Un enseignement de Brad Warner sur l'Eveil

Dumè Antoni

Kaïkan a écrit : J'ai trouvé ce texte intéressant car cette description :
Brad Warner a écrit :C'est un moment où l'on voit avec une clarté parfaite que tout ce qu'on raconte sur l'unité avec le cosmos, sur le moi individuel identique avec le Grand Soi de l'Univers, sur la non-différence/séparation entre sujet et objet, et tout le toutim n'est pas qu'une abstraction ou une stance philosophique. Mais c'est au contraire une meilleure description de ce que sont réellement les choses que tout ce qu'ont pu nous raconter tous ceux qui nous ont jamais enseigné quelque chose, que l'histoire qu'on a crue absolument et sans le moindre doute depuis le début de notre vie.
d'après ce qu'on dit dans les fils de ce forum semble être un kensho, et dans le sôtô un satori. Je voulais en profiter pour dire qu'il y a aussi dans le sôtô des "petits" satori avant ce quon pourrait appeler le "grand" satori libérateur. C'est peut-être ce que l'on expérimente dans le rinzai puisqu'on peut avoir plusieurs kensho. Donc ces petits satori du sôtô pourraient bien être la même chose. Ce n'est qu'une supposition, une hypothèse.
J'ai discuté avec Taïkan Jyoji, après qu'il ait "examiné" mon cas, de cette affirmation d'Hakuin à propos de grand et de petit satori. T. Jyoji m'a dit qu'il n'y avait pas à se prendre la tête avec ça, car le problème n'est pas tant la "taille" du kensho que ce qu'il "apporte" dans la Libération. Ça me paraît très juste (avec du recul).

Pour ce qui est de "juger" un kensho à partir d'une phrase ou d'un bouquin sans pouvoir s'entretenir vraiment (directement) avec la personne, et donc sans que cette dernière ait la possibilité de "s'expliquer", ça me paraît difficile. Mais il existe des indices à peu près certains, dans un sens (c'est un kensho) ou dans un autre (ce n'est pas le kensho).

Par exemple : quand un contributeur qui s'exprimait ici a dit qu'il "pensait avoir eu le kensho mais qu'il ne voulait pas s'illusionner avec", ceci est un indice qu'il n'a pas eu le kensho. L'indice étant que celui qui a eu le kensho sait qu'il ne peut pas s'illusionner avec. Mais bien sûr, quand je dis que cette personne n'a pas le kensho, ce n'est pas l'expérience que je juge (et qui n'a aucune importance) mais sa conclusion, c'est donc un jugement "indirect". Pour trancher, il faudrait que ce contributeur puisse parler de son expérience directement (en voyant) un maître qui a eu le kensho. Le fait que ce contributeur ne fasse pas cette démarche (de se confronter au maître) est également un autre indice d'absence de kensho, car celui qui a le kensho n'a de cesse d'éprouver son expérience au garant de la Transmission (qui est le maître). Car le kensho a ceci de particulier qu'il doit s'inscrire dans une lignée ininterrompu depuis le Bouddha.

Dans la phrase de Brad Warner : "C'est un moment où l'on voit avec une clarté parfaite que tout ce qu'on raconte sur l'unité avec le cosmos, sur le moi individuel identique avec le Grand Soi de l'Univers, sur la non-différence/séparation entre sujet et objet", l'expérience du kensho de Brad Warner n'est pas probante à mon avis (ce qui ne signifie bien sûr pas qu'il ne l'a pas eu). Les notions "d'unité avec le cosmos ou du moi individuel identique avec le Grand Soi", plaident en effet davantage pour une expérience samadhique d'union (ce dont il était question dans l'entretien avec Robi) que pour un kensho. C'est difficile d'expliquer pourquoi, mais je vais me servir d'autres exemple qui peut-être aideront à comprendre.

