Taisen Deshimaru et sôtô/rinzai

Kaïkan
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Taisen Deshimaru et sôtô/rinzai

Souvent Deshimaru nous a parlé du rinzai et je n’ai jamais vu dans ses propos un rejet ou un dénigrement méprisant comme l’on fait certains autres maîtres sôtô.
Il a d’ailleurs souvent répété qu’un maître rinzai et un maître sôtô c’était tout à fait équivalent. C’est d’ailleurs l’opinion de beaucoup d’enseignants certifiés des deux écoles. Bien sûr cela ne l’a pas empêché de faire aussi des critiques assez virulentes sur certains « détails ». Mais les maîtres Sôtô se critiquent souvent entre eux avec beaucoup d’énergie, c’est historiquement connu et Dôgen n’est pas un des moindres à s’être adonné à ce sport avec une grande persévérance…
Quoi qu’il en soit, la pratique du zen enseigné par T. Deshimaru n’est pas tout à fait celle de Kodo Sawaki, particulièrement en ce qui concerne la respiration. Kodo ne préconisait pas un contrôle de quoi que ce soit à ce sujet et tous ses disciples ont remarqué cette différence dans la pratique au sein de l’AZI. Ceux qui ont eu le shiho de Kodo comme Narita l’explique par le fait que T. Deshimaru a beaucoup travaillé avec des maîtres rinzai connus pour insister sur une expiration lente, longue, profonde, suivie d’une inspiration plus brève. C’est aussi ce qui est pratiqué dans les écoles d’art martiaux au japon et les militaires hauts gradés faisaient souvent des périodes de zazen dans les monastères rinzai.
Donc maître Taisen Deshimaru n’a pas eu, pour beaucoup de proches de Kodo, un enseignement rigoureusement identique à celui auxquels ils ont eu droit. Pour autant c’est vraiment un enseignement sôtô qui fut donné, mais très édulcoré de toutes les spécialités japonaises qui, après sa disparition, sont apparues avec le rapprochement du temple de la Gendronnière et celui de Eiheiji.
Par contre cette pratique d’une respiration abdominale très concentrée est restée, ainsi que quelques autres spécialités inculquées à ses disciples proches.
Pour autant il est à prendre très sérieusement que si le chemin d’accès n’est pas le même, il n’en demeure pas moins que sôtô et rinzai aboutissent finalement à la même réalisation (dixit Mokudo Taisen Deshimaru). jap_8
  • FleurDeLotus
-- Kaïkan --
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
Dumè Antoni

Kaikan a écrit :Pour autant il est à prendre très sérieusement que si le chemin d’accès n’est pas le même, il n’en demeure pas moins que sôtô et rinzai aboutissent finalement à la même réalisation
Au sens strict, c'est tout à fait vrai ; Sôtô et Rinzaï "descendent" tous deux de Huineng et font partie tous deux du Saijojo zen (Suprême Véhicule). Du reste, en Chine, la scission Rinzaï/Sôtô n'existe pas vraiment, même si Xu Yun (qui était le dernier grand maître Chan contemporain) pratiquait le Huat'ou (l'équivalent du kôan) selon le mode Rinzaï. Et dans le Rinzaï, nous avons un grand maître qui se nommait Bankei dont la pratique était très similaire à celle du Shikantaza (après son satori).

