Est-ce que vous priez ?

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tirru...
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axiste a écrit :Je sais pas si je prie…j'aime faire le silence..

..J'aime bien aussi la citation de Komyo "à force de manier des fleurs, leur parfum finit par vous imprégner." Elle me semble très juste ! Ca résume bien les choses jap_8
jap_8 <<metta>>

Je ne prie pas, je me refuse ce doux miel... Par contre, j'aime entendre les prières, ça me réchauffe le coeur et me relie à une autre dimension de moi même...

Quelle peut être la valeur du salut à travers l'effort personnelle, tellement cher au Bouddha, s'il y a prière ? A moins qu'il s'agisse d'un problème de définition ?
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Flocon
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Sur ce point, je suis pétrie de contradictions.

Je prie, beaucoup. Comme j'ai été élevée dans le judaïsme, religion où la prière est essentielle, j'en ai conservé la pratique quotidienne (plusieurs fois par jour), presque malgré moi. C'est quelque chose qui m'est trop intérieur pour que je l'évite : j'ai essayé, mais c'est inutile. Il ne s'agit pas de demandes personnelles, mais de prières de louange, d'action de grâce et de vœux pour le bien des êtres et du monde en général.
Ce qui est bizarre, c'est que je suis athée et que ces prières s'adressent incontestablement à un dieu personnel. :shock: :lol:

Mieux encore, la pratique du bouddhisme (méditation, éthique, étude etc.) a renforcé cette tendance en moi au lieu de la diminuer, c'est frappant, sans pour autant me poser de problèmes. Ce qui me fait souvent penser que le bouddhisme sera peut-être pour moi, au final, un pont pour revenir à ma religion d'origine. :?: Je n'en sais encore rien mais c'est très intéressant à observer.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
FA

Qui prie ?

C'est toujours l'ego, qui s'adresse à quelque Atman divinisé,( Dieu, Divinité, Grand Soi , Brahman )
Qui place implicitement l'être dans une forme de dualité,
C'est teinté d'espoir et de dévotion... :roll:

jap_8
Fa
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Dharmadhatu
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Tirru a écrit :Quelle peut être la valeur du salut à travers l'effort personnelle, tellement cher au Bouddha, s'il y a prière ? A moins qu'il s'agisse d'un problème de définition ?
jap_8 Excellent questionnement, Tirru.

Dans le Boudhisme tibétain, on distingue 2 types de prière:

meunlam - prières de souhaits, une méthode pour prendre l'attitude d'un Bouddha, le parfum de la fleur qu'on manie souvent, comme avec les 4 illimités.

et seuldèb - prières de requête adressées à un Bouddha, un Bodhisattva etc... qui, pour un regard profane, sont vus comme des entités extérieures auxquelles sont soumis des pratiquants aux tendances théistes, mais qui de l'intérieur sont de splendides miroirs dans lesquels se reflètent toutes les qualités que possède le pratiquant à l'état plus ou moins potentiel, et qui ne demandent qu'à jaillirent (comme les rais de lumière de Kshitigarbha, merci Komyo !).

Et au final, si le yogi oublie qu'il est lui-même la déité à laquelle il adresse des prières, il rompt ses voeux de samaya (et ce, quelle que soit la classe de Tantra de laquelle relève sa pratique puisqu'il s'agit de l'un des 19 voeux des 5 Bouddhas: celui du sceau d'Akshobhya), et donc la démarcation entre les deux types de prière est de moins en moins substantielle.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

