Anectote sur la vacuité par Mingyour Rinpotché

Kaïkan
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Voici une anecdote qui permet peut-être de comprendre ce qu’est l’expérience de la vacuité.
(Par Mingyour Rinpotché)

Un jour, un étudiant vient voir un sage tibétain pour lui demander de lui expliquer ce que «vacuité» voulait dire. Le sage lui donne les éléments de base habituels, et l’étudiant semble très content, pour ne pas dire ravi. C’est vraiment super ! dit-il à la fin. D’après l’expérience personnelle du sage, il n’est pas facile de comprendre la vacuité du premier coup. C’est pour cela qu’il lui demande de passer les quelques jours suivants à méditer sur ce qu’il avait appris.

Quelques jours plus tard, l’étudiant apparait tout d’un coup devant la porte du sage avec une expression de terreur. Pâle, voûté, tremblant, il traverse la pièce avec précaution comme s’il tâtait le sol devant lui pour détecter des sables mouvants. «Maître, dit-il, vous m’avez demandé de méditer sur la vacuité, mais la nuit dernière il m’est venu à l’esprit que «tout» était vacuité. Cet immeuble est vacuité, les planchers sont vacuité, et le sol au-dessous est aussi vacuité. Alors, pourquoi ne passons-nous pas à travers le plancher, et même à travers la terre ?»
Le sage le laissa finir, puis il lui demanda «qui tomberait ?»
L’étudiant considéra un moment la question, puis son expression changea du tout au tout.
Ah ! J’ai pigé ! Si l’immeuble est vacuité et les gens aussi, il n’y a personne qui puisse tomber et rien à travers de quoi tomber.
L’étudiant poussa un long soupir, se détendit, et son visage reprit des couleurs. Le sage lui demande alors de méditer sur la vacuité avec la compréhension nouvelle qu’il en avait.

Deux ou trois jours plus tard, l’étudiant revient voir le sage à l’improviste. Il est de nouveau pâle et tremblant. Après s’être assis en face du Maître, il dit «Maître, j’ai médité sur la vacuité comme vous me l’avez conseillé, et j’ai compris que j’étais vacuité, de même que cet immeuble et le sol sur lequel je me trouve. Mais à mesure que je méditais, je suis allé de plus en plus profond, jusqu’au point de cesser de voir ou de ressentir quoi que ce soit. J’ai peur, si je ne suis que vacuité, d’être sur le point de mourir. Alors je me suis précipité pour vous voir ce matin. Si je ne suis que vacuité, je ne suis, au fond, rien du tout, et rien n’empêche que je me dissolve dans le néant.»

Quand le sage fut certain que l’étudiant avait tout dit, il lui demande : «Qui va se dissoudre ?» Le sage attend un moment, le temps que l’étudiant digère la question, avant de poursuivre : «Vous avez confondu la vacuité avec le néant. Au début, la plupart des gens font l’erreur d’aborder la vacuité comme s’il s’agissait d’une idée, d’un concept. J’ai fait cette erreur moi-même. Mais il n’y a, en réalité, aucun moyen de comprendre la vacuité à l’aide de concepts. Vous ne pouvez réellement la connaître que par une expérience directe. Je ne vous demande pas de me croire. Tout ce que je vous demande, c’est de vous poser cette question, la prochaine fois que vous vous asseyez pour méditer : si tout est, par nature, vacuité, qui ou quoi peut se dissoudre ? Qui ou quoi peut naître ? Qui ou quoi peut mourir ? Allez-y, et la réponse vous surprendra peut-être.»

L’étudiant soupire et accepte d’essayer encore.

Quelques jours plus tard, l’étudiant revient voir le Maître. Avec un sourire paisible, il annonce «je pense que je commence à comprendre !» Le sage demande qu’il s’explique.
«J’ai suivi vos instructions. Après avoir médité longtemps sur la vacuité, j’ai compris que cela ne signifiait pas le néant, car pour qu’il n’y ait rien, il faudrait d’abord qu’il y ait quelque chose. La vacuité, c’est donc tout, toutes les possibilités d’existence et de non-existence imaginables, toutes présentes au même instant. Si la vacuité est notre vraie nature, on ne peut dire de personne qu’il naît ou qu’il meurt véritablement, car la possibilité d’être d’une façon ou d’une autre, ou de ne pas être, est présente en nous à tout moment.»

Très bien, dis le sage. «Maintenant, oubliez tout ce que vous venez de dire, parce que si vous essayez de vous le rappeler exactement, vous allez transformer en concepts ce que vous avez appris, et il vous faudra revenir à la case départ.»


S'il y a PERMANENCE : il y a IDENTITE,...
donc RIEN NE PEUT EXISTER.

S'il y a NON PERMANENCE : il n'y a NON IDENTITE,...
et donc LES CHOSES EXISTENT.


-- Kaïkan --
- Kyo gyo sho itto
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L’enseignement, la pratique et le satori sont unité.
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