Cependant, et c'est là que les divergences existent à mon avis, c'est le refus (de la part des adeptes de l'AZI, et voir d'autres écoles aussi) de reconnaître le kensho, d'autant que le kensho n'est pas spontané dans zazen. Huineng lui-même précisait que la "vérité ne venait pas de la posture assise mais du mental". Ce qui est une façon de dire que Prajna éclaire le mental, que l'on soit assis en zazen ou bien occupé à d'autres activités, mais que Prajna n'est pas spontané non plus dans l'esprit ordinaire (sinon, tous les êtres conscients seraient éveillés et ce n'est pas le cas). Alors, pour détourner ce "détail", certains, parmi les Sôtô, affirment que zazen ne veut pas dire simplement assis (en Zen). Que zazen serait une sorte d'état d'esprit. Oui mais alors pourquoi dire que le "Zen c'est zazen" ? Le Zen est le zen, qu'il se pratique assis (za) ou debout ou couché. Non ? D'autre part, Dôgen n'a jamais nié son satori (qui est l'équivalent du kensho), non pas comme activité spontanée de l'esprit ordinaire mais comme véritable "bouleversement" et Shunryu Suzuki ne le nie pas non plus (il fait souvent référence à "l'Illumination", qu'il distingue bien de zazen). C'est dans ce genre de détail, pourtant fondamental, que se creusent les différences.
shalistamba

Dumè Antoni a écrit :
Au sens strict, c'est tout à fait vrai ; Sôtô et Rinzaï "descendent" tous deux de Huineng et font partie tous deux du Saijojo zen (Suprême Véhicule).
Je ne voudrais pas jeter de l'huile sur le feu mais si Dogen reconnait bien Huineng il ne considère pas le Sutra de l'estrade comme un texte authentique.

Dogen reprend un texte du Recueil de la transmission de la lampe de l'ère Keitoku, notamment les propos du maïtre de la nation Nanyô Echû (Nanyang Huizhong).

"En rassemblant une foule de trois ou cinq cents personnes et en regardant cette grande assemblée, ils disent :"voilà l'enseignement essentiel du sud" Le "Sûtra de l'estrade" à la main, ils le modifient à leur gré en y insérant des récits vulgaires et en supprimant la sainte signification du texte. Ainsi troublent-ils les jeunes générations qui les suivent. Comment pourraient-ils alors perpétuer l'enseignement oral (de l’Éveillé)?"

Le "Sûtra de l'estrade" compile une série de paroles attribuées à Houei-neng. Yoko Orimo dans les notes en bas de page écrit que ce texte est "compilé, non pas par le sixième patriarche lui-même, mais par ses disciples, on en compte au moins trois versions différentes comportant bien des rajouts et des modifications apportés par la postérité." On peut donc supposer que la phrase ""rester longtemps assis ne fait qu'entraver le corps, sans aucun profit pour l'esprit" est peut-être un ajout d'un disciple de Houei-neng qui n'aimait pas beaucoup la méditation. Dogen ne remet pas pour autant en cause l'idée centrale du "Sûtra de l'estrade" : "Le cœur en tant que tel, voilà l'Eveillé", seulement il lui donne un autre sens que celui des disciples de Houei-neng.
D'autre part, Dôgen n'a jamais nié son satori (qui est l'équivalent du kensho),
Qu'est ce qui te permet d'affirmer cela? Il ne l'a jamais mis en avant. Son récit d'éveil est raconté à la troisième personne, ce n'est même pas lui qui raconte. Et qui serait assez stupide pour nier son satori? C'est une drôle d'idée.
"Zen c'est zazen" ?
Signifie que le zen c'est d'abord zazen et non pas c'est uniquement zazen.
certains, parmi les Sôtô, affirment que zazen ne veut pas dire simplement assis (en Zen). Que zazen serait une sorte d'état d'esprit.
Oui le tenzo est dispensé de zazen car préparer le repas c'est l'équivalent de zazen. C'est une idée de Dogen lié à ses observations dans les temples en Chine
C'est dans ce genre de détail, pourtant fondamental, que se creusent les différences.
Oui mais au final ce sont des différences assez futiles. L'important c'est la pratique de la Voie.
Dumè Antoni

Shalistamba a écrit : si Dogen reconnait bien Huineng il ne considère pas le Sutra de l'estrade comme un texte authentique
Le texte a été écrit par son disciple Fa-hei. Personne ne nie qu'il ne reflète pas exactement les faits et qu'il a été rédigé dans le but de dénigrer l'école du Nord. Pour autant, il est fidèle à la pensée de Huineng. Cela étant, quel est le sens de ta remarque ? Que le Sôtô et le Rinzaï ne sont pas issus de l'école du Sud du VIème Patriarche ? C'est nouveau, ça vient de sortir de tes cartons ? Ou c'est juste encore du trollage, comme d'hab ?

