Les rites bouddhiques et leur signification (Terre Pure)

Compagnon

Les rites Bouddhiques et leurs significations

La vénération des Bouddhas ne comporte aucune mystique, mais étant avant tout un acte de foi religieuse, elle est plus profonde, et surtout elle est permanente dans le cœur des adeptes.

Par Vénérable Thich Huyen-Vi

La vénération des Bouddhas n’a rien de comparable avec l’adoration des divinités dans les autres religions.

De tout temps, les héros et les hommes célèbres qui ont fait profiter leurs concitoyens ou l’humanité toute entière de leurs mérites ou de leur intelligence sont l’objet de manifestations solennelles de reconnaissance de la part des collectivités, comme des individus.

Ce comportement, qu’il soit spontané ou organisé, s’analyse en un acte de remerciement chaque fois confirmé, un sentiment profond d’admiration, et un désir intime de suivre l’exemple ainsi légué aux générations postérieures.

La vénération des Bouddhas n’a pas d’autres significations. Elle ne comporte aucune mystique, mais étant avant tout un acte de foi religieuse, elle est plus profonde, et surtout elle est permanente dans le cœur des adeptes.


I. Comment pratiquer la vénération

1. Les Bouddhas sont dignes de vénération

Quand nous parlons du Bouddha, nous pensons instinctivement à Shakyamouni, notre Maître le plus proche de nous, le plus couramment invoqué. Mais dans leur ensemble, tous les Éminents Éveillés sont dignes de vénération.

Ce sont, tous, des êtres exceptionnels, parvenus grâce à leur patience et à leurs mérites innombrables accumulés pendant plusieurs existences, à l’état de perfection suprême, et qui, une fois ‘arrivés sur l’autre rive’ cherchent à aider tous les êtres vivants des six mondes à sortir du cycle des re-naissances (samsara) pour jouir comme eux de la sérénité et de la joie éternelle.

Dans l’accomplissement de la mission qu’ils se sont assignée, ou plutôt de leur vœu, ils ont connu et ils continuent de connaître des difficultés immenses dues à la profonde ignorance des êtres qu’ils veulent sauver – du royaume des cieux jusqu’aux enfers, en passant par le monde des humains – mais jamais ils ne se sentiront découragés, fidèles ainsi à leur promesse de ‘Posséder la vraie connaissance pour en faire profiter autrui et poursuivre cette entreprise jusqu’à sa totale perfection’.

Ainsi chaque Bouddha considéré séparément représente la synthèse des trois précieuses qualités que sont : la Compassion universelle, la Spiritualité suprême, et le Courage moral.

C’est donc en considération de leurs mérites et de leurs enseignements, que nous réservons aux Bouddhas nos pensées les plus respectueuses et les plus ferventes, et non à cause de leurs interventions miraculeuses dans le monde des humains, comme des divinités adorées dans certaines religions.

2. Comment les vénérer.

Comme il a été souligné plus haut, la vénération n’est pas l’adoration et encore moins l’idolâtrie des Bouddhas.

Nous ne pouvons attendre d’eux aucune faveur, ni aucune intervention miraculeuse et salvatrice. Nous invoquons leurs exemples, nous évoquons leurs noms et leurs images pour renforcer notre détermination de parvenir par nous-mêmes à éliminer toutes sources de douleur dans notre vie présente, et à atteindre, après celle ci, la libération définitive du samsara.

Toute sollicitation en vue des intérêts bassement matériels serait inopérante et indigne de leurs enseignements.


3. Quels Bouddhas devons-nous vénérer ?

Tous les Bouddhas sont des symboles de la ‘lumière incommensurable’ et de la ‘Pérennité infinie’ ; vénérer l’un d’entre eux, c’est les vénérer tous.

Mais selon les degrés d’enseignement que nous avons reçus, et selon la méthode que nous avons nous-mêmes choisie sur la voie du Bouddhisme, nous avons à nous adresser en priorité à tel Bouddha avant tous les autres.

Aussi bien presque tous les bouddhistes de par le monde pensent au Bouddha Shakyamouni qui est notre guide dans l’ère actuelle.

