La simplicité

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chercheur
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Jules a écrit :
Question :

Peut-on dire que le tigre, le chat, les animaux en général vivent le vrai zen?

Réponse (T.Deshimaru) :

Oui, les animaux vivent le vrai zen. Puisque les animaux sont comme cela, l'homme doit être en progrès par rapport à eux. Les pigeons sont très simples, très paisibles, pas du tout compliqués, Parfois, vous devez suivre la vie des animaux, mais vous devez aussi vous servir de votre cerveau frontal. Les Européens aiment être tout d'un côté ou tout de l'autre (...)
je pense que tout le monde a eu cette réflexion en regardant son chat ou son chien vivre, s'étirer, ou se prélasser au soleil. Comme disait Deshimaru, ils suivent l'ordre cosmique, naturellement, automatiquement. C'est vrai qu'ils ne se posent pas beaucoup de questions, et surtout pas métaphysiques !!!

Merci jules, on devrait plus souvent s'inspirer de nos animaux de compagnie (living guru inside !)
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Zopa2
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" L'homme est un animal métaphysique". Je ne sais plus de qui est cette phrase.

Les animaux ne se posent pas de questions métaphysiques. En cela, ils sont simples et vivent naturellement.
Les hommes, eux, s'en posent beaucoup, peut-être parce qu'ils ont peur de mourir et de disparaître. Et il arrive qu'ils se fassent la guerre les uns aux autres, en raison d'opinions métaphysiques différentes.

En ce qui me concerne, je " bloque" sur les questions métaphysiques, comme si je me retrouvais devant un mur noir.
Même si le bouddhisme est avant tout une pratique, une expérience à vivre, il est aussi un édifice conceptuel à l'architecture précise. Pour le voir, il n'y a qu'à consulter l'immense corpus de textes ( les Trois Corbeilles, et les centaines de commentaires indiens, tibétains, chinois, japonais, vietnamiens, nangpaiens ;-) , et j'en oublie sûrement).

Cet édifice conceptuel est soutenu par des "murs porteurs conceptuels", qui sont eux-même souvent des sujets métaphysiques : y a t il quelque chose après la mort ? Si oui, qu'est-ce qui se passe après ? Qu'est-ce qui passe d'une vie à l'autre ? Où va t-on ? Comment seront mes vies futures si j'agis comme ceci ou comme cela ? Et les réponses traditionnelles viennent, sur la réincarnation, la renaissance, la théorie du karma, celle des six mondes (des enfers jusqu'au monde des dieux), etc. Ceux qui y croient pratiquent pour améliorer leurs vies futures (cf. le bouddhisme populaire). Ceux qui sont sceptiques (ni acceptation ni rejet) avouent en fait leur ignorance naturelle sur ces sujets. Ceux qui n'y croient pas sont définis comme des matérialistes, au sens philosophique du terme.

Cela fait bien longtemps que je me pose ces questions (30 années...) et je pense que si je passais le reste de ma vie à y penser, je n'en serai finalement guère plus avancé. Car en face, toujours cet épais mur noir de la métaphysique, toujours ces questions insolubles. Alors maintenant, je lâche prise. La vie est courte. Seul le présent compte vraiment, et je souhaite redécouvrir la simplicité de ces instants qui passent.

En cliquant sur le lien, donné par Jules, je suis tombé sur des échanges des questions-réponses entre Deshimaru et des disciples. J'ai eu la surprise de constater sa position sur les questions métaphysiques. Sa vision du karma et de ce qui se passe après la mort ne semblent pas en accord avec l'orthodoxie bouddhiste. Il dit aussi que ce sont des questions insolubles et inutiles. Je ne sais pas si sa vision singulière est juste la sienne propre, ou bien si elle reflète en effet ce qu'en pense la tradition zen en général ?
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je n'ai pas lu les réponses à ses questions métaphysiques (tu peux faire un copier-coller peut-être si tu veux qu'on détaille).

Mais ce qui est sûr c'est que le Bouddha refusait de répondre à certaines questions
Elle applique son esprit à mauvais escient des manières suivantes: 'Est-ce que j'existais dans le passé?', 'Est-ce que je n'existais pas dans le passé?', 'Qui étais-je dans le passé?', 'Comment étais-je dans le passé?', 'Dans le passé, ayant été qui, que suis-je devenu [ensuite (dans une existence ultérieure)]?',{2} 'Est-ce que j'existerai dans le futur?', 'Est-ce que je n'existerai pas dans le futur?', 'Qui serai-je dans le futur?', 'Comment serai-je dans le futur?', 'Dans le futur ayant été qui, que deviendrai-je [ensuite (dans une existence ultérieure)]?' Ou sinon, il est intérieurement perplexe au sujet du présent, des manières suivantes: 'Est-ce que j'existe?', 'Est-ce que je n'existe pas?', 'Qui suis-je?', 'Comment suis-je?', 'D'où cet être provient-il?', 'Où ira-t-il?'.

