Comprendre la vacuité par Droukpa Rinpoché

Compagnon

COMPRENDRE LA VACUITE

Sa Sainteté Droukpa Rinpoché

Sa Sainteté Droukchen Rinpoché nous a fait l'honneur de venir à Dhagpo Kagyu Ling pendant l'été 94. Il donna des enseignements sur la vie spirituelle dans la vie quotidienne et sur le sens de la vacuité, ainsi que l'initiation de Manjushri blanc. Sa venue en Dordogne a été comme une source vive de joie, de simplicité, de profondeur et d'humour. Nous publions l'enseignement que donna Sa Sainteté, début août, sur le sens de la vacuité. Malheureusement, cette transcription ne rend pas totalement compte de l'humour si particulier de Sa Sainteté; nous avons en effet beaucoup ri pendant ces quelques jours passés en sa compagnie. Et, plus que tout, nous avons été baignés par sa bénédiction et son immense compassion.

Aujourd'hui, je suis sensé parler de la vacuité, du vide, et si tel est le thème, il ne doit pas y avoir grand-chose à en dire !
Quand on parle du vide, il est difficile de savoir par où commencer. Nous allons tout d'abord essayer de porter notre attention sur la manière d'accéder à la compréhension de la vacuité.

Dans le texte intitulé «Bodhicharyavatara», on dit qu'il faut en fait trouver que les choses ne sont pas existantes.

Lorsqu'on veut connaître quelque chose, quand on veut savoir par exemple si une personne du nom de Claudine est présente dans cette tente, il est tout d'abord nécessaire de connaître cette personne, de savoir de qui on parle, de savoir qui on recherche.

Sur la base de cette connaissance, on vient voir dans la tente et on peut se rendre compte si cette personne est présente ou non, parce qu'on a une image d'elle, on sait de qui on parle. De la même manière, si l'on veut approcher la vacuité, il est nécessaire de la connaître, de savoir de quoi on parle. C'est un point très important; avant de vouloir réaliser ou percevoir directement la vacuité, il faut avoir une notion de ce dont on parle.


D'un certain point de vue, il est très facile d'entrer en contact avec ces choses qui n'existent pas: Nous savons de quoi on parle, nous connaissons tous les aspects du monde, nous avons la possibilité d'entrer en contact avec toutes les choses visibles ou audibles du monde.

D'un autre côté, depuis la nuit des temps, nous avons eu à faire avec ce monde et avec le cycle des existences conditionnées ; nous le prenons pour un monde existant et le croyons réel, pourtant nous ne savons pas ce qu'il y a derrière et nous ne connaissons pas sa véritable nature. Le contact est donc présent, mais il est nécessaire d'en développer un plus profond, d'aller plus avant dans les choses, pour se rendre compte de l'aspect non-existant ou de la véritable réalité de toute chose. Nous avons constamment des images qui nous sont propres par rapport à toutes les choses; chacun de nous a une certaine idée de tel ou tel phénomène, de la réalité des phénomènes, etc.


Nous avons une façon de projeter, de créer les choses; ce n'est pas que nous ayons une préférence pour quoi que ce soit, mais il s'agit d'un mode d'être. Nous vivons donc dans ce monde que nous nous créons, avec les références que nous nous sommes créées. On peut faire toutes sortes de projections vis-à-vis d’une seule et même chose; on peut aimer quelque chose, que les personnes à côté de nous n'aimeront pas; il y aura donc beaucoup de confusion quant aux références. Nous pouvons avoir des goûts différents, des images différentes pour un seul et même objet. Par exemple, si l'on regarde un verre ou quoi que ce soit d'autre, on peut dire: «Cela est joli, ceci est plaisant», alors que d'autres personnes penseront le contraire.

Ce qui vient d'être dit est la marque de la vacuité. Si on est assez habile pour le reconnaître, on se rend compte que, justement, toutes ces caractéristiques les plus diverses, et parfois opposées, que l’on attribue à un objet, comme le verre dont nous venons de parler, nous montrent l'aspect de vide de ce verre, et donc la vacuité du mahamoudra* ou de la grande perfection.


Ce qui vient d'être dit se suffit à lui-même et il n'y aurait plus grand-chose à dire quant à la vacuité.
Le fait de considérer toutes ces données diverses, qui sont simplement des projections de chacun d'entre nous, représente l'enseignement même de l'aspect de vacuité, de l'aspect d'absence de réalité propre qu'enseigne le mahamoudra. Si l'on regarde le verre qui est sur la table, on a l'idée qu'il est concret et solide, qu'il existe véritablement.

Chacun d'entre nous a une image différente de ce verre: nous percevons différentes formes, nous voyons différents aspects de couleur, etc.; nous projetons toutes sortes de choses, nous apprécions la forme ou la couleur de ce verre ou nous ne l'apprécions pas. Nous créons diverses données par rapport à ce phénomène et, bien sûr, chacun est très attaché à la projection qu'il crée. On pense que ce verre est beau ou qu'il n'est pas beau, et voir toutes les données que l''on établit par rapport au verre démontre sa non-existence, son absence de réalité propre.


Cela montre qu'il s'agit simplement d’un concept, d'une sorte d’étiquette que l'on met sur chaque chose; mais ce verre n'a pas d’existence propre, n'a pas d’existence inhérente indépendamment de toutes choses. Il en est de même pour toutes les choses; tout est ainsi, tout est simplement le résultat d'un ensemble de données, d’une étiquette que l'on pose sur chaque phénomène.

Il faut prendre conscience que nous croyons véritablement à cet étiquetage constant. Nous nous accrochons à notre point de vue, à notre manière de voir les choses. Nous nous figeons dessus et ce blocage nous empêche de percevoir et de comprendre la dimension de vacuité.

Par exemple, si l'on éprouve une sensation de soif, automatiquement en découle le désir d’avoir de l’eau, parce qu’on a cette forte croyance que l’eau satisfera notre soif. Lorsqu’on parle de désir pour cette eau, on pourrait parler d’aspiration, d’une certaine foi vis-à-vis de ce que nous apportera cette eau, d’une certaine dévotion. On peut utiliser toutes sortes de mots comme ceux-là vis-à-vis de l’objet qui nous apportera satisfaction. Du fait de cette croyance, l'eau remplit véritablement la fonction que l'on croit qu’elle remplit. Cela fonctionne de cette manière.


C’est la croyance profonde que l'on a, depuis la nuit des temps, quant à l’existence des choses et à leurs fonctions, qui construit le monde dans lequel nous nous trouvons. Et cela marche très bien. Du fait de toutes ces notions que nous avons développées, le monde fonctionne tel que nous avons créé ces croyances. A partir du moment où l'on développe une aspiration vis-à-vis de telle ou telle chose, on la solidifie et elle devient visible, existante et fonctionne véritablement. Cela représente une difficulté pour aborder la vacuité. Comment croire que cette chose, en laquelle je crois, est vacuité ?

Comment croire que la table sur laquelle je travaille est vacuité ? Comment croire que le trône sur lequel je suis assis est vide de toute réalité propre ? C'est très difficile, cela est en contradiction avec la croyance profonde qu'on a développée depuis la nuit des temps. Cette notion de vacuité est donc très difficile à appréhender: Même les grands érudits tibétains et les grands maîtres indiens ont rencontré ce type de problème.