Un exemple intéressant est le passage d'un article de Yuno Rech, à propos de Wanshi et d'une grenouille qui avale la lune. On trouvera ce passage ici : http://www.abzen.eu/fr/enseignement/con ... re-chinois

C'est ce passage de Yuno Rech qui est intéressant : "La grenouille au fond du puits, c’est vous et moi, ici et maintenant. Comment peut-elle avaler la lune ? Logiquement, ce n’est pas possible mais si on abandonne l’esprit qui crée des séparations, qui se voit comme petit alors que la lune est grande, qui se voit comme ici alors que la lune est là-bas, qui pense que la nature de Bouddha est tout autre que lui-même, si on abandonne cet esprit-là, alors il n’y a même pas besoin d’avaler la lune, de vouloir la saisir car c’est elle qui vient à nous!"

Il y a, dans ce passage, quelque chose qui est du langage du kensho, et quelque chose qui montre, à mon avis, que c'en ait pas (mais encore une fois, il faudrait pouvoir s'entretenir avec Yuno Rech pour savoir ce qu'il a vraiment à l'esprit). Le passage qui est du langage du kensho est celui-ci qui va de "La grenouille au fond du puits,... jusqu'à "si on abandonne cet esprit-là". Et le passage qui montre (à mon avis) qu'il est passé à côté du kensho sans l'avoir est tout le reste, à savoir : "alors il n’y a même pas besoin d’avaler la lune, de vouloir la saisir car c’est elle qui vient à nous". Ce que j'ai souligné en gras est ce qu'il ne fallait pas dire, parce que, précisément, il FAUT avaler la lune. Bien sûr, c'est peu pour décider de façon rédhibitoire que ce n'est pas le kensho, car peut-être Yuno Rech a tout autre chose à l'esprit, qu'il voudrait dire et qui mériterait peut-être d'être étudié, mais en l'état, ce passage est un indice d'absence de kensho.

Un autre exemple intéressant, et à partir duquel je ne peux pas me prononcer (en terme d'indice, je veux dire) c'est le poème de Richard Baker, le "successeur" de Shunryu Suzuki, lorsqu'il reçut la transmission de ce dernier. Le poème commence ainsi :
"Ce morceau d'encens
Que j'ai eu si longtemps
Je l'offre sans main".

Ce passage est le langage du kensho, mais on ne peut savoir s'il s'agit d'une véritable expérience pour Baker, ou bien s'il s'est contenté de paraphraser le maître national Daito qui vivait parmi les mendiants et qui fut "capturé vivant parce qu'il aimait trop les melons". En effet, suivant la tradition, lorsque l'empereur Hanazono voulut rencontrer Daito, personne ne put lui dire qui il était parmi la foule des mendiants. L'officier chargé de le retrouver apprit que Daito aimait les melons. Aussi dit-il aux mendiants : "Venez le (le melon) chercher sans vos pieds". L'un d'eux répondit : "Donnez-le moi sans vos mains !". C'est de cette manière que Daito fut "piégé". Pour revenir à Richard Baker, il est difficile de ne pas faire le lien entre son poème et cette histoire (qu'il devait sans doute connaître) mais il est impossible de dire que Baker ne savait pas offrir ce morceau d'encens "sans main".
Robi

Dumè Antoni a écrit :Les notions "d'unité avec le cosmos ou du moi individuel identique avec le Grand Soi", plaident en effet davantage pour une expérience samadhique d'union (ce dont il était question dans l'entretien avec Robi) que pour un kensho.
Bonjour en ce nouveau jour qui est un bon jour,

D'avance pardonnes- moi Dumé de refaire en quelques lignes une précision. Après cette ultime précision biensûr que le sujet (strictement parlant) du fil, que je trouve intéressant, reprenne... d'ailleurs mes petites remarques peuvent je pense aussi éclairer de ce qui est rigoureusement bouddhiste.
Ce matin je me suis d'ailleurs replongé dans les textes -sutras- à propos de samadhi dans le célèbre "Aux sources du bouddhisme" de Lilian Silburn. Ce que tu as dit précédemment est conforme à ce qui est dit dans les sutras... (Sauf biensûr à propos de transférer l'expérience samadhique dans un contexte chrétien. Ce que je sais tu as parfaitement aussi compris avec ton post d'hier à 19h32 et je t'en remercie).

