Le blog de Lausm : un moine peut-il tenir un blog ?

lausm

En fait, je suppose que Ted a écrit cela, parce que j'ai l'ordination de moine.
Cela dit, je suis un mec normal (c'est à dire avec pas mal de trucs anormaux que je tente de gèrer au mieux pour vivre), qui vit une vie dans la société, avec tout ce que ça comporte, tout en ayant un jour reçu l'ordination de moine (dont je n'ai plus envie de faire état car je pense que ça entraîne trop souvent une identification à un nouvel idéal du moi, donc une nouvelle illusion dont se débarasser).
En fait c'est un total faux problème, intituler cette file avec cette question ne parlait pas en fait du vrai sujet abordé dans le premier post.
Mais vu que c'est de moi dont il s'agit, je me permets juste de répondre sur ce qui me concerne!
Donc n'importe qui pourvu de doigts, d'yeux, et d'un ordinateur et une connexion internet, peut écrire un blog. Même un moine zen. Ou n'importe qui d'autre.
Kaïkan
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Oui mais voilà, devenir moine zen c'est aussi l'officialisation d'une vocation intime que l'on verse dans le domaine public. Donc dès le départ il y a cette ambiguïté. le problème que soulève lausm, et je le comprends très bien, c'est une mauvaise interprétation du statut de moine zen, propagé par une attitude erronée de beaucoup de pratiquants de l'AZI. (on y revient toujours :lol: ).
En effet cette dérive (encore une) transforme l'ordination en une sorte de grade qui donnerait un pouvoir de commandement sur les autres pratiquants et cela d'autant plus qu'il y aurait ancienneté de l'ordination du moine. Une sorte de dérive militariste comme le souligne parfois Yudo. En fait c'est complètement inverse à l'attitude qui devrait être adoptée. Le moine n'est pas un gradé et il ne peut se situer en chef devant la troupe mais au contraire se placer derrière à la queue du peloton. Il doit faire passer les autres devant car il s'est mis au service de la Voie qu'il protège certes, mais par son attitude réservée, modeste, aidant ceux qui ressentent des difficultés, en somme mettant en pratique l'octuple sentier et actualisant ce qu'il comprend du Dharma bouddhiste.
Vu de cette façon, je suis sûr que lausm n'aurait aucune difficulté à vivre sa vocation puisqu'il est moine. Inutile de le cacher ni de le sous-estimer ou surestimer. Là aussi chacun met sa propre interprétation de ce qu'il est mais devenir moine c'est comme se raser le crâne, c'est abandonner tout aspect mondain c'est comme l'avatar de lausm sur Zen et nous : un Bouddha sans tête. Mais cette absence de tête de la statue est une dégradation d’extrémistes car les bouddhas ont une tête même si parfois on pourrait en douter :lol: .
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-- Kaïkan --
- Kyo gyo sho itto
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
lausm

C'est pour rappeler que Lao Tseu, patriarche du taoïsme,,le grand oncle du zen, disait que pour trouver la Voie, il faut couper la tête (référence: sutra le lotus bleu, de Hergé).
La photo ne dit pas ce qu'il en est de l'autre extrémité aussi problématique du corps humain génératrice de passions diverses, mais ça pourrait heurter certaines sensibilités.
Cela dit, sans extrémités, plus d'extremismes!
Dumè Antoni

La métaphore de se couper la tête, on la retrouve aussi avec Mansjushri, le Boudhisattva de la Sagesse (en fait, de la Sapience) que l'on voit dans l'autel de toutes les salles de méditations des monastères zen (rinzaï) alors qu'on retrouvera Amitabha dans les temples "secondaires". Mansjusrhi est représenté avec une épée qui tranche l'ignorance, mais comme dans le Zen, on dit "se mettre une tête sur une tête" quand on est baigné dans l'ignorance, Mansjushri coupe cette tête excédentaire ou surnuméraire.

Image

Mais pour revenir à la question du moine — et là je ne vais parler que pour le Rinzaï parce que c'est la seule pratique que je connaisse à peu près bien — ces derniers occupent un rang supérieur à celui des laïcs, et cela même si ledit laïc a 50 ans de pratique et que ledit moine est un novice (ce qui suppose a minima 3 ans de pratique en monastère). J'ai toujours été surpris par cette façon étrange de procéder, où il existe une réelle hiérarchie : plus l'on est élevé en grade (depuis le maître jusqu'au débutant), plus on est situé proche de l'autel. Par exemple, à la sesshin de Rohatsu, les places ne sont pas données par hasard : d'abord le maître, puis le bonze, puis les résidents permanents (laïcs) puis les pratiquants les plus anciens (dans le Centre) puis les débutants. Il arrive fréquemment que des moines de l'AZI viennent faire Rohatsu à la falaise verte (je suis assez ami avec l'un d'eux, mais je tairai son nom) ; malgré leur expérience dans le Sôtô, ils sont considérés comme des débutants dans le Rinzaï et sont donc placés loin de l'autel. Bien sûr, ceux qui de l'AZI reviennent souvent, voient leurs places se rapprocher de l'autel chaque année. À noter que l'expérience n'est pas du tout prise en compte ; ce qui compte, c'est l'ancienneté dans le monastère ou dans le centre. Un retraitant qui passe une année dans le centre, alors qu'il n'a jamais pratiqué le Zen avant, est considéré comme plus ancien que celui qui a 30 ans de pratique quotidienne mais qui ne se rend qu'épisodiquement (~ une fois par an) au centre, pour une semaine, à une sesshin. Tout ça pour dire qu'on est loin, dans le Rinzaï, du simple moine "ouvrier" engagé dans la vie sociale. Du reste, les moines rinzaï sont assez déconnectés de la vie sociale, ce qui rend parfois leur compréhension des problèmes courants de la vie quelque peu spécieuse à mon sens... On pourra me dire que ce n'est pas très important, parce que le plus important est d'être assis sur son zafu (en ce sens qu'on est alors "au plus près" du Bouddha), mais la hiérarchie existe et elle est tenace.