Lorsqu'ils ont entendu les paroles du Bouddha qui disait que tout est vacuité, qui parlait de cet aspect d'absence d'existence des phénomènes, leur première attitude fut de dire: «Cela veut dire autre chose; il doit y avoir autre chose derrière le simple fait de dire que cette table, cette chaise ou ce trône est vide. Je suis assis dessus, comment pourrais-je être assis sur quelque chose qui n’a pas d'existence réelle ?»

Cette approche nous est difficile du fait de cette croyance très profondément enracinée en nous. Celle-ci représente une difficulté pour nous-mêmes, mais également pour tous les êtres, et les grands érudits du passé eux-mêmes ont dû parfois traverser des phases de confusion du fait de la croyance en la réalité des choses et de l'enseignement sur la vacuité.


Il sera très difficile de comprendre cette vacuité et, même si nous n'avons aucun doute quant à cet enseignement, très peu d'entre nous auront la possibilité de comprendre son véritable sens. Nous ne sommes pas les seuls. Les grands érudits du passé également ont eu de grandes difficultés pour accéder à cette compréhension. Lorsqu'on parle des grands érudits du passé, il s'agissait d'êtres de très grande valeur sous beaucoup d'aspects, mais qui furent parfois à l'origine d'une grande confusion. Ils écrivaient des livres et des traités, et cela a parfois amené encore plus de confusion chez les personnes qui les lisaient.

Des centaines de milliers de personnes, lisant ces écrits, ont pu sombré dans une confusion encore plus grande, car certains de ces grands érudits avaient des doutes vis-à-vis de la compréhension de la vacuité; ils ont exprimé ces doutes, les ont mis sur papier, ont essayé de les résoudre à travers l'écriture et, évidemment, cela a pu être source de confusion. Un de mes maîtres disait que le Bouddha avait enseigné des choses extrêmement claires et pures, qu'il n'y avait aucun doute quant à la doctrine, et donc aux paroles du Bouddha.

Ce sont les érudits qui, par la suite, tant en Inde qu'au Tibet, ont rendu les choses difficiles et ont en quelque sorte contaminé la doctrine si pure et si claire du Bouddha. Il ne s'agit pas de tous les érudits, mais simplement de ceux qui étaient dans un état de confusion vis-à-vis de la compréhension de cette vacuité; cette confusion se manifestait par de nombreux écrits, car c'étaient des personnes qui, en même temps, avaient une très grande connaissance et écrivaient des choses extrêmement intéressantes, mais susceptibles de semer le trouble dans l'esprit de ceux qui les lisent.


Lorsqu'on lit des textes ou qu'on entend des enseignements, sur la Prajnaparamita par exemple, on entend ou lit des choses telles que «rien n’existe, il n'y a pas d'yeux, il n’y a pas d'oreilles, il n’y a pas de langue, etc.» On le lit, mais il est très difficile de s'associer à ce que l'on a lu, parce qu'on se dit: «j’ai des yeux, des oreilles et une langue, etc.. Qu’est-ce que cela signifie ?» On ne parvient pas à intégrer véritablement le sens de ces paroles. Les personnes érudites ou pratiquantes diront peut-être : «Le Bouddha a dit cela de façon très concise, afin d’être le plus clair possible, mais il faudrait rajouter des données, de manière à bien comprendre le sens de ses paroles.

Le Bouddha, en fait, distinguait l’ultime du relatif. Ultimement, il a dit que tous les objets, les facultés sensorielles, etc., n'ont pas d'existence réelle. Mais, relativement, ces yeux, ces oreilles, etc., existent et sont présents.» Cela représente le rajout des érudits, qui commencent à parler de relatif et d‘absolu, mais ce n’est pas la peine d'en parler, tout le monde sait bien que nous avons des yeux, des oreilles, une langue, etc. Si je dis que les yeux n'existent pas, cela signifie que je parle de quelque chose d’ultime, il n’y a pas besoin de dire: «Voilà, il y a l’ultime et il y a le relatif, etc.»

Si je répète des milliers de fois que les yeux n’ont pas d’existence réelle, cela ne veut pas dire que tout le monde, d’un seul coup, est devenu aveugle, parce que les yeux n’existent pas. C’est une évidence que les yeux, à un certain niveau, existent, et lorsque le Bouddha disait que les yeux n'ont pas d’existence réelle, il est évident qu'il parlait de sa vision ultime de toute chose. Il n’est donc nul besoin de préciser cela, comme l’ont fait certains érudits du passé, nul besoin de rentrer dans les notions de ce qu'est le monde relatif, de ce qu'est le monde ultime, parce que cela n'ajoute que de la confusion.


Lorsqu’on développe des notions telles que «relatif», «ultime» ou «absolu», on commence à étudier: «Voilà, ceci est du niveau relatif. Où est l’œil ? Qu’est-ce qu'un œil du point de vue relatif ? Qu'est-ce que cela devient lorsqu'on regarde le niveau ultime ?» On rentre dans un processus complexe. En fait, les choses sont là; de par notre propre bon sens, nous pouvons constater que les yeux sont là, que la sensation de faim est présente à un certain niveau et qu’on l'expérimente, etc. Même si l'on nous dit que cela n'a pas d'existence ultime, de toutes façons nous expérimentons cette faim et nous avons besoin de manger. On n'arrêtera pas ce processus; d'ailleurs, il n’y a pas besoin de l'arrêter, c'est la nature même des choses d’être ainsi, et cela ne sert à rien de se préoccuper d'autant de données complexes.

Il n'est donc pas nécessaire de construire toutes sortes d'explications vis-à-vis du monde relatif. Il est évident que les choses existent, et lorsqu'on commence à élaborer quelque chose vis-à-vis de l'aspect relatif, on est simplement en train de construire, d'expliquer ou de renforcer l'ego, qui est constamment présent. L'ego existe, il perçoit les choses, il les connaît très bien, malheureusement. Le travail consiste non pas à renforcer la compréhension de comment est l'ego au niveau relatif, mais au contraire à le diminuer, à le dissiper, à le démolir, ainsi que la saisie qui s'empare de lui. Pourquoi devrait-on se préoccuper d'expliquer comment sont les choses au niveau relatif ?


De toutes façons, l'aspect relatif est là, tel que nous le vivons; cent pour cent du relatif est là, présent, face à nos yeux et à notre champ d'expérience. L'important est d'essayer de mettre un terme à cet ego, de démolir cette saisie, et c'est pour cela que le Bouddha a enseigné le dharma.
Il a enseigné la non-existence des choses, parce qu'il voulait que tous les êtres puissent accéder à l'essence même des choses, à la dimension de vacuité de tous les phénomènes.

Bien sûr, il y a eu d'autres formes d'enseignement, avec différents niveaux, suivant les capacités des personnes qui les recevaient, et c'est la raison pour laquelle il a été parfois fait mention des choses comme étant existantes, mais c'était en fonction de la capacité de ceux qui pouvaient recevoir cet enseignement.

Pour un yogi, la réalisation de la vacuité ou éveil se fait en un instant.


Lorsqu'un maître montre la vacuité, il n'a pas besoin de mots, et si le disciple est prêt, un maître authentique peut, simplement en pointant le doigt vers le ciel, transmettre la réalisation. Le disciple sera éveillé par ce simple geste. Le maître aura montré directement la vacuité, sans utiliser le moindre mot. Il est nécessaire, pour cela, que le disciple soit prêt, qu'il soit le réceptacle approprié à cette réalisation.

