Satori et Kensho

Dumè Antoni

Je vous propose ici un texte de mon cru que j'avais rédigé il y a quelques temps et que les lecteurs de Nangpa ne connaissent peut-être pas. Comme il s'agit d'un texte un peu long, je le propose en plusieurs posts. Je vous remercie de ne pas apporter de commentaires avant la fin. Le texte original contient des notes de bas de page que je ne reprendrai pas ici.
Remarque : le début du texte concerne les makyo que j'avais copié sur le fil "Dharmakaya". Si vous connaissez ce passage vous pouvez donc passer au post suivant.
Bonne lecture :lol:
-*- Le mot « satori » a été rendu célèbre par D.T. Suzuki avec ses « Essais sur le Bouddhisme Zen ». Son équivalent, le kensho, est moins connu, à l’exception de la population zeniste. Il est l’équivalent japonais de l’Eveil du Bouddha. Avoir le satori signifie donc être un Bouddha. Cependant, les choses ne sont pas aussi simples (voire simplistes) et quelques explications sur cette question du satori et/ou du kensho m’ont parues nécessaires.

Avant d’aborder la question du satori ou du kensho dans le Zen, il convient de préciser ce qu’est un makyo.

Dans le Zen, un makyo est une expérience "mystique" non sapientiale . Elle accompagne souvent un samadhi et, à cause de son intensité, est parfois prise (à tort) pour un kensho. Il ne s'agit de rien de plus qu'un fantasme. Il importe donc de bien détecter les makyo d'une véritable expérience zen (kensho), laquelle est non seulement visionnaire mais également sapientiale. Les kôans secondaires sont d'ailleurs destinés à prouver que l'expérience visionnaire est également sapientiale, ce qui évite les erreurs graves. Il est donc important, quand on fait une expérience "mystique" de ne pas se tromper (d'où l'importance de la confrontation au maître).

Je vous propose un exemple de makyo relaté par Hakuin et rapporté dans un ouvrage ("Contes du buisson épineux" de Myoki Soseki) :

Il y avait une vieille femme qui habitait Hara qui entendit Hakuin dire dans une conférence : "L'esprit est la Terre Pure et le Corps lui-même le Bouddha Amitaha. Lorsque apparaît le Bouddha Amitabha, les montagnes, les rivières, les arbres et les brins d'herbe irradient une grande lumière". Cette dame trouva la formule un peu énigmatique. Elle y pensait jours et nuits. Un jour, alors qu'elle lavait un récipient, une grande lumière jaillit dans son esprit. Elle laissa tomber son récipient et accourut vers Hakuin : "Le Bouddha Amitabha est entré en moi. Les montagnes, les rivières, les arbres et les brins d'herbe rayonnent magnifiquement. C'est merveilleux !". Hakuin répondit : "Rien ne peut briller dans ton orifice anal !". Elle le poussa et cria : "Ah, on voit bien que tu n'es pas encore illuminé, toi !". Hakuin éclata de rire.

Cette histoire montre que la femme a eu une expérience visionnaire proprement merveilleuse. Elle collait exactement à ce que disait Hakuin et était la conséquence d'une grande fixation mentale (samadhi "indirect") puisque elle y pensait jour et nuit. Pourtant, elle n'a rien réalisé parce que rien, dans ce qu'elle avait expérimenté, n'était sapiential, c'est à dire de nature à lui faire comprendre, sans qu'aucun doute ne vienne troubler cette compréhension, la véritable nature de la Terre Pure et qui est Amitabha. Elle avait pris les mots d'Hakuin à la lettre (au point de les rapporter littéralement) et une expérience de type fantasmagorique lui était arrivée. Dans la mystique chrétienne, on aurait sans doute volontiers associé cette expérience à une expérience mystique. Ça n'aurait pas été Amitabha mais peut-être des anges ou encore la Vierge. Et cette dame aurait sans doute été considérée comme une sainte ou une grande mystique . Mais dans le Zen, l'expérience de cette dame ne vaut rien. C'est un makyo. Et Hakuin ne mâche pas ses mots puisqu'il lui dit : "Rien ne peut briller dans ton orifice anal !". Si elle avait été un bonze, il aurait pris 30 coups de bâton.

Cela étant, il ne faut pas ridiculiser les personnes qui ont des makyo ni dévaloriser cette expérience. Ce genre d'expérience arrive fréquemment dans la pratique et signe généralement une intense concentration prolongée (samadhi). A titre personnel, j'avais fait une expérience de ce genre après Powa . A cette époque, je pratiquais également le Hatha Yoga avec André Van Lysebeth (je ne pratiquais pas encore le Zen). Quand je lui ai raconté mon expérience (renouvelable à volonté), il m'a dit que j'avais ouvert un chakra (Van Lysebeth avait été un adepte du tantrisme avant de devenir le professeur célèbre, aujourd'hui disparu, que certains ont peut-être connu). Bien que cette expérience m'ait profondément marqué à l'époque, avec le Zen, j'ai compris que ce n'était qu'un makyo. Donc, rien qui vaille la peine qu'on s'y attarde.

Donc, la différence entre un kensho (ou un satori) et un makyo est l'aspect sapiental dont le makyo est privé. Un autre makyo possible est l'expérience d'un blackout assimilé à la vacuité. Hakuin disait que "le Dharmakaya, bien que brillant, est noir comme laque". Mais "noir comme laque" ne signifie pas "blackout total". Cela signifie que le "Grand Miroir Parfait" est impénétrable à la vue (dualiste) car il ne peut se révéler à lui-même qu'en étant lui-même par un mouvement de retournement. Et le retournement de l'esprit sur lui-même révèle sa propre Vacuité. Cette révélation est non seulement visionnaire mais également sapientale car la vacuité est reconnue comme la nature même de l'esprit. Et cela est la "brillance" du Dharmakaya (dans la bouche d'Hakuin), c'est à dire sa "Clarté " qui en définit son aspect sapiental.

Un makyo peut prendre plusieurs formes. Au sens littéral, les makyo sont des "fantômes" qui s'accrochent à des arbres ou aux herbes (c'est comme ça, semble-t-il, qu'on se représente les fantômes au Japon). Certains maîtres zen avancent même que le souhait (du Bodhisattva) de libérer tous les êtres du samsara relève d'une forme de makyo. Et alors, ce makyo est le dernier obstacle à passer pour atteindre la libération totale et définitive. Le dernier Makyo de Çakyamuni lui avait été envoyé par Mara . En fait, les makyo sont autant des obstacles que des mesures de la progression sur le sentier (et en cela, ils sont utiles). Passer les obstacles signifie simplement "ne pas se laisser abuser par nos croyances" (par nos makyo). On peut donc parfaitement être sous l'emprise d'un makyo toute sa vie. Il faut se rappeler que les makyo accompagnent la pratique du méditant jusqu'à la libération complète et définitive. De fait, quand un kensho est considéré comme un éveil complet (par certains méditants qui ne se font pas suivre par des maîtres qualifiés), ce kensho là, bien qu'authentique, est en réalité un makyo (mais d'une forme très subtile). Heureusement, il ne dure pas indéfiniment car le méditant est bien obligé de réaliser qu'il n'est pas totalement libéré (s'il vit suffisamment de temps pour ça et s'il se confronte à des obstacles qui vont lui faire réaliser qu'il est encore sous l'emprise de situations adverses). Je n'ai pas connaissance, dans le Zen, de méditants qui aient volontairement abandonné la pratique après le premier kensho au prétexte qu'ils étaient arrivés au bout. Ce qui montre que le kensho n’est pas, fondamentalement, de la nature de l’illusion. Quand on pense être arrivé au bout et qu'on s'y tient alors que ce n'est pas le cas, cela prouve simplement que la profondeur du kensho était insuffisante. C'est le seul cas où l'on peut parler de régression du kensho en ce sens qu'il s'est tout bonnement transformé, subtilement, en makyo. On voit qu'il est très important de ne pas sous-estimer les makyo.