très intéressant file par toutes ses contibutions!
Flocon, c'est vraiment très intéressant ce que tu dis.
c'est pour moi une énigme.
J'ai le sentiment que si on cherche trop à évacuer nos représentations personnalisées de la divinité, on court vraiment le risque qu'elles reviennent par la porte de derrière, sous la forme d'un bouddhisme ultra patriarcal et qui met le Bouddha sur un autel inaccessible.
Moi qui découvre un peu le discours du tantrisme tibétain, selon ce qu'évoque Dh..datu, je trouve très intéressant cette position non duelle posant le fait que la divinité est en nous.
Après, je pense que c'est de la technique, entre prière, visualisations, s'asseoir sans bouger. Je pense qu'il y en a en fait pour tous les goûts, selon qu'on soit plus kinesthésique, auditif, visuel.
Et si on regarde bien, toutes les traditions ont quelque chose où on récite des dédicaces et sortes de mantras intentions prières, tout comme de la méditation silencieuse (y compris les chrétiens), et aussi d'éventuelles visualisations.
Qui ne sont pas non plus mon truc, mais je me suis rendu compte en zazen, qu'à certains moments, certaines choses surgissent, comme une énergie qui se manifeste sensoriellement, se liant à des aspects de notre vie qui se joue, où on se sent un bouddha courroucé ou compatissant, parfois tout cela et bien au-delà.
Une amie qui pratiquait chez les Kagyu, mde disait qu'en fin de compte, quand on visualise la déité, à la fin c'est tellement ardu et touffu, qu'on lâche prise mentalement de cette tentative de donner une image...je crois que c'est un sacré moyen habile pour faire l'expérience du rien!
A la fin tous ces moyens se rejoignent, et je pense que nos images personalisées du divin en occident avaient pour but de nous détourner de notre ego....mais souvent cela a été détourné de son but premier pour devenir une fin en soi, et renforcer l'ego plus que le dissoudre. En ce sens je pense que le langage oriental nous aide à retrouver cela par les pratiques bouddhistes et autres qu'on a la chance de connaître maintenant.
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Dharmadhatu
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Lausm a écrit :Une amie qui pratiquait chez les Kagyu, mde disait qu'en fin de compte, quand on visualise la déité, à la fin c'est tellement ardu et touffu, qu'on lâche prise mentalement de cette tentative de donner une image...je crois que c'est un sacré moyen habile pour faire l'expérience du rien!
jap_8 Je comprends que ton amie parlait des deux phases de la méditation tantrique qui ont lieu lors des pratiques relevant des Tantras insurpassables (MahaAnuttarayoga Tantra, les autres classes de Tantra ne comprennent pas ces deux phases dont le but est de réaliser l'ainsité grâce à la conscience la plus subtile).

La première phase (de génération: sampanna-krama) est la visualisation, à partir d'une méditation sur la vacuité, d'un Bouddha, de son entourage éventuel, de son mandala, de son activité altruiste...

Si la visualisation ne repose pas sur cette méditation du non-soi personnel par exemple, il y a un grand risque de ne pas saisir le sens de cette phase. Et de voir les deux phases comme séparées. On pense alors que seule la seconde phase est définitive (souvent une méditation sur la nature de l'esprit, l'esprit primordial grossier dans la plupart des cas).

En fait, ce qui est évoqué comme ardu et touffu rassemble toutes ces visualisations pendant les différents yogas tantriques (Offrandes somptueuses et grandioses, comme on pourrait en trouver dans un Alice de Tim Burton; Vajrasattva; Guru Yoga; Déité devant soi, soi-même comme étant la déité; etc...) qui, selon un commentaire de Sa Sainteté le Dalaï Lama des Etapes de la voie tantrique sont aussi des moyens habiles permettant d'atteindre shamatha de manière plus rapide qu'avec les méditations relevant du Paramitayana.

Il est dit que les visualisations impliquent des souffles subtils (prana et/ou vayu) dont la subtilité est semblable aux Corps de gloire des Bouddhas (sauf que dans leur cas, ces Sambhogakayas ne sont plus impurs ou contaminés).

L'intérêt aussi des visualisations, lorsqu'on médite sans avoir besoin des pratiques tantriques, est pendant shamatha: le fait de visualiser un objet visuel pris comme modèle (un caillou, un cercle coloré, etc..) implique que la totalité de notre esprit (donc aussi notre conscience mentale) soit là, puisqu'il s'agit de méditer sur une image ou représentation mentale.

Donc, selon les Maîtres de méditation c'est plus difficile au début, mais plus efficace sur le long terme.

C'est assez complexe...

J'ajouterais que la méditation sur le non-soi à partir de laquelle sont visualisées les déités est indispensable à moins de risquer une prévisible saisie quant à la déité elle-même, un attachement plus fort à soi-même, aux rituels, etc... Bref, de louper le sens véritable de ces yogas.

