Le blog de Lausm : un moine peut-il tenir un blog ?

lausm

Disons qu'une expérience réelle d'ouverture spirituelle me semble plus avoir pour conséquence un goût pour une logique de relations humaines équitables, que la création de systèmes favorisant l'autorité hiérarchique, et c'est un fait, une prédominance masculine aux postes d'autorité.
C'est donc plus une conséquence qu'une cause à mes yeux.
De toutes façons, l'experience d'eveil du Bouddha a été rapidement récupérée dans un système patriarcal hérité du brahmanisme, qu'on a tôt fait de faire croire indispensable à une expérience spirituelle, alors que ce n'est rien qu'un outil.
Le problème c'est quand on finit par confondre fin et moyen.
Dumè Antoni

Lausm a écrit :Disons qu'une expérience réelle d'ouverture spirituelle me semble plus avoir pour conséquence un goût pour une logique de relations humaines équitables, que la création de systèmes favorisant l'autorité hiérarchique, et c'est un fait, une prédominance masculine aux postes d'autorité.
Attention : le fait d'établir une hiérarchie dans un zendo n'implique pas qu'il n'y ait pas de relations humaines équitables par ailleurs. Ce protocole n'existe que dans le zendo et lors du sanzen (entretien individuel). Le maître en effet participe au samu comme n'importe qui. Déjeune avec les autres membres, qu'ils soient laïcs ou bonzes... Dans le Zendo, c'est un peu comme à l'école où le maître est sur une estrade (sauf qu'il s'agira de proximité avec l'autel dans le zendo), dirige les élèves, leur impose une discipline et leur enseigne la ou les matières. On observe que cette perte de reconnaissance du maître dans les écoles conduit à des situations de chahut, de baisse généralisée du niveau d'études, et de démission des professeurs, non reconnus par leurs élèves et leur hiérarchie. Je pense que c'est une bonne chose que le maître ait un statut particulier, au-dessus de ceux qui sont encore dans l'ignorance. En revanche, ce que je trouve plus discutable, c'est le système pyramidal qui va du maître au débutant. Parfois, certains (pas tous, heureusement) "anciens" (ceux qui ne sont plus des "bleus" mais qui sont très loin d'une authentique réalisation spirituelle) se comportent comme des despotes. Ils sont là, disent-ils, pour faire respecter la disciplines mais beaucoup d'entre eux sont bêtes à manger du foin (si j'ose dire) et déversent leurs névroses avec ostentation, quand ce n'est pas du mépris.
ted

Quand je pose la question de savoir si un moine peut tenir un blog, c'est que la définition de moine dans le Zen n'est pas tout à fait la même que celle du Vinaya, laissé par le Bouddha. Normalement, un moine ne possède aucune possession matérielle.

Donc, le statut de moine dans le Zen, est un peu entre deux chaises, je trouve... :oops: Mais on va dire que c'est l'évolution du Dharma. Prophétisée parait-il par le Bouddha dans le Paranirvanasutra du point de vue des règles qui s'adapterait avec le temps.
Dumè Antoni

On n'est pas propriétaire d'un blog. Tu peux ouvrir un blog comme un forum, à partir de sites spécialisés, et t'en servir pour écrire ce que tu veux, mais tu n'es pas le "propriétaire" au sens du Code Civil. Par ailleurs, si un moine est issu d'une famille très riche (c'était le cas de l'Abbé Pierre, par exemple dont la famille, de la région lyonnaise, était — et l'est sans doute encore — richissime), le Code Civil ne le prive pas de ses biens matériels (perçus en héritage) parce qu'il est moine. Rien n'empêchait l'Abbé Pierre de faire don de ses biens à la communauté des pauvres (mais je ne sais pas s'il l'a fait). Pour donner un exemple avec Jyoji, ce dernier avait hérité, de ses parents, de deux tableaux (d'un peintre japonais) qu'il avait offerts à sa mère quand il résidait au monastère de Shofuku-ji, tableaux qui ne valaient pas grand chose au moment de l'achat. Mais au moment de la revente (après héritage), ces tableaux ont été estimés à 2 millions de francs, ce qui lui a permis d'acheter le domaine de la Falaise Verte à l'époque. Sachant que ce domaine pouvait très bien être "liquidé" lors de son décès, il en a fait don à la Congrégation Zen afin que l'enseignement du Zen puisse perdurer après sa mort.
ted

Les quatre nécessités

Le bhikkhu doit limiter ses besoins au minimum. Il se contente de ce qu’on lui donne sans ne jamais rien demander. Ainsi, il renonce à tout ce qui est superflu ; il évite tout ce qui est susceptible de procurer du plaisir, du confort ou de la distraction. Ses nécessités sont de quatre types : l'alimentation (nourriture, boissons, etc.) ; le logement (monastère, cabane, etc.) ; le vestimentaire (robes) ; et la médecine (médicaments, soins, produits d’hygiène, etc.)

