Utiliser la colère sur la voie

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Dharmadhatu
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:D

Selon la psychologie bouddhiste, la haine est l'une des six émotions négatives de base. Le terme tibétain zhe sdang (*) (prononcer "shédang") peut se traduire indifféremment par "colère" ou par "haine", mais il me semble que le mot "haine" convient mieux. La colère peut être positive dans certaines circonstances, lorsqu'elle est motivée par la compassion ou lorsqu'elle agit comme catalyseur et aboutit à un acte positif. Mais ce n'est jamais le cas pour la haine. A ce propos, on ne doit pas traduire zhe sdang par haine dans un contexte tantrique. On entend parfois l'expression: "utiliser la haine sur la voie". Il s'agit d'une mauvaise traduction. Il faut dire: "utiliser la colère sur la voie". Pour nous résumer, le mot tibétain zhe sdang peut signifier "colère" ou "haine", mais puisque la colère peut être positive, quand zhe sdang se réfère à une émotion foncièrement négative, on doit le traduire par "haine".

Sa Sainteté le Dalaï Lama (Guérir la violence, p. 22-23).

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C'est pourquoi il faut remplacer la mot "haine" par "colère" dans Cent Eléphants sur un brin d'herbe (p. 121) et "Hatred-Vajra" par "Anger-Vajra" dans Path and Grounds of Guhyasamaja According to Arya Nagarjuna (p. 26), entre autres.

__________________
* skt. dveṣha

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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Dharmadhatu
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jap_8 On peut remplacer aussi "hatred" par "anger" dans Great Treatise on the Stages of Mantra - Critical Elucidation of the Key Instructions in All the Secret Stages of the Path of the Victorious Universal Lord, Great Vajradhara (p. 245-246).

Ainsi que "la haine et l'agressivité" par "la coloère et l'agressivité" dans Surmonter les émotions destructrices, p. 154.

flower_mid
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Compagnon

J'ai découvert Thích Nhất Hạnh et son enseignement justement parce que j'avais besoin d'un "remède" pour gérer la colère qui me venait trop facilement pour x ou y raison. C'est en cherchant ce que le Bouddhisme disait sur la colère que je suis tomber sur un texte de lui. Donc dans un certain sens de quelque chose de négatif est sorti quelque chose de positif. Car j'apprécie beaucoup les enseignements de Thích Nhất Hạnh, ils m'apportent beaucoup :)
color_3

Il m'avait semblé entendre parlé d'une "colère du Bouddha (Shakyamuni)" mais je n'ai jamais pu mettre la main sur un récit précis en la matière. Par contre j'ai découvert que le Bouddha Shakyamuni se serait servit de l'humour, de la plaisanterie, du rire pour "défaire" certains de ses contradicteurs.

Peut être peut-on aussi user du rire pour vaincre la colère. Le rire étant communicatif, si ce n'est pas un rire de moquerie, l'autre en face de vous, aura du mal à rester en colère si vous même riez de bon coeur aux éclats.
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blutack
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Mais concrètement on fait comment pour utiliser la colère sur la voie ?
Your Kingdom is Doomed
Compagnon

@Blutack : plutôt que l'utiliser je propose de la transformer. En m'appuyant sur ce que dit Thích Nhất Hạnh (oui toujours lui je sais mais je le trouve très édifiant), déjà commencer par s'arrêter. L'arrêt est important.

Se poser et tout d'abord prendre conscience qu'on est en colère. Pourquoi pas dire : "Je suis en colère, là maintenant". Cela peut s'apparenter d'une certaine façon à la 1ère des 4 Nobles vérités, reconnaître l'existence de la souffrance, de l'insatisfaction. Commencer donc par reconnaître que la colère est là. La colère est une souffrance, elle est à la fois pénible à vivre et peut aussi causer de la souffrance aux autre , tout en étant le symptôme de quelque chose de plus profond en nous.

Ensuite, mise en application de la 2ème des 4 Nobles Vérités : la cause de la souffrance, donc on cherche la cause de la colère. On se pose et on regarde sa colère, Thích Nhất Hạnh dirait qu'on "prend soins de sa colère", on la "regarde en profondeur". On cherche sa cause. Ses causes parfois. On lui parle, on "l'embrasse".

Car dans notre colère du moment il y a des éléments de non-colère, donc on voit ce qui nous apporterait la cessation de la colère. Quand on comprends les causes profondes de notre colère du moment, on entre dans la 3ème des 4 Nobles vérités : le chemin vers la cessation de la colère existe.

Et la 4ème Noble Vérité : se servir du Noble Sentier Octuple pour transformer sa colère, par exemple avec la patience ou la douceur ou la compassion vis à vis de soi même.

(Bon sang je me rend compte qu'on retrouve les 4 Nobles Vérités appliquer à la colère rien qu'en l'écrivant, stupéfiant !)

Ainsi on utilise sa colère, qui de prime abord est quelque chose de nuisible, néfaste, comme moyen de mettre en pratique le Dharma. On transforme donc sa colère en quelque chose qui nous fait avancer sur la voie. Car transformer sa colère c'est avancer sur la voie. La prochaine fois qu'on sera en colère, quel que soit ses raisons, on pourra de nouveau pratiquer ce cheminement. Et ce sera un petit peu moins dure que la fois précédente. C'est un entraînement. Plus on pratique plus c'est "facile".

Cela réponds à ta question ? Comment utiliser sa colère pour progresser sur la voie ?

Dans l'absolu je dirais que toute émotion négative peut être transformer ainsi.

