Les cinq go-i (M° Taisen Deshimaru)

Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

Voici les explications de M° Mokudo Taisen Deshimaru au sujet des cinq go-i


1- Hen chu sho.

Voyons le détail :
Hen : notion d'oblique - mais aussi les phénomènes, la différence.
Chu : notion d'entrer.
Sho : notion de droite, essence de l'égalité, ku.
Hen chu sho : Le phénomène entre dans ku.
La notion d'oblique entre dans la notion de droite.
La différence entre dans l'essence de l'égalité.
C'est analogue au shiki soku ze ku de l'Hannya Shingyo.

2 - Sho chu hen :
Ku entre dans le phénomène.
La notion de droite entre dans la notion d'oblique.
L'essence de l'égalité entre dans la notion de différence.
C'est le ku soku ze shiki.
C'est aussi le Zazen Shin : Fushiryo nishite genji.
« ... Elle a été réalisée sans conceptualisation et accomplie sans
causalité.»

Elle: l'essence du Zen.

3 - Sho chu rai.
Sho. : la notion de droite, l'essence de l'égalité, ku.
Chu : entrer.
Rai : il y a une notion de: pas d'ego véritable, pas d'échange, notion de complet.
C'est analogue à : ku soku ze ku.
C'est, dans un sens commun, ku est ku.

4 - Hen chu rai.
Shiki soku ze shiki.
Dans le sens commun: shiki est shiki.

5 - Ken chu toh.
Ken : les deux.
Chu : entrer.
Toh : harmonie complète.
Chu toh : au-delà, en harmonie parfaite. C'est la totalité des quatre autres.
Ken chu toh inclut toutes les contradictions, c'est hishiryo.
C'est zazen.

Ainsi par exemple :
Minuit est la vraie lumière
C'est hen chu sho.
L'aube n'est pas claire
C'est sho chu hen.
Mais, il est vrai qu'à minuit, il fait sombre.
Et le matin, l'aube est claire.
C'est : sho chu rai.
Et : hen chu rai.

Dans le San Do Kai, nous retrouvons: ... mei an ono ono ...
«L'obscurité existe dans la lumière
La lumière existe dans l'obscurité."
Le noir est la lumière.
La lumière est le noir.
Mais:
Le noir est le noir.
La lumière est la lumière.

Nous devons embrasser les contradictions de ces quatre principes.
C'est ken chu toh.

Rapports entre satori et illusion.
Le satori devient illusion.
«Maintenant, j'ai obtenu le satori.» Se dire cela est illusion...
Mais illusion devient satori.
S'il y a illusion, nous continuons dans les illusions et il est possible de réaliser le satori.
Le satori est le satori.
Les illusions sont les illusions.
Et tout l'ensemble:
Ken chu toh
. Hishiryo
Satori
Zazen.

Dans les relations entre Dieu, Bouddha et moi :
Je deviens Bouddha.
Je suis moi-même Dieu ou Bouddha.
Je dis toujours que zazen est lui-même Bouddha.
Bouddha - Dieu sont moi.
Cela est écrit dans un sutra.
Je pénètre en Bouddha et Bouddha pénètre en moi.
Mais, dans le sens commun :
Moi, c'est moi.
Bouddha est Bouddha.
Et encore la conclusion: le ken chu toh.
Nous devons avoir la parfaite compréhension de ces quatre énumérations.

Dans le Shin Jin Mei, on lit:
Mu soku ze mu :
Rien est égal au rien.
Mu soku ze u :
Le rien est égal à l'existence.
U soku ze mu :
L'existence est égale au rien.
U soku ze u :
L'existence est égale à l'existence.
C'est la philosophie bouddhiste. En général, les personnes «ordinaires» ne peuvent la comprendre car le sens commun est celui-ci :
Mu est mu.
Rien est rien.
U est u.
L’'existence est l'existence.
Hishiryo inclut ces quatre principes. Nous ne devons pas seulement en réaliser un mais tous les quatre ... : inconsciemment, naturellement et automatiquement. Il n'est guère possible d'être un pendant zazen. Il y a la non-pensée, ensuite les illusions s'élèvent et ku apparaît, et de nouveau les illusions.
C'est l'état d'hishiryo comprenant le tout.
C'est ken chu toh.
C'est la méthode, la loi de la vie, ces cinq go i font partie de notre vie quotidienne.