Ainsi, lorsque les conditions sont réunies, un simple geste du doigt dans la direction du ciel peut transmettre tout le sens des paroles du Bouddha. En effet, le yogi est à même de comprendre que tous les phénomènes ont la même nature que l'espace et, en un instant de compréhension, il accède à l'éveil.

La réalité est ainsi, elle a cette dimension, cette nature semblable au ciel ou à l'espace. Mais si quelqu'un nous montre le ciel du doigt et si nous ne sommes pas le réceptacle approprié, nous verrons un avion dans le ciel, ou un arc-en-ciel, ou un nuage, mais nous ne verrons certainement pas la réalité des choses, nous ne percevrons pas cette vacuité, parce que nous ne serons pas prêts. Si un maître donne des enseignements jour après jour, année après année, nous ne saurons pas de quoi il parle en essence, parce que nous avons tendance à rester figés sur les notions que nous avons et sur l'existence que nous attribuons à toutes choses.


Comment va-t-on parvenir à démolir cette idée très forte que l'on a à propos des phénomènes tant intérieurs qu'extérieurs ?


Évidemment, ce ne sera pas facile. On ne peut pas le faire physiquement. Pour démolir cette idée très forte, il faut avoir la vue correcte, et c'est justement ce qui nous manque.

Il faut bien reconnaître, même si ce n'est pas agréable, que beaucoup de notions que nous avons sont tout à fait incorrectes; la plupart sont erronées. Nous voyons les choses comme extrêmement existantes et extrêmement solides; de ce fait, nous croyons en elles, et cela ne fait que les renforcer.

Du coup, elles existent véritablement au niveau relatif, car c'est nous qui avons créé cet aspect d'existence relatif: de par notre croyance, les choses effectivement existent relativement. Beaucoup de personnes me demandent comment, les choses étant tellement présentes, tellement solides, je peux imaginer qu'elles sont vides en essence et dénuées de réalité.


C'est une question qui se pose à nous tous, parce que nous avons cette propension à croire, depuis la nuit des temps, que les choses existent. Nous avons développé cette croyance depuis des millions d'années, nous sommes en quelque sorte des professionnels de la création d'existence et, de ce point de vue, nous sommes des pratiquants extrêmement performants.

En ce qui concerne l'aspect mondain, existant, relatif, nous sommes totalement au point, tout à fait éveillés, mais cela ne correspond pas à la réalité ultime. De nombreux yogis, lorsqu'ils enseignent pour nous aider à comprendre que nous sommes à côté de cette réalité, disent qu'on leur attribue la capacité d'accomplir des miracles, mais qu'en fait ils ne font aucun miracle.


C'est nous, les êtres ordinaires, qui accomplissons une multitude de miracles, justement en donnant une réalité à des choses qui n'en ont pas. De notre point de vue évidemment, nous considérons les choses différemment: lorsqu'on regarde un grand yogi comme Milarépa, on voit qu'il accomplit des choses qui semblent extraordinaires et miraculeuses, comme transformer de l'eau en lait, en feu ou en animal, etc. Il y a ainsi toutes sortes de miracles, qui, pour nous, sont extraordinaires, mais les yogis disent: «C'est vous, les êtres ordinaires, qui faites constamment une multitude de choses tout à fait miraculeuses !»

Les yogis sont simplement dans la dimension de la réalité, alors que nous sommes dans la dimension de la non-réalité, dans celle de l'illusion, de la magie en quelque sorte, et c'est la raison pour laquelle ils affirment que ce sont les êtres ordinaires qui accomplissent des choses miraculeuses. Bien sûr, ayant ce recul, ils peuvent considérer les choses ainsi; de notre point de vue, nous avons l'impression du contraire.

Le type de miracle que nous sommes capables d'accomplir en tant qu'êtres ordinaires, du point de vue évidemment des êtres réalisés, est que nous n'avons pas la capacité de réduire notre corps à la dimension d'une corne. Ce fut une réalité pour Milarépa, et un miracle pour nous, qu'il ait pu donner à son corps la dimension qu'il voulait, qu'il ait pu le réduire à une taille telle qu'il pouvait parfaitement s'insérer dans une corne.


Nous ne pouvons pas le faire et cela, du point de vue des yogis, est un véritable miracle, parce qu'il n'est pas possible de ne pas pouvoir le faire! Nous accomplissons ce miracle du fait de la croyance très forte que nous avons en la réalité des choses, en la solidité du corps, de ce corps qui existe, qui est là, solide, ferme, figé, et que nous ne pouvons pas réduire selon notre convenance.

Il n’est pas possible d'adapter ce corps à tel ou tel type de situation; pour un yogi, cela est complètement extraordinaire, parce que, de son point de vue à lui qui est dans la réalité et donc dans l’absence d’existence des choses il n'y a absolument aucun empêchement à disposer ainsi de son corps et à l'adapter à telle ou telle situation. Il est tout à fait surprenant, pour un yogi, que quelqu’un ne puisse pas marcher sur l'eau, traverser des rochers, etc., situations tout à fait normales lorsqu’on a la compréhension de l’absence de réalité des choses.


Ces grands yogis, par leur pratique, ont mis un terme à l’ego, à toute idée de réalité existante et de solidité des choses; ils touchent donc à la réalité ultime de toute chose et ne comprennent pas qu'on ne puisse pas marcher sur l’eau sans se noyer, ni traverser une montagne sans s'écraser contre le premier rocher. Ils trouvent tout cela extrêmement surprenant, presque magique, parce que, pour eux, aucune situation ne peut représenter un obstacle à la traversée d'un rocher par exemple. C’est pour cette raison que les yogis disent que ce sont les êtres ordinaires qui accomplissent des choses extrêmement surprenantes et miraculeuses.

En fait, il existe deux mondes sur la même base. Le monde que l'on appelle «nirvana» et le monde que l'on appelle «samsara» se situent exactement au même endroit, sur la même base. D'un côté, on expérimente la vie quotidienne en tant que vie ordinaire et, de l’autre côté, on expérimente cette même vie dans une dimension de nirvana.

Au même endroit, au même instant, les choses peuvent être expérimentées de deux façons différentes. Nous pouvons réaliser le monde dans lequel nous vivons comme étant de l'ordre du nirvana, car nirvana et samsara sont totalement inséparables, indifférenciés.


Lorsqu'on souhaite progresser et que l'on pratique, on ne comprend pas forcément comment le changement s’opère, comment de l’état ordinaire du samsara on accède à l'état réalisé du nirvana. On s’interroge face à cette transformation. Comment cela se passe-t-il ? Que signifie en fait transformation ? De nombreux érudits ont donné des explications, chacun à sa manière, selon son point de vue, et il existe donc une multitude d'interprétations possibles.

Certains disent que le monde ne change pas, qu'il est là, tel quel, et qu'il perdure; en tant qu'individu, on progresse jusqu'à s'éveiller en soi-même. Un autre point de vue dit que nous restons là, sans changer, nous nous trouvons toujours dans le monde, mais avec une compréhension qui se situe à un autre niveau. Il y a toutes sortes de manières d'expliquer comment, de cet état d'être ordinaire, on passe à l'état d'être éveillé.

Théoriquement, si on écoute les paroles du Bouddha, je peux présupposer qu'il y a un changement total : le Bouddha a parlé d'une transformation complète du courant de l'être. Telles sont les paroles du Bouddha. Par la suite, des milliers d'érudits ont interprété, chacun à sa manière, ce que voulait dire le Bouddha.

