Exemple : tous les dharmas sont sans soi.

De plus, Yves, nous sommes dans l'ignorance et donc nous ne pouvons accueillir la vérité du monde. C'est comme la grenouille qui est dans le puit, et à qui on essaye de décrire la mer. Il lui est impossible d'imaginer une telle étendue d'eau.

Même si un Bouddha apparaissait à l'instant devant nous, sous la forme d'un passant, d'un oiseau, d'une fleur, ou d'un concours de circonstances, nous ne saurions pas le reconnaître. Un Bouddha peut en effet se manifester sous la forme d'un enchaînement d'événements. C'est très spécial un Bouddha. Ce n'est ni ici, ni là.

Qu'est ce qui vient ainsi
Ce n'est pas quelque chose
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