Vues d'ensemble des Bouddhismes tibétain et chinois

Dumè Antoni

Ted a écrit :Dumè, et si tu allais chercher la transmission chez un maître Dzogchen ? Ca devrait aller vite ?
Du coup, tu deviendrais une référence pour parler des deux.
D'abord, je ne suis pas une référence dans le Zen. Je suis seulement l'un des très rares pratiquants rinzaï présents sur les forums (et encore, je me demande si je ne suis pas le seul :lol: ), mais si quelqu'un est une référence dans ce domaine en France (et en Europe), c'est T. Jyoji (et/ou son successeur, peut-être). Je ne suis pas certain non plus d'avoir envie d'être "une référence". :lol: Pour quoi faire ? Concernant le Dzogchen, je pense que la démarche aurait un sens si je n'avais pas trouvé ce que je cherchais dans le Zen. Je pense aussi que ce serait une erreur d'avancer en courant plusieurs lièvres à la fois. Bien sûr, je suis informé que, traditionnellement, les moines se rendent de monastères en monastères pour parfaire leur pratique, mais outre que ces moines ne changent pas systématiquement de voie — le Sôtô ou le Rinzaï restent du Zen —, l'expérience reste difficile en France. J'avoue avoir été un temps tenté de rechercher un maître zen de la trempe de Jyoji en France, mais je n'en ai pas trouvé. J'ai bien sûr eu des "propositions" (de la part d'internautes ou de pratiquants avec qui j'entretiens des relations amicales), mais ça reste des maîtres avec un niveau de réalisation contestable, quand réalisation il y a. Je continue donc ma pratique de zazen au quotidien, et me rend à la Falaise Verte chaque fois que je le juge utile.

En tout cas merci pour ta proposition, Ted ;-)


Edit : dans le site que tu fournis en lien, l'un des enseignants mentionnés (le premier de la liste) est Kalou Rinpoche, premier de sa génération avec qui j'avais pris refuge (en 1977). Euh... à ma connaissance, il n'enseignait pas le Dzogchen (sans compter qu'il est mort depuis longtemps, et je n'ai pas connaissance que son Tulku soit un enseignant Dzogchen) ; il était un maître — certes remarquable — de la secte du Karmapa (XVIème du nom à l'époque de ma prise de refuge). Ce genre d'annonce ne fait pas très sérieux, non ? :roll: Enfin, très clairement, je doute que ce soit un site dzogchen.
ted

Baaaah. .. ya qu'à leur demander. .. ya leur tel... :)
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Dharmadhatu
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:D Juste pour préciser: le Dzogchen est un système qui est prodigué dans le BT (et dans la tradition Beun), au sein des lignées de l'école Nyingma. Il y a aussi des Maîtres qui sont réputés "appartenir" à une école, tout en étant détenteurs des profonds enseignements transmis dans d'autres écoles. Kalu Rinpotché était détenteur de 2 lignées: Dagpo Kagyü et Shangpa (d'où le nom de son Centre à côté de Dijon: Da-Shang et qui s'appelle maintenant Palden Shangpa, l'actuel Kalu Rinpotché ayant sans doute souhaité remettre cette lignée en avant).

Cela ne veut pas dire que Kalu Rinpotché n'était pas détenteur du Dzogchen et qu'il n'enseignait que le Mahamudra du reliquaire (qu'il évoque dans La Voie du Bouddha).

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Dumè Antoni

Dharmadhatu a écrit :Cela ne veut pas dire que Kalu Rinpotché n'était pas détenteur du Dzogchen et qu'il n'enseignait que le Mahamudra du reliquaire (qu'il évoque dans La Voie du Bouddha).
Honnêtement, je n'en sais rien. J'ai assisté à quelques-uns de ses enseignements, lesquels, de mémoire, me paraissaient très "traditionnels", je veux dire très attachés à la philosophie de l'école karma kagyu, et donc dans la lignée de Tilopa, Naropa, Marpa, Milarepa... Les dzogchenpas considèrent le Dzogchen comme une voie "supérieure" à cette lignée (en fait, supérieure à toutes les lignées) — et sont par ailleurs assez critiques envers Milarepa, par exemple —, mais cela ne veut bien sûr pas dire que Kalou Rinpoche ne connaissait (ou ne pratiquait) pas le Dzogchen. Je crois aussi qu'il a donné des enseignements au Dalaï Lama (ou en tout cas, ils semblaient proches). En tout cas, une école se réclamant de la lignée de Kalou Rinpoche ne peut pas se prétendre une école Dzogchen, ou alors, il y a un truc qui m'échappe...
Dumè Antoni