Ces érudits avaient différentes capacités, ainsi que de nombreux disciples, et il existait donc des points de vue très variés et multiples, ce qui fait que, maintenant, nous sommes arrivés à la génération de la plus grande confusion.
Il règne une très grande confusion à l'heure actuelle entre les écoles, entre les maîtres, entre les religions. La confusion est partout !


Nous avons été laissés là dans une grande confusion; tous les grands maîtres du passé sont partis et nous voilà dans cet état. Ce sont les conditions actuelles, il faut les accepter, nous n'avons pas le choix.

Le plus important est la transformation individuelle: c'est ce vers quoi il faut tendre. Le monde en général, dans son aspect collectif, ne peut pas changer comme cela d'un seul coup, il est trop solide, mondain, et ce n'est pas vers cela qu'il faut orienter nos efforts, mais vers la transformation du monde individuel, de cette vie qui nous anime et qui doit être transformée.

On pourrait illustrer cette transformation par l'exemple d'une personne qui traverse toutes sortes de changements au cours de sa vie et de ses vies successives. Au départ, lorsqu'on est enfant, on désire avoir des jouets et, tant qu'on en a, tout va bien; c'est notre seule préoccupation, nous n'avons besoin de rien d'autre, ni de faire attention à quoi que ce soit, car toutes les conditions favorables sont réunies autour de nous.


S'il y a une famine, les données sont bien sûr différentes. Au fur et à mesure que l'on grandit, un changement se produit dans l’aspiration ou dans le désir. A dix-sept ou dix-huit ans, on veut sortir et avoir des amis, faire quelques bêtises: on change de points de repère, notre monde est différent. Lorsqu'on atteint l'âge adulte, on est préoccupé par l'argent, notre activité crée un monde d'adulte et, lorsqu’on est vieux, les conditions comme les sensations sont encore différentes.

Ainsi, à chaque période de la vie, on traverse toutes sortes de choses: nous sommes toujours nous-mêmes, mais ce nous-même traverse beaucoup de choses différentes pour vivre et survivre.

Au moment de la mort, il y a encore transformation. Le monde de la vieillesse dans lequel nous nous trouvions change et on renaît dans tel ou tel royaume, peut-être en tant qu'animal. Si l'on devient un chien, on expérimente un contexte, un monde, des notions de chien. Tout ce qui faisait notre monde d’humain, tous les désirs, toutes les notions qui étaient en rapport avec cette qualité d'être humain changent et laissent la place à des notions propres à l'état d'animal, à l'état de chien. Le contexte n’est plus du tout le même.


Ainsi, une transformation constante s’effectue quant au regard, à l’aspiration, au désir que l’on a de telle ou telle chose. Lorsqu'on pratique, c'est identique; on avance progressivement, et, au fur et à mesure, des changements d'ordre spirituel s'effectuent.

Lorsqu’on arrivera au terme de cette voie spirituelle et qu’on deviendra un bouddha, une transformation totale de notre monde aura lieu. Le monde sera totalement changé, car il s'agira d'un monde divin, d’un monde d'éveil. C’est la raison pour laquelle il était, tout à l’heure, question de ces grands yogis qui regardaient le monde dans lequel nous évoluons en le trouvant surprenant ou amusant.

En effet, au fur et à mesure de leur cheminement, ces yogis transforment leur monde et il le font de façon profonde et entière; du fait du changement de leur propre monde, ils regardent le nôtre en le trouvant surprenant, pas ordinaire, anormal.


Ce caractère «anormal» est quelque chose que nous ne voulons pas. Au contraire, tout le monde aspire à être normal, à être totalement normal. Souvent, des personnes viennent me trouver et me disent: «Comme vous êtes grand et respectable, etc. » Je réponds: « Non, mon aspiration la plus profonde est d'être simplement normal, tout juste normal.» C'est cela qui anime finalement la démarche.

Peut-être avons-nous parlé de la vacuité, peut-être non. Nous nous sommes sans doute éloignés de ce sujet qui était le thème initial. De nombreuses personnes attendaient certainement que je parle de la vacuité elle-même. Le point clé est la vision correcte, la vision juste; c’est une vision totalement différente de notre point de vue ordinaire. Il y a beaucoup de manières d'en parler; là encore de multiples explications sont données.


Certains disent que, lorsqu'on développe une vision juste, il n’y a rien de différent dans le regard que l'on porte sur les choses: on voit la même chose, le changement s'opère à l'intérieur de l'esprit. L'important est d’avoir un point de vue totalement différent, de développer cette transformation lorsqu'on regarde un verre, une table, tout ce qui nous entoure dans la vie quotidienne, et d'apprendre à le faire selon un mode très différent de nos concepts habituels.

La conceptualisation est ce qui fait toute la différence dans le monde.

Tel type de concept donnera tel type de monde, tel autre type de concept donnera, à propos de la même chose, tel autre type de monde. Il y a mille ou dix mille manières de regarder les choses; on peut considérer ce que dit le hinayana, ce que dit le mahayana, etc., mais l’essentiel est de revenir à cette donnée existence/non-existence, de percevoir les choses comme étant de l’ordre de la non-existence.


Mais il faut voir comment on aborde cette notion de non-existence. La vision philosophique est alors très importante: il faut savoir de quoi il s'agit véritablement. La méditation et la pratique sont utiles, elles permettent de poser son esprit et de demeurer dans cet état, mais l'approche de la non-existence des phénomènes relève de la vue philosophique.

Certains pratiquants occidentaux réagiront peut-être en entendant parler de vision philosophique et penseront que cela ne correspond pas à la démarche du Bouddha. Un pratiquant attend que tout chemin enseigné par le Bouddha, et surtout le vajrayana, consiste juste à pratiquer, à utiliser certaines méthodes et toutes sortes de moyens permettant d'accéder au parfait éveil. On a tendance à se dire que la pratique est la voie vers l’éveil et qu’il n’y a que cela.

Si un maître commence à parler de point philosophique, à dire qu’il est nécessaire de comprendre la vision philosophique du dharma, notre réaction sera sans doute de dire: «Ce maître ou ce lama n’est pas du tout ce que je recherche. Je veux la voie directe, je veux ce qui mène vraiment à l'éveil, je ne vais pas me perdre dans des considérations philosophiques.»


C'est alors une recherche de l'ordre du miraculeux , comme si en utilisant certaines méthodes, on visualise telle ou telle chose et que l’éveil est au bout de ce chemin. Il est vrai que la pratique est ce qui conduit au parfait éveil. Il existe un chemin de pratique qui conduit au résultat du parfait éveil. Certains yogis ne font que pratiquer et accèdent à l'éveil ainsi. Mais ces yogis sont de très grands pratiquants, ils sont préparés et sont mûrs pour la pratique et la réalisation de cette pratique.

On a vu tout à l'heure que, lorsqu'un maître se trouvait face à un disciple qui était prêt, il lui suffisait, sans aucun mot, de lui montrer le ciel pour transmettre la réalisation. On aspire à cela, on se dit: «Quelle chance! Pas besoin de faire de retraite, pas besoin de faire les préliminaires, pas besoin de faire cent mille prosternations! Il suffit de s'asseoir et de regarder le ciel ou le doigt qui montre le ciel.» C'est un chemin possible, mais il y a un mais.