Mais comme ici je lis:
Les notions "d'unité avec le cosmos ou du moi individuel identique avec le Grand Soi", plaident en effet davantage pour une expérience samadhique d'union (ce dont il était question dans l'entretien avec Robi) que pour un kensho.
Je voudrais ultimement dire (encore une fois avec mes excuses d'y revenir) que en aucune façon lorsque moi j'ai employé le mot "union" à propos de l'expérience mystique ou spirituelle chrétienne il n'est question que c'est une union avec le cosmos ou de l'indentité du moi individuel avec le Grand Soi.

Voilà, c'est tout ce que je voulais ultimement préciser. Merci de m'en laisser par votre amabilité la possibilité d'être précis à ce sujet.

Maintenant que la discussion reprenne en étant définitivement clair que les mots "expérience samadhique d'union" ne peuvent s'adapter au christianisme.

Encore mes excuses pour cet aparté (quand même un peu dans le sujet, ça permet de clarifier ce que vous entendez par samadhi... :) )
Dumè Antoni

Merci de cette précision, Robi. Pas de souci pour "remettre les pendules à l'heure" et ne pas reproduire une attitude "new age" envers le Christianisme, attitude que par ailleurs je rejette pour le Bouddhisme.
Kaïkan
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Dumè a écrit :Un autre exemple est un passage intéressant d'un article de Yuno Rech, à propos de Wanshi et d'une grenouille qui avale la lune. On trouvera ce passage ici : http://www.abzen.eu/fr/enseignement/con ... re-chinois
Merci pour ce long message qui donne une réponse très intéressante à tous ceux qui ne sont pas dans la tradition rinzai.
Je reste sur l'impression que les mots Kensho et Satori sont souvent utilisés un peu à tort mais sont bien connus des différentes écoles du zen. Personnellement j'aurais plutôt tendance à utiliser deux mots bien français pour éviter de tomber dans la confusion.
Il s'agit des mots : "expérience" et "réalisation".
Ce que j'entends par là c'est que l'expérience est un concours de circonstances qui permet d'expérimenter pendant un certain temps une certaine sorte de conscience (je reste vague car le domaine est vaste). La réalisation est aussi une expérience mais elle est définitive et il n'y a pas de retour en arrière. C'est justement pour cela qu'on rencontre beaucoup de gens parlant de leur (quand il n'y en a qu'une) ou de leurs expériences (quand il y en a plusieurs). Par contre une réalisation étant définitive il est normal de s'y habituer complètement et de ne pas y songer particulièrement. Il me semble aussi avoir rencontré de nombreuses personnes persuadées d'avoir vécu un moment extraordinaire qui s'obstruent complètement toute possibilité en se polarisant sur ce fameux moment dans une sorte de fixation obsessionnelle. C'est bien pour cela que je préfère insister à inciter les pratiquants à se polariser plutôt sur le lâcher prise et le "laisser-passer" les pensées car comme indiqué dans le sutra du diamant coupeur "si l'esprit ne s'arrête nulle part, alors apparaît le véritable esprit".
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yudo
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A cet égard, il me paraît beaucoup plus facile de singer le "langage du kenshô" qu'autre chose. Je pense pour ma part que quiconque connaît suffisamment les textes peut, avec de l'habileté (et je ne parle pas ici des "Hôben") imiter ce langage, et poser à ce qu'il n'est pas.

Quant au maître Brad Warner, je dirai seulement que, lorsqu'on voit l'enseignant dans une sesshin prendre pour lui-même, au moment des samu, le nettoyage des toilettes, on peut déjà se faire une petite idée de la valeur de son sens éthique et de ses "prétentions"...

