L'esprit ordinaire

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jules
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« L’esprit ordinaire est la Voie » dit-on dans le zen.
Le Bouddha désignait l’insatisfaction comme cause des maux de l’humanité. Ainsi, on pourrait dire que ce que vise le bouddhisme, c’est l’abolition de l’insatisfaction par la capacité à apprécier l’esprit ordinaire, et non l’abolition de l'insatisfaction par la recherche d'un état d’esprit spécial susceptible de répondre aux exigences de cette insatisfaction.
Compagnon

Je crois que le Bouddha allait encore plus loin, dukkha n'était pas seulement la cause des mots de l'humanité, dukkha est dans la nature même de l'Univers, ce qui inclu les 6 mondes donc cela dépasse le cadre de la seule insatisfaction humaine. L'univers ne "tourne pas rond" pour les démons, les esprits avides, les animaux, les humains, les dévas et les dieux. Hors comme, selon notre karma, nous sommes amenés à renaître dans un des 6 mondes à chaque renaissance si nous ne faisons rien pour y remédier, comme un navire dans une tempête qui n'aurait personne pour s'occuper des voiles et du gouvernail, notre fluc de conscience n'est pas que humain, il a aussi en lui l'héritage de son passage dans les 6 mondes.
Dukkha est la cause des maux de l'univers entier.

Qu'entends tu pas "apprécier" quant tu parles "d'apprécier l'esprit ordinaire" ?

Tu propose une distinction possible entre d'un coté un "esprit ordinaire" et de l'autre un "état d'esprit spécial" ?

Ainsi ai je compris, pour zazen, il n'y a rien a accomplir, il n'y a donc pas je crois d'un coté un esprit ordinaire et de l'autre un esprit éveillé, pas de but à réalisé, de chemin a parcourir entre un point de départ, maintenant, non éveillé, et un point d'arrivée dans un futur indéterminé, qui est l’éveil.

Mais il y a une réalisation a faire, on réalise sa nature d’éveillé. Réaliser dans le sens ou par exemple, parfois, on se blesse sans s'en rendre compte, on ne remarque pas la douleur et la blessure, mais quelques instants après le regard se porte sur le lieu de la blessure un peu par hasard et on se rend compte qu'il y a eu blessure, on "réalise" que l'on s'est blessé, on prend conscience de. Et c'est logique au fond, il n'y a pas d'un coté un être qui dors et de l'autre un être éveillé, c'est le même, simplement dans son état habituel il a les yeux fermé, dans l'autre il les a ouvert, sa nature d'être initial n'a pas le moins du monde changé, il a juste changé d'état. On peut même se demander si il n'est pas conçu structurellement pour tôt ou tard passer d'un état à l'autre. Simple question de temps. Après tout est ce qu'une dormeur n'est pas "conditionné", "fatalement" pour s’éveiller ?

Donc oui on peut dire que "L'esprit ordinaire est la voie", il contient structurellement la Voie à l'état potentiel. Comme le noyau d'abricot contient en lui l'abricotier. L'esprit ordinaire c'est le mental, et tout doit partir du mental, appelez le conscience, esprit, mental, flux de conscience comme vous voulez.

Butterfly_tenryu
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jules
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Compagnon : Qu'entends tu pas "apprécier" quant tu parles "d'apprécier l'esprit ordinaire" ?

Tu propose une distinction possible entre d'un coté un "esprit ordinaire" et de l'autre un "état d'esprit spécial" ?
Oui, quand l’esprit ordinaire ne peut être pleinement goûté, on peut en venir à chercher quelque chose de spécial, comme par exemple des états d’esprits non ordinaires, extases et compagnie.
Compagnon

Cela relève donc d'une recherche du plaisant, de l'agréable, du désir pour ce qui est considéré, qualifié comme "plaisant" ou "agréable"' et donc "désirable" ?
Puisque nous sommes dans la métaphore gustative, de "l’appétence" ?
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jules
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Compagnon : Cela relève donc d'une recherche du plaisant, de l'agréable, du désir pour ce qui est considéré, qualifié comme "plaisant" ou "agréable"' et donc "désirable" ?
Malheureusement non, cela relève plutôt il me semble d’une recherche de l’éveil, mais qui serait dévoyée par l'idée que ce dernier ne puisse être que le fait d'un état d'esprit spécial. Je dis « malheureusement non », parce que les personnes qui recherchent ce genre d’expériences ne pensent pas le faire pour l’assouvissement de leurs désirs, alors que les personnes qui sont dans les satisfactions mondaines le savent elles au moins. Si elles savaient que c’était le cas, tout comme ces personnes qui sont dans les satisfactions mondaines, il est fort probable que ces expériences psychiques ne se répéteraient pas.
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jules
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En tous les cas, ce que je voulais dire avec mon premier message, c’est que c’est l’humain qui doit aller vers le monde et non le monde qui doit se transformer pour convenir aux exigences de l’humain. Ainsi, ce n’est pas à l’eau à prendre le goût du « vin », mais à l’humain d’adapter son goût à celui de l’eau ; c’est probablement par là que l’eau peut finalement se changer en « vin », que l'esprit ordinaire peut se transformer en trésor. love_3

Bon, je suis peut-être un peu exalté, mais vous voyez l'idée. :oops:
ted

jules a écrit :
05 juin 2017, 11:04
« L’esprit ordinaire est la Voie » dit-on dans le zen.
Le Bouddha désignait l’insatisfaction comme cause des maux de l’humanité. Ainsi, on pourrait dire que ce que vise le bouddhisme, c’est l’abolition de l’insatisfaction par la capacité à apprécier l’esprit ordinaire, et non l’abolition de l'insatisfaction par la recherche d'un état d’esprit spécial susceptible de répondre aux exigences de cette insatisfaction.
Si "Apprécier l'esprit ordinaire" c'est comme "se satisfaire de l'ignorance fondamentale", alors non, ce n'est pas l'objectif du bouddhisme.