Par ailleurs, je t'invite à lire "Le non-mental selon la pensée zen" de D.T. Suzuki où les commentaires du sutra de l'estrade seront certainement plus pertinents que les tiens (euphémisme).
D'autre part, Dôgen n'a jamais nié son satori (qui est l'équivalent du kensho),
Qu'est ce qui te permet d'affirmer cela? Il ne l'a jamais mis en avant. Son récit d'éveil est raconté à la troisième personne, ce n'est même pas lui qui raconte. Et qui serait assez stupide pour nier son satori? C'est une drôle d'idée.
Tu sais lire ? As-t-il nié son satori ? Non ! Si son récit est raconté à la troisième personne, cela veut-il dit qu'il ne l'a pas eu ou qu'il l'a nié ? Non ! Qui serait assez stupide pour nier son satori ? Tu n'as pas l'air de comprendre qu'en niant le kensho, ce que font la plupart des sôtô, et en particulier à l'AZI, ton école, cela revient à nier le satori. C'était le sens de mes propos.
Zen c'est zazen
Signifie que le zen c'est d'abord zazen et non pas c'est uniquement zazen.
Tu sais, dans mon pays, qu'on appelle la France, le verbe être indique l'équivalence. Le Zen, c'est zazen, ça ne veut pas dire "le Zen commence avec zazen", mais comme tu es de mauvaise foi...
C'est dans ce genre de détail, pourtant fondamental, que se creusent les différences.
Oui mais au final ce sont des différences assez futiles. L'important c'est la pratique de la Voie.
Non, ce n'est pas futile du tout. Ça ne l'est que pour ceux qui nient le kensho ou qui en font une sorte de "verrue du zen", comme je l'ai lu parfois. Et par ailleurs, l'important ce n'est pas la pratique de la voie mais de réaliser sa vraie nature. Et ne me dit pas que c'est la même chose, parce qu'alors, soit tu ne pratiques pas, soit tu ne sais pas de quoi tu parles.

Allez, bonne nuit.
shalistamba

Le texte a été écrit par son disciple Fa-hei. Personne ne nie qu'il ne reflète pas exactement les faits et qu'il a été rédigé dans le but de dénigrer l'école du Nord. Pour autant, il est fidèle à la pensée de Huineng. Cela étant, quel est le sens de ta remarque ? Que le Sôtô et le Rinzaï ne sont pas issus de l'école du Sud du VIème Patriarche ? C'est nouveau, ça vient de sortir de tes cartons ? Ou c'est juste encore du trollage, comme d'hab ?
Non l'idée c'est de ne pas prendre tout le sutra de l'estrade au pied de la lettre notamment les passages qui dénigrent zazen. Le sutra de l'estrade est souvent utilisé à cette fin (dénigré zazen) ce que n'a jamais fait Huineng.
Tu n'as pas l'air de comprendre qu'en niant le kensho, ce que font la plupart des sôtô, et en particulier à l'AZI, ton école, cela revient à nier le satori. C'était le sens de mes propos.
Non! ceux qui nient le kensho qu'ils fassent partie de l'AZI ou non sont des idiots. la semaine dernière j'ai demandé à la personne qui était à côté de moi dans les vestiaires du Dojo
"Dis-moi, t'en penses quoi du kensho"
"Du quoi?"
"Kensho"
"C'est quoi? jamais entendu parlé"
"Tu pratiques depuis combien de temps?"
"30 ans"

Ce n'est pas un sujet dont on parle beaucoup dans le Soto... mais on se méfie des gens qui prétendent être éveillé comme si c'était l'éveil insurpassable et qu'il donnait l'omniscience.

