Sur la nature de l'esprit par Dilgo Khyentsé Rinpoché

Compagnon

Y a redite apparemment, partielle au moins, mais c'est pas inutile : )

Sur la nature de l'esprit, 2 textes de Dilgo Khyentsé Rinpoché

La haine ou la colère ne font pas partie de la personne envers qui nous les éprouvons. Elles n'existent que dans notre esprit. Dés que celui que nous prenons pour un ennemi se trouve devant nous, toutes nos pensées se focalisent sur le tort qu'il nous a fait autrefois, le mal qu'il nous fait maintenant et celui qu'il pourrait nous faire plus tard. Nous sommes à ce point ulcérés qu'il nous est insupportable ne serait-ce qu'entendre le nom de cette personne. Et plus nous laissons libre cours à ces pensées, plus la colère nous submerge et, avec elle, l'irrésistible envie de saisir une pierre ou un bâton. C'est ainsi qu'un simple accès de colère peut nous conduire au comble de l'agressivité.

La colère semble capable de prendre entièrement possession de nous, mais d’où tire t-elle son pouvoir ? Est ce une force extérieure, avec des jambes et des bras, des armes et des guerriers ? Ou intérieure, tapie quelque part en nous ? Dans ce dernier cas, pouvons nous la localiser dans notre cerveau, notre cœur ou toute autre partie de nous-même ? Nous n'y parviendrons pas, et pourtant elle nous semble si présente, capable de figer notre esprit en déclenchant tout un enchaînement de souffrances en nous et chez les autres. A l'exemple des nuages, qui sont trop impalpables pour supporter le moindre poids mais qui couvrir le ciel et cacher le soleil, les pensées peuvent masquer la lumière de la conscience éveillée. Reconnaissez la vacuité de l'esprit, sa transparence, et l'esprit retournera de lui-même à son état de liberté naturelle. Reconnaissez la vacuité de la colère, et elle perdra son pouvoir de nuire.


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Si vous dépassez cette croyance à la réalité du « moi » aujourd'hui, vous vous libérerez aujourd'hui ; si vous la dépassez demain, vous vous libérerez demain ; mais si vous ne la dépassez jamais, vous n'atteindrez jamais l’Éveil.

Pourtant, ce « moi » n'est qu'une pensée, et les pensées n'ont pas en soi de consistance, de forme ou de couleur. Quand, par exemple, une pensée de colère envahit votre esprit avec une puissance telle que vous voulez vous battre contre quelqu'un et le détruire, cette colère brandit-elle une épée ? Est-elle à la tête d'une armée ? A-t-elle le pouvoir de vous calciner comme le feu, de vous écraser comme un rocher, de vous emporter comme un torrent fougueux ? Non, car la colère, comme toute pensée ou tout sentiment, n'existe pas réellement. Elle ne se trouve dans aucun endroit du corps ou de l'esprit. Elle est comme le vent dans le vide de l'espace. Au lieu de laisser les pensées rebelles vous asservir, comprenez donc leur essentielle vacuité !

Si vous domptez la colère au-dedans, vous découvrirez qu'il n'existe plus un seul ennemi au de-hors ; autrement, même si vous parvenez à vaincre tous les êtres de l'univers, votre colère n'aura fait que croître. Vous ne la dissiperez pas en lui laissant libre cours, car votre ennemi le plus intolérable, c'est précisément elle. Si, en revanche, vous examinez sa nature, elle s'évanouira comme un nuage dans le ciel.

L'esprit n'a ni forme, ni couleur, ni substance. Voilà pour son aspect vide. Néanmoins, il peut connaître, et il perçoit l'infinie variété des phénomènes. Voilà pour son aspect « lumineux », ou connaissant. L'union indissociable de ces deux aspects – vacuité et luminosité – est ce que l'on appelle la nature originelle de l'esprit.

Pour le moment, la clarté naturelle de votre esprit est voilée par l'illusion, mais au fur et à mesure que ces voiles se dissiperont, vous commencerez à découvrir le rayonnement de la conscience éveillée, jusqu’à ce que vos pensées se libèrent à l'instant même ou elle apparaîtront, comme un dessin tracé sur l'eau. Quand on reconnaît directement la nature de l'esprit, c'est ce qu' l'on appelle le « nirvana », l'au-delà de la souffrance. Quand cette nature est voilée par l'illusion, c'est ce que l'on appelle le « samsara », le monde des apparences trompeuses. Selon la réalité ultime, samsara et nirvana ne sont jamais distincts du continuum de la nature absolue. Quand la conscience éveillée atteint sa plénitude, les murs de la confusion mentale s'écroulent, et la citadelle de l'absolu est conquise une fois pour toutes, transcendant la notion même de méditation.


jap_8
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jules
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L'esprit définit sa propre nature. Ainsi est-il tout puissant, employant même parfois son pouvoir à s'enfermer lui-même dans une cage à lapin.
ted

Magnifique ce texte.