Le «mais» est que nous ne sommes pas encore qualifiés, nous n'avons pas encore suffisamment d'heureuse fortune - dans le sens où nous n'avons pas rassemblé toutes les conditions - pour être capables de réaliser en un seul instant cette vacuité, grâce à l'emploi de ce qu'on appelle les moyens habiles. Il y a des exemples qui nous semblent tout à fait extraordinaires, comme montrer le ciel et réaliser la vacuité, ou bien lorsque Naropa accède au parfait éveil parce qu'il a été frappé par Tilopa au moyen d'une chaussure, ce geste lui permettant de s'éveiller totalement à la vacuité.

Mais nous sommes encore loin de cela, nous ne sommes pas encore prêts à accéder à cette réalisation directe. Il faut s'en approcher, se donner les moyens de devenir suffisamment qualifié. Pour cela, nous pouvons purifier notre courant de conscience en pratiquant les préliminaires, mais, au départ, il est important de connaître la vue philosophique du dharma, la vue correcte des paroles du Bouddha, la vue du mahamoudra.


Si on ne connaît pas la route, il sera très difficile de progresser sur le chemin spirituel. Si je souhaite me rendre à Montignac, maintenant que j'ai oublié les environs, les routes, etc. - auparavant, je connaissais un peu, je pouvais conduire, je me serais retrouvé - je me perdrai. Il est donc nécessaire de développer une vision philosophique correcte afin de pouvoir, sur cette base, suivre le cheminement spirituel de la pratique. La première phase est l'établissement, la compréhension de la vue philosophique.

- Peut-on avoir des explications supplémentaires sur ce qu'on entend par «esprit spirituel» par opposition à «esprit religieux» ?

- Il y a différentes manières de considérer l'esprit. Les Occidentaux considèrent qu'il est dans le cerveau et que dans le cœur il y a complètement autre chose. Il existe des regards tout à fait différents. En fait, l'esprit est un et la spiritualité est ce qui est directement associé à l'esprit.

C'est une explication un peu grossière, mais si, sur le chemin, on a une attitude complètement liée à l'esprit, ce sera alors une démarche spirituelle. Si notre démarche n'est pas exclusivement centrée sur l'esprit mais qu'elle regarde un peu vers l'extérieur, on parle alors de religieux ou peut-être de religiosité. Telle est la différence qui existe entre esprit spirituel et esprit religieux. A travers un esprit religieux, on peut accéder à la spiritualité, bien sûr.


- Vous référant à la Prajnaparamita, vous avez dit: «Les yeux n'existent pas, les oreilles n'existent pas, etc...». Dans le même texte, il est dit: «La forme est la vacuité et la vacuité est la forme.» Pourquoi rajouter «la vacuité est la forme» ?

- S'il y a ces deux aspects: «la forme est vacuité», «la vacuité est forme», c'est parce que cela établit l'union de la vacuité et de la manifestation. S'il était simplement exprimé: «la forme est vacuité» , on pourrait croire que la forme est quelque chose d'erroné et qu'il n'y a ultimement que la vacuité. Cela dénaturerait le propos, on ne verrait plus cette union de la vacuité et de la manifestation. Lorsqu'on comprend que la forme est vacuité et la vacuité forme, cela permet de réaliser le sens de cette union.

- Pouvez-vous expliquer ce que l'on entend lorsqu'on dit que la vacuité est la meilleure des protections ?

- C'est vrai, la vacuité est la meilleure des protections, elle est la protection ultime. Mais, pour cela, pour que la vacuité soit protection totale, il est nécessaire de l'expérimenter. Une fois qu'on l'a réalisée, elle devient évidemment protection vis-à-vis de toute chose.

Sinon, tant qu'on n'a pas réalisé la vacuité, cela ne veut rien dire, c'est du vide, cela ne nous protégera pas de quoi que ce soit. S'il y a expérience de la vacuité, il y a compréhension. Réalisation directe signifie que cette compréhension est au cœur même de nous-mêmes, et la vacuité devient alors protection.

- Les grands yogis peuvent traverser les montagnes, pas les êtres ordinaires. Comment se fait-il qu'un grand yogi puisse traverser les montagnes et ne pas traverser le trône sur lequel il est assis !


- Vous avez peut-être trouvé la raison principale pour laquelle un yogi ne s'assied pas sur un trône !

Un yogi est un être qui a réalisé la nature des choses, qui est libre de toute chose. S'il le veut, il peut traverser un mur; s'il le veut, il peut ne pas le traverser; s'il le veut, il peut s'asseoir ou ne pas s'asseoir; il est totalement au-delà de toutes les limitations ou contingences. C'est cela un être réalisé.

La vacuité se trouve dans ce qui existe, dans ce qui se manifeste en face de nous. La vacuité n'est pas ailleurs, elle n'est pas autre qu'en nous-mêmes.

Il est facile de comprendre la vacuité si on a l'habileté de la reconnaître dans ce qui se présente à nous et de voir la réalité d'une table, la réalité d'une fleur et la beauté qui réside dans cette absence de réalité.


Cette beauté ultime des choses relatives est la réalité; c'est cela la vacuité, la grande union ou le mahamoudra.

C'est la raison pour laquelle le Bouddha Shakyamouni a distingué deux types d'enseignements. Il a donc enseigné la vérité relative et la vérité ultime.

Tous les enseignements du Bouddha Shakyamouni appartiennent à l'une ou l'autre de ces catégories, relative ou ultime. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'enseignements séparés; il n'y a pas de distinction à faire entre relatif et ultime, au contraire les deux sont totalement inséparables et complémentaires.


Pourquoi ces enseignements ont-ils été de deux ordres, relatif et ultime ? C'est à cause de nous, afin qu'ils soient accessibles à notre compréhension. Nous avons besoin de ce type de distinction, parce que nous sommes dans une dualité constante, et le Bouddha n'avait pas d'autre choix, pour nous transmettre le sens de ses enseignements, que de faire cette distinction.

Si le Bouddha Shakyamouni a donné des enseignements de deux types, c'était dans l'attente que nous puissions comprendre ces deux niveaux d'enseignement en même temps.


Il est nécessaire de comprendre ces deux aspects ensemble, parce que la compréhension de la vérité relative est d'une grande aide pour rendre la compréhension de la vérité ultime accessible. De la même manière, si l'on possède la compréhension du niveau ultime, celle-ci permet d'accepter la vérité relative telle qu'elle est. Ces deux aspects sont donc complètement mêlés l'un à l'autre.
Il faut comprendre que deux aspects ne font qu'un.

C'est de cette manière que doit se développer notre pratique, car si nous avons tendance à séparer les choses dans notre esprit, à voir un paradoxe entre relatif et ultime, celle-ci sera incorrecte. Avoir cette notion de différence totale entre relatif et ultime ne correspond pas du tout à l'intention du Bouddha lorsqu'il a enseigné ces deux niveaux.

En effet, beaucoup de personnes s'enfoncent dans la confusion lorsqu'elles considèrent l'aspect relatif et l'aspect ultime. Si, par exemple, on tourne son esprit vers la dimension de vacuité, donc vers l'ultime, on pense à cette vacuité, on médite sur cet aspect, on y croit et, presque automatiquement, on se détournera du monde matériel pour tomber dans la croyance que ce monde relatif est un démon, un obstacle qui s'oppose à notre cheminement.


