Les quatre portes du Connaître de l'esprit éveillé

Dumè Antoni

Pour en finir avec les commentaires :
Hakuin a écrit :On pourrait dire que connaître par la voie de la différentiation est comme la fleur du plein éveil : la pratique est cette fleur qui éclot. D'un autre côté, connaître et "faire ce qui doit être fait" est fruit qui mûrit. Il ne vous est pas possible de voir cela même en rêve à moins d'avoir passé les dernières étapes de transcendance de notre école. C'est pourquoi il est dit qu'au dernier mot vous arriverez enfin à la barrière impénétrable.
Hakuin indique ici que la pratique graduelle, jusqu'au principe de différentiation des éveillées, est comme une fleur qui éclot. Le fruit de cette pratique est de "faire ce qui doit être fait", c'est à dire "se rendre au marché avec des mains secourables" qui est l'activité du Bodhisattva pleinement éveillé. Il insiste sur le fait qu'il n'est pas possible de voir cela "même en rêve à moins d'avoir passé les dernières étapes de transcendance de notre école". Ce point important montre que, pour Hakuin, il est quasiment impossible d'atteindre le fruit sans faire éclore la fleur au préalable. Ceci signifie que l'accès au 8ème tableau n'est pas à la portée de n'importe qui ("même en rêve" !). Hakuin met donc en garde contre l'idée que l'on soit naturellement éveillé et qu'il suffirait, en quelque sorte, de s'asseoir "sans effort" (qui est la voie subite) pour se comparer à un Bodhisattva de la 10ème Terre.
La direction ne se trouve pas au moyen d'explications verbales. Si vous voulez atteindre ce lieu, raffinez la voie subtile de l'observation-discernement par la différentiation en travaillant les kôans qui sont si difficiles à pénétrer. Faites fondre dans le haut-fourneau des centaines et des centaines de fois. Même si vous avez pénétré plusieurs kôans, répétez l'opération encore et encore, cherchant méticuleusement quel est ce petit joyau de vérité au-delà de toutes les conventions dans cette grande affaire de transcendance. Si vous ne cessez d'avancer dans votre examen des paroles des Anciens, un jour vous connaîtrez cette petite merveille.
Et donc, il insiste ici sur le travail des kôans et l'application de la voie graduelle, en quelque sorte, car c'est sans aucun doute le moyen le plus sûr de ne pas se tromper. Hakuin ne nie pas l'aspect subitiste, mais il met en garde les pratiquants de choisir le "sans effort" comme si c'était la voie naturelle. Elle n'est naturelle que pour ceux qui disposent d'un karma favorable, c'est à dire ceux qui ont — dans leurs vies "antérieures" — pratiqués "la sphère du perfectionnement". Bien entendu, Hakuin privilégie la méthode "Rinzaï", dont il fut le réformateur. Il ne nie pas la réalisation subite, mais il la conditionne, en quelque sorte, à une pratique de perfectionnement préalable.
Mais quand même, si vous ne cherchez pas un maître éveillé et n'entrez pas personnellement dans sa forge, vous ne serez pas capable de sonder les profondes subtilités. Le seul ennui est que les maîtres authentiques du Zen sont extrêmement rares et il est difficile de les trouver.
Ce point est capital. Aucun progrès sensible ne peut exister sans l'aide d'un maître éveillé. Sans le maître, toute pratique est vouée à l'échec. Beaucoup d'adeptes estiment qu'ils n'ont pas besoin de maître et qu'il leur suffit de faire zazen ou "méditer" sur les sensations corporelles, leurs pensées... en lisant quelques traductions de sutras glanées sur le net. Non seulement cette pratique ne mène nulle part, mais elle est de tous les dangers car l'adepte se surestime et ne trouve pas ses propres limites. Il est comme un oeil qui chercherait à se voir. Sa pratique demeure dualiste et il se fourvoie indéfiniment.

