Intention et karma ?

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jules
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Je n’ai pas résisté à reprendre ce sujet qui me semble très intéressant à explorer. anjalimetta
ted a écrit :
25 juin 2017, 12:15
jules a écrit :
25 juin 2017, 11:48
En fait, peut-être même que l'enfer est ce truc brûlant pavé d'intentions (tout court). :?:
Pas du tout. L'esprit d'éveil est une intention.
Oui je suis d'accord, je pense aussi qu’il est une intention.

Disons que lorsque je me posais la question de savoir si l’enfer ne serait pas pavé d’intentions (tout court), je faisais référence à l’intention dans le sens où elle signifie généralement que le moi en est l'origine, ajoutant entre parenthèse l'évidence qu’une bonne intention ou une mauvaise intention prend toujours naissance dans le moi.

De plus dans la configuration où c’est le moi qui produit l’intention, il m’apparaît qu’il ne peut y avoir véritablement justesse, ce qui impliquerait grossièrement que le moi étant à l’origine d’un acte ne pourrait que créer des enfers plus ou moins brûlants.

A contrario, on pourrait parler de l’esprit d’éveil dans son sens impersonnel, aspect qui justifierait de parler de lui comme esprit d’éveil justement, c'est à dire comme cette intention impersonnelle qui n'est pas toujours très claire au début, mais que nourrit néanmoins d'une certaine façon à son insu le cheminant par la sincérité de sa pratique, et qui le conduit petit à petit à s'oublier lui-même pour le bien de tous les êtres. On pourrait parler dans ce sens d'une sorte de force, d'une sorte d'intention impersonnelle agissante, un peu comme si la sagesse s'évertuait à conduire le cheminant jusqu'à elle.

Et pour finir, on pourrait dire probablement que les Bouddhas sont directement connectés à cette Intention, et que de cette façon, il n'ont plus à avoir recours à l'intention telle que nous l'entendons généralement, à une intention personnelle. Dumè disait d'ailleurs qu'un Bouddha ne peut plus se tromper. Peut-être est-ce pour cette raison ?


jap_8
ted

jules a écrit :
25 juin 2017, 14:36
Et pour finir, on pourrait dire probablement que les Bouddhas sont directement connectés à cette Intention, et que de cette façon, il n'ont plus à avoir recours à l'intention telle que nous l'entendons généralement, à une intention personnelle. Dumè disait d'ailleurs qu'un Bouddha ne peut plus se tromper. Peut-être est-ce pour cette raison ?

jap_8
Tentative de réification du non-soi, en lui collant une source extérieure aux Bouddhas et qui serait détentrice d'une sagesse infinie. Une sorte de Soi Universel. D'Intention Universelle. La Perfection Divine n'est pas bien loin. :roll:

Tu es en train de réinventer l'hindouisme.

Bref. Une vue erronée, du point de vue bouddhiste.

PS : Dumè écrivait des livres trop bizarres. :D
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jules
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Je ne dirais pas un soi universel, mais plutôt une énergie de sagesse universelle. Y-a pas un nom pour ça dans le Bouddhisme ? :oops:

Prajna peut-être :?:
Compagnon

Si l'intention est la compassion pour soi et pour l'autre, si il n'y a pas de recherche de la satisfaction purement égoïste dans l'intention, si l'intention est éclairée par la sagesse de l'inter-être ou de l'interdépendance, alors elle doit produire du karma favorable. Toutefois, cela ne signifie par que la concrétisation se fera (du moins c'est ce que j'ai compris en vous lisant ici).
A savoir que je peux parfaitement agir avec un intention correct, juste, mais malheureusement, en raison d'un jeu de circonstances défavorable, je n'obtiendrais pas le résultat escompté suite à mon action. Toutefois, même si le résultat escompté n'est pas au rendez-vous, j'aurais tout de même accumulé du karma favorable qui aura forcément un retentissement dans l'avenir un jour l'autre.

D'après "Le Bouddhisme pour les Nuls", dans la description du Noble Sentier Octuple, la Pensée Juste ou Parfaite appelée aussi Intention Juste ou Parfaite est caractérisée par :
- l'abandon de l'égoïsme, source de dukkha pour soi et les autres.
- le développement de l'altruisme source de bonheur pour soi et les autres.

Donc si mon intention a pour but le soucis d'autrui autant que le mien, voir surtout le soucis d'autrui le tout par compassion (pour que dukkha cesse pour l'autre comme pour moi) alors je suis sur la bonne voie. Si je me soucis des conséquences de mes actes pour l'autre quand j'essais d'assouvir mes propres désir, et que j'en tiens compte pour ne pas causer de tort à autrui, c'est déjà pas mal mais pas encore parfait.

Si on veut utiliser un "guide" ou un "critère" ou un "filtre" pour déterminer si la pensée que l'on a, l'action ou la parole que l'on s'apprête à réaliser, son favorable ou défavorable pour nous en matière de karma, alors la compassion, le critère de la compassion (dans le sens que lui donne le bouddhisme), est un référentiel efficace, sûre, peut être le seul. Ou alors les filtre altruisme/égoïsme aussi.

Quand je pense, est ce que je ne pense qu'a moi ou aussi à l'autre ?
Quand je parle est ce que je me soucis de celui qui écoute ou pas ? De ce que mes mots vont avoir comme effet sur l'autre ou pas ? Si mes mots vises à me plaire à moi ou a apporter quelque chose de positif à l'autre ? Ou les 2 ?
Quand j'agis je le fait pour qui ? Pour quoi ? Pour moi ? Pour l'autre ou les 2 ?