On ne tourne plus son attention vers lui et on n'y pense plus du tout; on le voit plutôt comme un obstacle, pensant que seul l'ultime est vraiment valable. Si l'on entreprend une telle démarche, on tombe dans un extrême, on considère seulement une chose à l'exclusion de l'autre, et au lieu de suivre un chemin de progrès, on n'ouvre ni son cœur ni son esprit, on ne développe pas l'acceptation de ces deux aspects tout à fait mêlés l'un à l'autre, et on considère que le monde est mauvais. Des notions prennent alors forme de façon très forte dans l'esprit: d'une part, le samsara avec la qualité de «mauvais» et dont il faut se détourner, etc.; d'autre part, le nirvana, excellent, vers lequel il faut tendre. On reste ainsi dans ce double concept.

Cela est l'activité de notre ego; en fait, l'ego se renforce à travers de telles considérations. Il ne convient donc pas de pratiquer de cette manière. En tombant dans ce travers, on construit des arguments en faveur de l'ego et c'est évidemment ce qu'il faut éviter. Que l'ego se renforce, qu'il poursuive son cheminement sur des considérations matérielles ou sur des considérations spirituelles, peu importe, il ne faut pas que ce soit lui qui mène le jeu.


Pour cette raison, beaucoup de textes expliquent que la compréhension de la vérité relative est une grande aide pour développer encore davantage celle de l'ultime, de la vacuité. Il est important de le savoir. De même, si l'on a développé une compréhension correcte de l'ultime, cela constitue une aide au regard de l'activité que l'on développe dans le monde relatif. Comprendre la dimension de vacuité nous aide à pratiquer la compassion, à comprendre la nécessité de l'amour et de la générosité, à avoir une conduite éthique correcte, à montrer de la persévérance ou à pratiquer des efforts enthousiastes.

On prend conscience de l'importance de toutes ces formes d'activité au niveau relatif, grâce à la compréhension de l’ultime. Et la pratique de toutes ces qualités au niveau relatif nous permet de développer une plus grande connaissance de l'ultime et de la vacuité. On voit donc qu'on ne peut pas exclure l'un ou l'autre aspect, les deux sont tout à fait complémentaires et s'entraident mutuellement.


Un texte, le «Bodhicharyavatara», parle des six perfections, de la générosité jusqu'à la sagesse, et explique qu'elles se soutiennent et s'entraident mutuellement du début à la fin du chemin vers l'éveil.
C'est une sorte de trame que l'on établit, avec une multitude d'éléments se complétant l'un l'autre, afin de développer une pratique correcte.

Certains aiment pratiquer la méditation sur la vacuité et semblent se détourner totalement du niveau relatif, ignorant le développement de la compassion, de l'amour et de la dévotion. Convaincus que tout est vacuité, ils se demandent quelle est la nécessité de pratiquer la compassion, l'amour et la dévotion.

Pourquoi est-ce si important puisque, de toutes façons, tout est illusion, rien n'a de valeur, si ce n'est la vacuité. Ils considèrent que celle-ci est le plus important; le reste est du relatif et n'a aucune valeur, selon eux. Jusqu'où les hommes peuvent-ils évoluer s'ils pratiquent de cette manière ?

L'idée de la vacuité les emporte sans doute trop rapidement. En effet, nous n'avons pas encore suffisamment de compréhension, nous sommes encore trop éloignés de cette réalité ultime, et tant qu'elle ne nous est pas véritablement accessible, il est sans doute préférable d'établir une base sur laquelle développer la compréhension de l'ultime.

Cette base tout à fait indispensable, c'est l'amour et la pratique de la compassion. Si, trop vite, on considère que tout est vacuité, sans vraiment savoir de quoi il retourne, on pense que tout est vide, que rien n'a de valeur si ce n'est ce vide, dans lequel on se perd, parce qu'on n'a pas établi une base solide de pratique.


Prenons l'exemple de Gourou Rinpoché. Celui-ci expliquait que sa vue, donc sa vision de la réalité, était aussi vaste que l'espace; cela ne le détournait pourtant pas d'avoir une activité tout à fait attentive. Une vision très large comme l'espace le conduisait au contraire à développer une attention très forte à l'activité, à la loi de cause et d'effet ou loi du karma, à avoir une activité très subtile, très fine, comme de la poudre ou de la farine, incitant à aller voir dans les moindres détails avec une très grande attention. Ainsi, Gourou Rinpoché lui-même, qui avait une vision totale de la dimension ultime, ne se détournait nullement de l'activité et de la loi de cause et d'effet.

A l'exemple de Gourou Rinpoché, il est important de développer une grande attention vis-à-vis de l'activité quotidienne. Sans cette attention, instant après instant, nous accumulons des souillures qui teintent notre esprit, nous accumulons des voiles qui font empirer la situation jour après jour. C'est ce qui risque de se produire si on ne développe pas une telle attention. Dans la pratique, il en est de même.


Si la pratique est incorrecte, la méditation sur la vacuité s'éloigne toujours plus de la compréhension correcte. C'est la loi de la nature, les choses vont dans le sens dans lequel on les dirige et on risque, si on n'y prend pas garde, de s'éloigner d'une compréhension correcte. Même si nous avons une certaine connaissance et une intention de pratique, le regard sur la vacuité nous sera difficile, voire impossible, parce que, par manque d'attention, nous créerons des choses qui deviendront des obstacles sur la voie spirituelle.

L'attention dans l'activité quotidienne de compassion et de dévotion, l'activité de toutes les qualités que l'on peut développer dans la vie est tout à fait importante. Il faut privilégier les dimensions de compassion et de dévotion, et entre les deux celle de dévotion, parce que beaucoup d'entre nous, par manque de dévotion, même en pratiquant pendant des années, s'empêchent de progresser et sont bloqués à un certain niveau, simplement par manque de dévotion. Cette dévotion est primordiale, notamment lorsqu'on pratique la voie du vajrayana.


Quand on lit les biographies des grands maîtres et des yogis, on comprend que c'est la force de la dévotion qui leur a permis de progresser et d'accomplir toutes sortes de choses. Aucun maître, aucun être n'a pu accéder à la réalisation sans cette dévotion. Il est donc excellent de lire les biographies des grands maîtres, parce qu'elles nous servent d'exemple et nous aident à comprendre.

Si l'on regarde cette dévotion plus en profondeur, on se rend compte qu'elle est la sagesse. possédant cette sagesse illimitée et très vaste, on est sûr que l'on développe une dévotion excellente. Si notre sagesse est plus limitée, nous avons cependant la capacité de comprendre certaines choses quant à la réalité et donc de développer une dévotion toujours grandissante. Avoir une notion de la réalité ultime des choses permet de comprendre que le lama et le Bouddha sont indifférenciés, que les éléments considérés comme ordinaires, tels la terre, l'eau, le feu, etc., ont également une dimension extraordinaire.


Même si l'on ne peut pas voir concrètement ces choses, on peut tout au moins comprendre qu'elles sont possibles. On sait, du fait même de la nature des phénomènes, de la réalité ultime de toute chose, que tout est possible; pourquoi alors ne pourrait-on pas accepter que l’eau soit du feu, par exemple ? Même si nous n'avons pas la capacité de manifester nous-mêmes de telles choses, nous développons, grâce à la sagesse et à la dévotion, la compréhension et l’acceptation qu'elles puissent être ainsi.

