Transformer ses problèmes - par Lama Zopa Rinpoché

Compagnon

Il y a des années j'avais vu un reportage sur une chaîne documentaire. Il y avait un intellectuel juif connu, un écrivain je crois peut être Marek Hatler mais je n'en suis pas sûr. Celui-ci interviewait quelques "Justes". Des gens qui avaient protégé des juifs pendant la seconde guerre mondiale au péril de leur vie. Et lors de l'une de cette interview, on était chez une dame, des décennies avaient passé depuis la fin de la guerre et l’intervenant rappelait ces souvenirs à un dame d'un certain âge. Il essayait de comprendre pour quoi cette dame avait pris ces risques. Elle était incapable de répondre, c'était juste "normal" pour elle de protéger ces gens, surtout les enfants. Et à un moment, la dame sembla soudain submergée par l'émotion, plutôt du chagrin. L’internant fut surpris et lui demanda ce qui se passait. La dame lui expliqua alors qu'en repensant à tout cela elle se rendait compte qu'elle aurait pu prendre davantage de risques et en sauver plus, et elle était profondément triste de ne pas l'avoir fait. L'intervenant était médusé, il avait essayé de la réconforter en lui disant qu'elle avait fait quelque chose de magnifique, elle ne devait pas penser comme ça.

Donc en effet c'est la façon dont nous jugeons ce qui nous arrive. Cette dame au lieu de s’enorgueillir avait honte de ne pas en avoir fait davantage alors qu'elle avait déjà fait quelque chose d'immense.

Pour ceux qui l'on vu , à la fin du film La Liste de Schindler; le personnage de Schindler réagit de la même façon. Quand il doit fuir son usine devant l'arrivée des troupes russes et doit laisser les ouvriers juifs qu'il a protégés, il fond en larmes et se met à leurs dire qu'il aurait pu et du en sauver plus et il se met à leurs donner son manteau de fourrure, sa montre, tout ce qui a de la valeur sur lui pour essayer de monnayer auprès des russes, ou d'autres, la vie de juifs.
Compagnon

@Zopa2 : C'est vrai ce texte semble définir un objectif tellement irréaliste qu'on peut douter de sa faisabilité quand on connait la nature humaine et les aléas de la vie. Tout à fait d'accord. Une telle attitude aussi bien impassible que positive semble relever de la fiction. Je ne sais pas si c'est possible. Toutefois, en principe le Bouddha y est arrivé et au moins du coté du Mahayana, la bouddhéïté est présentée comme accessible à chacun. Ensuite l'objectif du Bouddha en quittant sa vie dorée était en apparence tout aussi irréaliste : trouver le remède à la souffrance humaine. Un objectif qui peut sembler fou. Et pourtant...

Enfin, le Bouddha ne s'est pas éveillé en 1 jour, il a consacré tout son temps à la pratique pendant 7 ans il me semble. Il n'a fait que cela et il me semble bien qu'il affirme que sa voie est accessible dans le même laps de temps si l'on s'y consacre entièrement comme lui. Toutefois, on peut se dire que le Bouddha était un être assez exceptionnel, et que les circonstances qui l'on amené à l'Eveil se sont combinées sur de nombreuses vies. Et le Lama ci-dessus nous indique que notre période est plutôt défavorable à la pratique, nous avons des handicaps, l'emprise d'un mondain perverti et malsain est très forte et on peut aisément le constater : culte de l'argent, de la réussite matérielle, incitation massive à la recherche des plaisirs fugaces, présentation du bonheur matériel comme bonheur véritable par la société de consommation, nourritures spirituelles et matérielles toxiques partout, ce que nous mangeons et regardons dans les médias, etc...
J'ai lu un jour dans les écrits d'un penseur chrétien qu'il reconnaissait que le prince Siddharta était sans doute de tout les êtres humains connu celui qui avait entrepris l'effort de volonté le plus prodigieux.