Sur le principe cela ne me paraît pas très compliqué comme méthode. Cela nécessite juste discipline, vigilance constante vis à vis de notre mental. La mise en pratique est sans doute difficile au début mais elle doit l'être de moi en moins à mesure que la routine "altruiste" prend le pas sur nos routines égoïstes habituelles précédentes. En fait on substitue un nouveau programme automatique du mental à un précédent. On se "reprogramme".
ted

Compagnon a écrit :
25 juin 2017, 15:23
A savoir que je peux parfaitement agir avec un intention correct, juste, mais malheureusement, en raison d'un jeu de circonstances défavorable, je n'obtiendrais pas le résultat escompté suite à mon action.

Toutefois, même si le résultat escompté n'est pas au rendez-vous, j'aurais tout de même accumulé du karma favorable qui aura forcément un retentissement dans l'avenir un jour l'autre.
Si l'intention est bonne au départ mais que le résultat n'est pas au rendez-vous, je ne crois pas qu'on accumule du karma favorable ? :roll:

La voie karmique n'est pas complète et donc, ce qui vaut pour le mauvais karma, vaut pour le bon karma aussi. Sinon, il suffirait d'une pensée, d'une intention défavorable pour finir en enfer.

Comme l'expliquait Zopa, la voie karmique est complète quand quatre conditions sont réunies :
Zopa2 a écrit :
28 avril 2017, 21:22
Le Lamrim distingue en effet des actions (karma) complètes aux résultats certains avec des actions non complètes aux résultats incertains. On dit aussi voie karmique complète et voie karmique incomplète. Pour qu'il y ait voie karmique complète, il faut la présence de 4 facteurs :

1-L'intention ( peut être vertueuse, non vertueuse ou neutre )
2-l'objet ( dans mon exemple, la fourmi)
3- l'action proprement dite
4- le résultat de l'action (son aboutissement, le fait qu'elle soit accomplie entièrement et produise un résultat sur son objet) et le fait d'éprouver de la satisfaction (se réjouir de) d'avoir accompli cette action.

Le Lamrim dit que si ces 4 facteurs sont présents, les trois types de résultats karmiques pourront être expérimentés.
ted

Attention : il ne faut pas généraliser les voies karmiques incomplètes.

Chaque fois qu'on ressent une sensation agréable, désagréable ou neutre, c'est une voie karmique complète qui a abouti... Donc, dans une journée, il y en a un très grand nombre. On peut le constater par soi même.

Concrètement, si on rend service régulièrement à des gens et que ces personnes sont contentes, on accumule des mérites. Du bon karma.

Si un jour qu'on est parti rendre service, on y arrive pas, car coincé dans un embouteillage, on appelle les personnes concernées et on s'excuse. Il y avait l'intention mais pas l'action. Le résultat est incertain. Ca peut se comprendre. Peut être que les gens qu'on devait dépanner comprendront ? Ou peut-être qu'ils nous en voudront.

Mais, en général, être coincé dans un embouteillage et devoir annuler est l'exception. Et compte peu par rapport au nombre de fois où nous avons rendu le service jusqu'au bout.
ted

De même, une personne qui souhaite la mort de quelqu'un se fera peut-être du karma négatif. Ou peut-être pas. La voie karmique étant incomplète.

Mais si elle tue réellement cette personne et s'en réjouit, le karma négatif est certain.
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jules
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Compagnon : Quand j'agis je le fait pour qui ? Pour quoi ? Pour moi ? Pour l'autre ou les 2 ?
Je dirais, agir mushotoku (sans but) comme on dit dans le zen. L’action qui possède un but n’a pas le pouvoir de dépasser l’aspect limité de nos conceptions dont la caractéristique est de confiner l’action à un idéal (illusoire) de justesse.
ted

jules a écrit :
26 juin 2017, 11:02
Compagnon a écrit :Quand j'agis je le fait pour qui ? Pour quoi ? Pour moi ? Pour l'autre ou les 2 ?
Je dirais, agir mushotoku (sans but) comme on dit dans le zen. L’action qui possède un but n’a pas le pouvoir de dépasser l’aspect limité de nos conceptions dont la caractéristique est de confiner l’action à un idéal (illusoire) de justesse.
C'est exactement ça. Mushotoku.
Ou encore, le non-agir.
L'art de produire une action sans personne qui agit.
Car si on injecte du soi à l'entrée, on le retrouve à la sortie. Et alors, l'action est dite "contaminée" (contaminée par la saisie du soi).
On parle alors de karma contaminé.

C'est pour ça qu'on dit que les Bouddhas n'ont pas de volonté propre, tout en faisant des actions justes.

C'est difficile d'accepter cette notion de justesse impersonnelle sans lui attribuer une source. A croire que l'homme a toujours besoin de projeter des qualités sur un interlocuteur. Un être supérieur, suprême etc...

Pourtant, il y a quelque chose dans l'air, qui n'a ni nom, ni forme, qui n'est pas né, qui est inconcevable et qui est harmonieux par essence.

On pourra toujours dépouiller toutes les religions de leurs attributs, rites et rituels, et devenir un matérialiste athée et sceptique, on ne pourra que constater des anomalies cinglantes :
  • l'univers, livré à lui même, a évolué vers un système ordonné, au lieu de sombrer dans l'entropie.
  • des constantes harmonieuses comme le nombre d'or φ (phi) 2.61803398875, se retrouvent au coeur de nombreux phénomènes.
  • la méditation éveille des sagesses impersonnelles auxquelles le méditant peut s'abandonner.
Le bouddhisme n'apporte pas de réponses à ces étranges constats, se contentant de montrer du doigt la satisfaction d'avoir mis fin à la souffrance.
ted

On pourrait se demander à quoi sert d'être gentil. Si cette attitude ne nous ouvrait pas les portes de l'univers tout en nous accordant des facultés prodigieuses. Qu'il ne faut surtout pas mettre au service d'un égo (on imagine les dégâts).
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