Au fil du temps

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tirru...
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extrait du livre Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus a écrit :
[...]De qui et de quoi en effet puis-je dire : « Je connais cela ! » Ce cœur en moi, je puis l'éprouver et je juge qu'il existe. Ce monde, je puis le toucher et je juge encore qu'il existe. Là s'arrête toute ma science, le reste est construction. Car si j'essaie de saisir ce moi dont je m'assure, si j'essaie de le définir et de le résumer, il n'est plus qu'une eau qui coule entre mes doigts. Je puis dessiner un à un tous les visages qu'il sait prendre, tous ceux aussi qu'on lui a donnés, cette éducation, cette origine, cette ardeur ou ces silences, cette grandeur ou cette bassesse. Mais on n'additionne pas des visages. Ce cœur même qui est le mien me restera à jamais indéfinissable. Entre la certitude que j'ai de mon existence et le contenu que j'essaie de donner à cette assurance, le fossé ne sera jamais comblé. Pour toujours, je serai étranger à moi-même. En psychologie comme en logique, il y a des vérités mais point de vérité. Le « connais-toi toi-même » de Socrate a autant de valeur que le « sois vertueux » de nos confessionnaux. Ils révèlent une nostalgie en même temps qu'une ignorance. Ce sont des jeux stériles sur de grands sujets. Ils ne sont légitimes que dans la mesure exacte où ils sont approximatifs.

Voici encore des arbres et je connais leur rugueux, de l'eau et j'éprouve sa saveur. Ces parfums d'herbe et d'étoiles, la nuit, certains soirs où le cœur se détend, comment nierais-je ce monde dont j'éprouve la puissance et les forces ? Pourtant toute la science de cette terre ne me donnera rien qui puisse m'assurer que ce monde est à moi. Vous me le décrivez et vous m'apprenez à le classer. Vous énumérez ses lois et dans ma soif de savoir je consens qu'elles soient vraies. Vous démontez son mécanisme et mon espoir s'accroît. Au terme dernier, vous m'apprenez que cet univers prestigieux et bariolé se réduit à l'atome et que l'atome lui-même se réduit à l'électron. Tout ceci est bon et j'attends que vous continuiez. Mais vous me parlez d'un invisible système planétaire où des électrons gravitent autour d'un noyau. Vous m'expliquez ce monde avec une image. Je reconnais alors que vous en êtes venus à la poésie : je ne connaîtrai jamais. Ai-je le temps de m’en indigner ? Vous avez déjà changé de théorie. Ainsi cette science qui devait tout m'apprendre finit dans l'hypothèse, cette lucidité sombre dans la métaphore, cette incertitude se résout en oeuvre d'art. Qu'avais-je besoin de tant d'efforts ? Les lignes douces de ces collines et la main du soir sur ce cœur agité m'en apprennent bien plus. Je suis revenu à mon commencement. Je comprends que si je puis par la science saisir les phénomènes et les énumérer, je ne puis pour autant appréhender le monde. Quand j'aurais suivi du doigt son relief tout entier, je n'en saurais pas plus. Et vous me donnez à choisir entre une description qui est certaine, mais qui ne m'apprend rien, et des hypothèses qui prétendent m'enseigner, mais qui ne sont point certaines. Etranger à moi-même et à ce monde, armé pour tout secours d'une pensée qui se nie elle-même dès qu'elle affirme, quelle est cette condition où je ne puis avoir la paix qu'en refusant de savoir et de vivre, où l'appétit de conquête se heurte à des murs qui défient ses assauts ? Vouloir, c'est susciter les paradoxes. Tout est ordonné pour que prenne naissance cette paix empoisonnée que donnent l'insouciance, le sommeil du coeur ou les renoncements mortels.[...]
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tirru...
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Bonjour Floch,
Floch a écrit :
11 juin 2020, 21:00
L'article que tu mets en lien est très intéressant car il montre les différentes interprétations que nous pouvons donner au mot "soi".
Floch a écrit :L'article que tu mets en lien est très intéressant car il montre les différentes interprétations que nous pouvons donner au mot "soi".
Tout à fait, mais de façon général on distingue deux sortes de Soi, le personnel, le moi ou l'égo et l'universel, celui lié aux opinions eternalistes ou un sorte de Soi cosmique etc..