L'homme et la femme:
L'homme est l'homme. La femme est la femme.
Mais le véritable amour est unité.
L'homme est en harmonie (entre) dans la femme.
La femme est en harmonie (entre) dans l'homme.
Cela paraît contradictoire.
C'est la simple vie quotidienne avec ses oppositions:
«Je suis» "Tu es» «L'égoïsme»
Et l'unité.
Au Japon, la tradition est ce qu'elle est. Les coutumes interdisent aux époux de s'admirer devant des tiers: c'est une admiration de soi.
En Occident, c'est différent.
Il y a une opposition et cependant les deux aspects sont nécessaires; ils sont la fusion véritable des civilisations.

Dans la vie :
Le bonheur devient malheur.
Le malheur devient bonheur.
C'est le point de vue spirituel. En fait, dans notre vie, ici et maintenant:
Le malheur est le malheur.
Le bonheur est le bonheur.
Nous devons comprendre ces quatre aspects - non seulement du point du vue matérialiste - mais aussi du point de vue spiritualiste.
Le matérialisme seul est incomplet, il doit tendre vers le spiritualisme.
Un spiritualiste qui affirme: «Je suis spirituel», n'est pas un spiritualiste. Nous le rangerons dans la catégorie matérialiste.
Un matérialiste est un matérialiste.
Un spiritualiste est un spiritualiste.
L'objectif est l'objectif.
Le subjectif est le subjectif.
Mais:
Le subjectif est l'objectif.
L'objectif est le subjectif.
Toujours nous retrouvons les cinq go i.

Qu'est-ce que le miroir précieux? C'est un koan.
Les relations entre le moi et le miroir.
Le moi est le moi.
Le miroir est le miroir.
Mais l'Hokyo Zan Mai développe:
L'image est moi.
Le moi n'est pas l'image.
En dernier lieu: tout est hishiryo.
Un jour, un moine demanda à Maître Fuyo Dokai :
- Expliquez-moi, je vous prie: «Minuit est lumière. L'aube n'est pas claire.»
Maître Fuyo Dokai répondit par ce poème :

- Ce bateau, déjà plein de marchandises,
On ne peut y mettre la lune.
Le pêcheur vivait dans les roseaux épais.


Ce sont les principes des cinq go i, et c'est également un koan.
Le pêcheur est le pêcheur; mais dans les roseaux épais et denses, il ne peut pas voir clairement le lever du jour.
C'est une image.
Ce bateau, plein de marchandises, emporte avec lui la lune et la lumière. Pourquoi vouloir la prendre? Elle y est déjà naturellement et inconsciemment.
Il y a de l'activité dans ce tableau:
Ce bateau naviguant la nuit,
"Sous le clair de lune
Dans un sillon d'argent lumineux.
La mer brille
Sous le clair de lune,
Et le paysage baigne dans la lumière.
La scène est riche, étincelante, brillante.
Il est minuit, mais la lune inconsciente et naturelle, éclaire.
Le pêcheur vit dans un milieu obscur. Comment pourrait-il apercevoir la lune à travers le rideau épais des roseaux?
Hen chu sho.
Sho chu hen.
L'histoire, très célèbre dans le Zen soto, de Maître Dogen et de Maître Nyojo, était restée très longtemps secrète.
Seuls quelques disciples pouvaient la connaître. Mais actuellement, elle est accessible à tout le monde. Elle est rapportée dans un des volumes du Shobogenzo : « Les Lettres du Shiho » , recueillies dans le journal de Dõgen, et également dans le livre Hokyoki.
Dogen a écrit ces notes pendant son séjour au temple Hokyo, temple de Maître Nyojo en Chine.
Pendant un zazen, Maître Nyojo entra dans une violente colère contre un de ses disciples somnolant dans sa posture.
Maître Nyojo lui donna une série de forts coups de kyosaku; (rensaku), et en même temps il cria: « En zazen, tu dois rejeter le corps et l’esprit. »
«Shin Jin datsuraku . »
Le kanji datsu signifie: jeter - rejeter..
Le kanji raku signifie: en bas.
Datsuraku : rejeter, jeter en bas.
Et Maître Nyojo lui donna le rensaku.(une douzaine de coups très rapides et forts sur chaque épaule)
A cet instant, Maître Dõgen reçut le choc le plus grand de sa vie. Choc perçu dans toutes les fibres de son corps et de son esprit.
Et lui-même, oubliant tout, devint totalement datsuraku.
Le kyosaku peut être très efficace, non seulement pour la personne qui le reçoit, mais aussi pour tout l'entourage.
Après le zazen, Dogen se rendit au hojo, la chambre du maître, alluma un bâton d'encens et se prosterna en sampaï.
(C'est depuis cette époque qu'existe la coutume du sampaï dans la chambre du maître, après le zazen du matin.)
Maître Nyojo demanda alors à Dogen les raisons de ce sampaï et de l'encens. Dogen lui répondit : «J'ai complètement rejeté le corps et l'esprit, et je suis venu ici; veuillez me pardonner .. »