Mais ceux d’entre nous qui avons choisi la Terre Pure avec le procédé de l’invocation du Bouddha pour demander après notre mort l’étape du Pays du Suprême Bonheur, doivent vénérer le Bouddha Amitabha.

Ceux qui désirent honorer l’ensemble des Bouddhas des trois existences, présent, passé, et futur, devront honorer Shakyamouni, Amitabha et Maitreya.


4. Dispositions d’ordre matériel.

Chez les particuliers, il est conseillé de placer sur un autel, au maximum trois statues ou trois images de Bouddhas.

Les statues, comme les images, devront être de même dimensions, présentées sur les même socles ou dans les mêmes cadres, et placées ou suspendues au mur à la même hauteur.

L’autel doit occuper la place centrale de la pièce principale du logement. Si celui ci comporte un ou plusieurs étages, l’autel devra être installé au niveau le plus élevé.

L’autel des ancêtres sera placé seulement à côté de l’autel des Bouddhas et devra être légèrement moins élevé que ce dernier.

Sur l’autel il conviendra de disposer : des vases de fleurs, un brûle parfum ou un bol à baguettes d’encens, une lampe et des coupes de fruits. Tout autre objet d’ornementation est à bannir. Les articles de culte doivent être essuyés, astiqués tous les jours.

La première installation de l’autel doit faire l’objet d’une cérémonie rituelle, simple mais solennelle.

Le maître ou la maîtresse de maison doit observer le régime végétarien et les cinq préceptes les jour précédents. La cérémonie se déroulera en présence des proches parents et des amis qu’on aura invités à participer à la lecture en commun des sûtras.


A partir de ce jour, tous les membres de la famille, en passant devant l’autel, doivent invoquer l’image et les mérites du Bouddha pour perfectionner leur propre conduite morale notamment en méditant sur les notions d’amour universel, de compassion et de parfaite égalité de tous les êtres.

Si après plusieurs années, les statues ou les images de Bouddhas sont avariées, on peut procéder à leur remplacement en prenant soin de porter les anciennes statues et images à la pagode ou au monastère habituels pour être conservées dans des stûpas. En aucun cas, il ne faut les laisser traîner dans les débarras.


II. La prosternation devant l’autel

1. Signification de l’acte de prosternation.

De son vivant, quand le Bhagavat arrivait avec ses disciples dans un pays, le roi et les dignitaires de la Cour venaient à sa rencontre, s’agenouillaient devant lui et posaient respectueusement à tour de rôle leur front sur ses pieds.

Ce geste traduisait, de la part de ces derniers, un sentiment de respect et d’admiration pour le guide de l’humanité, mêlé à la joie intense et à la fierté de le recevoir sur les terres du royaume.

Après l’entrée au Nirvana du Parfait, ses disciples puis ses adeptes ont continué jusqu’à nos jours à pratiquer le rite de la prosternation, le front appuyé au sol comme s’ils se trouvaient toujours devant le Bouddha revenu sur terre.


2. Comment pratiquer la prosternation ?

Si nous voulons exprimer notre ferveur et notre confiance envers le Bhagavat, nous devons nous agenouiller pieusement devant l’autel, nos deux mains posées à terre, les paumes ouvertes vers le ciel, comme si nous étions en train de soutenir les pieds du Parfait, puis lentement nous poserons notre front sur nos paumes ouvertes en concentrant notre pensée sur son image.

Avant la prosternation, nous devons au préalable garder notre coeur à l’abri de toute pensée impure, en particulier la convoitise ou la colère, puis faire méticuleusement nos ablutions, changer nos vêtements et endosser la tunique spéciale de cérémonie.

Nous nous présenterons lentement devant l’autel, allumerons une baguette d’encens et resterons debout une minute, les mains jointes devant la poitrine, la tête droite, les yeux regardant l’image du Bouddha, et invoquant en notre coeur Sa Bonté infinie, avec notre résolution de suivre fidèlement la voie qu’il nous a montrée.

Ensuite nous planterons la baguette d’encens dans le bol, ferons résonner un son de cloche, puis nous nous prosternerons trois fois devant l’autel.