à suivre
Dernière modification par Dumè Antoni le 15 mars 2016, 17:53, modifié 1 fois.
Dumè Antoni

Après avoir quelque peu parlé des makyo, je voudrais à présent discuter de cette question essentielle sans quoi le Zen n'existerait pas, c'est à dire le satori (ou kensho).

D.T. Suzuki affirmait - dans ses essais sur le Bouddhisme Zen - qu'il n'existait pas de Zen sans satori. En fait, quand on sait que la traduction de satori est l'Eveil Parfait et Insurpassable , on peut dire qu'il n'existe tout simplement pas de Bouddhisme sans satori.

Mais ce mot a largement été galvaudé. Il n'est pas rare, en effet, que des personnes affirment avoir eu plusieurs satori, associant ainsi allègrement leurs makyo (parfois sous substances hallucinogènes) au plus haut degré de la réalisation dans le Zen. Quand ce n'est pas la pratique de zazen elle-même qui est associée au satori, faisant prendre ainsi la maladie pour le remède (ce qui est une forme bien plus grave de makyo).

Le satori est associé au 8ème tableau du dressage du buffle, c'est à dire à la réalisation du Dharmakaya. Mais comme les Trois Corps du Bouddha ne sont pas dissociables, le satori est en fait associé aux trois derniers tableaux du dressage du buffle. Le satori est donc, contrairement au kensho, non seulement visionnaire et sapiental (et non régressif) mais également libérateur.

Cela étant, kensho et satori relèvent d'une même sorte d'expérience. Pourquoi, alors, le satori est-il libérateur alors que le kensho ne l'est pas (encore) ? Cela tient au fait que le Zen est à la fois une pratique abrupte et progressive. La pratique est abrupte parce que le kensho comme le satori sont des solutions de continuité dans la pratique. Et progressive parce qu'au stade du kensho, la pratique doit être poursuivie jusqu'à la maturation. Ce qui fait que la pratique du Zen n'est pas linéaire. En fait, kensho et satori sont l'alpha et l'oméga du Zen. Je disais ailleurs que le kensho était la "preuve" de sa nature de Bouddha. Le satori est non seulement la preuve ; il en est l'expression la plus achevée. Pour imager, on pourrait dire que le kensho est la fleur et le satori, le fruit.

La notion de preuve est peut-être un peu difficile à comprendre. Quand je dis que le kensho est la preuve de sa nature de Bouddha, cela signifie deux choses : 1) d'abord et évidemment parce que cette nature de Bouddha existe (sinon, par définition, on ne pourrait pas la prouver) et 2) que cette nature de Bouddha a été expérimentée et réalisée.

La réalisation n'est pas une compréhension intellectuelle. Quand on comprend quelque chose intellectuellement, l'objet de la compréhension est extérieur à soi. Ainsi, par exemple, la vacuité comme synonyme d'interdépendance des phénomènes résulte d'abord d'un raisonnement. Cette vacuité n'est pas réalisée même si on peut prouver logiquement qu'aucun phénomène n'existe de façon indépendante. Même la physique quantique a montré que l'observateur d'une expérience modifiait ou influençait le résultat. L'expérience idéalisée la plus significative à ce sujet est celle du chat de Schrödinger .

Ainsi, si l'on voulait réaliser la vacuité sous l'angle d'une expérience à partir d'une compréhension intellectuelle, on n'obtiendrait pas une réelle expérience zen de type kensho ou satori. On ferait une expérience de type blackout, parce que, précisément, il faudrait vider cette vacuité d'elle-même ou les objets d'eux-mêmes. Dans "vide de", on enlève quelque chose. Alors que dans l'expérience du kensho ou du satori, rien n'est retiré. Rien n'est retiré parce qu'on devient la vacuité et que cela est la nature propre de l'esprit comme des phénomènes et qu'il n'y a rien à retirer de là.

Comment fait-on pour devenir la vacuité ? C'est simplement par retournement de l'esprit sur lui-même. Se retournant sur lui-même, l'esprit ne se projette pas dans l'expérience (comme objet d'expérience) pas plus qu'il ne se retire de celle-ci en se niant. Il se découvre tel qu'il est : vide. Il n'y a pas d'esprit (le miroir est brisé). Pourtant, il y a le savoir. Il n'y a donc pas rien. L'esprit sait qu'il est vide. Il le sait parce que sa nature est sapientale mais aussi parce qu'il le voit .

Mais comment sait-il et voit-il qu'il est vide ? Quand on regarde une étoile lointaine, il nous faut un télescope parce qu'il existe une distance entre nous et l'étoile. Même avec un très bon télescope, qui puisse nous rapprocher au plus près de l'étoile, cette distance existe néanmoins et si on nous demandait de prendre un morceau de cette étoile dans une main, nous en serions bien évidemment incapables. Mais quand nous faisons l'expérience zen du kensho ou du satori, nous sommes capables de prendre ce bout d'étoile. Ça pourrait d'ailleurs faire un kôan secondaire qui pourrait s'énoncer ainsi : "Sans te déplacer et sans artifice, ramène-moi un caillou de la planète Vénus". Cela paraît relever du prodige et, d'une certaine façon, c'en est un, mais c'est cela réaliser la vacuité ! Parce qu'il n'y a plus d'objet de la Connaissance qui soit extérieur. L'esprit du méditant a littéralement plongé en lui-même et a explosé ses propres limites en réalisant sa propre vacuité. Alors, évidemment, vous ne ramènerez aucun caillou de Vénus ou d'ailleurs au commun des mortels, mais si c'est votre maître qui vous le demande, votre maître voit que ce caillou, vous l'avez et pouvez le lui remettre. En cela est le véritable secret (ou joyau) du Zen.

Donc, comprendre intellectuellement revient à regarder le monde à travers un télescope ou des lorgnettes. Réaliser, dans le sens du Zen, c'est voir sans télescope ou sans lorgnette parce qu'on est ce qu'on voit.

Evidemment, tout ceci n'est vraiment compréhensible qu'à celles et ceux qui ont réalisé la Vacuité. Sinon, ça pourrait ressembler à du Lobsang Rampa. Cependant, le point de vue matérialiste ne serait pas meilleur .

Donc, kensho et satori se ressemblent pour ce qui est de la nature de l'expérience elle-même et des "pouvoirs" associés qui sont en réalité des "points clés" qui permettent aux maîtres de vérifier, grâce aux kôans secondaires, que l'expérience a été non seulement visionnaire mais également sapientale. Dans le cas contraire, soit l'expérience est simplement visionnaire (le méditant a eu la sensation des devenir aussi grand que l'univers, par exemple) et il s'agit d'un makyo "hallucinatoire", soit il n'y a pas eu d'expérience mais le processus est bien compris intellectuellement et alors c'est une autre forme de makyo, mais dans le sens de croyance (voire de superstition) car la vacuité n'a pas été vue.

