La Foi dans le bouddhisme

Compagnon

"Apprenez par vous-même" a dit le Bouddha.

Dans une religion qui est un chemin d’expérience, comment comprendre une notion telle que la foi ?

Par Jean-François Gantois

Dans le bouddhisme, la foi n’est ni un don de Dieu, il n’en connaît point, ni une révélation. Les textes parlent de confiance sereine et de science intérieure. Une confiance fondée sur une expérience spirituelle réussie, une confiance en les enseignements et en le Bouddha, qui sont indifférenciés : le Dharma (les enseignements) est le Bouddha, le Bouddha est le Dharma. Et cette confiance est sans cesse confortée par la validité de l’expérience. Et cette science intérieure qui est connaissance vécue permet, ultimement, d’éviter toute erreur et d’aller à la certitude.

Le bouddhisme n’exige aucune croyance inconditionnelle, aucune dévotion absolue, c’est pourquoi le Noble Sentier octuple ne débute pas par la foi mais par la vue correcte, qui n’est pas une simple compréhension théorique mais plutôt une constatation, une habileté à voir les choses telles quelles sont.

La foi n’a donc rien d'une croyance ni d’une adhésion à un système de croyances.

Le Bouddha a dit : Ne vous laissez pas guider par les discours, les traditions, ou l'ouï-dire ; ne vous laissez pas guider par l'autorité des textes religieux, eux-mêmes objets de manipulations ; ne vous laissez pas guider par la seule logique ou dialectique, ni par la considération des apparences, ni par le plaisir de philosopher, ni par la vraisemblance ni par l'autorité des maîtres et des supérieurs. Apprenez par vous-mêmes à reconnaître ce qui est mauvais, faux et méchant et, l’ayant observé et approfondi, ayant compris qu'il génère négativité et souffrance, abandonnez-le. Apprenez par vous-mêmes à reconnaître ce qui est utile, méritoire bon et, l’ayant observé et approfondi, ayant compris qu'il génère bénéfice et félicité, acceptez-le et suivez-le.

Dans ce soutra, le Bouddha désigne cinq facteurs constituant la base d’une croyance : la foi aveugle, l'inclination, la tradition, la considération des apparences et la spéculation sur les opinions. Il explique que la véracité d'une chose ne peut être prouvée par l’un ou l’autre de ces cinq facteurs.

La bakhti, la vénération envers le maître, n’est pas non plus une foi aveugle, mais la reconnaissance envers celui qui nous offre ce qui est le plus précieux : le moyen de se libérer et d’aider tous les êtres à se libérer de la souffrance dont la cause première est l’ignorance. Cette vénération repose aussi sur l’expérience.

Le Bouddha a parlé de ce qu’il avait compris lui-même correctement par son expérience. Les Écritures mentionnent : ayant compris par lui-même... par ses propres connaissances spécifiques... ou encore, le Bouddha déclare : « Je sais... j'ai vu... j'ai compris, » etc. ou « Se sont élevées en moi la vision, la connaissance, la sagesse, la science, la lumière... autant de synonymes de compréhension vécue.

On peut aussi dire que les hommes de foi sont ceux qui ont mené loin l’expérience spirituelle, la compréhension vécue, cest-à-dire les bodhisattvas, ou l’ont mené à terme : les bouddhas.

Source : buddhaline.net
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tirru...
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Merci pour texte Compagnon,

Le Dhamma désigne à la fois l'enseignement du Bouddha et la réalité, ce qui Est Ainsi. Prendre refuge, c'est s'appuyer sur le Bouddha, le Dhamma et le Sangha et les prendre comme abri afin d'expérimenter la réalité. Bouddha disait que celui qui voit le Dhamma, voit le Bouddha. Cela passe aussi par la pratique régulière et constante à la fois formelle, via la méditation quotidienne et informelle dans la pratique de l'attention dans les activités de tout les jours. La meilleure façon de faire la synthèse de ce qu'on a appris est à mon sens de désapprendre, de privilégier la pratique et freiner dans la consommation démesurée d'enseignements qui renforce l'égo et le moi. A ce titre, le Dhamma est comparé à un radeau qu'il faut abandonner (une fois sur l'autre rive !) :