Lorsqu'on voit le comportement réel de Baker ou de Rech, cela est en soi un indice de ce que leur habileté à imiter le langage "spécifique" est grande, mais creuse.

Et je rappelle que 見性 (kenshou) veut littéralement dire, en dehors de son usage dans la tradition Zen Rinzaï, "voir sa propre nature", et, dans le langage courant, "conscience de soi" et "conscience de son propre caractère".

C'est, pour mémoire, issu du dernier vers des fameuses stances attribuées à Bodhidharma (mais que Dumoulin dit être du X° siècle):
教外別傳 (kyô gai betsu ten) : sûtra dehors spécial transmission
不立文字 (fu ritsu bun shi) ; non-dépendant caractères (d'écriture);
直指人心 (jiki shi jin shin) : direct doigt humain coeur
見性成佛 (ken shô jô butsu) : voir nature devenir bouddha

En tout cas, dans mon expérience personnelle, voir sa propre nature n'est pas nécessairement confortable. Je comprends que certains préfèrent noyer le poisson...
Dumè Antoni a écrit :
Kaïkan a écrit : J'ai trouvé ce texte intéressant car cette description :
Brad Warner a écrit :C'est un moment où l'on voit avec une clarté parfaite que tout ce qu'on raconte sur l'unité avec le cosmos, sur le moi individuel identique avec le Grand Soi de l'Univers, sur la non-différence/séparation entre sujet et objet, et tout le toutim n'est pas qu'une abstraction ou une stance philosophique. Mais c'est au contraire une meilleure description de ce que sont réellement les choses que tout ce qu'ont pu nous raconter tous ceux qui nous ont jamais enseigné quelque chose, que l'histoire qu'on a crue absolument et sans le moindre doute depuis le début de notre vie.
d'après ce qu'on dit dans les fils de ce forum semble être un kensho, et dans le sôtô un satori. Je voulais en profiter pour dire qu'il y a aussi dans le sôtô des "petits" satori avant ce quon pourrait appeler le "grand" satori libérateur. C'est peut-être ce que l'on expérimente dans le rinzai puisqu'on peut avoir plusieurs kensho. Donc ces petits satori du sôtô pourraient bien être la même chose. Ce n'est qu'une supposition, une hypothèse.
J'ai discuté avec Taïkan Jyoji, après qu'il ait "examiné" mon cas, de cette affirmation d'Hakuin à propos de grand et de petit satori. T. Jyoji m'a dit qu'il n'y avait pas à se prendre la tête avec ça, car le problème n'est pas tant la "taille" du kensho que ce qu'il "apporte" dans la Libération. Ça me paraît très juste (avec du recul).

Pour ce qui est de "juger" un kensho à partir d'une phrase ou d'un bouquin sans pouvoir s'entretenir vraiment (directement) avec la personne, et donc sans que cette dernière ait la possibilité de "s'expliquer", ça me paraît difficile. Mais il existe des indices à peu près certains, dans un sens (c'est un kensho) ou dans un autre (ce n'est pas le kensho).

Par exemple : quand un contributeur qui s'exprimait ici a dit qu'il "pensait avoir eu le kensho mais qu'il ne voulait pas s'illusionner avec", ceci est un indice qu'il n'a pas eu le kensho. L'indice étant que celui qui a eu le kensho sait qu'il ne peut pas s'illusionner avec. Mais bien sûr, quand je dis que cette personne n'a pas le kensho, ce n'est pas l'expérience que je juge (et qui n'a aucune importance) mais sa conclusion, c'est donc un jugement "indirect". Pour trancher, il faudrait que ce contributeur puisse parler de son expérience directement (en voyant) un maître qui a eu le kensho. Le fait que ce contributeur ne fasse pas cette démarche (de se confronter au maître) est également un autre indice d'absence de kensho, car celui qui a le kensho n'a de cesse d'éprouver son expérience au garant de la Transmission (qui est le maître). Car le kensho a ceci de particulier qu'il doit s'inscrire dans une lignée ininterrompu depuis le Bouddha.

