Brad Warner: Pourquoi je fais Zazen

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yudo
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(Comme l'autre jour quelqu'un s'est permis assez gratuitement d'attaquer Brad Warner sur son intégrité personnelle, ce que je considère de mauvais goût d'une part parce qu'il ne pouvait répondre à l'attaque, et d'autre part parce que je le connais et que je sais que, là-dessus, il est irréprochable, j'ai décidé de publier ce qui suit, que j'ai traduit de son blog. Yudo)

Pourquoi je fais Zazen
Publié par Brad le 21 Avril 2016

Je suis sur un gros oiseau en fer en train de voler à travers le ciel. Sous moi il y a le lac Michigan. Je serai à New York dans une heure et demie.

Je me rends à une série de conférences et de rencontres publiques (voir la liste ci-dessous). En fait, il y en a une en plus, lundi, qui n'est même pas sur la liste parce que je ne connais encore pas les détails. Plus quelques interviews, des repas et des apéros et des trucs, et une bonne paire de trajets longs, longs, longs dans des voitures surpeuplées. Ça va être une sale fin de semaine, je vous le dis!

Il y a quelques années, je m'étais juré de ne jamais plus refaire la même chose. J'avais à peine terminé une tournée de la Côte Est où j'avais accepté de faire deux ou plus conférences chaque jour. Suivit le voyage en Finlande où j'ai eu l'impression d'être sur scène non-stop pendant une semaine.

L'an dernier, mon comptable a fait une grosse bêtise. Lorsqu'il a eu tout débrouillé et m'a dit que j'avais droit à un remboursement, j'ai dit: "Je n'ai rien payé, comment puis-je avoir une remboursement?" Il a marmonné quelque chose à propos de crédits du système Obamacare. Je lui ai demandé s'il en était sûr, il m'a répondu, oui. Alors, j'ai dit OK. Qu'est-ce que j'en sais, moi, des impôts?

Il se trouve que je savais. Parce qu'en mars, j'ai reçu une lettre des impôts me disant que je leur devais un gros paquet de fric plus les intérêts. Les sources de revenus dont ils disaient que je ne les avais pas déclarées étaient mes ressources principales, c'est à dire droits sur mes livres et les donations qu'on me fait sur mon blog. Je n'aurais jamais pu oublier de les déclarer. J'ai revu mes notes, celles que j'avais apportées au comptable, l'année précédente. Tout y était.

J'ai donc appelé le patron de mon comptable. Il a comparé ma déclaration et mes notes. Rien ne correspondait. Les impôts avaient raison. Le comptable avait merdé dans les grandes largeurs. Son patron me dit d'envoyer un chèque aux impôts et gentiment, m'envoya un chèque correspondant aux pénalités.

Tout ceci a pris quelques semaines à régler. Cela fait, j'ai dû faire mes déclarations pour cette année. Comme prévu, je leur devais un autre chèque. Encore plus gros que le précédent. Heureusement j'avais le blé, je l'ai donc envoyé (et voilà où est passé mon avance sur droits pour le dernier livre "Don't Be a Jerk". Plus un chèque à l'Etat de Californie, pour cette année et un autre pour l'année passée.

Puis je me suis cassé une dent et il m'a fallu la faire arranger. Comme je n'ai pas d'assurance, j'ai dû payer le plein montant. Oh, et j'ai oublié la nouvelle ordonnance de lunettes. Pas plus assurée.

Donc, je viens juste de dépenser en une semaine une part géante de l'argent que j'ai rentré au cours des 12 derniers mois.

Oh, et ce matin, le taxi a mis bien plus longtemps à arriver que prévu, ensuite on est restés coincés dans le traffic, et j'ai donc raté mon vol. Ensuite, la sécurité des aéroports a mis des heures parce qu'ils flippent à mort pour tous ces gens qui vont de LA à la Côte Est pour Pessah, j'ai donc raté mon nouveau vol et j'ai dû re-re-réserver. Ça aussi, il a fallu le payer.

"Don't Be a Jerk" se vent bien, bonne nouvelle. Mais ça ne sera pas pour autant le prochain Harry Potter. J'espère juste que les New-Yorkais en achèteront quelques exemplaires ce W-E!

Parfois des personnes me demandent de les ordonner. Parfois ils me demandent comment faire pour écrire et publier des livres. Lorsque je leur conseille de n'en rien faire, ils pensent toujours que je plaisante. Je ne plaisante pas. Ce n'est pas une carrière qu'on puisse recommander.