Grâce à cette ouverture qui se crée du fait de l’acceptation, on est à même de recevoir la bénédiction et de s’ouvrir à toutes les choses positives. C’est la raison pour laquelle la dévotion est si importante. Avoir la dévotion, c’est avoir la compréhension; avoir la compréhension, c'est avoir l’ouverture; avoir l’ouverture amène à la possibilité de recevoir. Si on est fermé, où est la porte par laquelle la bénédiction pourra nous atteindre ?

Il faut que cette dévotion et cette ouverture soient les plus larges possibles. On a tendance parfois à développer de la dévotion vis-à-vis d'un maître, d'une forme d’enseignement ou d’une divinité; on considère que c’est ce qu’il y a de meilleur et que tout le reste n'a pas grande valeur et on se met à critiquer ce qui n’est pas ce maître, ce texte ou cette divinité.

Quelle ouverture y a-t-il dans une telle attitude ? On parle de dévotion vis-à-vis du maître, mais cette ouverture est très étroite, la porte est pratiquement fermée ou à peine entrouverte, il n’y a pas de véritable communication, il n'y a pas de possibilité de recevoir cette bénédiction qui devrait nous baigner totalement. Pour la recevoir, il est nécessaire que notre esprit soit ouvert au maximum. Une compréhension, même relative, de la réalité de la nature des phénomènes, même sans l’expérience de cette dimension de vacuité, mais accompagnée d’une pratique en ce sens, permet de comprendre l'unité de tous les maîtres et celle de toutes les divinités.


Toutes ces divinités et tous ces maîtres sont indifférenciés. Cela est dit dans les textes, mais nous sommes parfois dans la confusion et ne comprenons pas véritablement le sens de ce qui est dit dans ces textes. Certains maîtres peuvent également avoir une tendance à développer artificiellement certaines choses qui induiront leurs disciples à suivre le chemin de ce maître exclusivement.

C'est une attitude incorrecte. Si je voulais, par exemple, attirer la dévotion et le respect de toutes les personnes ici présentes vers moi uniquement, ce serait tout à fait possible; il suffirait d'un peu de manipulation. Il est facile d'arriver à ce genre d'attitude consistant à tourner l'attention vers une chose ou un être en particulier.

Beaucoup de textes font des commentaires sur les paroles du Bouddha, et nous avons vu qu'ils étaient parfois davantage source de confusion que d'autre chose. Si, dans un texte, on change très légèrement le sens de ce qu'a dit le Bouddha, le résultat peut être extrêmement différent.


Tout est un, il n'y a pas de différence entre tel ou tel maître. Puisque tous les maîtres sont unité et sont le Bouddha en essence, il n'y a aucune raison de laisser la critique imprégner notre esprit, il n'y a aucune raison de laisser entrer dans nos concepts un sentiment de différence - celui-ci est meilleur que l'autre, etc. La réalité est ainsi, tout est unité, il n'y a pas de distinction entre la vacuité et la manifestation; en essence, tout est dharmakaya et les maîtres sont simplement la manifestation de ce dharmakaya.
On agit de même avec les textes.


On a tendance à considérer certains plutôt que d'autres, mais en essence ils sont tous porteurs de la parole du Bouddha, ils sont tous remède à tel ou tel type de problème, à telle ou telle sorte de situation. C'est la raison pour laquelle chaque texte a sa spécificité, mais ils sont identiques quant à l'essence.

Et les personnes qui reçoivent ces enseignements étant différentes en apparence ont besoin de différents types d'enseignements, de différents types de remèdes pour pallier ce qui entrave leur cheminement. C'est grâce à ce type de compréhension que l'on développe la dévotion, l'ouverture et l'acceptation.

Ce cheminement spirituel se poursuit à travers la vue philosophique, et non par l'habitude ou le fait de suivre telle ou telle coutume ou tradition. Nous avons souvent tendance à suivre une forme de tradition, un type de coutume et à oublier l'essentiel, c'est-à-dire le point de vue philosophique. Il y a de très bonnes choses dans les traditions et les coutumes, mais il faut se souvenir que l'essentiel, ce sont les paroles du Bouddha.


A partir du moment où l'on se considère comme disciple du Bouddha, il est logique de suivre ses paroles. L'aspiration à suivre l'exemple du Bouddha, à écouter ses paroles, fait qu'on s'intéresse à ce que le Bouddha a dit et non pas à ce que d'autres êtres ont élaboré par la suite sur ce qu'il a dit. Ce qui nous intéresse est le message vrai, véritable du Bouddha. L'essentiel nous est communiqué par notre maître, et nous est donné avec la compréhension qu'il n'y a pas lieu de critiquer ceux qui ne sont pas notre maître.

Celui-ci, nous transmettant les paroles du Bouddha, nous transmet la sagesse qui est l'ouverture du cœur, et cette ouverture est destinée à tous les êtres et tous les maîtres et non pas à un individu spécifique ou à un seul maître. Cette sagesse doit être aussi large et aussi vaste que l'espace; il s'agit d'une acceptation totale et non pas d'une acceptation limitée, étroite ou partielle. C'est la raison pour laquelle le vajrayana insiste sur la bonté du maître. Il y est dit que celui-ci montre à notre égard une bonté supérieure à la bonté du Bouddha.


En effet, le Bouddha a enseigné et communiqué le sens du dharma, mais il l'a fait d'une manière générale. Nous n'avons pas eu un contact direct avec lui; nous avons ce contact direct avec notre maître, qui nous transmet tous les enseignements, toutes les bénédictions, etc. Avec ce regard-là, on comprend la très grande bonté du lama. C'est ainsi qu'on doit considérer les choses lorsqu'on suit le chemin spirituel, et pas du tout avec un esprit limité, partiel ou étroit. Plutôt que de suivre des coutumes pour obéir à la tradition, mieux vaut porter son regard sur la vue philosophique des paroles du Bouddha et suivre cette vue.

L'enseignement est totalement universel, il ne change pas en fonction de telle ou telle tradition, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Europe. En effet, le Bouddha parle de l'essence même des choses, son enseignement est donc au-delà de toute tradition ou coutume. Il faut reconnaître la valeur des traditions : elles sont adaptées aux nécessités de chaque peuple, de chaque pays, de chaque moment de l'histoire, et permettent également aux personnes de se développer.

Il y a une tradition tibétaine, sans doute très bonne pour les Tibétains - je le présuppose, parce que je ne suis jamais allé au Tibet moi-même. Il convient de ne pas critiquer telle ou telle forme de tradition, mais d'être lucide et de regarder ce qui est essentiel, afin de ne pas tomber dans le traditionnel juste pour être traditionnel. La tradition n’existe pas en soi, elle n'a pas lieu d’exister; si l'on demandait au Bouddha quelle est sa tradition, il serait intéressant de voir ce qu'il nous répondrait. En bref, nous sommes dans un certain contexte, nous sommes entourés d’une certaine culture, de traditions qui nous sont propres, mais l’important reste la vision philosophique et les paroles du Bouddha.


Tous les phénomènes sont vides. Lorsque le Bouddha a dit cela, son enseignement approchait directement la réalité de toute chose. C’est grâce à cette réalité de vacuité ou d’absence d'existence que tout peut venir à manifestation. Lorsqu'on parle de vide, ce n’est pas du tout comme si l'on parlait d’un verre qui est vide, d’une tente qui est vide, où il n'y a personne, d'une sorte de néant; il ne s’agit pas du tout de cela. Lorsque le Bouddha parle de la vacuité, il indique que la réalité des choses est vide d'existence propre; il n'y a rien qui soit réellement existant. Du fait de cette vacuité, tout est possible. Voici un exemple qui permettra de mieux comprendre pourquoi tout peut venir à manifestation.