Dans la phrase de Brad Warner : "C'est un moment où l'on voit avec une clarté parfaite que tout ce qu'on raconte sur l'unité avec le cosmos, sur le moi individuel identique avec le Grand Soi de l'Univers, sur la non-différence/séparation entre sujet et objet", l'expérience du kensho de Brad Warner n'est pas probante à mon avis (ce qui ne signifie bien sûr pas qu'il ne l'a pas eu). Les notions "d'unité avec le cosmos ou du moi individuel identique avec le Grand Soi", plaident en effet davantage pour une expérience samadhique d'union (ce dont il était question dans l'entretien avec Robi) que pour un kensho. C'est difficile d'expliquer pourquoi, mais je vais me servir d'autres exemple qui peut-être aideront à comprendre.

Un exemple intéressant est le passage d'un article de Yuno Rech, à propos de Wanshi et d'une grenouille qui avale la lune. On trouvera ce passage ici : http://www.abzen.eu/fr/enseignement/con ... re-chinois

C'est ce passage de Yuno Rech qui est intéressant : "La grenouille au fond du puits, c’est vous et moi, ici et maintenant. Comment peut-elle avaler la lune ? Logiquement, ce n’est pas possible mais si on abandonne l’esprit qui crée des séparations, qui se voit comme petit alors que la lune est grande, qui se voit comme ici alors que la lune est là-bas, qui pense que la nature de Bouddha est tout autre que lui-même, si on abandonne cet esprit-là, alors il n’y a même pas besoin d’avaler la lune, de vouloir la saisir car c’est elle qui vient à nous!"

Il y a, dans ce passage, quelque chose qui est du langage du kensho, et quelque chose qui montre, à mon avis, que c'en ait pas (mais encore une fois, il faudrait pouvoir s'entretenir avec Yuno Rech pour savoir ce qu'il a vraiment à l'esprit). Le passage qui est du langage du kensho est celui-ci qui va de "La grenouille au fond du puits,... jusqu'à "si on abandonne cet esprit-là". Et le passage qui montre (à mon avis) qu'il est passé à côté du kensho sans l'avoir est tout le reste, à savoir : "alors il n’y a même pas besoin d’avaler la lune, de vouloir la saisir car c’est elle qui vient à nous". Ce que j'ai souligné en gras est ce qu'il ne fallait pas dire, parce que, précisément, il FAUT avaler la lune. Bien sûr, c'est peu pour décider de façon rédhibitoire que ce n'est pas le kensho, car peut-être Yuno Rech a tout autre chose à l'esprit, qu'il voudrait dire et qui mériterait peut-être d'être étudié, mais en l'état, ce passage est un indice d'absence de kensho.

Un autre exemple intéressant, et à partir duquel je ne peux pas me prononcer (en terme d'indice, je veux dire) c'est le poème de Richard Baker, le "successeur" de Shunryu Suzuki, lorsqu'il reçut la transmission de ce dernier. Le poème commence ainsi :
"Ce morceau d'encens
Que j'ai eu si longtemps
Je l'offre sans main".

Ce passage est le langage du kensho, mais on ne peut savoir s'il s'agit d'une véritable expérience pour Baker, ou bien s'il s'est contenté de paraphraser le maître national Daito qui vivait parmi les mendiants et qui fut "capturé vivant parce qu'il aimait trop les melons". En effet, suivant la tradition, lorsque l'empereur Hanazono voulut rencontrer Daito, personne ne put lui dire qui il était parmi la foule des mendiants. L'officier chargé de le retrouver apprit que Daito aimait les melons. Aussi dit-il aux mendiants : "Venez le (le melon) chercher sans vos pieds". L'un d'eux répondit : "Donnez-le moi sans vos mains !". C'est de cette manière que Daito fut "piégé". Pour revenir à Richard Baker, il est difficile de ne pas faire le lien entre son poème et cette histoire (qu'il devait sans doute connaître) mais il est impossible de dire que Baker ne savait pas offrir ce morceau d'encens "sans main".
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Dumè Antoni