A noter que cette distinction ne s'applique pas quand il y a des "invités éminents". Par exemple, quand le nouveau zendo a été inauguré (à la Falaise Verte), Jyoji avait invité le supérieur (je ne sais plus son nom) de l'école Théravada (à Paris). Celui-ci a eu une place de choix, près des maîtres (près de l'autel). Un pratiquant laïc du Rinzaï, exaspéré de n'avoir pas été autorisé à devenir moine dans le cadre rinzaï, parce qu'il n'avait pas fait une première retraite de 3 ans à la falaise verte, s'était fait ordonné dans le cadre de l'AZI. Avec son habit de moine, il est allé trouvé Jyoji pour lui demander s'il pouvait être placé avec les autres religieux. Je ne vous raconte pas comment ce dernier l'a reçu... :neutral:
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Flocon
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Je prends le fil en cours et ne réponds qu'au dernier message.

Est-ce que la hiérarchie que tu décris, avec sa façon de marquer les préséances par une disposition des individus dans l'espace autour d'un centre (l'autel en l'occurrence) ne remonte pas à des traditions politiques japonaises? Il me semble qu'à la cour shogunale par exemple, mais aussi au Palais impérial, des dispositifs de ce type étaient mis en œuvre autour de l'empereur-dieu ou de son représentant. On serait alors, simplement, dans le cadre d'une symbolique ancienne, traditionnelle, comme c'est le cas dans d'autres religions.
Ce n'est qu'une hypothèse de ma part, car il s'agit peut-être plutôt d'une application stricte du vinaya : il me semble me souvenir, en tout cas, que la suprématie du moine sur le laïc dans le cadre rituel y est notifiée.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Dumè Antoni

Flocon a écrit :Est-ce que la hiérarchie que tu décris, avec sa façon de marquer les préséances par une disposition des individus dans l'espace autour d'un centre (l'autel en l'occurrence) ne remonte pas à des traditions politiques japonaises? Il me semble qu'à la cour shogunale par exemple, mais aussi au Palais impérial, des dispositifs de ce type étaient mis en œuvre autour de l'empereur-dieu ou de son représentant. On serait alors, simplement, dans le cadre d'une symbolique ancienne, traditionnelle, comme c'est le cas dans d'autres religions.
Ce n'est qu'une hypothèse de ma part, car il s'agit peut-être plutôt d'une application stricte du vinaya : il me semble me souvenir, en tout cas, que la suprématie du moine sur le laïc dans le cadre rituel y est notifiée.
C'est possible en effet. J'avoue que je n'ai pas approfondi les raisons de ces dispositions ; je les ai constatées, et a priori, pour ce qui m'a été donné de voir, Jyoji y est très attaché. Dans son livre "itinéraire d'un maître zen venu d'occident", il utilise le substantif "bleus" (comme on parle d'un "bleu", un novice, à l'armée), lesquels se tapent, en plus d'être relégués aux derniers rangs, toutes les corvées. :lol:
lausm

Flocon a écrit :Je prends le fil en cours et ne réponds qu'au dernier message.

Est-ce que la hiérarchie que tu décris, avec sa façon de marquer les préséances par une disposition des individus dans l'espace autour d'un centre (l'autel en l'occurrence) ne remonte pas à des traditions politiques japonaises? Il me semble qu'à la cour shogunale par exemple, mais aussi au Palais impérial, des dispositifs de ce type étaient mis en œuvre autour de l'empereur-dieu ou de son représentant. On serait alors, simplement, dans le cadre d'une symbolique ancienne, traditionnelle, comme c'est le cas dans d'autres religions.
Ce n'est qu'une hypothèse de ma part, car il s'agit peut-être plutôt d'une application stricte du vinaya : il me semble me souvenir, en tout cas, que la suprématie du moine sur le laïc dans le cadre rituel y est notifiée.
Tiens, bonjour Flocon, ça faisait longtemps!

Intéressante remarque, qui me paraît fondée.
Et si, au final, c'était une collusion des deux : tradition politique ET vinaya, conjoint savamment ensemble?

Le point commun reste un système éminemment hiérarchisé et patriarcal.
Je me demande si le Bouddha avait envie profondément de tout ça à ce point.
Peut-être est-ce plus facile de s'incliner face à une figure d'autorité reconnue, que d'avoir à travailler son regard pour savoir s'incliner devant une réalisation spirituelle authentique?
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Flocon
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lausm a écrit :Et si, au final, c'était une collusion des deux : tradition politique ET vinaya, conjoint savamment ensemble?

Le point commun reste un système éminemment hiérarchisé et patriarcal.
Oui, il y a probablement un syncrétisme politico-religieux à l'origine de ce système.
Aucun doute qu'il s'agisse d'une structure patriarcale et aristocratique : mais dans le cadre de la recherche de l'éveil, est-ce un inconvénient? En quoi une structure démocratique et non-sexiste serait-elle plus propice? En forçant l'esprit des pratiquants à renoncer aux discriminations extérieures, comme celles de la position sociale et du genre?
C'est possible. Mais :?:
Dumè Antoni a écrit :pour ce qui m'a été donné de voir, Jyoji y est très attaché
Je suppose qu'il est attaché, comme tout le monde, au système qui l'a fait devenir ce qu'il est. :)
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
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