Si cette tente, par exemple, dans laquelle nous nous trouvons, n'était pas vide, nous ne pourrions pas y entrer; il n'y aurait pas de possibilité pour nous de venir ici et de nous asseoir à l'intérieur. Si la tente était pleine de toutes sortes de choses, il y aurait obstruction et il ne serait pas possible de rentrer. C'est un exemple ordinaire ou grossier, mais peut-être cela nous permettrait-il de comprendre pourquoi, sur la base de cette vacuité, tout peut venir à manifestation.


Ce message du Bouddha est un message de très grande valeur : tout est vacuité et, dans le même temps, tout peut être là, tout peut être présent. Nagarjuna et Shantidéva, ainsi que d'autres grands érudits, ont éclairci le sens de ce message en écrivant des textes très importants, et en expliquant l'interdépendance. Parler d'interdépendance ici signifie qu'existence et non-existence sont tout à fait interdépendantes.
Tel est le sens de la vacuité, le sens du mahamoudra, le sens de la grande perfection, etc.

Si nous avons la compréhension de cette interdépendance entre existence et non-existence, l'acceptation apparaît alors dans notre esprit et nous sommes à même d'accepter toutes les possibilités incalculables qui peuvent se présenter. Dans les soutras, on parle du monde, de l'univers, des possibilités; c'est une manière de traduire sipa en tibétain: possibilité de manifestation. Cela signifie que tout peut apparaître, qu'il n'y a absolument rien qui ne soit pas susceptible de venir à manifestation.


Telle est la théorie bouddhiste, basée sur la compréhension de la vacuité. Si les choses n'étaient pas vides en essence, s'il n'y avait pas cette dimension de vacuité, il y aurait toujours une chose, au moins une, qui n'aurait pas possibilité de venir à manifestation. Là, du fait même de la vacuité, il n'y a absolument rien qui ne puisse venir à manifestation, c'est la raison pour laquelle je traduis le terme tibétain sipa par «possibilité». Nous nous trouvons donc dans l'univers ou le domaine des possibilités, dans le domaine du tout possible.

- Comment conserver une compréhension de la vacuité, un certain sens de l'humour et la stabilité mentale lorsque, dans la vie, on est confronté à des situations très difficiles, telles que œuvrer pour l'action humanitaire en tant que médecin ou infirmière ou être confronté aux enfants gravement malades ?

- Lorsqu'on parle de développer la capacité d'acceptation, celle-ci doit être authentique et se développer naturellement, on ne doit pas la développer de façon forcée ou égocentrique. A partir du moment où l'acceptation est authentique, l'attention est beaucoup plus grande, la compassion devient également authentique comme l'amour, et une sorte de circulation naturelle s'établit. Les choses se font de façon beaucoup plus naturelle et, dans une situation difficile, il ne s'instaure pas de conflit entre notre compréhension et ce que l'on voit.

Si, par contre, cette acceptation n'est pas authentique, s'il n'y a pas de compréhension véritable des choses, un conflit s'établit entre ce que l'on croit avoir compris et la situation qui se présente à nous. En ce qui concerne le sens de l'humour, il peut être présent, mais ne va pas forcément se manifester; on ne développe pas de l'humour face à des gens qui sont en train de mourir et qui souffrent très intensément. Cela ne veut pas dire que l'on n'a pas cette compréhension de la vacuité, mais justement, de par cette compréhension, s'établit une compassion beaucoup plus grande qu'une compassion ordinaire, une sympathie extrêmement forte, etc. C'est la compréhension même, authentique, de la réalité des choses qui induit naturellement cette dimension de très grande compassion et d'amour.


- Il est dit que toute action est dirigée par le désir, pouvez-vous expliquez quelle autre alternative nous avons ? Comment faire pour que notre activité quotidienne ne soit pas entièrement dominée par le désir ?


- Il n'y a pas d'autre alternative tant qu'on n'a pas accédé au parfait éveil. Pas moyen de se sortir de cette impulsion du désir. Puisqu'il n'y a pas d'autre alternative, il faut utiliser le désir, et c'est la raison pour laquelle, dans le vajrayana, toute l'attitude consiste à travailler sur ce désir et non pas à essayer de le rejeter; de toutes façons, cela ne serait pas possible. La solution consiste donc à transformer ce désir, à travailler dessus, à utiliser cette énergie de façon correcte.

- Pour nous, il n'est pas possible d'avoir une vie quotidienne qui ne soit pas marquée par le désir, mais que font les êtres réalisés qui sont au-delà, comment se passe une journée de bouddha ?

- Un bouddha ou un grand bodhisattva a la parfaite réalisation. Cela signifie qu'il a la maîtrise, la connaissance totale de son esprit; cela veut dire qu'il contrôle le désir, qu'il en tient les rênes, et qu'il peut faire ce qu'il souhaite. Nous, au contraire, sommes plutôt dans les griffes du désir: nous sommes contrôlés par le désir.

Pour ce qui est de l'activité, un bouddha n'a pas besoin d'une impulsion, rien ne le pousse à agir dans tel ou tel sens; le bouddha, par lui-même, agit, sans que rien ne soit nécessaire à l'origine de son action. Nous, par contre, sommes constamment poussés par le désir. Quand bien même nous voulons nous asseoir et rester là à ne rien faire, c'est encore le désir qui nous pousse à nous asseoir et à ne rien faire.

Le bouddha est totalement libre.


Tout ce qui a été dit et compris s'accumule et il convient de partager avec tous les êtres l'ensemble de ce qu'on a accumulé. Nous sommes au service des êtres, nous ne sommes pas ici simplement pour accomplir notre propre bienfait de façon égocentrique. Nous nous devons de partager tout ce qui est utile et bénéfique avec tous les êtres de l'univers.

Tel est le sens de la dédicace. Nous allons donc dédier toutes les paroles qui ont été dites et toutes celles qui ont été entendues, tout le sens qui été communiqué, toute la compréhension qui est peut-être apparue. Nous partageons tout cela avec tous les êtres de l’univers, des êtres qui sont dans la souffrance, qui n’ont pas la possibilité de venir ici, comme nous le faisons, pour recevoir des enseignements et accroître leur compréhension. La dédicace représente ce partage, cette motivation profonde de partager tout ce qui est bénéfique et que nous avons accumulé pendant cet enseignement.


http://www.dhagpo.org/fr/multimedia/rev ... la-vacuite

flower_mid

Est-il utile de souligner à quel point ce texte, cet enseignement, est riche ?
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davi
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Merci Compagnon pour ce merveilleux enseignements. :D
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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axiste
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Ce texte est love3
Thanks Compagnon pour tous les textes dont tu nous gratifies jap_8
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Compagnon

Il m'arrive d'avoir de la chance :)
Comme parfois nous ne sommes pas d'accord les uns avec les autres sur certains thèmes, nous avons des opinions différentes, alors je cherche sur la toile ce qu'en disent des personnes dont le Dharma est "le métier" en quelque sorte, et il m'arrive de tomber sur des choses pas mal :) Enfin que je trouve pas mal. J'essais toujours de partager ce que je trouve bien. C'est un réflexe.

Je le trouve très utile se texte. Après tout le monde ne ressent pas le besoin de creuser la question de la vacuité. C'est une question majeur dans le Mahayana il me semble, d'ou mon interêt.
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