On a donc bien compris que l’expérience du kensho ou du satori est assortie d’une réalisation en ce sens que la distance entre l’objet de l’expérience et celui qui la réalise a disparu. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut comprendre la disparition de l’esprit. Ce n’est pas parce que celui-ci s’est évanoui dans le néant qu’il a « disparu » mais parce qu’il s’est retourné sur lui-même et se voit lui-même tel qu’il est, c'est-à-dire vide. Il importe aussi de ne pas confondre avec le fait de ne pas trouver l’esprit . L’esprit c’est bien trouvé dans l’expérience ; il s’est même tellement trouvé qu’il n’y a plus rien qui lui soit extérieur.

Pour illustrer cela, je vais reprendre l’expérience du kensho de D.T. Suzuki qu’il raconte dans son livre « Derniers écrits au bord du Vide » . Le récit est un peu long, aussi je vais le résumer pour aller à l’essentiel :

« Au printemps 1892 , Shaku Soen fut nommé Abbé de Engagkuji (Kamakura) et je commençais à le fréquenter en sanzen (entretien particulier). Il me donna le « Mu » comme nouveau kôan voyant que je ne m’en sortais pas avec le « claquement d’une seule main ». Il pensait que je pourrais obtenir mon kensho plus vite et plus tôt avec Mu. Il ne m’apporta aucune aide pour la résolution et, après quelques séances de sanzen avec lui, je dois reconnaître que je n’avais plus rien à dire. »

« Suivirent quatre années d’âpre lutte, de combat mental, physique, moral, intellectuel. Je sentais qu’il était certainement assez facile de comprendre Mu dans son principe intellectuel, mais comment soutenir une relation vécue, sur le terrain de l’expérience, avec une chose aussi simple ? L’explication devait se trouver dans un livre. Je lus donc tous les livres zen sur lesquels je pouvais mettre la main. Bien que ma connaissance du chinois fût encore embryonnaire et que cela m’interdisait l’accès au sens de bon nombre de textes, je faisais de mon mieux pour recenser tout ce qui se rapportait à Mu intellectuellement.

« Ainsi engagé sur la voie de l’effort moral, je pris l’habitude de passer plusieurs nuits dans une grotte située à l’arrière du temple de Shariden, où une dent du Bouddha est conservée en relique. Mais il y avait encore en moi une fêlure dans la volonté, de sorte que je me laissais souvent aller à quitter la posture assise dos droit et que je cherchais de bons prétextes pour partir. J’étais très pris, pendant ces quatre ans, par différents écrits, notamment la traduction en japonais de l’Evangile du Bouddha du Dr. Carus, mais le kôan continuait tout le temps à me travailler dans les couches profondes de mon esprit. C’était sans doute mon souci dominant. Je me revois assis dans un champ, adossé à une meule de riz, me disant que si je n’arrivais pas à comprendre Mu, la vie n’avait plus de sens pour moi. Dès que je réalisais que je n’avais plus rien à dire sur Mu, je cessai d’aller voir Shaku Soen en sanzen, sauf pour le sosan ou sansen est obligatoire pendant la sesshin. Il était alors fréquent que le roshi me batte. »

« Il arrive souvent qu’une espèce de crise soit nécessaire dans la vie d’un homme pour le forcer à investir toute son énergie dans le kôan. Cette crise ou situation extrême survint pour moi lorsqu’il fut finalement convenu que je devais aller en Amérique pour aider le Dr. Carus à traduire le Tao Te King. Je compris que la sesshin de Rohatsu du prochain hiver 1896 était la dernière opportunité qui m’était offerte de participer à une sesshin et que si je ne parvenais pas, là, à résoudre mon kôan, jamais sans doute je ne serais capable de le faire. »

« Jusqu’à ce moment, j’avais toujours eu conscience que Mu occupait une place dans mon esprit. Or, tant que j’avais conscience de Mu, cela signifiait que je me considérais comme une entité séparée de Mu, et ce n’était pas là le vrai samadhi. Mais vers la fin de la sesshin, aux alentours du cinquième jour, je cessais d’être conscient de Mu. J’étais un avec Mu, le « même » que Mu, si bien qu’il ne restait plus de trace de séparation impliquée dans la conscience de Mu. C’est cela le vrai samadhi. »

« Et pourtant, cette forme de samadhi n’est pas encore complète. Il faut émerger de cet état, s’en réveiller, et cet éveil est prajna. Cet instant d’irruption hors du samadhi et de vision pénétrante de « ce qui est », voilà le satori. Lorsque je sortis du samadhi pendant la sesshin, je dis : « Je vois, c’est ça ».

« Je n’ai aucune idée du temps que je passai en samadhi. J’en fus réveillé par un son de cloche. Je me rendis au sanzen avec le roshi me posa quelques sassho ou questions tests sur Mu. Je répondis à chacune d’elles à l’exception d’une seule sur laquelle j’hésitai. Aussitôt, il me mit dehors. Mais le matin suivant, de très bonne heure, je me présentai en sanzen et cette fois je sus quoi répondre. »

« Je voudrais souligner l’importance de la prise de conscience de qui a été véritablement expérimenté. Après kensho, je n’étais pas complètement éveillé à mon expérience. C’était encore une sorte de rêve. Un degré plus profond de réalisation devait se révéler plus tard, aux Etats-Unis, lorsque j’entendis cette sentence zen : « Le coude ne s’ouvre pas vers l’extérieur ». Cela devint immédiatement clair à mes yeux. « Le coude ne s’ouvre pas vers l’extérieur » : cela semble décrire un état de contrainte, mais je vis en un instant que ce qui pouvait passer pour une restriction naturelle était en fait l’expression de la vraie liberté, et je sentis que toute la question du libre arbitre venait de se résoudre pour moi. Par la suite, je ne rencontrai plus aucune difficulté pour résoudre les kôans. Bien sûr, d’autres kôans sont nécessaires pour rendre kensho, l’expérience initiale, transparente, mais c’est elle qui demeure primordiale. Les autres viennent simplement pour compléter et rendre possible une compréhension plus profonde et plus claire de sa nature. »


Voilà pour ce qui est l’expérience du kensho que fit D.T. Suzuki, alors qu’il avait 26 ans. Il est bien évident que sans cette expérience, tous les ouvrages que D.T. Suzuki écrivit plus tard sur le Zen ne seraient que verbiage intellectuel. Mais Suzuki savait parfaitement de quoi il parlait.

à suivre
Dumè Antoni

Quelques passages du texte de D.T Suzuki méritent peut-être des éclaircissements.
D.T. Suzuki a écrit:
« Shaku Soen fut nommé Abbé de Engagkuji (Kamakura) et je commençais à le fréquenter en sanzen (entretien particulier). Il me donna le « Mu » comme nouveau kôan voyant que je ne m’en sortais pas avec le « claquement d’une seule main ». Il pensait que je pourrais obtenir mon kensho plus vite et plus tôt avec Mu. Il ne m’apporta aucune aide pour la résolution et, après quelques séances de sanzen avec lui, je dois reconnaître que je n’avais plus rien à dire ».
Le sanzen (entretien particulier) est essentiel dans la pratique du Zen. C'est lors de cet entretien privé que le maître teste son élève ou lui donne des indications pour sa pratique. Il est bien évident que ce que le maître dit à l'élève le concerne en propre. Aussi, les sanzen ne doivent pas servir de modèle pour tous. Bien entendu, il se peut aussi que le maître donne en sanzen des informations qui ont un intérêt général. Mais c'est essentiellement un entretien privé.

