sur la colére

Dumè Antoni

Flocon a raison : la colère de Huang-po que subissait Lin-Tsi (et d'autres) n'est pas reproductible à notre époque, sous nos latitudes, car, d'une part, nous ne sommes pas éduqués pour recevoir les foudres d'un individu, fût-il un maître renommé, sans réagir avec rancoeur (ou se sentir blessé), et d'autre part, parce que pour accepter de recevoir d'éventuelles foudres, il faut être puissamment armé d'une détermination et d'une foi sans faille en ce sens que trouver notre vraie nature serait pour nous une "urgence absolue" (l'éveil "à tout prix"). Il ne faut en effet pas oublier que les maîtres zen de l'époque de Lin Tsi (pas tous, mais l'esprit y était) ou des patriarches demandaient à leurs élèves de se peindre les idéogrammes "naissance et mort" (c'est symbolique, mais l'idée d'échapper au samsara était centrale) sur le front afin qu'ils n'oublient jamais qu'ils n'auront peut-être pas une deuxième chance dans une autre vie et qu'ils ne perdent pas de temps à rêvasser. Les maîtres comme Hakuin et Dôgen avaient une trouille bleue de brûler en enfer et n'avaient de cesse de réaliser l'éveil pour y échapper. De nos jours, nous (ou la plupart d'entre nous : je ne veux pas parler du forum mais en général) ne croyons plus vraiment à l'enfer ni au paradis, ou encore aux renaissances, et certains ne croient même pas à l'éveil. Nous aimerions être éveillés (ou un peu, pour voir comment ça fait) mais entre des vacances au ski et un séjour dans un monastère zen (ou autre), nous hésitons (et encore, seuls hésitent les plus téméraires d'entre nous). Donc, effectivement, face à la colère (feinte ou réelle) des maîtres, nous choisissons de partir. Ainsi que je le disais plus haut, le Zen Rinzaï en Europe (pour ne citer que celui-là, que je connais) a perdu énormément d'adeptes parce qu'ils se sont "frottés" à Jyoji et n'ont pas accepté ses foudres, le considérant (à tort, bien sûr) comme une sorte de malade mental, à l'esprit martial, d'un autre temps. Je ne dis pas que la meilleure manière de se comporter, pour un maître, est celle d'entrer dans des vives colères (certainement pas), mais ce n'est certainement pas non plus au pays des bisounours que nous pouvons nous éveiller. Il nous faut donc trouver un "juste milieu" afin d'adapter le Bouddhisme à nos mentalités sans que le Dharma y perde sa flamme. Enfin, ceci ferait l'objet d'un autre fil, HS ici.
Dumè Antoni

Yves a écrit : la colère peut être bonne quand c'est un saint qui l'exprime? alors arrêtons de suite de dire qu'elle est bonne, il n'y a aucun saint sur ce forum
Ce n'est pas la question. Qu'il n'y ait aucun saint sur ce forum (et par ailleurs, les maîtres courroucés ne sont pas des saints), personne ne le conteste. En revanche, il y peut y avoir des personnes qui font tout pour provoquer la colère d'autres personnes, pourtant honnêtement engagées dans une pratique, et cette attitude (chercher la provocation) est fondamentalement délétère. Pour que le forum soit modéré, il faut tout simplement des modérateurs. Les forums qui vont bien ne sont pas des forums avec des maîtres, des saints et des élèves qui se comportent comme des bisounours, mais des forums bien modérés. :D
ted

On n'en sait rien qu'il n'y a pas de saint.
C'est le syndrome des rails ça ! :D : "je sais que ceux du forum sont plus petits ! Je le vois !"
Dumè Antoni

Tu nous ferais pas l'effet Penrose, pour le coup ? :lol:
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Dharmadhatu
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:D Un point importantissime que j'ai oublié: la colère, parfois employée sur la Voie, et surtout dans la phase de perfection des Tantras supérieurs, n'est jamais dirigée vers quelqu'un, mais toujours vers les afflictions (puisque la nature même de la déité est esprit d'Eveil altruiste, ladite déité ne peut en aucun cas ressentir de l'aversion contre quiconque).

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apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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yves
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love_3 précision très importante
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Dumè Antoni

Dharmadhatu a écrit :Un point importantissime que j'ai oublié: la colère, parfois employée sur la Voie, et surtout dans la phase de perfection des Tantras supérieurs, n'est jamais dirigée par quelqu'un, mais toujours vers les afflictions (puisque la nature même de la déité est esprit d'Eveil altruiste, ladite déité ne peut en aucun cas ressentir de l'aversion contre quiconque).
Tu veux dire "dirigée contre quelqu'un" je suppose ? Il me semble que ça aille de soi qu'un maître (ou un Bodhisattva) — quel que soit le véhicule, d'ailleurs — n'éprouve pas (même quand il les fustiges) d'aversion envers les êtres. Ce serait le comble de la perversion. :shock:
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davi
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Personnellement j'imagine qu'un maître pleinement éveillé n'emploiera pas de méthodes que le disciple ne pourrait pas supporter. Si le disciple doit avoir du ressentiment voire plus envers son maître, c'est qu'il y a un problème de méthode quelque part, et je n'imagine pas un tel maître se tromper de méthode...
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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Dharmadhatu
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Dumè Antoni a écrit :
Dharmadhatu a écrit :Un point importantissime que j'ai oublié: la colère, parfois employée sur la Voie, et surtout dans la phase de perfection des Tantras supérieurs, n'est jamais dirigée par quelqu'un, mais toujours vers les afflictions (puisque la nature même de la déité est esprit d'Eveil altruiste, ladite déité ne peut en aucun cas ressentir de l'aversion contre quiconque).
Tu veux dire "dirigée contre quelqu'un" je suppose ? Il me semble que ça aille de soi qu'un maître (ou un Bodhisattva) — quel que soit le véhicule, d'ailleurs — n'éprouve pas (même quand il les fustiges) d'aversion envers les êtres. Ce serait le comble de la perversion. :shock:
:D Oui, en effet j'ai édité: vers quelqu'un.

Malgré tout, souligner ce point me semblait nécessaire, on ne sait jamais.

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Dumè Antoni

Je suis assez d'accord. De fait, il est exceptionnel (et de toute façon contre productif) de fustiger des élèves comme cela se pratiquait (sans que ça pose problème) par le passé et sous d'autres latitudes. D'un autre côté, il faut peut-être essayer de comprendre que le maître peut tester par là la réelle motivation de l'élève. Si l'élève se barre à la moindre pique (qui sera justifiée dans le contexte), le maître peut considérer que l'élève n'est pas prêt. C'est un peu comme dans le film "Fight Club" (où du reste le "recrutement" se fait exactement comme dans les monastères zen). C'est un peu rude, mais ce sont des méthodes qui ont fait leurs preuves. Et donc...
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