Je te supplie d'écouter Emmanuel Ollivier
http://www.bouddhismes.net/Conference_2 ... 5_Soiree-1

Il à commencé par le zen à 12 ans avec Deshimaru (période dont il ne garde pas spécialement un bon souvenir) puis le bouddhisme Theravada et maintenant le zen rinzaî

Ce sont des approches complémentaires du bouddhisme. Personnellement j'ai le sentiment d'avoir beaucoup appris à l'écouter comme à t'écouter.
Tu sais, dans mon pays, qu'on appelle la France, le verbe être indique l'équivalence. Le Zen, c'est zazen, ça ne veut pas dire "le Zen commence avec zazen",
Dans ma tradition (soto) on apprend à ne pas s'attacher aux mots mais à l'esprit (shin)
mais comme tu es de mauvaise foi...
Je te parle de mon cœur (shin) à ton cœur (shin)... mais tu ne veux pas l'entendre...
Dumè Antoni

shalistamba a écrit : Le sutra de l'estrade est souvent utilisé à cette fin (dénigré zazen) ce que n'a jamais fait Huineng.
Pas du tout. l'as-tu lu ? Ce qui est dénigré, ce n'est pas zazen mais la méthode de l'école du Nord. ShenXiu y est présenté comme un partisan de la méthode "nettoyer le miroir", ce qui est vrai et qui est une méthode gradualiste et donc très différente du Zen subitiste de Huineng, mais ce qui est inexact, c'est la prétendue rivalité entre Huineng et ShenXiu. D'après D.T. Suzuki (Le non-mental selon la pensée zen), Huineng a rencontré Hung Jen, le 5ème patriarche, quand ShenXiu avait 69 ans ! Il est très peu probable que ShenXiu — qui était un grand maître zen réputé, à l'époque — se trouvât encore en formation au monastère de Hung Jen quand Huineng y était, ce qui tend à démontrer que la prétendue rivalité est une manipulation grossière des disciples de Huineng pour asseoir l'autorité du l'école du Sud. Mais le pire du Sutra de l'Estrade, à mon sens, ce n'est pas la rivalité entre l'école du Nord et l'école du Sud, mais l'ajout tardif, dans le but de "concilier" toutes les écoles bouddhistes chinoises et de rassurer les fidèles, y compris le clergé, de la lignée de patriarches depuis Çakyamuni. Cet ajout a conduit à considérer le Zen uniquement sous l'angle du Mahayana, ce qu'il n'est pas fondamentalement, ou en tout cas, ne reprend pas la dialectique de Nagarjuna pas plus que celle de Vasubandhu, mais pour comprendre cela, il faut avoir fait l'expérience du kensho ! Le Zen de Huineng est plus proche du Dzogchen que du Mahayana.
Ce n'est pas un sujet dont on parle beaucoup dans le Soto... mais on se méfie des gens qui prétendent être éveillé comme si c'était l'éveil insurpassable et qu'il donnait l'omniscience.
Si les gens prenaient la peine d'étudier un peu le Zen, notamment les dix tableaux du dressage du buffle, ils comprendraient que le kensho est le stade du 3ème tableau et qu'il y a loin du 3ème au 10ème tableau ! Mais ce qui est grave, ce n'est pas tant qu'ils se méfient de ce qu'ils ignorent, mais qu'ils prennent partie pour ignorer cette étape comme s'il suffisait de s'asseoir en zazen pour être éveillé. En l'ignorant, ils se détournent de leur vraie nature, et partant, ils se détournent du Zen. Le Zen véritable commence avec le kensho et non avec zazen, voilà ce qu'il faut dire.
Dans ma tradition (soto) on apprend à ne pas s'attacher aux mots mais à l'esprit (shin)
Ma tradition ne diffère pas de la tienne sur ce point. Mais il faut faire attention quand on dit que le Zen, c'est zazen. Ça l'est uniquement s'il y a eu kensho ou satori. Sinon, s'asseoir les jambes croisées, ça se fait partout, dans toutes les traditions y compris non zenistes et/ou non bouddhistes. C'est le point important que les gens devraient se graver sur le front : le Zen commence avec kensho et alors, zazen est le Zen.
Je te parle de mon cœur (shin) à ton cœur (shin)... mais tu ne veux pas l'entendre...
Je te ferai remarquer que je t'ai sorti de ma liste des ignorés, et cela bien que ça me bouffe pas mal d'énergie à te répondre. Crois tu qui si je ne voulais pas t'entendre, je réagirais ainsi ?
Dernière modification par Dumè Antoni le 17 mars 2016, 10:07, modifié 1 fois.
Serge Zaludkowski