On apprend que D.T Suzuki avait travaillé sur le kôan "le claquement d'une seule main". Ce kôan lui avait été donné par le prédécesseur de Skaku Soen. Suzuki avait du mal avec ce kôan pour des raisons qu'il n'explique pas. Quoi qu'il en soit, il faut savoir que ce qui vaut pour Mu vaut également pour le "claquement d'une seule main" car ce n'est pas une réponse intellectuelle qui est demandée. Il faut aussi remarquer que le maître ne donne aucune indication pour résoudre le kôan. Le mot "résoudre" n'est pas très bon car il pose le kôan comme équivalent d'une énigme. C'est vrai qu'il est souvent posé en ce sens, mais ce qu'il faut résoudre, ce n'est pas le kôan, c'est soi-même. C'est pour cela qu'il faut faire "un" avec le kôan. On dit aussi "se confondre avec le kôan".
« Suivirent quatre années d’âpre lutte, de combat mental, physique, moral, intellectuel ».
Quand l'élève reçoit un kôan d'ouverture (« de l'oeil de l'esprit »), il doit faire intervenir toutes les ressources de son corps et de son mental. Il doit d'abord essayer de le résoudre intellectuellement car il est plus facile de prendre appui sur quelque chose qu'on pense comprendre. Mais une réponse intellectuelle ne suffit pas et le maître la rejette systématiquement. Non pas qu'il la considère comme mauvaise, mais parce que ce n'est pas le but du kôan. Suzuki passa donc quatre ans à tenter de prendre le kôan par tous les sens et cela fut éprouvant, tant physiquement que moralement.
« mais le kôan continuait tout le temps à me travailler dans les couches profondes de mon esprit. C’était sans doute mon souci dominant ».
Il importe de comprendre que lorsqu'on s'attelle à un kôan, on ne peut pas passer sa vie à l'avoir constamment consciemment à l'esprit. Il n'empêche que le kôan continue à travailler en profondeur, dans les couches inconscientes. Il arrive d'ailleurs fréquemment que des bribes de solutions apparaissent au réveil, le matin. C'est encore insuffisant, mais ça prouve qu'un travail se fait en profondeur, même à notre insu. Il n'est donc pas nécessaire d'être constamment conscient du kôan mais il faut qu'il soit suffisamment "attractif" pour que le travail en profondeur se fasse. Il importe donc que le kôan soit adapté à l'élève. Et ça, seul un maître peut le voir.
« Jusqu’à ce moment, j’avais toujours eu conscience que Mu occupait une place dans mon esprit. Or, tant que j’avais conscience de Mu, cela signifiait que je me considérais comme une entité séparée de Mu, et ce n’était pas là le vrai samadhi. Mais vers la fin de la sesshin, aux alentours du cinquième jour, je cessais d’être conscient de Mu. J’étais un avec Mu, le « même » que Mu, si bien qu’il ne restait plus de trace de séparation impliquée dans la conscience de Mu. C’est cela le vrai samadhi ».


Ce passage est très important. Suzuki prend conscience que sa pratique de Mu était dualiste. Même en étant très concentré, la distance entre lui et Mu ne cessait pas d'exister. En reprenant l'image du télescope, même avec un puissant télescope, on ne supprime pas la distance. C'est la vue dualiste. On peut garder longtemps et avec une vraie netteté une image mentale (visionnaire ou autre) on n'est pas dans le "vrai samadhi". Quand Suzuki est devenu Mu, la distance qui le séparait de son kôan avait disparu et là le kôan est apparu et cette apparition l'a fait disparaître de sa conscience. C'est l'état qui précède le kensho (ce n'est pas encore le kensho). Un état de samadhi où Mu a disparu ; mais cette disparition n'est celle de l'oubli ou de l'anéantissement. C'est la Vacuité.
« Et pourtant, cette forme de samadhi n’est pas encore complète. Il faut émerger de cet état, s’en réveiller, et cet éveil est prajna. Cet instant d’irruption hors du samadhi et de vision pénétrante de « ce qui est », voilà le satori. Lorsque je sortis du samadhi pendant la sesshin, je dis : « Je vois, c’est ça » »


« Je n’ai aucune idée du temps que je passai en samadhi. J’en fus réveillé par un son de cloche. »
Voilà l'aspect sapiential qui manquait pour "consommer" le kensho. Cet aspect, c'est l'éveil de Prajna. Et c'est grâce à Prajna que Suzuki peut dire "Je vois, c'est ça". Evidemment, Suzuki ne dit pas ce qu'il voit. C'est son expérience. Dôgen, par exemple, avait dit "Il n'y a ni corps, ni esprit". C'était sa façon de dire "Je vois, c'est ça". Ce qu'il a vu, ce qu'il a réalisé, il le dira à son maître en sanzen. Et son maître va le "tester". On ne sait pas combien de temps il est resté en samadhi (le "vrai"). Ce que nous savons, c'est qu'il en est sorti pour que s'exerce l'action de Prajna. Pour d'autres, l'aspect sapiential s'exerce durant le (vrai) samadhi, de façon quasi concomitante. Cela dépend des personnes.
« Je me rendis au sanzen avec le roshi qui me posa quelques sassho ou questions tests sur Mu. Je répondis à chacune d’elles à l’exception d’une seule sur laquelle j’hésitai. Aussitôt, il me mit dehors. Mais le matin suivant, de très bonne heure, je me présentai en sanzen et cette fois je sus quoi répondre »
Pendant le sanzen, le roshi lui a posé des kôans secondaires qui servent de tests. Certains de ces kôans sont troublants et il peut être difficile de les intégrer rapidement. Il est donc nécessaire de bien assimiler la réalisation de manière à l'adapter à différents cas de figure. On se souvient peut-être de l'histoire de Yamanaski quand la nonne lui dit "Cher laïc, ne vous contentez pas de peu ! Je suis déjà vieille et ne puis me lever sans l’aide de quelqu’un. Je vous prie de me faire lever, cher laïc, sans même bouger une seule de vos mains.". Yamanashi resta bouche bée. Il lui a fallu un certain temps pour faire le lien entre sa réalisation et ce que demandait la nonne. "me faire lever sans même bouger une seule de vos mains" est un kôan test du genre "apporte-moi une pierre de la planète Venus sans bouger" ou encore, quand l'officier qui fut chargé de retrouver le maître zen Myosho qui aimait les melons demanda à la cantonade face à une foule de clochards où se trouvait le maître zen : "Que celui qui aime les melons viennent le chercher sans les pieds", et Myosho fut découvert car il demanda à l'officier "Je le ferai si vous me le donnez sans les mains".
« Je voudrais souligner l’importance de la prise de conscience de qui a été véritablement expérimenté. Après kensho, je n’étais pas complètement éveillé à mon expérience. C’était encore une sorte de rêve. Un degré plus profond de réalisation devait se révéler plus tard, aux Etats-Unis, lorsque j’entendis cette sentence zen : « Le coude ne s’ouvre pas vers l’extérieur ». Cela devint immédiatement clair à mes yeux. »
Deuxième aspect fondamental du kensho. L'expérience visionnaire et sapientiale de sa vraie nature est une étape indispensable et proprement bouleversante. Mais elle doit être mûrie. Cette maturation du kensho ne veut pas dire ici que le kensho se transforme en une expérience libératrice. Cette maturation signifie qu'il existe une progression dans la pratique où ce que l'on a vu et réalisé prend une dimension définitive. C'est l'aspect "non régressif" du kensho. Il arrive souvent dans un deuxième temps, parfois, comme ici, très longtemps après l'expérience initiale. Sans elle, Suzuki aurait pu régresser. Mais cette deuxième réalisation l'a maintenu fermement. C'est quand "le buffle est maintenu fermement par le licou". Ça correspond au 4ème et au 5ème tableau du dressage du buffle.
« Par la suite, je ne rencontrai plus aucune difficulté pour résoudre les kôans. Bien sûr, d’autres kôans sont nécessaires pour rendre kensho, l’expérience initiale, transparente, mais c’est elle qui demeure primordiale. Les autres viennent simplement pour compléter et rendre possible une compréhension plus profonde et plus claire de sa nature. »
Ici Suzuki montre bien que le kensho initial est fondamental même s'il est encore insuffisant (car non encore libérateur à ce stade). Ce qui montre à la fois l'aspect abrupte du Zen mais également son aspect graduel.
-*- Pour ce qui concerne les kôans secondaires qui servent de test, voici une liste de ces kôans (appliqués initialement au « son (ou claquement) d’une seule main »). Pour les appliquer à Mu, il suffit de remplacer "le son d'une seule main" par "Mu".