Je n'ai pas de gérant ou de secrétaire particulier. J'organise ces conférences, je réserve mes avions, je me débrouille tout seul pour comprendre comment aller d'un point A à un point Z, après quoi je voyage seul. Vous pouvez me croire que c'est stressant. Mais c'est le job qui le veut. J'accepte ça, ce qui ne veut pas dire que je doive aimer ça. Dans l'ensemble, je préfère ce job à n'importe quel autre que j'ai eu jusqu'ici, donc je fais ce qu'il faut.

Je ne suis pas un gentil garçon au bon caractère lisse et sans faille. C'est pas moi. Je sui un mec aigri, amer, en colère, maladroit socialement, et à la carapace pas facile à percer. Quand je suis stressé, je le suis à fond. Pour moi, la pratique du Zen n'a pas été un moyen d'aller de garçon bien ajusté à Grand Maître Omniscient et Omnivoyant, plein de beauté, de bonheur et d'arcs-en-ciel. Ça s'est juste révélé être une façon de m'empêcher de tomber complètement au fond du trou.

Sans l'assise solide que la pratique du Zen m'a donnée, je ne pourrais absolument pas faire tout ça. J'en ai totalement conscience. Lorsque je m'assieds sur mon petit coussin dans mon petit appartement chaque matin et chaque soir, je sais qu'aussi ennuyeux et débile que puisse sembler le fait de m'asseoir devant la porte de mon placard pendant une demi-heure -- même pour moi! -- c'est ce qui rend juste possible le reste de ma vie.

Ouais, j'ai eu quelques moments de pénétrations particulièrement étonnantes. Non pas que moi, je sois étonnant. Mais ce que j'ai vu l'était.

Mais c'est pas pour ça que je me pose sur le zafu à chaque jour.


Je me pose chaque jour sur le zafu afin d'y survivre.
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davi
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En tous cas on sent de la sincérité là-dedans.
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blutack
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Et bien ça confirme ce que je pensais, le zen sauce moderne se résume à une vulgaire psychothérapie. Une vie calme à la campagne ou un join de temps en temps permettent à bien des gens d'obtenir le même résultat sans le moindre effort ! :lol:
Dernière modification par blutack le 27 avril 2016, 18:24, modifié 1 fois.
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yudo
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blutack a écrit :Et bien ça confirme ce que je pensais, le zen sauce moderne se résume à une vulgaire psychothérapie. Une vie calme à la campagne, ou un join de temps en temps permettent à bien des gens d'obtenir le même résultat sans le moindre effort ! :lol:
Ouais. On n'attend plus que tu ouvres ton centre bouddhiste et que tu enseignes ta connaissance aux âmes éperdues qui n'attendaient plus que ton immense sagesse, ton infinie gentillesse, ta tolérance inébranlable et ta joie de vivre si manifeste...
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yudo
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Pour revenir en arrière, si ma réponse était volontairement cinglante, il y a une raison. Je suis de l'avis, partagé par la plupart des personnes que je connais et qui le connaissent personnellement (j'y insiste) que Brad Warner est une des personnes les plus authentiques de ce milieu des enseignants zen occidentaux. Non qu'il soit le seul, qu'on me comprenne bien, mais c'est ce qu'il est. Qu'il consente aussi souvent à se mettre à nu, a faire voir ses faiblesses, ses incertitudes n'est pas une preuve de n'importe quoi, d'incompétence ou de quoi que ce soit du genre, bien au contraire. Je crois, bien au contraire, que c'est des "maîtres" ne manifestant aucune faiblesse, aucun aspect réellement humain (du moins en surface) qu'il faut réellement se méfier.

Dans ma vie de tous les jours, le constat que je fais de la pratique bouddhiste, c'est qu'elle est simple, peu compliquée, mais d'une éprouvante difficulté à mettre en oeuvre. Et nous avons plus à apprendre de ces gens qui pâtissent réellement dans leur vie de tous les jours et qui "font avec" qu'avec les fumistes qui savent très bien jouer le rôle de ce que les gens fantasment être un "être éveillé". (J'ai même déjà entendu quelqu'un dire de Yuno Who qu'il était un "maître parfaitement réalisé"...!!!)

