
Les petites choses n'ont l'air de rien, mais elles donnent la paix ... - Dans chaque petite chose, il y a un Ange.
Georges Bernanos
(...)Quand vous êtes entré dans la pièce, vous vous êtes assis et vous avez ôté votre veste. Où était votre esprit quand vous avez ôté votre veste ? Voyez seulement l'acte, l'acte d'ôter sa veste, sans agent qui se soit interposé. En réalité, il n'y a jamais d'agent, c'est une surimposition, une forme de mémoire qui apparaît après l'action. Dans l'acte lui-même, seule existe l'unité. Vous pouvez croire qu'il est possible d'agir et de penser « j'agis » en agissant, mais les deux ne se produisent pas en même temps, ainsi que je vous l'indique souvent. Le « je » en tant qu'agent est une pensée, l'action en est une autre et ne pouvant cohabiter, leur rapide succession donne une impression de simultanéité, mais il ne peut y avoir qu'une pensée à la fois.
Voulez-vous dire que vous n'avez pas ôté votre veste en toute connaissance de cause ?
Voyez... Je suis assis ici, mais je ne suis pas mon corps, il est objet de ma perception. Cet objet a chaud et c'est cette sensation de chaleur qui ôte la veste, un acte tout à fait spontané, mais personne n'agit. Que j'aie ôté ma veste apparaît après coup, c'est une idée, une image de moi-même en tant qu'agent. Durant l'action, il n'est pas possible d'être dans une idée de soi et dans l'action en même temps. Vous êtes violoniste. Quand vous jouez du violon, vous ne pouvez penser: Je joue du violon, vous êtes entièrement impliqué dans le mouvement, sans l'image d'un interprète. La pensée « je joue » peut rapidement traverser votre esprit, mais à cet instant-là, vous êtes dans l'idée, pas dans le jeu ; notre langage est dualiste. Quand vous dites : je joue du violon, cela signifie que le jeu appartient à un je ; si vous identifiez le je avec l'interprète, vous avez une idée de vous-même jouant du violon. En réalité, ce je n'a rien à voir avec celui qui joue.
L'insondable silence
Jean Klein
Roberto Juarroz – Tout communique avec quelque chose (2002)
Tout communique avec quelque chose.
Mais avec quoi communiquent
les fleurs qui s’ouvrent la nuit ?
Avec quoi communique
la poitrine devenue mon dos ?
Avec quoi communique
la césure de la main amputée ?
Avec quoi communiqueront mes mots
au jour qui suivra ma mort ?
Avec quoi communique
l’absence si peu prolixe de dieu ?
Avec quoi communiquent
les images qui démantèlent les rêves ?
Avec quoi communique
celui qui joue seul avec concentration ?
Quelque chose peut-être communique avec tout.
Est-il seulement possible de concevoir
quelque chose qui ne communique avec rien ?
Absolument isolé,
un zéro n’existerait même pas.