anjalimetta
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cgigi2
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Bonjlour à tous :)

Axiste a bien exprimer un état très juste que l'on perçois dans l'observation de l'esprit,mais il me semble important de souligner l'importance de Samatha pour établir le calme et la paix nécessaire pour alterner vers Vipassana, il devrait se produire un équilibre d'alternance entre Samatha et Vipassana
trop de Samatha endors et trop de Vipassana provoquer des attentes irréalistes, la souplesse comme un doux balancement de l'un à l'autre est préférable, tout bouge tout le temps, le mental est un enfant instable difficile à redresser, :)
avec metta
gigi



La plupart des systèmes de méditation mettent l’accent sur la composante samatha. Le méditant concentre son esprit sur certains éléments, comme des récitations, une flamme de bougie, une image religieuse ou autre, et exclut toutes les autres pensées et perceptions de sa conscience. Le résultat est un état de ravissement qui dure jusqu’à ce que le méditant termine la séance. Cet état est beau, délicieux, plein de sens et séduisant, mais seulement temporaire. La méditation Vipassana aborde l’autre composante, la perspicacité.
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axiste
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Merci Gigi pour les commentaires qui débouchent sur la perspicacité ou...peut être le discernement ? Les mots jouent leurs reflets, mais au delà des états de ravissement il y a toujours un chemin...
En tous les cas, pour vivre dans le monde, les mémoires positives accumulées sont un ressort d’énergies et donc elles ont bien leur place à chaque instant.

Je reviens à la question sur le soi parce qu’il me semble que Floch l’a évoqué a plusieurs reprises et donc voilà quelques mots coulés là :
...il est certain qu’il n’y a pas rien, sinon on tombe dans le nihilisme.

Mais ce n’est pas le soi puisqu’on ne peut le trouver ni au niveau du corps ni au niveau des consciences qui s’expriment, vu qu’elles bougent tout le temps et que le soi serait une sorte d’identité fixe.
Cela n’existe pas, même si nous devons l’imaginer pour nous relier.

C’est un peu étrange, comme si nous devions créer cette fixité fictive pour accrocher nos paroles et nos vues, les mélanger dans nos actes et nos sons pour déconstruire et reconstruire à l’infini...sorte de vibrations où s’entrechoquent nos sons et nos actions...

Mais dans ce monde les choses et les consciences se complexifient, nous inventons à l’infini, le mouvement est là qui nous demande aussi de faire le jour sur nos émotions, nos sensations, nos perceptions...plonger dans la peur par exemple et voir d’où elle surgit, travailler le calme et voir comment il se génère, etc.

Tout ceci nous oblige à prendre du recul à chaque instant, à faire bouger nos lignes ...nous ne sommes pas rien et en même temps nous ne sommes rien : nous laissons notre empreinte a chaque pas et nous savons cette béance et cette brèche qui déchire ce qui est. Il y a au fond de chacun d’entre nous un indicible jamais révélé et puis ceci n’a pas de fond. Et souvent nous le fuyons...

Pour autant, nous sommes ici.
Autant être en accord, avec nous mêmes et cette sorte de musique qui s’élève au creux de chaque instant: ce qui est là.
On peut se voir disparaître à chaque instant, on peut se voir réapparaître à chaque instant, on peut voir ces mécanismes et devenir plus conscients.
On renaît tout au long de nos vies.

Quand à la mort physique, je ne sais pas.

Certains disent qu’il est possible de quitter son corps et de revenir dedans. Comme Nicolas Fraisse, ou comme ceux qui ont expérimenté une mort imminente.
Ce sont des états de conscience et ils semblent exister hors du corps, hors de nos sens physiques. On ne sait pas tant qu’on n’expérimente pas.
C’est peut être juste augmenter la taille du labyrinthe, ou alors Au contraire des lâcher prise possible sur les choses...mille interprétations Possible pour un même événement...