Ted a écrit :Baaaah. .. ya qu'à leur demander. .. ya leur tel... :)
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de les appeler (même si j'avais quelques velléités pour me mettre au Dzogchen) car un site qui se présente comme : "un pôle d'énergie pour l'épanouissement de l'être", rien que ça, ça me défrise... :mrgreen:
ted

Dumè Antoni a écrit :Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de les appeler (même si j'avais quelques velléités pour me mettre au Dzogchen) car un site qui se présente comme : "un pôle d'énergie pour l'épanouissement de l'être", rien que ça, ça me défrise... :mrgreen:
T'es pas un peu sectaire quand même... ? :oops: Tu serais pas un genre de perfectionniste ? :)
Dumè Antoni

Non, du tout. Mais "l'épanouissement personnel", c'est pas du Bouddhisme, pour moi ; c'est du "développement personnel" et donc du new age. Par ailleurs, ça me semble (dans les enseignements) une sorte d'étalage de produits importés où l'on retrouve notamment le "Shivaïsme tantrique coréen" et autre "génération tao" qui sont des "petits plus", j'imagine, pour faire tourner la boutique. Je n'ai rien contre le fait que des centres soient obligés de faire ce genre de commerce pour survivre (on trouve la même chose à la Falaise Verte), mais ils devraient être distingués de la véritable discipline enseignée par Brigitte Godard, lama qui a fait la fameuse retraite des 3 ans, 3 mois et 3 jours, habilitée à enseigner la méditation. Mais ce n'est pas le cas, et c'est mauvais signe.
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Dharmadhatu
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Les dzogchenpas considèrent le Dzogchen comme une voie "supérieure" à cette lignée (en fait, supérieure à toutes les lignées) — et sont par ailleurs assez critiques envers Milarepa, par exemple —, mais cela ne veut bien sûr pas dire que Kalou Rinpoche ne connaissait (ou ne pratiquait) pas le Dzogchen. Je crois aussi qu'il a donné des enseignements au Dalaï Lama (ou en tout cas, ils semblaient proches). En tout cas, une école se réclamant de la lignée de Kalou Rinpoche ne peut pas se prétendre une école Dzogchen, ou alors, il y a un truc qui m'échappe...
jap_8 Oui je suis persuadé qu'il y a au moins un truc qui t'échappe, Dumè. En même temps, il n'y a aucune raison de t'en vouloir et c'est monnaie courante dès qu'on parle du BT de nos jours.

1) la plupart des Tibétains ont un grand respect vis à vis de Milarépa et si quelqu'un devait être critique envers lui, il ferait preuve d'une spectaculaire arrogance et d'une vue extrêmement sectaire (ce qui arrive quelquefois chez les pratiquants occidentaux, faut-il avouer).

2) le Dzogchen n'est pas une lignée mais un système de pratique (en fait, c'est la réalité telle qu'elle, mais dont la réalisation est permise par des méthodes spécifiques). Ce serait dommage de faire virer le remède en poison dans le sens où ces écoles, lignées et systèmes de pratique n'ont d'autre but que de faire tomber nos murs intérieurs; donc, sans pour autant déclarer que toutes ces lignées et méthodes sont un seul et même gloubli-boulga bien sûr, qu'un Maître soit reconnu comme "appartenant" à une école, ne signifie pas qu'il n'a pas réalisé les méthodes transmises par d'autres écoles, comme tu le soulignes avec justesse.

3) le Dzogchen est une voie supérieure par rapport à sa méthode qui est plus directe (pour les pratiquants avec lesquels il fait mouche), mais pas par rapport à ce qu'il permet d'actualiser, car toutes les écoles (toutes ? oui, toutes ! ::mr yellow:: ) du BT comprennent un système complet permettant d'atteindre l'Eveil omniscient. Comme le rappelle Sa Sainteté dans Dzogchen, l'essence du coeur de la Grande Perfection, un yogi ayant réalisé le Dzogchen et/ou le Mahamudra etc. peut fort bien unifier plusieurs méthodes en une seule, car comme je viens de le dire, ce qui est actualisé dans toutes ces écoles est la même chose: l'esprit inné primordial (qui d'ordinaire n'apparaît pleinement qu'au moment la mort tout en passant complètement inaperçu) uni à la vacuité: différents termes, rig tong, sel tong, dé tong etc. mais un seul référent.