On ne peut pas "détruire" sa colère, cela revient à chercher à se faire violence soi même, mais on peut la transformer en quelque chose d'autre. C'est possible, c'est un entraînement. :)

(Bon sang je me mets à parler comme Thích Nhất Hạnh ! :oops: )

Tu veux savoir si cela marche , Un seul moyen. Test par toi même. Plusieurs fois de suite évidemment. Et voit si, pour toi, après mettons une demi-douzaine de fois, cela fonctionne. Si c'est le cas, alors garde précieusement et applique à volonté. sinon, alors il te faut une autre méthode. Je peux aussi t'en proposer une seconde si tu veux qui m'a été inspirée par un maître tibétain, elle est différente.
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Dharmadhatu
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blutack a écrit :Mais concrètement on fait comment pour utiliser la colère sur la voie ?
jap_8 Comme le dit Compagnon dans le contexte du Zen enseigné par Thich Nhat Hanh, elle doit être aussi transformée sur la voie tantrique: tout est purifié, transformé ou sublimé, parce que notre samsara existe uniquement à cause du fait qu'on ne réalise pas notre véritable nature qui est pure et parfaite. Donc, dans le Vajrayana, elle est transformée en sagesse du dharmadhatu (d'après le Tantra de Guhyasamaja, et parfois en sagesse égale au miroir selon certains corpus tantriques).

La méthode commence avec la phase de génération où les agrégats, les afflictions, les éléments etc. sont vus comme purs et parfaits, c'est-à-dire autant de déités qui sont des émanations du Bouddha principal du mandala. Autrement dit, ils sont vus d'emblée comme de la félicité vacuité (= des manifestations de la nature de bouddha). Ensuite, d'après ce que j'ai compris, c'est surtout au niveau de la phase de perfection que la colère sera amenée plus directement sur la voie du yogi afin d'être complètement transcendée, au même titre que n'importe quelle autre affliction, puisque leur source, l'ignorance fondamentale sera elle-même vaincue par l'esprit inné réalisant sa propre vacuité d'existence inhérente.

flower_mid
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Compagnon

@Dharmadhatu : désolé si mon explication ne relève pas exactement de la tradition de cette section du forum jap_8 , Blutack a exprimé un besoin face à une situation, à demandé une pratique, je lui ai proposé ce qui m'est venu spontanément :oops:

Chaque courant du Dharma aborde un même problème sous un angle différent, le courant tibétain par exemple pourra te proposer un méthode différente des 2 mentionnées ici.
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Dharmadhatu
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:D Pas de souci Compagnon, je ne savais pas moi-même dans quel contexte Blutack a posé la question, alors j'ai juste tenté d'apporter un élément de réponse, qui s'ajoute au tien sans le remettre en question.

Amitié flower_mid
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komyo
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le titre du fil étant dans la section vajrayana, je suppose que l'on peut le relier aux divinités irrités du bouddhisme tantrique. J'ai essayé d'y répondre sur le forum religion.org en ouvrant une discussion sur ce sujet : http://www.forum-religion.org/bouddhism ... 38537.html Ce qui n'est pas facile a aborder sur ce type de forum tout public.

Ma conclusion était la suivante,

"Ce que j'exprimai dans le post plus haut est différent du résumé que tu en fais. Il n'est pas question de justifier une forme de colère, ainsi dans le voeux dont on parlait dans un autre post, il est dit que l'on fait le voeux de ne jamais se mettre en colère.
L'idée est plutot que si l'on réprime des forces vitales ont va finir par se névroser. On travaille sur ce qui est là, sans le réprimer ou vouloir le cacher sous le tapis. L'image du lotus est adapté, il pousse dans la boue et a partir de cette énergie de base monte vers la lumière ou il se déploie. Il y a une relation de cause a effet entre la boue et la fleur épanouie. C'est pourquoi les bouddhas paisibles ont un pendant irrité et inversement. Pratiquer ces représentations symboliques nettoie progressivement ces zones, je n'ai pas de meilleur explication. Après que les théravadas ou d'autres voient les choses autrement c'est tout a fait possible !"


Pour compléter ce fil je pense que dans le vajrayana et c'est ce qui en fait probablement la particularité, 'il y a une utilisation yogique de la colère et en régle générale des émotions considérées comme des énergies vitales a transmuter. Ainsi, Canda maharosana qui est le fudo myoo japonais, se traduit par serviteur de grande colère.
cdlt
Komyo
Compagnon

On peut dire que quelles que soient les traditions et méthodes concernant la Voie, la colère est utile pour 4 raisons :

- tout d'abord elle est un point de départ sur la chemin, une étape, un début, il faut bien partir de quelque part.

- ensuite la colère est une manifestation de la souffrance, de Dukkha (insatisfaction) hors c'est parce qu'il y a Dukkha en général qu'il y a une voie pour s'en libérer, la Voie proposée par le Bouddha shakyamuni. L'existence de la colère est donc une des conditions indispensable à l'existence de la Voie. Elle est donc utile du fait même qu'elle est présente, qu'elle existe. Sans même que l'on commence à "travailler dessus".

(- on peut aussi en regardant profondément notre colère trouver les constituants de "non-colère" qui la compose, et donc savoir quels sont ces constituants et les rechercher, ce qui apporte le calme. Ça c'est plus une perception propre à un certain Zen )

- enfin comment pourrait-on apprécié la valeur de la sérénité ni nous n'avions pas préalablement goûté aux "flammes" douloureuses de la colère ?


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Dernière modification par Compagnon le 03 juin 2016, 06:27, modifié 1 fois.
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