Chez celui qui applique ainsi son esprit à mauvais escient, l'une de ces six vues apparaît. La vue: 'J'ai un ego' lui apparaît vraie et sûre. Ou bien la vue: 'Je n'ai pas d'ego' lui apparaît vraie et sûre. Ou bien la vue: 'Je perçois l'ego au moyen de l'ego' lui apparaît vraie et sûre. Ou bien la vue: 'Je perçois le non-soi au moyen de l'ego' lui apparaît vraie et sûre. Ou bien la vue: 'Je perçois l'ego au moyen du non-soi' lui apparaît vraie et sûre. Et alors il a la vue: 'C'est mon ego qui parle, ressent et fait l'expérience ici et là des conséquences des actions bénéfiques ou malsaines; et mon ego est permanent, stable, éternel, il n'est pas par nature voué au changement, et il durera ainsi une éternité'.

Ceci, bhikkhous est appelé s'en remettre aux vues, c'est le taillis des vues, le maquis des vues, la contorsion des vues, le titubement des vues, l'entrave des vues. Entravé à l'entrave des vues, une personne ordinaire sans instruction ne peut échapper à la naissance, au vieillissement-et-mort, au chagrin, aux lamentations, aux douleurs, aux afflictions mentales et à la détresse; je déclare qu'elle n'échappe pas au mal-être.
http://www.buddha-vacana.org/fr/sutta/m ... mn002.html

voir aussi : https://en.wikipedia.org/wiki/The_unanswered_questions
ted

Le bouddhisme devient simple quand on suit la marche à suivre suivante :
  • On fait les expériences d'éveil d'abord.
    On en discute après.
C'est la position du Zen.

D'ailleurs, de nombreux pratiquants Zen sont totalement incultes en matière de bouddhisme. Mais ils sont bien avancés sur la Voie. Il suffit de les observer pour s'en apercevoir.

- Suivre cette règle simple de "l'expérience d'abord" permet de ne pas trop dériver dans les discussions. Car chacun sait de quoi on parle.

- Ensuite, ça évite les conflits trop intenses. Parce que pour faire les expériences d'éveil, il est nécessaire d'avoir stabilisé le calme mental et d'avoir éradiqué quelques kilesas, dont les plus fréquentes sont : avidité, aversion, orgueil et envie.

- Troisièmement, bien qu'ayant des échanges verbaux, les pratiquants savent qu'ils parlent de choses vécues et qu'ils vont, au final, prolonger leurs propos dans une pratique. Ce sont donc des échanges qui ne débouchent pas sur un bavardage stérile.
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jules
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Pour faire écho à ce que tu dis, on pourrait partir du principe que d’une certaine manière, l’ici et maintenant est pure clarté. Dans une optique consistant à faire du Dhamma talk, ce qui cherche à apparaître et à être transmis avec exactitude au travers d’une formulation idéalement parvenue à adhérer à ce qui cherche à être dit, l'ici et maintenant serait cette pure clarté, c’est à dire l’expérience pure de l’instant en tant que tel avec tout ce qu’il peut dévoiler de vérité. C’est par là que l’ici et maintenant, moment d’introspection, peut d'une certaine façon révéler le Dhamma, parce que tous les enseignements y sont contenus.
Donc, ton analyse me semble très juste. :)
Dernière modification par jules le 18 juin 2017, 18:49, modifié 1 fois.
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Face à ce mur noir de la metaphysique, parfois j'aime bien quand même poser des questions à mon entourage (éveillé ou pas) et spéculer. Parfois sortir de son nombril et avoir un avis différent du sien ou de son background peut aider à voir les choses différemment. Et je suis toujours étonné de la sagesse des autres, surtout ceux qui ne se disent pas spirituels. Parfois l'univers, la vie, le maître intérieur (appelé le ou la comme vous le voulez) nous place en face des bonnes personnes, celles qui nous aident à aller au-delà de nos propres vues ! jap_8
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Zopa2 dit :
Car en face, toujours cet épais mur noir de la métaphysique, toujours ces questions insolubles. Alors maintenant, je lâche prise. La vie est courte. Seul le présent compte vraiment, et je souhaite redécouvrir la simplicité de ces instants qui passent.
Et si c'était devant cet énorme mur noir de la métaphysique où l'on s'asseyait pendant Zazen. Il ne faut pas fermer les yeux devant ce mur, mais retourner son regard, dans une attitude sans intérêt pour la recherche des réponses. Juste s'assoir et vivre le moment présent. Moment après moment, dans le silence. Et si ce silence était la réponse pointée par Boudhha, la réponse répondant à toutes les questions ?
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Eric Rommeluère nous raconte :