Kaïkan a écrit : Personnellement j'aurais plutôt tendance à utiliser deux mots bien français pour éviter de tomber dans la confusion.
Il s'agit des mots : "expérience" et "réalisation".
Tout à fait d'accord. Du reste, — par exemple — Jyoji a décidé de ne plus employer les mots "kensho" ou "satori" en raison de toutes les interprétations possibles et le plus souvent fausses. Il emploie l'expression "profonde expérience zen". Bon, cette expression ne dit pas davantage ou mieux ce dont il s'agit, mais elle a le mérite de sortir d'un vocabulaire "japonisant". Cela étant, ce souci de sortir du contexte japonais ou chinois peut aussi être la porte ouverte à toute sorte de méprises. Par exemple, le terme "méditation" pour Dhyana. La vidéo de D. Trotignon est à cet égard intéressante (voir le fil "qu'est-ce que la méditation" ouvert par Ted). De mon côté, je préfère dire "faire zazen" que "méditer". Parce que dans l'esprit des gens, méditer, ça n'est pas différent de la méditation de la "pleine conscience" avec ce que ça suppose de dérive. Même si les gens ne savent pas toujours quelle est la différence entre "faire zazen" et "méditer", le fait que "j'interdise" d'employer le mot "méditer" dans le zendo au profit de "faire zazen" indique pour eux que ce n'est pas tout à fait la même chose.
Yudo a écrit :A cet égard, il me paraît beaucoup plus facile de singer le "langage du kenshô" qu'autre chose. Je pense pour ma part que quiconque connaît suffisamment les textes peut, avec de l'habileté (et je ne parle pas ici des "Hôben") imiter ce langage, et poser à ce qu'il n'est pas.
C'est tout à fait vrai. La preuve avec Richard Baker, qui utilise dans son poème une expression propre au langage du kensho mais dont on peut toutefois supposer qu'il l'a paraphrasée de la littérature. Fort heureusement, les maîtres zen connaissent très bien ce "risque" et utilisent des kôans "secondaires" pour vérifier qu'il n'y avait pas de confusion (dans le Rinzaï en tout cas). Lors d'une fin de sesshin de Rohatsu, je suis passé en sanzen. Je souhaitais offrir un "cadeau" un peu spécial à T. Jyoji. Je lui ai donc "décrit" ce que j'entendais lui offrir. Il m'a répondu, en substance : "vous ne pouvez pas m'offrir ce que vous décrivez. Cependant, je sais que vous le voyez et donc j'accepte votre cadeau". Si je m'en étais tenu, par exemple, à la phrase de Baker (ou dans le genre) sans autre information il aurait rejeté mon offre, sans plus. Il ne suffit donc pas d'avoir ce langage pour les maîtres parce que ces derniers savent qu'il peut parfois être emprunté à la littérature ou à la poésie. Je me suis fait piégé une fois avec un poème (je ne sais plus de qui) qui avait le langage du kensho alors que le poète (je l'ignorais) savait que ce n'était pas le cas. Donc, j'insiste : l'important est de confronter sa vue en sanzen avec un maître. Sans cela, on risque de graves méprises (dans le sens de reconnaître un kensho alors que c'en est pas un ou l'inverse). C'est un peu comme pour un diagnostic médical sur un forum. Chacun sait que c'est impossible mais des tas de gens se découvrent des maladies parce qu'ils ont (ou pensent avoir) les symptômes de la maladie. L'art du maître, c'est de ne pas s'arrêter aux symptômes et de faire les "examens complémentaires" pour faire le bon diagnostic. Donc, j'insiste : ne pas pratiquer le Zen sans un maître. C'est un risque qui vaut autant que faire un diagnostic en lisant sur le net les symptômes d'une maladie (même si, parfois, on tombe "juste").
LaMoelle a écrit :Par ailleurs pour les autres interventions ci haut, où l'on mentionne spécifiquement des noms, à quoi cela sert il de compter les grains de riz dans les bols des autres?
La comparaison me paraît inappropriée. Les noms employés sont ceux de maîtres reconnus ; ils s'exposent de fait à la critique publique, qu'ils le veuillent ou non, et que ce soit justifié (argumenté) ou non.
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yudo
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Effectivement. D'une part ce que nous pratiquons est davantage une "contemplation" qu'une méditation, et je préfère moi-même parler de "faire zazen".