Cela étant, Hakuin fait le constat que les maîtres authentiques sont rares. Ce constat est bien sûr valable de nos jours. Mais si les maîtres sont rares, cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas et donc faire comme s'ils n'existaient pas. Il est difficile de les trouver, mais cette recherche du maître fait partie de la pratique. C'est même l'essentiel de la pratique.
Mais si quelqu'un s'applique en ceci avec la plus grande énergie et parvient à une pénétration claire, il atteint la liberté dans toutes les voies, transcende les domaines des Bouddhas et des démons, résout les points de friction, supprime les chaînes, arrache les clous et les chevilles et conduit les gens à la sphère de la pureté et de la tranquillité.
Et donc, si l'on s'applique à rechercher un maître, celui-ci apparaîtra car "quand l'élève est prêt, le maître apparaît". Et alors, la mise en pratique de la Voie devient aisée et conduit à la libération.
Ceci est appelé le "connaître nécessaire à l'accomplissement de l'action". Il est associé à la direction nord et est appelé la porte du nirvana. C'est comme lorsque le soleil est au nord, qu'il est minuit et que le monde est plongé dans l'obscurité. Atteindre cette sphère de connaître n'est pas à la portée de la compréhension - même le Bouddha ne peut voir, encore moins les étranger et les démons. C'est l'état tout à fait paisible de la pure réalité des Bouddha et des patriarches, le buisson de ronces où les moines aux robes rapiécées s'assoient, s'étendent et marchent vingt quatre heures par jour. On l'appelle "le grand nirvana" plein des quatre attributs (soi, pureté, béatitude, éternité). Il est aussi appelé "connaître la nature essentielle de l'univers" où les quatre façons de connaître sont pleinement accomplies. Le centre signifie l'harmonisation des quatre façons de connaître dans un tout, et la nature essentielle de l'univers signifie le roi de l'éveil, le maître des enseignements, et étant roi du Dharma, libre de toutes directions...
Ce passage ne nécessite pas de commentaires.

Voilà donc ce que sont les 4 portes du Connaître de l'esprit éveillé. En espérant que mes commentaires auront permis d'éclairer le lecteur sur le sens de la pratique dans le Zen Rinzaï.
ted

Aucun progrès sensible ne peut exister sans l'aide d'un maître éveillé. Sans le maître, toute pratique est vouée à l'échec.
N'est-ce pas un peu catégorique comme affirmation sachant que Prajna se développe sans l'aide d'un maître et que Prajna est un excellent maître ?
Dumè Antoni

Ted a écrit :
Aucun progrès sensible ne peut exister sans l'aide d'un maître éveillé. Sans le maître, toute pratique est vouée à l'échec.
N'est-ce pas un peu catégorique comme affirmation sachant que Prajna se développe sans l'aide d'un maître et que Prajna est un excellent maître ?
Prajna brille dans toutes les directions, mais si nous tournons le dos à sa lumière, nous ne pouvons être éclairés. Si l'on pense que Prajna va s'éveiller en nous sans un maître, c'est comme vouloir se soigner d'une maladie mortelle sans voir un médecin : c'est de l'inconscience ou de la folie. Le maître appartient au Sangha, qui est l'un des trois joyaux, et vouloir s'en passer, cela revient à vouloir se passer du Dharma ou du Bouddha. C'est impossible car aucun d'entre nous n'a le karma d'un Çakyamuni ; et encore, même ce dernier a eu deux maîtres.
ted

Il ne s'agit pas de se passer d'un maître. J'ai pas dit ça. :oops:

Mais n'importe qui, pratiquant la méditation en solo pendant un temps suffisant, constate l'éveil de prajna.

Qu'il faille un maître pour franchir des étapes supérieures, je suis bien d'accord.
Mais les plus gros changements peuvent se faire sans un maître ! Et encore heureux ! Vu la rareté supposée des maîtres authentiques (c'est toi même qui le dit).