FleurDeLotus
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komyo
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Il me semble que les voies duelles, celles ou l'on transposent son pouvoir personnel sur un support extérieur (bouddha boddhisattva deva ou gardien particulier) fonctionnent in finé de
manière identique a celle ou l'on ne compte que sur la seule force de son ascèse. (au japon les deux sont assez différenciés "tariki ""jiriki") Elles ont aussi peut etre l'avantage de développer une attitude interne d'abandon qui est assez bénéfique.
Abandonner le corps et l'esprit ou s'en remettre complètement et définitivement à la grace ou a la volonté du bouddha, je pense qu'a un moment il y a une convergence.

Dans un autre domaine, j'ai lu ceci sur un blog, très fourni en articles intéressants au demeurant
http://hridayartha.blogspot.fr/2012_09_01_archive.html

quelqu'un connait ?
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Dharmadhatu
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:D Je ne connaissais pas, mais au cours de ma jeune carrière bouddhiste, j'ai trouvé dans ce livre cité de Tulku Urgyèn Rinpotché, une source d'enseignements directs d'une incroyable profondeur.

Extrait de As it is, volume 2 de Tulku Urgyen Rinpotché (1920-1996) :
«La première fois que nous recevons des enseignements, nous avons souvent droit à une explication globale de tous les sujets du Dharma, selon leur sens à interpréter ou leur sens définitif. Nous apprenons alors que le sens définitif est relatif à la nature de bouddha, l’essence de l’esprit, que l’on doit réaliser ultimement. Nous recevons un aperçu général et graduellement nous nous approchons de ce qui est de la plus grande importance dans tous les enseignements du Bouddha. Cela peut se réduire aux instructions de l’Introduction (T. ngo sprod), qui nous introduisent à la nature de l’esprit, la nature de bouddha, et qui nous permettent de la reconnaître.
Merci beaucoup pour le lien !

Parmi ces instructions qui permettent de reconnaître la nature de l'esprit, il y a cette introduction directe donnée par Sa Sainteté le Dalaï Lama selon les mots de Sakya Pandita: il faut observer ce qui se trouve dans l'espace entre deux pensées.

FleurDeLotus
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Tirru a écrit
Quelle peut être la valeur du salut à travers l'effort personnelle, tellement cher au Bouddha, s'il y a prière ? A moins qu'il s'agisse d'un problème de définition ?
Les réponses données sont intéressantes, au final, je comprends comme dit Dharma que la démarcation entre les deux types de prière soit de moins en moins substantielle…

Mais je ne saisis pas vraiment tout:
je me dis que dans le fond, comme tout est vacuité, relié, on pourrait dire qu'il n'y a pas vraiment d'extérieur ni d'intérieur…et donc que la divinité n'est ni intérieure ni extérieure, et qu'il n'y a pas de véritable démarcation là non plus… shuuuuuuuuuuuuttttt
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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Dharmadhatu
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comme tout est vacuité, relié, on pourrait dire qu'il n'y a pas vraiment d'extérieur ni d'intérieur…
jap_8 Parfois les mandalas sont la demeure d'un certain nombre de déités principales, mais on peut ajouter à tes propos très sensés qu'il n'y pas non plus vraiment d'unité, ni de multiplicité.

Il n'y a plus non plus la différentiation qu'on peut initialement trouver entre le yoga sans signe (l'ultime vacuité) et le yoga avec signe (le conventionnel corps de la déité) des Tantras inférieurs car c'est un seul et même instant de conscience qui appréhende les deux vérités: l'esprit qui appréhende la vacuité en prenant l'aspect des différents Corps de forme d'un Bouddha.

Une accumulation de vastes mérites (inspirée par les prières de souhaits, l'activité des Bouddhas, etc...) co-émergente à une accumulation de sagesse profonde (le non-soi personnel et celui des agrégats).

Ces deux accumulations sont dites donner pour fruits respectivement les corps de Forme et de Vérité.

Bref, la base est constituée des deux vérités (conventionnelle / ultime), la voie des deux accumulations (vaste / profonde), et le fruit des deux Kayas (pour employer une terminologie guéloukpa: corps illusoire / esprit inné de grande félicité).

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