Il suffit de lire le compte rendu déchirant des derniers jours de la mère de Brad, atteinte par le syndrome de Huntingdon, incapable de plus s'exprimer que par cris incohérents, secouée de tremblements incontrôlables, emmenée par son mari et son fils dans un trajet éprouvant par la route pour revoir sa famille une dernière fois, puis ses réactions (de Brad) au moment de sa mort (de sa mère), pour voir que Brad est parfaitement un être humain totalement humain, mais avec en plus cette incroyable force de se mettre à nu devant tous, sachant les flèches et les agressions que cela lui vaudra. On adore attaquer un homme désarmé, c'est bien connu.

Donc, si vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'il dit, OK, mais dites ce que vous, concrètement, vous proposez, et dites aussi sérieusement où et sur quoi vous n'êtes pas d'accord. Je fais l'effort de traduire ce qu'il écrit, je puis aussi faire l'effort de commenter et répondre, s'il y a des interrogations. Je ne crois en tout cas pas que c'est sur la base de rien que le Vieux Nishijima l'avait choisi pour lui succéder.
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Dumè Antoni

Brad Warner a écrit : Je ne suis pas un gentil garçon au bon caractère lisse et sans faille. C'est pas moi. Je sui un mec aigri, amer, en colère, maladroit socialement, et à la carapace pas facile à percer. Quand je suis stressé, je le suis à fond. Pour moi, la pratique du Zen n'a pas été un moyen d'aller de garçon bien ajusté à Grand Maître Omniscient et Omnivoyant, plein de beauté, de bonheur et d'arcs-en-ciel. Ça s'est juste révélé être une façon de m'empêcher de tomber complètement au fond du trou.
Effectivement, en lisant ce passage (dans lequel je pourrais me reconnaître :lol: ), on pourrait comprendre que le Zen n'a rien apporté de plus à Brad Warner que le fait d'éviter de "tomber dans le trou". De fait, on peut comprendre aussi la réaction de Blutack dans sa comparaison à de la "psychothérapie". On a en fait le sentiment que Brad Warner fait du Zen (ou de zazen) volontairement une action dépourvue de tout idéal en voulant, en quelque sorte, restaurer l'homme ordinaire, empêtré dans ses problèmes, que zazen pourrait aider à surmonter au plan psychologique.

Bien entendu, l'idéal est une vue de l'esprit, quelque chose auquel on s'attache pour ne pas sombrer (ne pas tomber dans le trou). De fait, je m'interroge si ce besoin de restaurer l'homme ordinaire n'est pas lui aussi une sorte d'idéal, mais un idéal plus à la portée de l'homme ordinaire qu'un satori exigeant, nécessitant des années de pratique, voire plusieurs vies, pour atteindre une libération hypothétique dont l'homme ordinaire n'a bien sûr aucune idée.

Il existe la notion de "contentement" qui est très importante dans le Zen (et sans doute aussi dans toutes les traditions bouddhiques) qui exprime une forme de libération. Dans le Rinzaï (je sais que Brad Warner n'est pas Rinzaï, mais c'est quand même du Zen) ce "contentement" n'est atteint que très tardivement dans la pratique (disons au 7ème tableau du dressage du buffle), sauf à avoir obtenu un satori libérateur qui a propulsé, en quelque sorte, le pratiquant directement aux 8ème, 9ème et 10ème tableaux, c'est à dire à un Bodhisattva de la 10ème Terre. Ce contentement est exprimé par le kôan "la vie ordinaire est la voie" ou encore "se rendre au marché avec des mains secourables".

La question que je pose est donc la suivante : est-ce que ce que Brad Warner exprime par : "Ça s'est juste révélé être une façon de m'empêcher de tomber complètement au fond du trou" veut dire qu'il considère que le Bodhisattva de la 10ème Terre, c'est juste quelqu'un qui réalise qu'il n'y a rien à obtenir de plus que la satisfaction de pratiquer zazen pour éviter de sombrer ; ou est-ce que Brad Warner se considère simplement comme un homme ordinaire et non comme un Bodhisattva ?
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yudo
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Dumè Antoni a écrit : La question que je pose est donc la suivante : est-ce que ce que Brad Warner exprime par : "Ça s'est juste révélé être une façon de m'empêcher de tomber complètement au fond du trou" veut dire qu'il considère que le Bodhisattva de la 10ème Terre, c'est juste quelqu'un qui réalise qu'il n'y a rien à obtenir de plus que la satisfaction de pratiquer zazen pour éviter de sombrer ; ou est-ce que Brad Warner se considère simplement comme un homme ordinaire et non comme un Bodhisattva ?
Je ne sais pas. Comme d'habitude (mais cela se voit aussi souvent dans les kôans, au sens de "récits de vie des maîtres zen"), il exagère. Il réagit violemment à une espèce d'idéalisation que certains, surtout ceux qui sont loin de lui et ne le voient qu'épisodiquement (ou ceux qui ne l'ont que lu) pourraient faire de lui sur la base de la perception qu'ils ont de lui à travers ses écrits. Là, pour contrarier cette perception, il donne ce qu'il voit de plus noir et minable en lui, alors que, pour le connaître un peu, ce n'est qu'une brusque remise à niveau.