En clair, tout ce qu’obtient le bhikkhu doit servir exclusivement à lui offrir les conditions nécessaires à sa pratique du dhamma. C’est uniquement dans cet état d’esprit que le bhikkhu doit utiliser – ou consommer – les choses dont il dispose. Lorsqu’il mange par exemple, c’est seulement pour se sustenter et non pour se régaler.

http://www.dhammadana.org/sangha/vinaya ... points.htm
Tu vois bien que ça ne correspond pas au profil d'un moine Zen.
Je ne dis pas autre chose... :oops:
Le statut de moine Zen est assez libre...
Pour avoir un blog, faut payer en quelque part un abonnement internet, donc, posséder de l'argent.
D'après le Vinaya, un moine ne possède pas d'argent. Il ne peut même pas s'acheter un billet de train. On doit l'acheter pour lui.
:oops:
Dumè Antoni

Au sens strict du Bikkhu, tu as raison. Mais le Zen n'est pas le Théravada et les maîtres (plutôt que les moines car ces derniers sont tenus à des règles strictes en monastère et n'ont aucune possession) considèrent que Sîlâ est contenu dans la Vue Juste. Pour rappel : le jeu simultané de la Triple Discipline (Huineng). Dans la réalité, ils ne possèdent rien. C'est juste que la réalité, perçue en des termes dualistes, n'est pas la réalité, ou pour le dire autrement, rien n'est plus dénué de tout qu'un moine (maître) zen. Je sais bien (je ne suis pas dupe) que c'est difficile à comprendre (car il faut voir avec l'oeil de Prajna ;-) qui n'est pas un oeil "critique" ou "analytique", comme on pourrait le penser), voire inacceptable pour certains, mais vraiment, les maîtres zen ne possèdent absolument rien.
ted

Dumè Antoni a écrit :mais vraiment, les maîtres zen ne possèdent absolument rien.
Tu veux dire qu'ils se sont libérés de leurs attachements ?
Ils pourraient dormir dans un palais aujourd'hui et dans un bidonville demain, sans réaction particulière ? :oops:
Dumè Antoni

Tout à fait.
Robi

Dumè Antoni a écrit :Par ailleurs, si un moine est issu d'une famille très riche (c'était le cas de l'Abbé Pierre, par exemple dont la famille, de la région lyonnaise, était — et l'est sans doute encore — richissime), le Code Civil ne le prive pas de ses biens matériels (perçus en héritage) parce qu'il est moine. Rien n'empêchait l'Abbé Pierre de faire don de ses biens à la communauté des pauvres (mais je ne sais pas s'il l'a fait).
Parenthèse robinienne! (je peux?)
(D'après ce que j'ai pu -vite fait- lire sur internet l'abbé Pierre a renoncé à sa part d'héritage familial en entrant dans les ordres -peut-être était-ce une condition de la famille pour avoir le droit de rentrer dans les ordres puisqu'il n' a que 19 ans alors, la raison n'est pas précisée dans ce que j'ai lu mais c'est celle que j'en conclus...- . Les sites consultés précisent qu'il a donné tout ce qu'il possédait à des œuvres caritatives l'année de son ordination)
Fin de la parenthèse robinienne.
Dumè Antoni a écrit : Pour donner un exemple avec Jyoji, ce dernier avait hérité, de ses parents, de deux tableaux (d'un peintre japonais) qu'il avait offerts à sa mère quand il résidait au monastère de Shofuku-ji, tableaux qui ne valaient pas grand chose au moment de l'achat. Mais au moment de la revente (après héritage), ces tableaux ont été estimés à 2 millions de francs, ce qui lui a permis d'acheter le domaine de la Falaise Verte à l'époque. Sachant que ce domaine pouvait très bien être "liquidé" lors de son décès, il en a fait don à la Congrégation Zen afin que l'enseignement du Zen puisse perdurer après sa mort.
jap_8

Plus globalement par rapport au sujet du fil. Pour moi il n'y a aucun empêchement à tenir un blog et être moine. Tout en gardant à l'esprit, et pourquoi pas le dire dans le blog que rien ne vaut le charnel (c'est le mot que je choisis... :) ), le regard, le toucher, la voix, bref la présence de l'autre... Rien de neuf sous le soleil puisque le zen ne cesse d'insister sur la relation maître disciple.
ted

Flocon a écrit : Oui, il y a probablement un syncrétisme politico-religieux à l'origine de ce système.
Aucun doute qu'il s'agisse d'une structure patriarcale et aristocratique : mais dans le cadre de la recherche de l'éveil, est-ce un inconvénient? En quoi une structure démocratique et non-sexiste serait-elle plus propice? En forçant l'esprit des pratiquants à renoncer aux discriminations extérieures, comme celles de la position sociale et du genre?
C'est possible. Mais :?:
Mais quoi Flocon ? :) <<metta>>

"En quoi une structure démocratique et non-sexiste serait-elle plus propice? En forçant l'esprit des pratiquants à renoncer aux discriminations extérieures, comme celles de la position sociale et du genre? "

  • Oui, tout à fait. Comment développer la bodhicitta, l'esprit d'éveil envers tous les êtres, si on est convaincu, ou plutôt, si on nous convainc, que certains êtres sont "plus égaux que d'autres" ? Comme dit Georges Orwell ("All animals are equal, but some animals are more equal than others")

    N'y a t'il pas, dans certains cercles bouddhistes traditionnels, une attitude tacite, légèrement condescendante, estimant que certaines personnes ne sont vraisemblablement et visiblement pas prêtes pour l'éveil et devraient se contenter d'accumuler des mérites pour avoir une meilleure renaissance (tout en servant de domestiques à l'élite) ? La position aristocratique et sociale devenant alors garante et synonyme des mérites accumulés dans les vies précédentes, mérites qui légitiment une caste supérieure ?
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