Et il est possible qu’il y ait des chemins à l’infini dans différents états de conscience ...il est possible que nous découvrions des consciences nouvelles que nous ne connaissions pas.

Pour autant, se libérer de la souffrance est essentiel pour traverser cette vie et lui donner le meilleur sens pour tous. C‘est bien ce qui m’apparait là.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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cgigi2
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Axiste dit:

Certains disent qu’il est possible de quitter son corps et de revenir dedans. Comme Nicolas Fraisse, ou comme ceux qui ont expérimenté une mort imminente.
Ce sont des états de conscience et ils semblent exister hors du corps, hors de nos sens physiques. On ne sait pas tant qu’on n’expérimente pas.
C’est peut être juste augmenter la taille du labyrinthe, ou alors Au contraire des lâcher prise possible sur les choses...mille interprétations Possible pour un même événement...

Et il est possible qu’il y ait des chemins à l’infini dans différents états de conscience ...il est possible que nous découvrions des consciences nouvelles que nous ne connaissions pas.

gigi dit:

Oui tout est possible mais dans les LIMITES de ce Samsara qui mène inéluctablement à la souffrance, à la maladie, à la mort, c'est ce que le Bouddha à enseigner, nul endroit pour se reposer nul endroit pour poser sa tête

le questionnement ne peut répondre que par d'autres questions, les méandres du mental sont vastes et parfois si attractifs, nous sommes un enchevêtrements de consciences qui apparaissent et disparaissent à chaque (micro secondes) on ne peut pas toutes les intercepter,
le Bouddha a démontrer la méthode qui mène à la porte de sortie, faire fi des objets du mental ne plus s'identifier à aucun qu'ils soit beau, laid, bon, mauvais, et la méditation pratiquer de façon juste et détendu sans aucune attente dans la Foi en le Dhamma en soi-même mène à Nibana Ici et Maintenant love

avec metta
gigi
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Bonjour Gigi

Merci Gigi,pour ta réponse, je répondais aux questionnements de Floch et il me semblait important d’exprimer tout ceci. Parce que chacun un jour ou l’autre se pose ces questions...les éluder n‘apporte rien.

Tout est possible effectivement et certains expérimentent ces états de conscience. S’ils le font, très bien, qui sommes nous pour juger?

L’important n’est pas de dénigrer, mais de voir ce qui apparaît et c’est très différent pour chacun.

Pour ma part juste l’impression d‘augmenter la taille du labyrinthe,( cela veut dire que ces expériences n’ont pas vraiment d'écho en moi, mais pourtant un respect pour ceux qui tâtonnent dans ces voies, parce que c’est ce qui est, pour eux, et c’est leur choix finalement.)

Donc lâcher prise sur tous ces jugements ou considérations me semble aussi salutaire.

Par contre, je te rejoins sur l’importance d’éradiquer la souffrance en soi même jap_8

Et de suivre le Noble Octuple Sentier.

jap_8 anjalimetta
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Floch
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Bonjour à tous
tirru... a écrit :
13 juin 2020, 16:30
Floch a écrit :
11 juin 2020, 21:00
L'article que tu mets en lien est très intéressant car il montre les différentes interprétations que nous pouvons donner au mot "soi".
Tout à fait, mais de façon général on distingue deux sortes de Soi, le personnel, le moi ou l'égo et l'universel, celui lié aux opinions eternalistes ou un sorte de Soi cosmique etc..
Oui tout à fait. C'est la question que je me posais.
axiste a écrit :
14 juin 2020, 13:51

Je reviens à la question sur le soi parce qu’il me semble que Floch l’a évoqué a plusieurs reprises et donc voilà quelques mots coulés là :
...il est certain qu’il n’y a pas rien, sinon on tombe dans le nihilisme.