1) Le son d’une seule main (Mu) peut-il être tranché ?
2) S’il est impossible de le trancher, pourquoi ?
3) Quel (Qui) est le son d’une seule main (Mu) avant d’être né des parents ?
4) Quel (Qui) est le son d’une seule main (Mu) après l’incinération ?
5) Quel est (Que fait) le son d’une seule main(Mu) au sommet du mont Fuji ?
6) Quel est le paysage vu du mont Fuji ?
7) Pourquoi entendez-vous le son d’une seule main (connaissez-vous/Voyez-vous Mu) ?
8) Que faire avec le son d’une seule main(Mu) ?
9) Faites-moi entendre le son d’une seule main (Montrez-moi Mu) !
10) Arrêtez les deux bagarreurs qui se trouvent sur l’autre rive de la rivière ! (idem apporter le melon sans les mains...)
11) Relevez-moi sans me toucher ! (idem lever la nonne sans les mains)
12) Frappez le tambour de l’espace à l’aide du bâton mont Fuji !
13) Que deviens-tu si le globe terrestre éclate ?
14) Avale d’un seul coup l’océan Pacifique !

On comprend bien ici que le son (ou le claquement) d'une seule main n'est pas quelque chose qu'il faille entendre avec ses oreilles . Mu et le claquement d'une seule main, sont une seule et même chose quand on ne fait plus qu'un avec son kôan (et que celui-ci "disparaît"). C'est à ce moment que s'expérimente la Vacuité. C'est quand l'esprit se retourne sur lui-même. C'est l'étape indispensable (et qui précède) le kensho, c'est à dire l'irruption de Prajna (expérience sapientale).

On peut ajouter d'autres kôans secondaires :

15) Quel est l'âge de Mu
16) Apporte le trésor caché au fond de l'Océan sans te mouiller.
Etc...

à suivre
Dumè Antoni

Comme on le voit, il existe deux aspects fondamentaux qui concourent au kensho : 1) l'aspect visionnaire, qui, comme son nom l'indique, est la « vue » dans sa vraie nature et 2) l'aspect sapiental qui est la réalisation de sa nature de Bouddha. L'aspect visionnaire est le fait de Dhyana et l'aspect Sapiental est le fait de Prajna. Dans la pratique du Zen, il n'y a pas de Dhyana sans Prajna (et pas de Prajna sans Dhyana) .

Mais on peut se demander ce qui provoque l'irruption de Prajna dans la conscience en samadhi (c'est à dire en Dhyana). En effet, la pratique de Dhyana seule est possible. Elle n'est d'ailleurs pas propre au Bouddhisme. De fait, le samadhi se retrouve dans le Yoga et dans toutes les religions. C'est donc Prajna qui caractérise le Zen ou, plus exactement, l'union de Dhyana et de Prajna dans la pratique. Mais que faut-il faire pour que se produise cette irruption de Prajna ? Il faut mobiliser un "grand doute" avant le samadhi. Ce grand doute, dit Suzuki, doit être brisé et faire explosion dans la phase qui suit le samadhi. D.T. Suzulki ajoute : "L'explosion, car il ne s'agit pas d'autre chose, se produit généralement quand cet équilibre délicat vacille [...] Lorsqu'une pierre est lancée dans une nappe d'eau parfaitement calme (samadhi), le trouble se répand aussitôt sur toute la surface [...] Il se peut, cependant, que la concentration ne soit pas maintenu à un degré élevé. Elle peut ne durer qu'une seconde ou deux, mais si c'est la juste concentration, et si elle est bien dirigée par le maître, l'ouverture de l'esprit s'ensuivra inévitablement."

Il faut noter ici que D.T. Suzuki ne parle pas nécessairement de grand doute maintenu sur les kôans. En fait, les kôans sont arrivés tardivement dans le Zen (XIème siècle). Du temps de Huineng ou de Lin Tsi (Rinzaï), ils n'existaient pas. Mais ces maîtres réussissaient à mobiliser le grand doute en mettant en balance leur compréhension intellectuelle des sutras et leur difficulté à pénétrer leur vraie nature. Qu'est-ce qui empêche cette vraie nature de briller ? Bien sûr, on va parler d'illusion, de mauvais karma, d'ignorance... Mais une fois qu'on a posé que nous sommes ignorants, que fait-on pour supprimer cette ignorance ? Peut-on nettoyer un miroir avec un linge sale ? Evidemment non. Chercher à pacifier le mental (avec le mental) ne suffit pas.

Bodhidharma, le 1er Patriarche du Zen, dans son "Traité sur la transmission de la foi" (Ketchymia-kourou) disait : "Si vous désirer chercher le Bouddha, vous devez voir dans votre nature propre (kensho) car cette nature est le Bouddha lui-même. Si vous n'avez pas vu en votre propre nature, à quoi sert-il de penser au Bouddha, de réciter les sutras, d'observer le jeûne ou de suivre les préceptes ? Si vous pensez au Bouddha, votre cause (c'est à dire vos actes méritoires) pourra apporter des fruits ; si vous récitez les sutras, votre intelligence pourra devenir plus brillante ; si vous observez les préceptes, vous pourrez renaître dans les cieux ; si vous pratiquez la charité, vous pourrez être abondamment récompensé ; mais quant à chercher le Bouddha, vous êtes bien loin de lui ![...] Quelqu'un qui n'a pas vu dans sa propre nature ne doit pas être appelé un maître sage."
"Tant qu'on n'est pas parvenu à cela (voir dans sa vraie nature) on ne peut échapper à la transmigration de la naissance en mort, aussi versé que l'on soit dans l'étude des Ecritures sacrées en douze sections. Jamais le moment ne viendra pour un tel être de s'évader hors des souffrances du triple monde."