Quant aux termes nippons, maître Nishijima préférait parler de "résolution des problèmes philosophiques", car lui aussi savait que les mots sont des pièges.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
felix

Dumè Antoni a écrit:
La comparaison me paraît inappropriée. Les noms employés sont ceux de maîtres reconnus ; ils s'exposent de fait à la critique publique, qu'ils le veuillent ou non, et que ce soit justifié (argumenté) ou non.
J'ai cru comprendre que Taïkan Jyoji déconseillait la lecture des sûtras avant d'avoir le Kensho. Comment le sixième patriarche aurait-il pu s'éveiller s'il n'avait entendu le sûtra du Diamant? C'est en entendant la phrase "ne s'attacher à rien qui puisse faire naître le mental" que le sixième patriarche chinois Huì Néng et le roi viêtnamien Trần Thái Tông atteignirent tous les deux subitement l'éveil. S'ils avaient dû attendre d'avoir le kensho avant d'entendre les sûtras ils ne l'auraient jamais eus.

@Kaïkan
Comment un deshimariste (c'est comme ça qu'on dit?) peut-il cautionner les textes de Brad Warner... (supprimé par la modération)

(supprimé par la modération)

@Yudo
Un de mes camarades de serpentard me demande pourquoi sur la photo de Dumbledore ci-dessus celui-ci à bien des lunettes noires mais pourquoi sa canne n'est-elle pas blanche? (je pense qu'il plaisante)
Dumè Antoni

felix a écrit :J'ai cru comprendre que Taïkan Jyoji déconseillait la lecture des sûtras avant d'avoir le Kensho.
Ce n'est pas T. Jyoji qui déconseille, mais le clergé Rinzaï qui interdit la lecture des Sutras en monastère avant le kensho. Toutefois, les moines détournent régulièrement cette interdiction quand ils sont autorisés à sortir (une fois par semaine, je crois). A cette occasion, ils peuvent se rendre dans une bibliothèque.
Comment le sixième patriarche aurait-il pu s'éveiller s'il n'avait entendu le sûtra du Diamant?
C'est le kensho qui a ouvert les yeux à Huineng lorsqu'il a entendu le sûtra du Diamant et non l'inverse. Si le simple fait d'entendre le Sûtra du Diamant devait provoquer le kensho, le nombre d'éveillés serait très élevé.
C'est en entendant la phrase "ne s'attacher à rien qui puisse faire naître le mental" que le sixième patriarche chinois Huì Néng et le roi viêtnamien Trần Thái Tông atteignirent tous les deux subitement l'éveil. S'ils avaient dû attendre d'avoir le kensho avant d'entendre les sûtras ils ne l'auraient jamais eus.
Et bien, tu vois, tu te trompes : il ne faut pas se fier à tout ce qu'on lit, en particulier quand on ne sait pas l'interpréter. J'espère t'avoir montré, rien qu'avec cet exemple, pourquoi il est interdit de lire les sutras avant kensho dans les monastères Rinzaï (y compris le sutra de l'estrade).

Edit 1 : simple question (en raison d'une certaine impression qui se dégage de ton post et tu me corrigeras si je me trompe et m'excuseras par la même occasion) : tu t'appelles felix ou Shalistamba ?

Edit 2 (de modération) : encore des insinuations déplacées sur le site de Brad Warner (ou autres) et tes posts seront supprimés sans préavis.
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