Mais ce n’est pas le soi puisqu’on ne peut le trouver ni au niveau du corps ni au niveau des consciences qui s’expriment, vu qu’elles bougent tout le temps et que le soi serait une sorte d’identité fixe.
Cela n’existe pas, même si nous devons l’imaginer pour nous relier.
Ca correspond bien à la perception que j'ai du soi qui n'est pas rien et du soi qu'on crée et qu'on prend pour moi.
Pour autant, nous sommes ici.
Autant être en accord, avec nous mêmes et cette sorte de musique qui s’élève au creux de chaque instant: ce qui est là.
On peut se voir disparaître à chaque instant, on peut se voir réapparaître à chaque instant, on peut voir ces mécanismes et devenir plus conscients.
On renaît tout au long de nos vies.
Et tant qu'à créer un moi illusoire, autant être en accord avec lui et agir de la meilleure des manières.

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Coucou Floch

Bah le soi qui n‘est pas rien je ne sais pas trop ce que ça voudrait dire...
C’est ici que s’arrêtent les mots pour ma part.
Reconnaître que nous ne savons pas.
Et accepter aussi de ne pas savoir, c’est bien aussi.
Et tant qu'à créer un moi illusoire, autant être en accord avec lui et agir de la meilleure des manières.
Oui finalement et il reste à définir ce qui pour soi serait la meilleure des manières.
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Floch
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axiste a écrit :
15 juin 2020, 22:21
Coucou Floch

Bah le soi qui n‘est pas rien je ne sais pas trop ce que ça voudrait dire...
C’est ici que s’arrêtent les mots pour ma part.
Reconnaître que nous ne savons pas.
Et accepter aussi de ne pas savoir, c’est bien aussi.
Ce qui m'a semblé important était de les distinguer, mais passer du temps à chercher ce qu'on ne peut connaitre me parait vain en effet.
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tirru...
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Bonjour,

Peut être une stance du Dhammapada commenté par J.P Osier comme support de réflexion :
160. De fait le Soi est le maitre du Soi, quel autre maître pourrait-il avoir ? Grâce à un Soi bien dompté, on trouve un maître difficile à trouver 183.
Attā hi attanō nāthō
kō hi nāthō parō siyā
attanā hi sudanténa
nātham labhati dullabham

183. Le pronom nathā prête à discussion. Ce terme signifie en effet refuge, et non pas Seigneur ou Maître, un sens qu’il peut avoir en sanskrit. W. Rahula (L ’Enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens, Paris, 1961, p. 85) propose donc de traduire le début de la strophe par «Chacun est son propre refuge». Cette conception se justifie par le désir d’éviter une résurrection du Soi brahmanique, donc une substance, là où le pronom attā signifie seulement le pronom réfléchi, indépendamment de toute spéculation métaphysique. Mais l’environnement du passage contesté ne paraît laisser aucun doute : il y est question de domination, et de maîtrise de soi, comme condition d’un enseignement efficace. De plus, la même pensée est reprise pratiquement dans le mêmes termes en S 380 : « De fait le Soi est le maître du Soi, car le Soi a le destin du Soi : contrôle-le comme un marchand un bon cheval ! » Difficile de voir dans le marchand le «refuge» du cheval... La condition de la maîtrise en général passe par la maîtrise de Soi comme condition préalable, se vaincre avant de vaincre, etc.. une maxime qu’illustrent assez bien les vers de MBh, V-34, 64-65 cités par Rau : « Il faut étudier le Soi par lui—même en contrôlant l’esprit, l’intelligence et les sens : le Soi est l’ami du Soi tout comme il est son ennemi. Le Soi est ami seulement pour qui s’est vaincu par lui-même : contrôlé, il est l’ami, non contrôlé, il est l’ennemi.» — Radhakrishnan cite BG, VI—6 et 7 : «Qu’on s’élève soi-même par soi-même; qu’on ne plonge pas soi-même (dans l’abîme), car on est à soi-même son allié, à soi-même son ennemi. Celui-là est à soi-même son propre allié qui a triomphé de lui-même par lui-même. Mais on se comporte envers soi-même comme un ennemi »
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