Dumè Antoni a écrit : ...
Le Zen de Huineng est plus proche du Dzogchen que du Mahayana.
...
Il semblerait, à l'aune de ces derniers échanges ... et de maîtres nyingma récents tels que Dilgo Khyentsé Rinpoché. Concernant la distance avec Mahayana, j'avais déjà donné le point de vue dzogchen sur yogacara et je me propose de le faire pour madhyamaka (dans le forum dzogchen).

eveil_333
shalistamba

Pas du tout. l'as-tu lu ?
C'est un poncif. Je me permets de renvoyer ici
http://mujoseppo.blogspot.fr/2016/01/pa ... de-la.html
Les propos sont débiles mais on les trouve partout.

Sur le reste de ce que tu écris je ne sais pas tu as probablement raison.
Si les gens prenaient la peine d'étudier un peu le Zen, notamment les dix tableaux du dressage du buffle, ils comprendraient que le kensho est le stade du 3ème tableau et qu'il y a loin du 3ème au 10ème tableau ! Mais ce qui est grave, ce n'est pas tant qu'il se méfient de ce qu'ils ignorent, mais qu'ils prennent partie pour ignorer cette étape comme s'il suffisait de s'asseoir en zazen pour être éveillé. En l'ignorant, ils se détournent de leur vraie nature, et partant, ils se détournent du Zen. Le Zen véritable commence avec le kensho et non avec zazen, voilà ce qu'il faut dire.
Je constate qu'il y a des gens qui viennent très régulièrement au dojo (jusqu'à 4 fois par semaine) et qui pratiquent chez eux. Je doute qu'ils pratiqueraient autant s'ils n'avaient pas conscience de leur propre nature.

En réponse à Serge j'ai posté une citation d'un blog qui dit que des gens dans le dzogchen, après avoir pratiqué plusieurs mois avec un lama étaient convaincu d'être arrivé au 4ème stade... ce qui est, si j'ai bien compris le stade de la sainteté.
Nous avons tous une propension naturelle à nous illusionner sur notre pratique, moi le premier, comme s'il était possible d'avoir le kensho en 10 minutes chrono montre en main. Pourtant en théorie, rien ne l'interdit.
« Ce Yamanashi parvint à cette chose si importante en ne souffrant qu’une nuit ou deux. (...) Je ne cesserai de répéter que rien n’est plus important qu’avancer vite dès les premiers pas…
Mais il faut faire attention quand on dit que le Zen, c'est zazen. Ça l'est uniquement s'il y a eu kensho ou satori. Sinon, s'asseoir les jambes croisées, C'est le point important que les gens devraient se graver sur le front : le Zen commence avec kensho et alors, zazen est le Zen.
C'est vrai dans ta tradition (rinzaï) mais pas dans la mienne (soto)

Pour le zen soto : Dès l'instant où on fait zazen pour la première fois on déploie le cœur de l'éveil. Ou si tu préfères on tourne la roue de la loi... mais dans les premiers temps si on s'arrête la roue de la loi finit par s'arrêter aussi surtout en l'absence de kensho (qui est implicite dans le soto) C'est un mouvement qu'il faut entretenir d'instant en instant.
ça se fait partout, dans toutes les traditions y compris non zenistes et/ou non bouddhistes.
Quelque soit les croyances de la personne (jubu -juive bouddhiste- ou chrétienne ou musulmane), Si la posture est juste et si la personne abandonne le corps et l'esprit sans rechercher le moindre profit pour elle-même... c'est du zen soto... le reste on s'en fout. Peut-être qu'il faut le kensho... pour moi c'est une idée intéressante. Elle ne me dérange pas.