En 1988, j’étudiais le zen au Japon en compagnie d’autres pratiquants européens. Voyageant de temple en temple, nous arrivâmes enfin au temple d’Eiheiji, au nord de la grande île de Honshû. Ce temple, bâti à flanc de montagne, est l’un des deux monastères sièges de l’école sôtô, la principale école zen au Japon. L’abbé était un moine respecté du nom de Niwa Renpô. À l’époque, il était également le supérieur général de l’école sôtô. Les moines nous avaient prévenus que l’abbé, qui était âgé de plus de quatre-vingts ans, venait de subir une lourde opération chirurgicale et qu’il ne pouvait se joindre aux activités du temple. Il se reposait dans ses appartements tout en haut de la montagne. Après quelques jours, nous fûmes autorisés à venir brièvement le saluer car nous le connaissions, nous l’avions rencontré quelques années auparavant en France. Une consigne nous fut cependant donnée : En sa présence, nous ne devions même pas nous incliner car le protocole supposerait qu’il en fasse autant et il était bien trop faible pour cela. Le lendemain, par des corridors de bois serpentant dans la montagne, nous rejoignîmes un salon attenant à ses appartements privés. Soutenu par ses assistants, Niwa Renpô entra dans la pièce. Il leur parla d’une voix à peine audible et l’on sentit comme un flottement. Il voulait se prosterner devant nous et demandait que l’on étende son tapis de prosternation. Dans les traditions bouddhistes, se prosterner signifie se jeter de tout son long sur le sol dans un geste d’abandon, ordinairement devant l’image d’un bouddha. Mais la parole du maître ne se discute pas et l’un des moines étendit le tapis. Deux personnes furent nécessaires pour l’aider à se baisser jusqu’à ce que son front puisse toucher terre. Le relever fut terriblement laborieux. Dans le zen, les prosternations vont toujours par trois et deux fois encore, il fallut l’aider. À la fin, il repartit lentement, précautionneusement, aux bras des moines, vieillard frêle, et sans avoir rien dit. Tout ce temps, nous étions restés debout, muets et immobiles. Ce fut un immense choc. Il était impensable qu’un homme malade et âgé puisse se prosterner de la sorte, encore plus s’il était le chef suprême de l’école zen et nous des étrangers qui n’étaient rien, tout au plus des pèlerins de passage. Mais l’abbé avait puisé dans la vaillance et la tendresse et toutes les attentes, toutes les convenances s’étaient brisées d’un coup. Un homme avait su nous introduire à l’inconcevable.
http://zen.viabloga.com/news/niwa-renpo

"Se prosterner est une pratique très sérieuse. Vous devriez être prêt à vous prosterner même à votre dernier moment. Même s'il est impossible de nous débarrasser de nos désirs égocentriques, nous devons le faire. Notre vraie nature veut que nous le fassions."
Esprit zen esprit neuf, Shunryu Suzuki
jap_8
ted

chercheur a écrit :
19 juin 2017, 08:27
Mais l’abbé avait puisé dans la vaillance et la tendresse et toutes les attentes, toutes les convenances s’étaient brisées d’un coup. Un homme avait su nous introduire à l’inconcevable.
http://zen.viabloga.com/news/niwa-renpo
On comprend pourquoi il était respecté.
  • L’abbé était un moine respecté du nom de Niwa Renpô.




chercheur a écrit :
19 juin 2017, 08:27
"Se prosterner est une pratique très sérieuse. Vous devriez être prêt à vous prosterner même à votre dernier moment. Même s'il est impossible de nous débarrasser de nos désirs égocentriques, nous devons le faire. Notre vraie nature veut que nous le fassions."
Esprit zen esprit neuf, Shunryu Suzuki
jap_8
Des gens développent une allergie à tout ce qui leur rappelle les signes extérieurs d'une religion. C'est dommage.

En même temps, se prosterner devant "la nature de Bouddha qui est en tous" (parce qu'il s'agit bien de ça symboliquement : abandonner son égo et s'abandonner à l'esprit d'éveil ) n'a de sens que dans le cadre d'un conditionnement préalable de l'individu où la prosternation indique le plus haut degré de respect. Or, ce type de conditionnement a généralement été introduit par des religions ou des systèmes autocratiques. Du coup, c'est un symbole qui est "grillé" si je puis dire.

C'est comme la croix gammée qui est une svastika bouddhiste détournée (pour des raisons occultes). Du coup, en occident, les nazis ont "grillé" ce magnifique symbole de vie.

Face à certaines personnes, allergiques aux religions, il sera aussi difficile de réhabiliter la prosternation que de réhabiliter la svastika en occident. :-(
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