On voit bien, ici, sur quoi le Zen (depuis Bodhidharma) met l'accent : réaliser sa vraie nature de Bouddha (c'est à dire kensho et/ou satori). Le reste ne sert à rien.
-*- A présent, il convient de donner (toujours d'après D.T. Suzuki) les principales caractéristiques du satori. Il faut d'abord préciser que pour D.T. Suzuki, kensho et satori sont deux mots synonymes. Il emploie, en effet, indifféremment l'un ou l'autre en précisant simplement qu'il existe des niveaux de profondeurs différents du satori (et donc du kensho). De fait, minimiser comme on le fait régulièrement le kensho par rapport au satori est abusif en ce sens que les deux mots renvoient à la même nature d'expérience. La libération (généralement associée au satori) relève moins de l'expérience elle-même que de la maturation du fruit de la pratique zen, laquelle maturation peut s'étendre sur plusieurs décennies (voire une deuxième vie si celui qui a eu le kensho n'a pas eu le temps d'obtenir la libération dans sa vie présente) .

Quoi qu'il en soit, le satori (ou le kensho) reste le but du Zen. Suzuki dit (Essais du Bouddhise Zen, tome 1) : "Le Zen dépourvu de satori est comme un soleil sans sa lumière ni sa chaleur. Le Zen peut perdre toute sa littérature, tous ses monastères et tout son appareil extérieur ; mais aussi longtemps qu'il y aura en lui du satori, il survivra dans l'éternité. Je tiens à insister sur ce fait absolument fondamental qui touche à la vie même du Zen ; car certaines personnes, même parmi les étudiants du Zen, sont inconscientes de ce fait central, et inclinent à croire qu'une fois expliqué logiquement ou psychologiquement, ou comme une philosophie du Zen particulière résumable en termes extrêmement techniques et abstraits, le Zen est épuisé et qu'il ne reste rien d'essentiel. Je soutiens au contraire que le Zen commence avec l'"ouverture du satori"".

Dans le tome 2 de ses essais sur le Bouddhisme Zen, Suzuki définit les "principales caractéristiques du satori". Je vais résumer ces caractéristiques :

1) Irrationalité : le satori n'est pas une conclusion qu'on attendrait d'un raisonnement et défie toute détermination intellectuelle. Ceux qui l'ont éprouvé sont toujours impuissants à l'expliquer d'une façon logique et cohérente. Les non-initiés sont incapables de le saisir par des manifestations extérieures, tandis que ceux qui en ont fait l'expérience discernent ce qui est authentique de ce qui ne l'est pas.

2) Vision intuitive : Un autre nom de satori est kensho (tsien-sing) en chinois qui signifie "voir l'essence ou la nature", ce qui semble prouver qu'il y a dans le satori une "vision" ou une "perception". Cette vision est d'une toute autre espèce que ce que l'on appelle ordinairement connaissance. La connaissance contenue dans le satori concerne quelque chose d'universel et en même temps l'aspect individuel de l'existence. Le satori est la connaissance d'un objet particulier en même temps que la Réalité qui, si je puis dire, est derrière lui.

3) Autorité catégorique : La connaissance réalisée par le satori est définitive ; aucun déploiement d'arguments logiques ne peut le réfuter. Etant direct et personnel, il se suffit à lui-même. Tout ce que la logique peut faire, c'est de l'expliquer, de l'interpréter en le comparant aux autres sortes de connaissance dont nos esprits sont remplis. On dit communément que le satori est comme boire de l'eau car c'est par soi-même que l'on connait si elle est chaude ou froide. Cette perception du Zen étant le dernier terme de l'expérience, elle ne peut être niée par les profanes qui n'ont pas fait cette expérience.

4) Affirmation : Ce qui possède une autorité définitive ne peut jamais être négatif. Car la négation n'a pas de valeur pour notre vie, elle ne nous mène nulle part. Bien que l'expérience du satori soit quelquefois exprimée en termes négatifs elle est essentiellement une attitude affirmative envers toutes choses existantes.

5) Sens de "l'au-delà" : L'expérience est bien la mienne, mais je sens qu'elle a ses racines hors de moi. Non que je sois uni à un être plus grand que moi ou absorbé en lui, mais mon individualité, qui se trouvait rigidement maintenue et nettement séparée des autres existences individuelles, relâche en quelques sortes les attaches qui l'enserraient et se fond dans quelque chose d'indescriptible, d'un ordre tout à fait différent de celui auquel je suis accoutumé. Le sentiment qui s'ensuit est celui d'une délivrance complète ou d'un repos parfait, le sentiment d'être arrivé à destination. Appeler cet "Au-delà" (qui n'est pas une expression Zen ; Suzuki l'emploi dans un sens didactique, pour des Occidentaux à une époque où le Zen leur est totalement inconnu), l'Absolu, ou Dieu ou une Personne, c'est aller plus loin que l'expérience elle-même pour plonger dans la théologie ou la métaphysique. Quand un maître zen dit "il n'y a pas une parcelle de tuile au-dessus de ma tête et un pouce de terre sous mes pieds", l'expression semble appropriée. J'ai employé ailleurs (dans "le non-mental selon la pensée zen" ) le terme "Inconscient", bien qu'il ait un relent psychologique.

6) Ton impersonnel : Il n'y a, dans le satori, aucune sorte de référence aux relations et sentiments personnels et fréquemment sexuels qu'on relève dans des expressions comme "flammes d'amour, Dieu, divin, gloire..." On peut dire que tous ces termes sont des interprétations basées sur un système de pensée et n'ont rien à faire avec l'expérience elle-même. L'expérience Zen est singulièrement dépouillée de coloration humaine ou personnelle.

7) Sentiment d'exaltation : Que ce sentiment accompagne inévitablement le satori est dû à ce qu'il est une rupture de la limitation individuelle. Et cette rupture n'est pas simplement négative : c'est un évènement tout à fait positif, chargé de sens, car il signifie une expansion infinie de l'individualité. Un maître zen dit : "Quand vous avez le satori, vous pouvez découvrir un palais princier fait de pierres précieuses sur un brin d'herbe ; mais si vous n'avez pas le satori, tout un palais princier peut vous être caché par un brin d'herbe".

8) Instantanéité : Le satori survient d'une façon abrupte ; c'est une expérience instantanée. De fait, si ce n'est pas abrupt et instantané, ce n'est pas un satori. Ce caractère abrupte est le trait distinctif de le l'école Zen de Huineng depuis sa fondation vers le VIIème siècle.