Cette prosternation est empreinte à la fois de gravité et de joie intense. Elle est considérée comme la seule méritoire, par opposition aux deux autres formes de prosternation, caractérisées, l’une par une absence totale de modestie et de sincérité (Prosternation formaliste) et l’autre par un désir inavoué de s’attirer la faveur des Bouddhas en vue d’entreprises plus ou moins blâmables.


3. Prosternation et sincérité de cœur.

La prosternation n’a de signification valable que si notre comportement moral répond à l’exécution du geste. Du point de vue psychique, la prosternation est liée à quatre dispositions d’esprit présidant à la perfection du rite :

a) Pureté absolue du cœur. L’adepte agenouillé devant l’autel doit avoir la conviction qu’il s’est entièrement détaché du monde environnant et rejoint actuellement le royaume de la Parfaite Sérénité et la Béatitude des Bouddhas.

b) Possession parfaite des vérités du Dharma. L’adepte se situe dans le monde de la Réalité permanente, qui est tout le contraire de l’univers des illusions de la forme et du nom (nama-rupa) qui l’environne.

c) Réalisation de la vraie nature de son ego. L’adepte se rend compte de l’identité parfaite de son vrai ‘moi’ avec le Bouddha en devenir qui demeure au fond de son cœur. Il entrevoit à travers les murailles opaques de ses tendances et désirs, l’étincelle de bodhicité qui existe chez tout être vivant en une équanimité parfaite du monde des cieux à celui des enfers.

d) Libération totale de toute conception dualiste du moi et du monde extérieur. L’adepte s’aperçoit enfin qu’il peut être identique aux Bouddhas qu’il vénère, que tout n’est que le vide, et que la fin et les moyens ne constituent qu’une seule et éternelle entité, Sunyata (la vacuité).

Ces quatre dispositions d’esprit ne sont accessibles qu’aux adeptes déjà parvenus, à force d’étude et de pratique, à un degré relativement avancé de la connaissance de la doctrine bouddhique.


III. Les offrandes

Tout d’abord, il convient de préciser qu’il ne s’agit pas d’offrandes en l’honneur du Bouddha, comme le laisse entendre l’expression la plus répandue, mais d’offrandes aux Trois Joyaux (Triratna) qui sont : le Bouddha, le Dharma (la doctrine) et le Sangha (la communauté).

La pratique de ce troisième rite est la manifestation chez l’adepte, de son profond attachement à la doctrine et de son désir de contribuer par des moyens matériels au développement de l’enseignement bouddhique.


1. Signification des offrandes.

Une personne non avertie pourrait être tentée de demander : ‘Pourquoi le Parfait qui a déjà atteint le nirvana, tiendrait-il compte des offrandes matérielles du monde des humains ?’

La réponse est d’ordre moral : les adeptes du Bouddha gardent toujours son image vivante devant leurs yeux. Ils revoient le temps où le Bhagavat et ses disciples parcouraient le continent indien et recevaient partout des offrandes de nourriture de la part des habitants, du plus noble au plus humble. Les offrandes qu’ils déposent maintenant sur l’autel sont donc un symbole destiné à resserrer davantage les liens entre le Maître Vénéré de tous les temps à la génération actuelle.


2. Le choix des offrandes.

Une première règle s’impose : il faut bannir toute idée de luxe et d’ostentation dans l’accomplissement de ce rite. Tout doit être exécuté simplement et naturellement avec un cœur fervent. Une offrande ne doit jamais être une occasion pour festoyer et bien recevoir ses parents et amis.

Il est conseillé d’offrir aux Bouddhas : de l’encens, des fleurs, des fruits, de la lumière, un bol d’eau limpide, et, à l’occasion, du riz cuit à l’eau sans aucun plat d’accompagnement.