Quant à se "considérer comme un bodhisattva", en voilà une qu'elle est bonne! Je ne puis ici que répondre pour moi-même, mais si, dans ma vie de tous les jours, je tente de manifester dans la mesure du possible l'idéal de bodhisattva au bénéfice de tous les êtres, je ne reste qu'un homme ordinaire, et même si, sincèrement, je suis aujourd'hui au mental comme au physique incomparablement plus souple que je ne l'étais à 30 ans, ce n'est rien pour écrire à chez nous, pour traduire littéralement une expression anglo-saxonne. Je suis souvent considéré comme quelqu'un de gentil, affable, disponible, à qui on peut dire de la fermer sans qu'il se vexe, et autres compliments, mais qui me connaît plus intimement connaît mes failles, mes limites, ma profonde connerie. Alors, oui, dans ma vie de tous les jours, ma pratique a réussi à me faire minimiser certains de mes aspects les plus désagréables, cela n'empêche qu'ils sont toujours là.

Devrais-je pour autant refuser de faire partager le peu que je sais? En tout cas, au plan professionnel qui est le mien, je suis sûr que non. Donc, je serais tenté de dire de Brad, "oui, c'est un homme ordinaire", mais aussi, ce qui l'irriterait probablement assez, "oui, c'est un bodhisattva", mais il ne se prend pas pour un.
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jules
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Je pense toutefois qu'il ne serait pas juste de considérer un étalage personnel de la part d'un maître de tout ce qui chez lui ne diffère pas d'un être ordinaire, comme preuve de sincérité. En effet c'est une chose qu'on fini vite par comprendre avec un peu de bouteille ce que faire montre d'humilité implique comme pouvoir de séduction.
Moi qui ne suis ni maître ni bodhisattva ni quoi que ce soit, si je disais que j'ai plein de défaut, de peurs, d'incertitudes, tout le monde trouverait cela normal et on ne me prendrait pas pour quelqu'un de sincère, mais pour quelqu'un à la rigueur qui aurait besoin de vider son sac, on voudrait même sans doute me donner quelques conseils avisés pour m'aider à mieux vivre, ce que sans doute j'apprécierais... ou pas d'ailleurs ::mr yellow:: Alors qu'un maître, un type dont le moindre pet est entendu sur la place publique, quand il témoigne des mêmes difficultés, on dit de lui que parce qu'il est en mesure d'être sincère à ce propos, cette sincérité là est le propre d'un véritable maître, de quelqu'un qui ne se la joue pas genre "statue de Bouddha". Là est le danger peut-être pour lui, car sans aucun doute un tel maître peut trouver son publique par ce genre de confessions intimes, d'ailleurs c'est un fait, Brad a son publique. Pour pousser un peu plus loin, on pourrait presque voir de la condescendance dans ce genre de propos, genre "voyez, je suis comme vous", où comme disait Sarko à un ouvrier : "Vous et moi nous sommes pareils" et l'autre de répondre : "Oui mais nous n'avons pas les même femmes" :lol:
J'avoue que c'est un peu dur ce que je dis, mais méfiance méfiance, là où il y'a de l'humain, ça sent toujours plus ou moins un peu le caca et la sincérité, la vraie, c'est je pense dans l'antre de nos cerveaux, au fin fond de nos pensées les plus inavouables qu'on la trouve. Mais qui voudrait se mettre nu véritablement devant tous le monde. Nietszche dit une chose à ce sujet :
Tu ne veux pas dissimuler devant ton ami ? Tu veux faire honneur à ton ami en te donnant tel que tu es ? Mais c’est pourquoi il t’envoie au diable !

Qui ne sait se dissimuler révolte : voilà pourquoi il faut craindre la nudité ! Certes, si vous étiez des dieux vous pourriez avoir honte de vos vêtements !