Oui cela met la barre haut mais la "récompense" est à la hauteur : la cessation de toute souffrance. Ce n'est pas rien.
Comme le dirait ma compagne : sans pain noir pas de gloire !

Si l'on regarde au loin l'objectif on peut être vite découragé devant l'immensité de la tâche, mais si on avance pas à pas...
Et de citer un grand matérialiste : Henri Ford (fondateur de la marque de voiture Ford et inventeur du Fordisme) :

"Rien n'est foncièrement difficile si on le fractionne en petites tâches".
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davi
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Zopa2 a écrit :Oui ça a l'air tellement simple écrit comme çà, alors en qu'en réalité...

Peut-on être vraiment heureux à Auschwitz, au milieu d'un massacre dans un village Centrafrique, dans une chambre de torture en Syrie ?


Ce texte met la barre très haut, trop haut peut être... Rester complètent heureux, ne pas être perturbé, éprouver un bonheur durable, une sérénité qui résiste aux aléas de la vie, à ses hauts comme à ses bas, identifier le positif, etc, dans le deuil d'un être aimé, une maladie mortelle, la guerre sur notre sol et même ailleurs, une séparation, la perte d'un emploi, un handicap soudain, ou encore lorsque les gendarmes vous annoncent un matin la mort de votre unique enfant :
n'est-ce pas là aller trop loin, beaucoup trop loin ?
Si nous sommes attachés à notre condition humaine, oui, c'est aller trop loin.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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Zopa2
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Compagnon a écrit :@Zopa2 : C'est vrai ce texte semble définir un objectif tellement irréaliste qu'on peut douter de sa faisabilité quand on connait la nature humaine et les aléas de la vie. Tout à fait d'accord. Une telle attitude aussi bien impassible que positive semble relever de la fiction. Je ne sais pas si c'est possible. Toutefois, en principe le Bouddha y est arrivé et au moins du coté du Mahayana, la bouddhéïté est présentée comme accessible à chacun. Ensuite l'objectif du Bouddha en quittant sa vie dorée était en apparence tout aussi irréaliste : trouver le remède à la souffrance humaine. Un objectif qui peut sembler fou. Et pourtant...

Enfin, le Bouddha ne s'est pas éveillé en 1 jour, il a consacré tout son temps à la pratique pendant 7 ans il me semble. Il n'a fait que cela et il me semble bien qu'il affirme que sa voie est accessible dans le même laps de temps si l'on s'y consacre entièrement comme lui. Toutefois, on peut se dire que le Bouddha était un être assez exceptionnel, et que les circonstances qui l'on amené à l'Eveil se sont combinées sur de nombreuses vies. Et le Lama ci-dessus nous indique que notre période est plutôt défavorable à la pratique, nous avons des handicaps, l'emprise d'un mondain perverti et malsain est très forte et on peut aisément le constater : culte de l'argent, de la réussite matérielle, incitation massive à la recherche des plaisirs fugaces, présentation du bonheur matériel comme bonheur véritable par la société de consommation, nourritures spirituelles et matérielles toxiques partout, ce que nous mangeons et regardons dans les médias, etc...

J'ai lu un jour dans les écrits d'un penseur chrétien qu'il reconnaissait que le prince Siddharta était sans doute de tout les êtres humains connu celui qui avait entrepris l'effort de volonté le plus prodigieux.

Oui cela met la barre haut mais la "récompense" est à la hauteur : la cessation de toute souffrance. Ce n'est pas rien.
Comme le dirait ma compagne : sans pain noir pas de gloire !

Si l'on regarde au loin l'objectif on peut être vite découragé devant l'immensité de la tâche, mais si on avance pas à pas...
Et de citer un grand matérialiste : Henri Ford (fondateur de la marque de voiture Ford et inventeur du Fordisme) :

"Rien n'est foncièrement difficile si on le fractionne en petites tâches".


En fait, mes remarques et questions antérieures ne renvoyaient pas seulement à la question : Est-ce vraiment possible ?
Elles renvoyaient surtout à la question : Est-ce souhaitable ?