On ne va pas laisser quand même croire aux gens que la Voie Bouddhiste est improductive tant qu'un individu rare et exceptionnel n'est pas collé à nos talons ? :shock: :D
Dumè Antoni

Ted a écrit :Mais n'importe qui, pratiquant la méditation en solo pendant un temps suffisant, constate l'éveil de prajna.
Je ne pense pas. L'éveil de Prajna, c'est l'éveil, tout simplement (qu'il soit libérateur ou non). Ce n'est pas quelque chose que "n'importe qui" constate, avec ou sans maître. Ou alors nous ne parlons pas de la même chose, tous les deux :lol:
Qu'il faille un maître pour franchir des étapes supérieures, je suis bien d'accord.
Mais les plus gros changements peuvent se faire sans un maître ! Et encore heureux ! Vu la rareté supposée des maîtres authentiques (c'est toi même qui le dit).
Un changement (par la pratique de zazen, par exemple), ça ne veut pas dire l'éveil de Prajna. Qu'est-ce que ça signifie, un changement, pour toi ? Devenir "meilleur" ? Le cas échéant, qu'elle valeur accorder à ce "meilleur", si elle n'est pas soutenue par une véritable expérience zen ? De mon point de vue, c'est encore moins que rien, car l'idée qu'on se fait du bien (ou de Prajna) tout seul, sans un maître pour contrôler, conduit à l'erreur active (contrairement à l'erreur passive en ne faisant rien), avec toutes les conséquences néfastes (pour soi et pour les autres) au plan karmique.
On ne va pas laisser quand même croire aux gens que la Voie Bouddhiste est improductive tant qu'un individu rare et exceptionnel n'est pas collé à nos talons ? :shock: :D
Un maître n'est pas "collé à nos talons". Je pense que tu as une assez mauvaise idée ou représentation du maître dans le Zen (ou le Bouddhisme en général). Réalises-tu que le maître est l'équivalent (en esprit) du Bouddha en ce qu'il est le maître du Sangha, et que tu en fais (dans la façon dont tu t'exprimes) une sorte de "béquille". Ce n'est pas bien du tout, ça, Ted :neutral: :roll: :lol:
ted

Dumè Antoni a écrit :
Ted a écrit :Mais n'importe qui, pratiquant la méditation en solo pendant un temps suffisant, constate l'éveil de prajna.
Je ne pense pas. L'éveil de Prajna, c'est l'éveil, tout simplement (qu'il soit libérateur ou non). Ce n'est pas quelque chose que "n'importe qui" constate, avec ou sans maître. Ou alors nous ne parlons pas de la même chose, tous les deux :lol:
Effectivement, nous ne parlons pas de la même chose si tu dis que l'éveil de Prajna, c'est l'éveil tout court.

Je suis plutôt d'accord avec la description de Prajna qu'en fait Kaïkan (moine zen soto) dans un des fils de Nangpa :

http://www.forum-bouddhiste.com/viewtopic.p ... =86&t=9118
Dumè Antoni

Oui, bien sûr, on peut avoir des points de vue différents. En fait, les "quatre portes du Connaître de l'esprit éveillé" sont un texte de Hakuin, maître zen et réformateur de la tradition rinzaï. On peut donc ne pas être d'accord (ce qui n'est pas mon cas, bien sûr).
ted

Dumè Antoni a écrit :Oui, bien sûr, on peut avoir des points de vue différents. En fait, les "quatre portes du Connaître de l'esprit éveillé" sont un texte de Hakuin, maître zen et réformateur de la tradition rinzaï. On peut donc ne pas être d'accord (ce qui n'est pas mon cas, bien sûr).
Oups ! :oops: Pardonne moi !
Je suis en train de troller ton fil rinzaï en fait ! :mrgreen:
Excuse moi Dumè.
Bon, je repars en vacances c'est mieux. .. :oops:
Desolé encore une fois...
loveeeee jap_8
Dumè Antoni

Pas de souci ;-) . Bonnes vacances :lol: :D
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