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J'avais rédigé une réponse un peu longue, mais sans grand intérêt en raison de l'impossibilité de tirer au clair certaines affirmations des uns et des autres dès qu'il est question de Dzogchen, en particulier quand les contradicteurs ne se rencontrent jamais ou presque jamais sur les forums. Tout ce que je peux dire en ce qui me concerne, c'est que j'ai reconnu dans chez les représentants des forums francophones que je fréquentais des personnes qui avaient une vue claire et juste, du moins pour ce qui m'a été donné d'en juger à la lumière de ma propre expérience. Et là j'insiste bien : que l'on soit dzogchenpa ou zeniste, la Vue reste la Vue, et pour répéter une formule que j'affectionne : "on ne me fera jamais avaler qu'un corbeau est blanc et qu'une colombe est noire". Pour le reste, et qui concerne les détails techniques (la pratique du Dzogchen n'est pas celle du Zen), je reconnais que je ne suis pas apte à juger. Donc, je prends acte, et je t'en remercie, de tes explications relatives au Dzogchen qui ne recoupent pas nécessairement (comme tu peux t'en douter) ce que j'aie pu lire ou discuter ailleurs. Je n'ai donc pas de commentaire à faire autre que celui-là. Et c'est bien dommage, car le public y gagnerait à ce que les contradicteurs se rencontrent sur un forum et puissent discuter sans passion (je reconnais que ce n'est pas facile).
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Dharmadhatu
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Dumè Antoni a écrit :J'avais rédigé une réponse un peu longue, mais sans grand intérêt en raison de l'impossibilité de tirer au clair certaines affirmations des uns et des autres dès qu'il est question de Dzogchen, en particulier quand les contradicteurs ne se rencontrent jamais ou presque jamais sur les forums. Tout ce que je peux dire en ce qui me concerne, c'est que j'ai reconnu dans chez les représentants des forums francophones que je fréquentais des personnes qui avaient une vue claire et juste, du moins pour ce qui m'a été donné d'en juger à la lumière de ma propre expérience. Et là j'insiste bien : que l'on soit dzogchenpa ou zeniste, la Vue reste la Vue, et pour répéter une formule que j'affectionne : "on ne me fera jamais avaler qu'un corbeau est blanc et qu'une colombe est noire". Pour le reste, et qui concerne les détails techniques (la pratique du Dzogchen n'est pas celle du Zen), je reconnais que je ne suis pas apte à juger. Donc, je prends acte, et je t'en remercie, de tes explications relatives au Dzogchen qui ne recoupent pas nécessairement (comme tu peux t'en douter) ce que j'aie pu lire ou discuter ailleurs. Je n'ai donc pas de commentaire à faire autre que celui-là. Et c'est bien dommage, car le public y gagnerait à ce que les contradicteurs se rencontrent sur un forum et puissent discuter sans passion (je reconnais que ce n'est pas facile).
:D En fait, je n'ai pas expliqué grand-chose sur le Dzogchen et juste rappelé des points qui sont communément acceptés. La spécificité du Dzogpa Chènpo est de présenter rig pa'i tsel afin de réaliser ultimement shi'i rigpa, alors que les systèmes sarma (le Mahamudra tantrique kagyupa, l'Union indissociable du samsara et du nirvana des sakyapas, et le Madhyamaka des Anuttarayoga Tantras chez les géloukpas) ont pour méthode de faire entrer d'abord les souffles dans avadhuti afin de réaliser shi'i rigpa (qui alors portera simplement un autre nom).

Pour ce qui est de la "lignée Dzogchen" (qui est un raccourci), il y a maintenant plusieurs lignées de maîtres détenteurs du Dzogchen, avec les différentes catégories de termas, bien qu'elles soient initialement issues d'une seule et même lignée, à partir de Kuntuzangpo (le Dharmakaya du Bouddha Shakyamuni) jusqu'à Guru Padmasambhava, en passant par les premiers Maîtres humains comme Prahévajra, Mañjushrimitra etc.

Oui, il est difficile de faire discuter des contradicteurs sur le Dzogchen sans passions car j'ai pu remarqué le ton extrêmement arrogant et méprisant que prennent parfois les Occidentaux qui se réclament du Dzogchen quand il parlent de "la vue", "la leur", "celle des autres", comme s'ils oubliaient presque systématiquement qu'il existe plusieurs vues sur plusieurs aspects du Dzogchen (comme souvent dans le Bouddhisme et dans le BT en particulier), et comme s'ils s'agrippaient obstinément à un rôle de censeur dzogchen. N'oublions pas la dernière maxime de Se départir des 4 attachements qu'avait donnée Mañjushri au grand père de Sakya Pandita, Sachen Kunga Nyingpo:
Si la saisie advient, il n'y a pas la vue.

'dzin pa byung na lta ba min
Sur ce point au moins, n'importe quels pratiquants, dzogchen ou pas, de tradition tibétaine ou pas, tomberont parfaitement d'accord.

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