à suivre
Dumè Antoni

Dans la préface du livre "Esprit zen, esprit neuf" de Shunryu Suzuki (à ne pas confondre avec D.T. Suzuki) Huston Smith (professeur de philosophie au Massachussetts Institute of Technologie) écrit : "Le Zen de Daisetz Suzuki était impressionnant, celui de Shunryu Suzuki est ordinaire. Pour Daitsetz, tout convergeait vers le satori, et c'était en grande partie la fascination de cet état extraordinaire qui rendait ses écrits si prenant. Dans le livre de Shunryu Suzuki, les mots satori et kensho, qui est presque son équivalent, n'apparaissent jamais.
Quand j'eus l'occasion de lui demander, quatre mois avant sa mort, pourquoi satori ne figurait pas dans son livre, sa femme se pencha vers moi et murmura d'un air espiègle : "C'est parce qu'il ne l'a jamais eu" ; le Roshi fit mine de lui donner une tape de son éventail avec consternation, et chuchota le doigt aux lèvres : "Chut, ne lui dit pas !". Notre rire calmé, il dit simplement : "Ce n'est pas que le satori n'est pas important, mais ce n'est pas le point du Zen qui a besoin d'être souligné."

Je précise tout de suite que je considère le livre de Shunryu Suzuki ("Esprit zen, esprit neuf") comme un livre majeur dans la littérature zen contemporaine. Il apparait, à l'évidence, à la lecture de son livre (qui n'a pas été écrit par lui mais qui regroupe des entretiens collectifs arrangés selon une certaine "logique" : 1) Pratique juste, 2) Attitude juste et 3) Compréhension juste, par certains de ses disciples) que le satori n'était pas, pour lui, une expérience secondaire. Mais que veut-il dire par "ce n'est pas le point du Zen qui a besoin d'être souligné" alors que, d'après D.T. Suzuki, il n'y a pas de Zen sans satori ?

Précisons d'abord que Shunryu Suzuki appartenait (il est mort en 1971) à la branche Sôtô du Zen. Il fait, comme la plupart des maîtres de cette école, beaucoup référence à Dôgen. Zazen occupe donc l'essentiel de ses propos. Dans l'esprit du Zen Sôtô, la pratique de Zazen n'est pas séparée du satori. Par conséquent, dire que Shunryu Suzuki ne fait jamais allusion au satori est un contresens. Cela étant, Shunryu Suzuki parle d'illumination. Ce mot ne signifie pas autre chose que satori dans le sens où l'entend D.T. Suzuki. Ce qui, au passage, montre que Huston Smith raconte un peu n'importe quoi dans sa préface. Shunryu Suzuki y fait amplement allusion dans la troisième partie de son ouvrage (Compréhension juste). Mais il place cette illumination comme quelque chose que l'homme possède en soi, avant même de l'avoir. Il affirme en effet : « Dogen disait ainsi : "Nous devrions atteindre l'illumination avant d'atteindre l'illumination" ». Noter ici le conditionnel : "Nous devrions". Ailleurs il ajoute : "Ainsi, que vous atteignez ou non l'illumination, simplement faire zazen suffit. Quand vous essayez d'atteindre l'illumination, un grand poids pèse alors sur votre esprit ; votre esprit n'est pas assez clair pour voir les choses telles qu'elles sont. Si vous voyez clairement les choses telles qu'elles sont, vous les verrez telles qu'elles devraient être. D'autre part, tant que nous sommes des êtres matériels, atteindre l'illumination est en réalité assez difficile - c'est ainsi pour le moment. Mais si nous commençons à faire zazen, les deux côtés de notre nature se développeront ; nous verrons les choses comme elles sont et comme elles devraient être." Je ne sais pas très bien ce que Shunryu Suzuki entend par "les choses comme elles devraient être". De mon point de vue, si les choses sont vues comme elles sont, il n'y a rien de plus à faire pour qu'elles soient comme elles devraient être. Il est possible qu'il ait voulu là insister sur la façon dont, dans une vue erronée, nous sommes attachés à un certain idéal d'être et que cet idéal disparait en convergeant vers la façon dont les choses sont vues comme elles sont lors de l’illumination.

Il est clair que Shunryu Suzuki, dans son ouvrage, parle bien du satori (illumination) et qu'il en parle comme d'un état qui n'est pas nécessairement obtenu par la seule pratique de zazen. Il affirme que zazen aide à mettre en place, d'une façon manifestement progressive, la compréhension juste mais il ne dit pas comment cette compréhension juste se manifeste. Il décrit brièvement le satori de Dôgen mais ne s'étend pas dessus. Il sait que s'il devait faire du satori de Dôgen l'essentiel de son enseignement, celui-ci deviendrait rapidement idéaliste. C'est, je crois, le point fondamental qui fait dire à Shunryu Suzuki : "Ce n'est pas que le satori n'est pas important, mais ce n'est pas le point du Zen qui a besoin d'être souligné."

Et donc, qu'on ne s'y méprenne pas et qu'on ne fasse pas dire au Sôtô ce qu'il ne dit pas, à savoir que le satori n'est pas essentiel. Le satori est bien l'essentiel du Zen et tant qu'on n'a pas le satori, dire que l'on pratique sans but revient à se comporter comme le renard de la fable envers des raisins qu'il ne peut atteindre.
-*- Je souhaite revenir sur un aspect de la pratique de l'illumination selon Shunryu Suzuki. La citation de Dôgen : "Nous devrions atteindre l'illumination avant d'atteindre l'illumination" s'appuie sur le fait que nous possédons tous la nature de Bouddha . En conséquence de quoi, ne pas avoir l'illumination est une sorte de contresens. Ce contresens est pourtant une réalité pour tous. L'attitude de Dôgen et du Sôtô en général consiste donc à s'installer dans l'illumination avant même qu'elle ait lieu. Cette technique n'est pas sans rappeler, par certains aspects, le modèle tantrique des visualisations appuyées ou non de mantras . En effet, quand le méditant visualise une déïté par exemple (ou évoque son nom), cela revient progressivement à s'installer en elle. Ce rapprochement jusqu'à l'union (dont parle d'ailleurs D.T. Suzuki à propos du kôan Mu) conduit nécessairement au samadhi. Ce modèle est d'ailleurs repris dans des techniques modernes de thérapies brèves, comme l'hypnose ericksonienne par exemple pour d'autres buts que l'éveil évidemment. Mais le principe reste le même : l'adepte s'identifie progressivement à l'objet de sa méditation jusqu'à ne faire plus qu'un avec. Dans le Zen Sôtô, en tout cas dans ce qui apparaît à la lecture de l'ouvrage de Shunryu Suzuki précité, cette identification à l'éveil semble relever du même processus. Faire zazen revient à s'identifier à Çakyamuni dans son expérience du satori (dès lors que celui-ci est considéré comme l'Eveil Parfait et Insurpassable). Brassens disait dans une chanson : "Faites semblant de croire et bientôt vous croirez". Dit autrement : "Nous devrions atteindre l'illumination avant d'atteindre l'illumination" …

On voit bien là le problème d'un tel procédé. S'il conduit bien à un état "samadhique" susceptible d'induire une expérience de la vacuité en mode sensible (voire visionnaire), il ne garantit nullement la dimension sapientale. Le méditant peut réellement faire l'expérience de la Vacuité, mais il le fait selon un mode sensible ou visionnaire uniquement. Il manque en effet, dans cette pratique, le "mouvement de Prajna" qui signe le véritable satori. Je ne nie pas qu'il soit possible d'atteindre le satori par cette pratique, mais ce n'est pas une certitude. Quoi qu'il en soit, en aucun cas cette pratique ne doit être assimilée au satori. Par conséquent la phrase "le Zen, c'est zazen" n'est pas recevable. L'identification ou l'installation dans le satori par le biais de zazen revient à modifier la conscience au point de s'associer, selon un mode mimétique (comme dans l'allégorie des singes qui se seraient éveillés en s'asseyant comme Çakyamuni), à un état qui singe l'éveil. Cet état est le samadhi. Ce n'est pas l'Eveil. C'est un makyo.
-*- Pour résumer, à propos du kensho (ou du satori) je dirai que :