Tu ne saurais assez bien t’habiller pour ton ami : car tu dois lui être une flèche et un désir du Surhumain.
Donc se tailler un joli masque, c'est déjà très bien, et je dois dire que le masque de Brad n'est pas pour me déplaire.
Dumè Antoni

Yudo a écrit :Quant à se "considérer comme un bodhisattva"
En fait, ma question était : "Est-ce qu'il considère que le Bodhisattva de la 10ème Terre, c'est juste quelqu'un qui réalise qu'il n'y a rien à obtenir de plus que la satisfaction de pratiquer zazen pour éviter de sombrer" ? Mon idée, en posant cette question renvoyait à "l'homme sans affaire" de Lin Tsi. Rinzaï avait dit, au moment de son éveil : "Il n'y a pas grand chose dans le Chan de Huang po !" Et l'on se souvient aussi de sa façon très critique de traiter les Bodhisattva : "des salariés". En fait, en lisant Brad Warner, mais peut-être me trompai-je (tu me diras), je retrouvai un côté désabusé, sans doute exagéré mais qui interpelle quand même car, à l'instar de Rinzaï, il ne cherche pas à paraître "un Grand Maître Omniscient et Omnivoyant, plein de beauté, de bonheur et d'arcs-en-ciel" mais à reconnaître ses défauts (et ses qualités) et à les accepter comme tels.

Cependant, à la différence de Lin Tsi, Brad Warner fait de zazen le point d'ancrage dans sa vie. Cette différence est sans doute un héritage de Dôgen auquel BW se rattache par filiation. Mais ce détail me paraît secondaire — voire dérisoire — car Rinzaï insistait davantage sur l'homme sans affaire, indépendamment de la pratique (de Dhyana), parce qu'il pressentait que Dhyana était, à son époque et chez une grande majorité de moines, une pratique dualiste, avec un but : devenir un Bouddha. On retrouve le cas avec la tuile et le miroir de Matsu.

Disons que de mon point de vue, BW exprime une sorte de Rinzaï moderne (je peux peut-être choquer en disant cela) en ce qu'il ne cherche plus. T. Jyoji disait : "je ne cherche plus ; je trouve" (et il déclarait que cela était le fait de zazen). Mais peut-être que je me trompe ?...
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yudo
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Dumè Antoni a écrit :
Yudo a écrit :Quant à se "considérer comme un bodhisattva"
En fait, ma question était : "Est-ce qu'il considère que le Bodhisattva de la 10ème Terre, c'est juste quelqu'un qui réalise qu'il n'y a rien à obtenir de plus que la satisfaction de pratiquer zazen pour éviter de sombrer" ? Mon idée, en posant cette question renvoyait à "l'homme sans affaire" de Lin Tsi. Rinzaï avait dit, au moment de son éveil : "Il n'y a pas grand chose dans le Chan de Huang po !" Et l'on se souvient aussi de sa façon très critique de traiter les Bodhisattva : "des salariés". En fait, en lisant Brad Warner, mais peut-être me trompai-je (tu me diras), je retrouvai un côté désabusé, sans doute exagéré mais qui interpelle quand même car, à l'instar de Rinzaï, il ne cherche pas à paraître "un Grand Maître Omniscient et Omnivoyant, plein de beauté, de bonheur et d'arcs-en-ciel" mais à reconnaître ses défauts (et ses qualités) et à les accepter comme tels.

Cependant, à la différence de Lin Tsi, Brad Warner fait de zazen le point d'ancrage dans sa vie. Cette différence est sans doute un héritage de Dôgen auquel BW se rattache par filiation. Mais ce détail me paraît secondaire — voire dérisoire — car Rinzaï insistait davantage sur l'homme sans affaire, indépendamment de la pratique (de Dhyana), parce qu'il pressentait que Dhyana était, à son époque et chez une grande majorité de moines, une pratique dualiste, avec un but : devenir un Bouddha. On retrouve le cas avec la tuile et le miroir de Matsu.

Disons que de mon point de vue, BW exprime une sorte de Rinzaï moderne (je peux peut-être choquer en disant cela) en ce qu'il ne cherche plus. T. Jyoji disait : "je ne cherche plus ; je trouve" (et il déclarait que cela était le fait de zazen). Mais peut-être que je me trompe ?...
En tout cas, cela y ressemble. J'aime bien ce que tu en dis.
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