Pour reprendre un de mes exemples, lorsque que les gendarmes sonnent à votre porte un matin pour vous annoncer la mort de votre unique enfant. Est-ce vraiment possible de rester heureux à l'annonce d'une telle nouvelle, l'esprit complément tranquille, même pas légèrement perturbé ? Mais surtout est-ce souhaitable ? Une mère ou un père qui resteraient heureux à l' annonce d'une telle nouvelle, ne seraient-ils pas considérés comme des fous ?

Je comprends l'idée de trouver du positif dans le négatif, de la résilience, de ne pas se plaindre, etc... Mais là le texte va beaucoup plus loin puisqu'il dit qu'il est possible de rester parfaitement heureux quelque soient les malheurs qui frappent à votre porte. Et qu'il faut même aller jusqu'à aimer son malheur et l'accueillir avec joie lorsqu'ils se présente ... (relisez le texte de Lama Zopa si besoin, svp).
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jules
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C’est fou comme l’esprit aime s’enfermer lui-même. Je n’ai jamais cru au méthodes bien ficelées comme celle que présente ce Lama, désolé. Je ne crois pas non plus que la question de savoir s’il est souhaitable ou non d’être complètement détaché dans des situations extrêmes telle que la mort d’un enfant puisse mener à une réponse satisfaisante. A mon sens il faut apprendre à être aussi fluide que l’est la réalité elle-même, développer un comportement insaisissable comme elle, et ne pas essayer d’adopter des attitudes préconçues, d’ailleurs, en vérité, dans les faits, c’est impossible et ce n’est pas ce qui se passe.

Ce genre de tentative de définir des attitudes justes en rapport avec des événements théoriques me semble être une manière de se rassurer au sujet de peurs fantasmagoriques, ce qui pourrait être la définition du terme angoisse. Personnellement, j’ai vécu ces derniers trois ans, la mort de nombreux êtres qui m’étaient chers, dont mon père et ma mère ; rien ne s’est passé comme je l’aurai cru, tout a été semblable à une suite de situations et d’émotions devant être gérées dans l’instant, et ce que je peux dire à présent, c’est qu’aucune de mes prévisions relative à de tels événements ne m’aura été utile.

Les situations et émotions réelles ne peuvent pas être conçues en elles mêmes telles qu’elles sont en réalité. Je crois que le Bouddha nous a enseigné comment ne pas être les jouets de notre imagination, comment avoir les deux pieds dans la réalité, dans l’instant présent qui est le lieu où tout se joue et où l’esprit d’éveil a toujours le pouvoir de se manifester.
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jules
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J’espère n’avoir choqué personne en prenant mon petit exemple qui sans doute n’a rien de comparable avec le fait de perdre un enfant voire de vivre certaines atrocités telles que mentionnées par Zopa. Cela m’aura juste permis d’illustrer cette approche pragmatique qui m'apparaît comme étant une manière concrète, (pour la distinguer du fantasme), de définir l'adversité.
:oops: anjalimetta
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Circé
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Mais tu as bien fait, Jules .Il faut rester réaliste et pragmatique.
Et tu as exprimé clairement des notions assez complexes. Merki! ba11
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Zopa2
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Circé a écrit :Mais tu as bien fait, Jules .Il faut rester réaliste et pragmatique.
Et tu as exprimé clairement des notions assez complexes. Merki! ba11
jap_8
Jules tu as bien bien fait, et je t'adresse mes remerciements.
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davi
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Tout est égal étant dans la nature de l'esprit. Si nous nous laissons entraîner du côté des peines et des joies, nous ne voyons pas la véritable nature des émotions. Nous générons de l'aversion et de l'attachement pour la douleur et le plaisir; nous ne sommes pas en paix. Nos actions découlent de ces états d'esprit, et nos expériences de ces actions. Nous rencontrons des problèmes récurrents.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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