Pour le zen soto, le kensho n'est pas une compréhension de type intellectuelle c'est une intuition pure.

Le seul souci c'est qu'elle est tellement pure qu'on peut l’interpréter de différentes manières. Et c'est là qu'on ne sera jamais d'accord toi et moi... Pour toi elle implique un contenu... pas pour moi.
Kaïkan
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Dumè Antoni a écrit :
Kaikan a écrit :Pour autant il est à prendre très sérieusement que si le chemin d’accès n’est pas le même, il n’en demeure pas moins que sôtô et rinzai aboutissent finalement à la même réalisation
Au sens strict, c'est tout à fait vrai ; Sôtô et Rinzaï "descendent" tous deux de Huineng et font partie tous deux du Saijojo zen (Suprême Véhicule). Du reste, en Chine, la scission Rinzaï/Sôtô n'existe pas vraiment, même si Xu Yun (qui était le dernier grand maître Chan contemporain) pratiquait le Huat'ou (l'équivalent du kôan) selon le mode Rinzaï. Et dans le Rinzaï, nous avons un grand maître qui se nommait Bankei dont la pratique était très similaire à celle du Shikantaza (après son satori).

Cependant, et c'est là que les divergences existent à mon avis, c'est le refus (de la part des adeptes de l'AZI, et voir d'autres écoles aussi) de reconnaître le kensho, d'autant que le kensho n'est pas spontané dans zazen. Huineng lui-même précisait que la "vérité ne venait pas de la posture assise mais du mental". Ce qui est une façon de dire que Prajna éclaire le mental, que l'on soit assis en zazen ou bien occupé à d'autres activités, mais que Prajna n'est pas spontané non plus dans l'esprit ordinaire (sinon, tous les êtres conscients seraient éveillés et ce n'est pas le cas). Alors, pour détourner ce "détail", certains, parmi les Sôtô, affirment que zazen ne veut pas dire simplement assis (en Zen). Que zazen serait une sorte d'état d'esprit. Oui mais alors pourquoi dire que le "Zen c'est zazen" ? Le Zen est le zen, qu'il se pratique assis (za) ou debout ou couché. Non ? D'autre part, Dôgen n'a jamais nié son satori (qui est l'équivalent du kensho), non pas comme activité spontanée de l'esprit ordinaire mais comme véritable "bouleversement" et Shunryu Suzuki ne le nie pas non plus (il fait souvent référence à "l'Illumination", qu'il distingue bien de zazen). C'est dans ce genre de détail, pourtant fondamental, que se creusent les différences.

Bonjour,

Je comprends très bien ce que tu dis et je vais essayer d’expliquer mon point de vue sur ce que tu exposes et que beaucoup de pratiquants des deux écoles ont souvent du mal à comprendre. Je vais bien sûr utiliser mon interprétation du rinzai et j’espère que je ne choquerais pas trop les adeptes qui pratiquent cette honorable voie.

Donc, selon ce que j’ai pu en déduire, les maîtres rinzai suivent attentivement l’évolution de leurs élèves et pour ce faire on recours à ce que je vais appeler arbitrairement « la grille des koans ». Je veux dire par là qu’il y aurait en quelque sorte des étapes de compréhension de plus en plus pointues et donc qu’il est possible que l’élève ait plusieurs kenshō avant la réalisation. Sans exclure la possibilité d’un seul kenshō amenant la réalisation d’un seul coup.