Maître Nyojo répondit alors:
"Shin jin datsuraku
Datsuraku shin jin ... »
«Le corps et l'esprit sont rejetés. Dans l'avenir vous devez continuer»
Et Dogen lui dit :
«Dai Osho (grand maître), vous ne devez pas certifier sans raisons authentiques.»
Alors le maître répondit clairement, exactement:
«Je ne permets pas l'authentification sans raisons véritables. »
Dogen demanda :
«Quelles sont ces raisons véritables ?»
Nyojo dit seulement:
«Datsuraku»
Et à ce moment, Maître Nyojo et Dogen se sourirent tous les deux.
Le maître et le disciple devinrent alors complètement unis.
Le maître et le disciple étaient heureux, en parfaite unité; la ligne de séparation, de jointure, avait complètement disparu.
Et Dogen reçut le shiho de Maître Nyojo.
Cet instant est le point ultime de la communication entre le maître et le disciple.
Maître Nyojo dit à Dogen qu'il était préférable de retourner au Japon pour enseigner et répandre le Zen. -
Le moment du shiho, shin, est secret, et on ne peut pas parler sans raison de son atmosphère.
Merci à Kaïkan jap_8
http://zen-et-nous.1fr1.net/t625-les-ci ... -deshimaru
Avatar de l’utilisateur
chercheur
Messages : 665
Inscription : 01 juin 2017, 10:57

On dit l'obscurité, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a rien. La lumière permet de voir beaucoup de choses et de les différencier - blancs et asiatiques, hommes et femmes, pierres et arbres... Ces différences apparaissent dans la lumière. Quand nous parlons d'obscurité, ou de monde de l'absolu, au-delà de la pensée, vous pouvez croire qu'il s'agit d'un monde complètement séparé de celui des hommes, mais c'est aussi une erreur. Ainsi comprise, l'obscurité n'est pas celle dont il est question ici.
(...)Dans l'obscurité existe la lumière, mais ne la regardez pas comme de la lumière." Dans l'obscurité, même au sein d'une relation intime, la dualité de l'homme et de la femme demeure. Cette dualité est la lumière. Mais vous ne devez pas voir les autres avec seulement l'oeil de la lumière, parce que l'autre côté de lumière, c'est l'obscurité. L'obscurité et la lumière sont les deux faces d'une même médaille.
(...)Nous ne devons pas nous accrocher à l'idée d'obscurité ou de lumière ; nous ne devons pas nous attacher à l'identification ou à la différenciation. La plupart des gens, quand ils en veulent à quelqu'un n'arrivent pratiquement jamais à changer de sentiment. Mais si on est bouddhiste, on doit être capable de changer d'esprit et de passer du mauvais au bon et du bon au mauvais. Quand on y arrive, mauvais ne veut plus dire mauvais et bon ne veut plus dire bon. Ce qui n'empêche pas que le bon est bon et le mauvais mauvais. Comprenez-vous ? C'est ainsi que nous devons appréhender nos relations. Il existe un poème qui dit ceci :

La mère est la montagne bleue
et les enfants sont les nuages blancs.
Toute la journée ils sont ensemble,
et pourtant ils ne savent pas
qui est la mère et qui sont les enfants.

La montagne est la montagne et les nuages blancs sont des nuages blancs, qui flottent autour d'elle comme des enfants. Il y a la montagne bleue et il y a les nuages blancs, mais ils ne savent pas qu'ils sont des nuages blancs ou une montagne bleue. Bien qu'ils ne sachent pas, ils savent très bien - tellement bien qu'ils ne savent pas.
C'est l'expèrience que vous aurez dans votre pratique de zazen. Vous entendrez les insectes et le cours d'eau. Vous êtes assis et l'eau coule et vous l'entendez. Bien que vous l'entendiez, vous n'avez aucune notion de cours d'eau ni aucune notion de zazen. Vous êtes simplement assis sur le coussin noir. Vous êtes comme une montagne bleue entourée de nuages blancs.


Extrait de La source brille dans la lumière de Shunryu Suzuki

PS: je ne sais pas si c'est vraiment le bon endroit, mais je ne voulais pas créer un autre fil. Au besoin, le déplacer.
Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

La lumière devrait pouvoir éclairer l'un et l'autre. Si elle ne le fait pas, alors il existe une partie d'obscurité.
Probablement que si il existe une partie qui n'est pas éclairée, alors c'est que nous sommes dans un extrême. :)
Répondre