Si "trouver l'éveil" c'est trouver "un état d'esprit spécial", alors ça non plus ce n'est pas l'objectif du bouddhisme.

S'il faut aller vers le monde et l'accepter tel qu'il est, pourquoi pas, si cela peut conduire au calme mental. Mais il ne faut pas oublier que le monde n'a pas de réalité en-soi. Que ce que nous en voyons n'est que notre projection mentale. Nous n'allons quand même pas nous courber devant nos névroses et adopter nos déviances ?

Les états modifiés de conscience ne sont-ils pas le signe que l'esprit se libère de ses oeillères ? Ils ne sont pas une fin en soi, de même que les rêves sont le signe que le corps se repose. On ne s'endort pas pour rêver, mais pour se reposer.

Bon, ton idée n'est peut être pas très bouddhiste juju... :D :oops:
C'est pas grave. On t'aime quand même.


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Jules est un génie
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chercheur
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Pratiquer la Voie n'est pas nécessaire. Il suffit seulement de ne pas la souiller. Qu'est-ce que
cela signifie ? Tous les types de fabrications et d'actions axées sur des objectifs qui sont basés
sur la dualité naissance-mort sont des souillures. Si vous souhaitez comprendre directement
la Voie, l'esprit ordinaire est la Voie. Qu'est-ce que l'esprit ordinaire ? C'est l'esprit dans lequel
il n'y a pas de fabrication, pas de jugement de valeur, pas de préférence, pas de temps ou
d'éternité etpas non plus de pensées dualistes telles que le commun et le sacré. Dans un sutra,
il est dit : « Il ne s'agit ni de la pratique d'une personne commune, ordinaire ni de celle d'un
sage, mais de la pratique d'un bodhisattva. » Toutes les actions ordinaires
telles que le fait de marcher, de se tenir debout, assis ou allongé et toutes les interactions avec les personnes et les
choses autour de nous constituent la Voie. La Voie n'est rien d'autre que le Dharmadhatu.
Baso.
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jules
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Ted : Si "Apprécier l'esprit ordinaire" c'est comme "se satisfaire de l'ignorance fondamentale", alors non, ce n'est pas l'objectif du bouddhisme.
:) Non, ça serait plutôt dans le sens de savoir apprécier "le fait de marcher, de se tenir debout, assis ou allongé etc."
L'ignorance fondamentale serait précisément celle qui nous empêcherait de voir dans ces aspects le plus parfait des aboutissements en quelque sorte.
Les états modifiés de conscience ne sont-ils pas le signe que l'esprit se libère de ses oeillères ?


Je pense qu'il est bon pour quelqu'un qui les recherche d'entendre que ce n'est pas le cas. Mais en même temps on peut dire que c'est comparable au fait de faire des fautes quand on apprend l'orthographe ; ce n'est pas une erreur de faire des fautes quand on est dans cette situation, c'est même en en faisant qu'on apprend, mais les fautes en elles mêmes ne sont pas l'orthographe correcte.
S'il faut aller vers le monde et l'accepter tel qu'il est, pourquoi pas, si cela peut conduire au calme mental. Mais il ne faut pas oublier que le monde n'a pas de réalité en-soi.
La réalité en soi, c'est bien ce que cherche l'esprit avide. Lorsqu'il cesse de la chercher il trouve que les manifestations telles que "le fait de marcher, de se tenir debout, assis ou allongé" sont le monde et qu'il n'y-a pas de réalité en soi à chercher outre ces manifestations.
ted

Jules
Chercheur

Merci pour ces précisions.
C'est vrai qu'on est dans la section Zen. Et j'ai réagi à l'expression "esprit ordinaire" en l'interprétant comme sems l'esprit ordinaire du Dzogchen, qui est aveuglé et qui doit laisser place à rigpa pour la libération.

Ce que Baso appelle donc "esprit ordinaire" le Dzogchen l'appelerait plutôt "état naturel de l'esprit".

Effectivement, en précisant bien le vocabulaire, dans ce cas oui, l'esprit ordinaire (au sens Zen) donc l'état naturel de l'esprit, reposant dans sa propre joie/clarté/luminosité, est la Voie. jap_8

Mais est-ce qu'il ne faut pas faire gaffe à ne pas donner l'impression que "l'esprit ordinaire" est la collection des cittas qui nous poussent à tromper notre conjoint, à manger voracement et à haïr les autres" ? ::mr yellow:: :oops:

C'est tentant de basculer dans une vue erronée qui dit que, quoi qu'il arrive, le monde est parfait dans toutes ses manifestations. Vue plutôt théïste d'ailleurs. :???:
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