Pour le zen sôtô, les maîtres suivent tout aussi attentivement l’évolution de leurs élèves, mais ils considèrent que toute recherche est un obstacle à la réalisation. Donc ils disent que le satori est actualisé immédiatement dans la pratique de zazen sans but (mushotoku) en laissant l’esprit au-delà des pensées (hishyrio), un peu comme chez les tibétains de l’école Tilopa qui recommandent de laisser l’esprit dans son état ordinaire avant qu’on l’utilise et donc : ne pense pas, ne réfléchis pas, ne cherche pas, n’imagine pas, n’analyse pas, ne médite pas, laisse l’esprit dans son état sans affaires. Le zen sôtô appelle cela la « condition normale ». Il n'y a par conséquent rien à chercher.
Donc dans le sôtô le kenshō n’est pas reconnu et même toute trace de satori est considérée comme une impureté. C’est mokusho l'illumination silencieuse.

Dans le Sôtô.
Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Dans le sôtô que je connais un peu, en fait le kôan est utilisé aussi et la pratique d’être assis en abandonnant corps et esprit pour voir sa nature originelle est aussi une sorte de Hua-Tou (wato en jap.), même si on prétend que c’est naturel et aucunement recherché.
Et puis il y a ceux qui ont un kenshō et qui pensent que c’est le satori et s’accrochent à cela d’autant plus si le maître ne les prend pas en considération. Avec de la chance ils rencontreront un autre maître qui « finira » leur éveil (leur donnera l’opportunité d’actualiser leur réalisation) et cela souvent au cours d’on mondo pendant lequel il y a un kôan que franchit cet élève. Sinon il restera coincé dans l’embrasure d’une porte à moitié ouverte, en chérissant un instant éphémère du passé qui ne reviendra pas.

Dans le Rinzai.
Les adeptes du rinzai, même si on les a comparés à des grenouilles coassant leurs kôans, arrivent tout aussi bien à la réalisation avec des maître éminents dont la compétence est absolument indiscutable.

Conclusion : deux méthodes qui sont bien moins antithétiques qu’on pourrait le supposer et qui permettent un choix. Aucune n’est plus facile que l’autre, ça il faut bien le comprendre.
Quand au slogan : "le zen c'est zazen", il est à prendre comme un kòan ;-). C'est un peu comme le proverbe :"c'est en forgeant qu'on devient forgeron". (En pratiquant zazen on actualise le zen et vice versa) :)
-- Kaïkan --
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Dumè Antoni

@ Shalistamba :

Je prends acte de tes réponses. Je sais la différence entre le Sôtô (du moins, celui que tu pratiques ; je ne suis pas certain que tous le pratiquent à ta façon) et le Rinzaï. Je me suis suffisamment exprimé sur ce point, pour qu'il ne soit pas nécessaire de revenir enfoncer des portes ouvertes.

Je pense que l'ignorance du kensho, dont les Sôtô semblent s'enorgueillir, est à la base de cette différence. Pour moi, très sincèrement, la pratique que tu présentes est à l'antipode de la mienne. C'est ton choix et c'est le mien, en fonction de nos karma respectifs. Je ne dis pas que ma voie est meilleure que la tienne, mais si ce que tu dis est vrai, c'est à dire que c'est le fondement même de la philosophie de Dôgen et, partant, de toutes les écoles Sôtô, alors le Zen Rinzaï que je pratique n'a strictement rien à voir avec le Zen que tu pratiques. Si le Zen est ce que tu pratiques, alors je ne pratiques pas le Zen. Mais je ne crois pas ne pas pratiquer le Zen. Le Chan de Xu Yun, pour revenir un peu sur la Chine et sortir de la "scission" Rinzaï/Sôtô, est très proche du Rinzaï. Tu tires les conclusions que tu veux. Pour moi, Dôgen est un maître "à part" du Zen et quand j'ai ouvert le fil "Dôgen vs Nichiren", je n'étais pas loin de me douter (en te lisant) à quel point j'avais raison.
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