On fait « le vide » ?
Oui. Mais entendons-nous sur ce mot. Il ne s’agit pas d’un vide négatif, celui d’une absence, d’une panne psychique, d’une sorte de délaissement pathologique de soi-même. Le méditant est, au contraire, invité à mobiliser toute son attention, à être au maximum présent à lui-même et à son environnement. Afin d’être attentif à une Présence.
Qu’entendez-vous par « Présence » ?
II s’agit de se rendre présent à l’Essentiel, qui prend des formes diverses en fonction de l’enracinement dans une religion particulière. Un bouddhiste peut, dans ce chemin intérieur, se laisser toucher par une Réalité au-delà de toute réalité, une Réalité non-personnelle, qu’il appelle Busho (Nature de Bouddha).
Le chrétien, lui, se tient prêt à accueillir, parfois même à ressentir, la présence du Maître intérieur : le Christ. Cette pratique méditative est donc accessible à tous, même si ce que chacun met derrière le mot de « Présence » ne correspond pas à la même réalité spirituelle, expérimentée.
Comment faire que cette méditation zen, née dans un univers mental très étranger au monothéisme, devienne spécifiquement chrétienne ? Ce fut l’objet d’un petit livre « L’assise en Dieu » . La méditation zazen peut nous apprendre les bases physiques et même psychiques sur lesquelles devrait s’appuyer la prière chrétienne. En particulier, l’attention au souffle. On peut, de plus, greffer sur le souffle le nom de Jésus ou tout autre mot saint. Cette répétition va progressivement unifier le mental, le corporel et le spirituel. Ainsi va-t-on avancer sur le chemin de l’unification intérieure. Ce mot sacré s’implante progressivement à l’intérieur du cœur et « ça » se met à prier tout seul dans les profondeurs de la personne. La « Prière du Cœur » - encore appelée « Prière de Jésus » - que j’ai reçue par la suite, procède des mêmes principes, même si elle est totalement baignée dans une atmosphère christique.
(...)
Quel est ce point central ?
La Bible nous dit que Dieu a planté sa tente dans le cœur de l’homme. Nous sommes, chacune et chacun d’entre nous, le « temple de l’Esprit ». S’unifier, c’est laisser la parole à cet Autre qui respire en nous. C’est chercher chaque jour davantage à correspondre à ce Désir qui nous travaille, c’est relier toutes nos tendances à ce soleil intérieur. Comme l’enfant à naître « travaille-t-il » le corps et le cœur de sa mère ? Cette image de l’enfantement de Dieu en nous a été utilisée par certains grands, comme Maître Eckart, ou Angélus Silesius. Il y a là bien davantage qu’une simple allégorie poétique. Oui, nous avons à « porter » Dieu en nous, nous avons à le protéger, à le laisser grandir dans le « ventre » de notre cœur ; nous avons aussi à le laisser naître dans nos vies pour mieux l’offrir au monde. La vie spirituelle est une patiente et belle gestation.
(...)
Oser reconnaître que, plus nous avançons, moins nous « savons » qui est Dieu ?
Nous souffrons peut-être actuellement, dans l’Église, d’un excès d’affirmation. On nous dit « Dieu est ceci, Dieu veut cela. » Mais qu’en savons-nous ? Je me méfie un peu des prédications trop fortes, trop brillantes, trop affirmatives. Être chrétien ne consiste pas simplement à adhérer à un credo et à des dogmes. La voie chrétienne est un chemin personnel, une rencontre intime avec le Christ. Or, trop d’affirmations et de certitudes ralentissent ce cheminement. La vie spirituelle suppose le questionnement, voire même le doute. Le Père André Louf, ermite cistercien, a coutume de dire, dans une formule un peu provocante, que les moines doivent être des experts en athéisme ! La vie spirituelle suppose que nous acceptions de nous dénuder de toutes nos certitudes sur Dieu. Ne pas trop parler « sur » Dieu, beaucoup se taire pour tenter de l’écouter. Le Christ ne naîtra dans nos existences que si nous nous débarrassons de notre trop-plein de certitudes. Redoutons d’être comme cette « auberge » archicomble où il n’y avait pas de place pour lui. Seule la « crèche » de notre humilité pourra accueillir sa naissance.
http://www.bmehafms.fr/Benoit-BILLOT-mo ... e-zen.html