Merci Compagnon. jap_8

Ça paraît tellement simple et évident quand on le lit. Mais c'est parce que Dilgo Khyentsé communique un peu de sa présence dans ce texte...

Au fait, ça répond peut être aussi à la question de Circé sur le fil Tantra à propos de cette notion d'élargissement de conscience ? :oops:
Compagnon

Dilgo Khyentsé Rinpoché est un très bon pédagogue, j'ai lu plusieurs textes de lui à la fois court, concis et clairs. C'était un des maîtres du moine Matthieu Ricard. D'ailleurs il lui rend hommages plus d'une fois au travers des photos dans un livre très beau sur le Bouthan que ma compagne m'a offert l'année dernière.

Je ne sais pas au juste ce que l'on peut entendre par élargissement de la conscience... toutefois, parfois, quand je m’apitoie sur moi-même, mes petits problèmes, ma petite vie, que je trouve certains moments pénibles... je fait l'effort de penser plus grand, je pense à la Terre et surtout au Soleil, ou à Jupiter, je pense au puissance colossale à l'oeuvre sur ces planètes, dans le silence de l'espace, depuis des millions d'années, je relativise ma petite vie éphémère, mes petits problèmes sur notre petite planète dans l'univers, et je trouve alors mes petits soucis risibles, insignifiants. Peut être est ce une façon d'élargir la conscience, j'essais d'élargi mon horizon mental à des dimensions plus... cosmiques. Ce qui rend tout de suite mes petits problèmes ridiculement minuscules, pathétiquement ridicules, avec l'envie d'en rire tellement ils sont petits, si petits.
Cela rejoins ce que dit le Dalaï Lama, quand on réduit notre horizon mental à notre personne, par l'ego-centrisme, alors le moindre petit soucis prend alors des proportions insurmontables, terribles, mais si on élargi notre horizon mental en pensant ne serait-ce qu'aux problèmes de tous les êtres humains rien que sur la Terre en ce moment... alors nos petits soucis sont ramenés à leur juste proportion. Et ils deviennent nettement moins perturbateurs pour notre stabilité mentale.

On dit parfois que le Bouddha lors de son Eveil a élargi sa pensée dans des dimensions cosmiques et sur plusieurs univers, voir tous les univers, non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps. Qu'il a embrassé tout l'univers par la pensée, sans bougé de sous l'arbre de la Bodhi. ET cette vision totale lui a permis de voir à l'oeuvre et de comprendre la loi du karma. Théoriquement, l'espace et le temps sont aussi des notions, des conceptions, des perceptions humaines, si le Bouddha a transcendé toute notion alors l'espace et le temps n'ont plus représenté des limites pour lui.

Si vous vous sentez dépassés par des problèmes dans votre vie, même si ils paraissent graves, suivez mon conseil, mettez vous à penser plus grand en terme d'espace et de temps, rien qu'a l'échelle du système solaire et de quelques siècles d'histoire humaine. Pensez y, en imagination, pensez à l'indifférence des forces en présence, à la puissance monstrueuse d’éruptions solaires, au cyclone géant de Jupiter, et vous vous sentirez vraiment tout petit, et vos problème aussi. Ca pourrait même vous faire rire de vous même en prenant conscience que vous avez dramatisés des problème si petits. Que vous vous êtes laissé perturbé par des problèmes aussi ridiculement petits.
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davi
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Au départ, l'esprit se distingue de la forme de par sa fonction et ses caractéristiques. Si la forme peut être mesurée, située, etc., l'esprit ne le peut pas. L'esprit pense, contemple et éprouve, ce que la forme ne sait pas faire. Cependant, si la forme est mesurable et si on peut la situer (dans l'espace et dans le temps), c'est de manière relative; les formes sont en interdépendance et surtout ne sont pas en dehors de l'esprit. Finalement l'esprit lui-même ne peut être isolé ou saisit. Si toute chose est l'esprit, l'esprit lui-même est introuvable.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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