1) Satori et Kensho sont deux mots synonymes. Cela étant, un certain consensus (strictement arbitraire) s'est dégagé pour accorder au satori plus de profondeur qu'au kensho en ce sens que le premier est libérateur alors que le second ne l'est pas encore. En se référant aux 10 tableaux du dressage du buffle, le kensho se manifeste à partir du 3ème tableau et le satori à partir du 8ème. Compte tenu de l'arbitraire de cette séparation entre kensho et satori et de "l'attrait" fascinant de l'expérience/réalisation (dont D.T. Suzuki s'est probablement rendu "responsable" dans ses essais), certains maîtres zen rinzaï (dont T. Jyoji) préfèrent éviter l'emploi de ces termes pour les remplacer par "expérience zen profonde". La profondeur définit le degré ou le niveau de libération.

2) Le kensho (ou le satori) commence toujours avec un état de samadhi consécutif à une identification à l'objet de la méditation. Cette identification est la conséquence d'un retournement de l'objet de la méditation sur lui-même. Cette identification conduit à la disparition de l'objet (sans faire disparaître le sujet ), non pas par évanouissement dans le néant ou par impossibilité de le trouver, mais parce que cet objet est la Vacuité par nature. A ce stade, l'expérience est exclusivement visionnaire (la Vacuité est simplement expérimentée sans être nécessairement reconnue comme la nature propre de l'objet). Si l'esprit est l'objet de la méditation, l'identification de l'esprit à l'esprit (ou retournement de l'esprit sur lui-même) conduit à la disparition de l'esprit.

3) Dans l'état de samadhi ainsi obtenu (ce que D.T. Suzuki appelle "vrai" samadhi), le mouvement de Prajna n'est pas encore effectif et on ne peut alors encore parler de kensho (ou de satori). Il faut en effet que l'esprit se reconnaisse lui-même dans son état de Vacuité. La reconnaissance de cet état comme étant l'état naturel de l'esprit (ou la véritable nature de l'esprit) est le kensho (ou le satori). Cette reconnaissance peut se faire dans le samadhi ou au moment où l'on en sort (car la reconnaissance de l'état naturel est l'état naturel de l'esprit, quel que soit cet état dès lors que l'expérience est faite).

4) En tout état de cause, l'expérimentation et la reconnaissance (réalisation) de sa vraie nature sont instantanées. Il ne s'agit pas d'un processus graduel même si l'expérimentation "précède" la reconnaissance.

5) Le kensho (ou le satori) présente des caractéristiques particulières reconnaissables uniquement par ceux qui en ont fait l'expérience et seulement par eux (ce qui signifie qu'aucun signe extérieur du satori ou du kensho est palpable et/ou compréhensible au profane). Parmi ces caractéristiques, le fait que le kensho (ou le satori) concerne l'expérience et la reconnaissance de sa véritable nature, aucun argument philosophique ou logique ne peut le réfuter. C'est la raison pour laquelle aucun doute n'est possible sur la nature exacte et authentique du kensho (ou du satori). En effet, l'état naturel est l'état "ultime" de l'être. On ne peut donc rien trouver par-delà qui aurait échappé au kensho (ou au satori). C'est donc le plus haut degré de connaissance et d'expérience que l'être humain puisse réaliser sur lui-même. Cet état de connaissance est inaccessible aux états d'être inférieurs à l'humain .

6) Le kensho (ou le satori) doit être confronté à un maître même s'il n'existe aucun doute quant à l'authenticité de l'expérience. Cette confrontation est nécessaire car elle est la mesure de la profondeur réelle du kensho (ou du satori). En outre, certains makyo peuvent singer le kensho (ou le satori). Il ne faut en effet pas oublier que tout le temps que l'Eveil Parfait et Insurpassable n'est pas obtenu (c'est à dire la libération), le Bodhisattva est encore sous l'emprise des makyo. La confrontation est donc doublement nécessaire : 1) pour la mesure de la profondeur et 2) pour ne pas s'illusionner sur le niveau réel de celle-ci.

FIN :lol:
shalistamba

Le makyo n'est-il pas préférable au kensho si le kensho t'oblige à dénigrer les autres et à avoir toujours raison (même quand tu as tort)?
Dumè Antoni

shalistamaba a écrit :Le makyo n'est-il pas préférable au kensho si le kensho t'oblige à dénigrer les autres et à avoir toujours raison (même quand tu as tort)?
Sur ce forum, tu n'es personne ; les pseudos, c'est juste des masques avec des idées exprimées. Mumun Yamada disait à Jyoji : "sans le kensho, vous n'êtes rien". Et toi — dont le pseudo ne signifie rien, dont les idées sont new age et donc très éloignées du Bouddhisme en général et du Zen en particulier et cela même si tu connais Dôgen par coeur au point de le réciter — tu ne mérites pas plus de respect que les idées erronées. Je ne sais pas qui se cache derrière shalistamba ; celui-là, je le respecte parce qu'il a la nature de Bouddha. Mais je ne respecte pas shalistamba et ses idées. C'est clair ?

Ta question "Le makyo n'est-il pas préférable au kensho si le kensho t'oblige à dénigrer les autres et à avoir toujours raison (même quand tu as tort)?" est une question stupide, digne d'un ignorant. Donc voilà, tu as ma réponse.
ted

Sinon, vous savez qui ya un truc qui s'appelle MP (messages privés), où on peut s'échanger des mots doux ou des noms d'oiseaux ? :mrgreen: :D Parfois, on arrive même à s'entendre ! C'est dingue les MP. :neutral: anjalimetta
ted

Le kensho (ou le satori) doit être confronté à un maître même s'il n'existe aucun doute quant à l'authenticité de l'expérience. Cette confrontation est nécessaire car elle est la mesure de la profondeur réelle du kensho (ou du satori). En outre, certains makyo peuvent singer le kensho (ou le satori).
Là Dumè, je comprends plus.
Tu as dit auparavant que l'une des caractéristiques du kensho, c'était la certitude (au point de se détourner du maître qui ne le reconnaîtrait pas).
Et maintenant, tu parles de "profondeur réelle" du kensho. De makyo qui peuvent "singer le kensho". :roll:
J'ai dû mal comprendre au départ... :-(
Dumè Antoni

Sinon, vous savez qui ya un truc qui s'appelle MP (messages privés), où on peut s'échanger des mots doux ou des noms d'oiseaux ? :mrgreen: :D Parfois, on arrive même à s'entendre ! C'est dingue les MP. :neutral: anjalimetta
Non, Ted, tu es modérateur d'un forum bouddhiste et ton rôle est d'y faire respecter les vues bouddhiques, c'est à dire le Dharma. Si ces vues étaient respectées, il n'y aurait pas ce genre d'échanges dont je regrette autant que toi, sinon plus parce que j'y suis impliqué, l'existence.
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