Mahatanhasankhaya Sutta (MN 38) a écrit : « Bhikkhus, aussi purifiée et lumineuse que soit cette vision des choses , si vous vous y attachez et si vous la chérissez comme un trésor personnel, serez-vous capables de comprendre que ce Dhamma, semblable à un radeau, est enseigné non pas pour s’en saisir, mais [seulement] pour traverser ? »

Quelques ajouts sur Saddha :
Mohan Wijayaratna a écrit : Les textes canoniques et post-canoniques emploient le saddhà pour désigner la foi. Dans le contexte bouddhique, ce terme signifie la confiance sereine. De nombreux passages canoniques montrent la valeur de cette foi ou confiance. Par exemple, lorsqu'ils approuvent une bonne conduite de certains moines, les Ecritures canoniques ont l'habitude de mentionner saddhà comme une nécessité fondamentale de leur vie de renoncement. Ils mentionnent : "Cela vous convient bien à vous, les fils de familles, qui êtes venus de la vie de la maison à la vie sans maison à cause de saddhà".

La saddhà est mentionnée dans le Samyutta-nikaya comme la meilleure richesse pour l'homme dans le monde. Par la saddhà ou peut traverser le déluge de la transmigration. La saddhà est également mentionnée comme une nécessité préliminaire dans le projet d'une association avec un maître. Ces exemples montrent que la valeur de la "foi" est reconnue par le bouddhisme...

...La saddhà dans le bouddhisme est considérée dans le sens de la confiance envers le Maître. Selon l'explication de Ludowyk Gymroi, cette foi bouddhique comme émotion est insuffisante pour atteindre la libération. La confiance sereine qui se trouve dans les écritures canoniques ne signifie pas que le Bouddha demande que l'on accepte n'importe quelle opinion, idée, ou méthode sans discuter. Certainement, le Bouddha n'a pas interdit la critique ni l'esprit d'analyse. Une foi à priori n'est jamais demandée. Gyomrou Ludowyk ajoute que si saddhà était considérée comme un élément essentiel pour atteindre la libération (nibbana) elle aurait dû être placée dans la Noble Voie octuple. Ainsi Ludowyk propose que, si l'on utilise le terme "foi" pour désigner saddhà, il soit employé dans le sens de "confiance, car le simple terme "foi" peut donner une idée trompeuse. Il semble que Walpola Rahula partage cette opinion. Il écrit : "saddhà à vrai dire, n'est pas la foi comme telle, mais plutôt une sorte de confiance née de la conviction.(...)"...

...Les textes canoniques parlent des laïcs qui adoptaient la confiance sereine (saddha) dans le Bouddha après avoir écouté sa Doctrine. Cet énoncé signale que la personne qui a écouté la Doctrine est arrivée à croire au Bouddha. Sur le plan psychologique, lorsque nous parlons de confiance en quelqu'un, cela signifie que nous avons confiance en sa parole et que nous acceptons qu'il dit la vérité. Les personnes dont il est question dans les textes croyaient par conséquent que Bouddha disait la vérité. Ainsi, de nombreux passages des écritures canoniques nous montrent que la foi de telle ou telle personne naquit de confiance envers le bouddha, sa doctrine et sa communauté des disciples (laïcs et religieux qui ont atteint les hautes étapes de la libération). La foi en cette Doctrine signifie qu'ils croyaient que cette doctrine était véridique. La foi en cette communauté signifie qu'ils avaient confiance en ses membres considérés comme honnêtes et disant la vérité...La foi de l'adepte bouddhiste, selon les Ecritures canoniques, possède un aspect cognitif.
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jules
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La foi en dhyana (méditation) est très importante. Elle consiste en quelque sorte dans le fait de se confier à cette pratique avec la certitude de ses bienfaits. Ces bienfaits ne dépendent pas de la volonté ou de l'intelligence du pratiquant, ils sont inhérents à cette pratique. Réaliser la foi en dhyana c'est donc continuer à pratiquer quand bien même surgiraient des doutes sur l'utilité de le faire. Cette foi s'exprime donc directement par l'exercice inconditionnel de cette pratique.
Compagnon