3. Les offrandes spirituelles.

Ce sont nos pensées qui comptent le plus ; elles suivent les volutes de fumées d’encens pour s’élever jusqu’aux trônes des Parfaits. Pour cette raison elles sont dénommées : les encens miraculeux du Cœur. Ils sont de cinq sortes :

a) L’encens de la Pureté absolue. Il s’adresse au corps de la Loi du Bouddha (Dharmakaya). Il représente la quintessence même de la ferveur et de l’attachement à la loi.

b) L’encens de la Concentration mentale. Il s’adresse à la nature vraie de notre ego, avec le désir intense de la voir se débarrasser totalement des filets de l’illusion qui l’enserrent.

c) L’encens de l’intelligence parfaite. Il s’adresse à la parcelle de la nature de Bouddha (bodhicitta) qui demeure cachée au fond de notre cœur avec le désir intense de la voir s’éveiller pour nous montrer la voie de notre libération.

d) L’encens de la libération totale. La voie étant ainsi aperçue, le désir de libération s’accompagne de la conviction absolue que nous ne représentons rien, que notre corps physique n’est que la combinaison des quatre grands éléments (terre, eau, feu, air) et que notre ego n’est qu’une partie infinitésimale de l’univers qui n’est lui-même que le vide.

e) L’encens du rejet des accumulations de l’intellect. Tout ce que nous considérons comme des connaissances ne constitue en réalité que les accumulations superficielles de notre intellect, qui sont sans aucune valeur au regard de la réalité absolue.

Ce dernier stade de notre disposition d’esprit doit nous permettre de parvenir à la finalité suprême qui est ‘l’insubstantialité’ même des lois du Dharma, comme de notre existence propre.

C’est en quelque sorte un état momentané de béatitude suprême qui nous offre ainsi une préconnaissance du véritable Nirvana.


4. Les offrandes au Dharma.

Elles résident dans l’étude des sutras, des règles de discipline et des commentaires faits par les sages du Bouddhisme.

A ceux qui en ont la possibilité, elles consistent dans la recherche, la traduction et la compilation de tous les documents bouddhiques dans des langues étrangères, de façon à constituer ensuite un véritable Tripitaka dans notre langue nationale.

Enfin, nous pouvons également contribuer, dans la mesure de nos moyens, à la publication et la vulgarisation de tous écrits sur le Bouddhisme.


5. Les offrandes au Sangha.

La vénération du Bouddha implique le respect et la confiance dus au Sangha, qui représente l’ensemble des disciples du Parfait dans la vie présente.

A tous les membres du Sangha, sans distinction de nationalités, d’écoles, ou de disciplines, nous devons réserver un accueil cordial et respectueux, et nous occuper de tous les problèmes d’ordre matériel qui les intéressent pour leur permettre de se consacrer totalement à notre enseignement.


Conclusion

En dehors des précieuses acquisitions d’ordre spirituel que nous avons examinées au début de cet article, la pratique habituelle des rites de la vénération des Bouddhas, de la prosternation, et des offrandes aux Trois Joyaux, apporte encore des avantages immédiats d’ordre moral, pour nous-mêmes comme pour tous les membres de notre famille.

1. Ces rites entretiennent au sein de notre foyer une atmosphère constante de sérénité, de joie intérieure et d’espoir pour tous, du plus âgé au plus jeune.

2. Ils nous préparent ainsi à accueillir avec calme et indifférence le jour de notre mort, assurés comme nous le sommes déjà, de trouver aussitôt le Pays du Suprême Bonheur avec tous les Bienheureux, Bouddhas et Bodhisattvas que nous invoquons chaque jour.

Recommandation importante

Il n’est pas superflu de rappeler que seules la ferveur et la pureté de coeur comptent dans l’accomplissement des rites ci-dessus.

Nous devons avoir la conviction que :

1. Les Bouddhas sont des êtres parfaits, doués de la véritable connaissance supra-humaine, et de la compassion infinie, et leurs exemples comme leurs enseignements doivent être constamment présents en notre esprit.

2. La doctrine bouddhique constitue le seul et vrai remède à nos souffrances d’ici-bas.

3. Les membres du Sangha sont des disciples du Bouddha du temps présent, nous devons les honorer et leur faire confiance.

4. Tous les êtres vivants sont égaux, car tous bénéficient de l’essence de la Bodhicité qui sommeille au fond de leur coeur.


Mars 2001
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