Personnellement quand j'ai commencé à étudier et pratiquer, je l'ai fait pour essayer, je recherchais la sérénité, j'avais essayé plusieurs choses sans succès. Sans avoir une confiance excessive, j'ai lu d'abord des explications, j'ai trouvé cela convainquant, du moins certaines explications trouvaient sens dans mon vécu, alors j'ai commencé à méditer aussi régulièrement, et vu l'effet que cela produisait par rapport à ce qui était promis, j'ai trouve cela convainquant, j'ai donc persévéré.
Toutefois, personnellement je préfère le terme "confiance" plutôt que "foi" concernant le Bouddha. Ayant un passif chrétien marqué, pour moi le terme "foi" est associé à une croyance religieuse monothéiste, de type "croire sans voir", hors pour moi justement le Dharma n'est pas cela, je peux voir expérimentalement au quotidien que ce qui m'est "promis" (si on veut), se réalise, c'est donc concret et vérifiable, visible dés maintenant. Vous saisissez ?
Dernière modification par Compagnon le 02 avril 2017, 22:51, modifié 1 fois.
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axiste
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Merci pour ces textes. J'aime bien le terme confiance aussi, mais le terme de foi peut aussi indiquer un mouvement plus résolu et donc marquer un degré que le terme de confiance ne sous entend pas : dis plus simplement, la foi traduirait une forte détermination à sortir de la souffrance et la confiance serait plus douce, plus légère, plus dépendante de l'extérieur.
Ceci dit, les mots ont leurs résonances, et je suis aussi sensible à ce passé judéo-chrétien qui me présentait la foi comme un mystère insoluble et donc inaccessible. Une fois détectée cette résonance, je peux changer le carillon du mot et le faire sonner autrement.La foi pour moi c'est plus que de la confiance, c'est quand il n'y a plus d'autre choix, c'est quelque chose qui s'impose.
Quelquefois, je fais des crises de foi :) mais ce n'est pas douloureux, tout au contraire !
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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Détermination. Résolution. Constance. Diligence juste ?
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axiste
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Oui pour moi cela se rapprocherait davantage de détermination ou résolution. Constance est encore autre chose, parce que le chemin me semble un peu "spiralaire", il y a une notion d'impermanence car-et- la foi se renouvelle incessamment.
Diligence juste oui dans le sens de s'appliquer à, ou d'être impliquée.
Cinq clefs pour la parole correcte :
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Compagnon

Je parlais de constance dans l'effort, maintenir un effort continu, régulier. La régularité c'est important. Mais en même temps peut être que d'un coté certaines pratiques et habitudes avec le temps demandent moins d'effort puisqu'elles deviennent des "automatismes" et qu'en même temps on doit accroître son effort sur d'autres domaines, un peu comme un sportif pour le pentathlon par exemple : il commence par maîtriser une discipline sportive, au début il galère, puis petit à petit, il est à l'aise dedans, et à un certain stade il n'a plus de très gros effort à faire dedans, c'est alors qu'il passe à la seconde discipline et il doit alors refaire des efforts importants pour la maîtriser, etc...
Dans son livre sur les plus beaux textes tibétains Matthieu Ricard explique que plus on avance sur la voie plus les "démons" qui s'y opposent sont puissants. Donc il est logique que l'effort pour les vaincre s'accroisse.

Persévérance tient, on a pas mentionné celui-là. Je crois.
La discipline. D'ailleurs dans discipline y a disciple.
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axiste
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Alors oui constance dans l'effort à chaque instant, c'est pas évident.
Les démons sont puissants et reviennent avec force, mais ils sont éclairants puisqu'ils pointent des choses que l'on doit observer...

J'ai longtemps exécré le mot discipline qui me faisait penser aux bataillons militaires ou à tout ce qui était fait et imposé sans être intégré, puis avec le temps le mot a pris un autre sens, il est devenu plus subtil…il s'est élargi. Oui, il y a disciple dans discipline. Les mots sont comme les gens, ils sont ce qu'on appose sur eux dans l'instant…l'idéal étant de juste refléter le contexte de l'instant et de ne rien apposer d'autre.

Finalement les mots sont nos miroirs les plus fidèles.

Mais oui, persévérons ! :)
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jules
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axiste : Finalement les mots sont nos miroirs les plus fidèles.
A propos de miroir, il est à noter à quel point la syntaxe est structurée sur la base d’une sorte de projection d’un sujet se reflétant dans un miroir, c’est à dire d’un sujet nécessitant d’être défini selon un certain nombre d’attributs consistant à lui donner une existence. Finalement, j’ai l’impression que le « je » tire sa substantialité apparente de la syntaxe, ce qui expliquerait la fameuse phrase de la bible quand il est dit : "Au commencement était le verbe" :?:
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